Le groupe
Biographie :

Esoteric est un groupe de funeral doom / death metal anglais formé en 1992 et actuellement composé de : Gordon Bicknell (guitare / Lysergene, ex-Absolution); Greg Chandler (chant / guitare), Mark Bodossian (basse / ex-Mournful Congregation, ex-Pantheist, ex-Chalice), Joe Fletcher (batterie) et Jim Nolan (guitare). Esoteric sort son premier album, "Epistemological Despondency", en Juillet 1994 chez Aesthetic Death, suivi de "The Pernicious Enigma" en 1997, de "Metamorphogenesis" en Août 1999 chez Eibon Records, de "Subconscious Dissolution Into The Continuum" en Juin 2004 chez Season Of Mist, de "The Maniacal Vale" en Juin 2008, de "Paragon Of Dissonance" en Novembre 2011, et de "A Pyrrhic Existence" en Novembre 2019.

Discographie :

1994 : "Epistemological Despondency"
1997 : "The Pernicious Enigma"
1999 : "Metamorphogenesis"
2004 : "Subconscious Dissolution Into The Continuum"
2008 : "The Maniacal Vale"
2011 : "Paragon Of Dissonance"
2019 : "A Pyrrhic Existence"


Les chroniques


"A Pyrrhic Existence"
Note : 19/20

Il aura fallu attendre huit ans pour enfin entendre du nouveau de la part d'Esoteric mais l'attente est terminée, "A Pyrrhic Existence" est enfin là et le pavé dure près de quatre-vingt minutes. Entre temps, le maître d'oeuvre Greg Chandler n'a pas chômé pour autant puisqu'il nous a sorti trois albums avec Lychgate que je vous conseille vivement d'écouter.

Mais revenons à nos moutons ésotériques avec ce nouvel album qui a mis du temps à arriver mais qui décide de frapper fort d'entrée de jeu. "Descent", que le groupe a dévoilé en avant-première et qui ouvre l'album, n'est rien de moins que le morceau le plus long de l'album et de la carrière du groupe, arrivant de peu devant "Awaiting My Death" qui terminait le cinglé "Epistemologic Despondency". Du coup, voilà vingt-sept minutes quarante qui mettent les points sur les "i" tout de suite et sans ménagement histoire de montrer que le groupe ne dormait pas pendant ces huit longues années et que sa capacité à déformer l'espace temps est toujours intacte. Un début magnifique aux réminiscences de "The Maniacal Vale" et une volonté toujours aussi affirmée de faire dans l'extrême pur et dur ! Les riffs pèsent des tonnes et on retrouve bien ce croisement entre dépression et voyage interstellaire avec ces mélodies d'une beauté noire réhaussées d'effets psychés sur les guitares et la voix typiques d'Esoteric. La patte du groupe est tellement reconnaissable que l'on se sent d'emblée à la maison avec ce premier morceau massif dans tous les sens du terme. En parlant de masse, précisons pour les étourdis que les quatre-vingt minutes de l'album sont comme d'habitude étalées sur deux CDs et que le groupe atteint cette durée en six morceaux ! Esoteric n'est pas vraiment la porte d'entrée idéale pour les gens qui ne sont pas encore familiarisés avec le doom. Par contre, une fois que vous avez trouvé vos repères, ce groupe vous promet systématiquement un sacré voyage et écouter un album d'Esoteric tient plus de l'expérience initiatique que de l'incartade musicale. On retrouve d'ailleurs au milieu de ce premier morceau des effets bruitistes en fond qui rappellent légèrement le break apocalyptique de "Bereft" sur "Epistemological Despondency", toutes proportions gardées puisqu'ici cela reste discret comme un petit clin d'oeil.

J'ai d'ailleurs l'impression que le groupe a voulu renouer avec ses racines extrêmes dans une certaine mesure, on entend plus d'une fois des ambiances bien plus noires ou malsaines que sur les deux précédents albums et certains arrangement bruitistes nous ramènent dans l'esprit aux deux premiers albums. "Rotting In Dereliction" est un bon exemple de ce côté plus sale et plus torturé qui se fait sentir sur "A Pyrrhic Existence". On est en présence d'une sorte de synthèse de la folie des débuts et de la beauté de l'époque "The Maniacal Vale", un hybride aussi inquiétant que beau qui joue au yoyo avec votre estomac et vous laisse complètement lessivé à la fin des six morceaux qu'il contient. "Consuming Lies" ramène lui aussi ce côté plus sale et presque expérimental des débuts sur certains passages et contribue à rendre ce nouvel album d'Esoteric un peu plus ésotérique justement. Si "Paragon Of Dissonance" avait laissé une très légère marge supplémentaire à la mélodie, le groupe revient ici à quelque chose de plus dur, de plus extrême et de plus flippant. Pas un retour aux débuts, non, plus, loin de là même, mais le fait que Greg Chandler se soit replongé dans « The pernicious enigma » pour en faire une très bonne version remasterisée a peut être laissé quelques traces. Quand on connaît bien la musique d'Esoteric, on ne tombe pas de sa chaise de surprise, mais la fibre expérimentale est ressortie et on se prend une fois de plus un coup de massue derrière les oreilles en se disant que décidément ces gars-là ont du talent et un univers bien à eux qui nous happe à chacune de ses manifestations. "Culmination" possède d'ailleurs un break vraiment barré avec un solo qui a l'air de n'avoir rien à faire là et une rythmique assez décalée pour un morceau d'Esoteric histoire d'ajouter une étrangeté de plus au palmarès déjà bien fleuri des Anglais. "A Pyrrhic Existence" marque vraiment un retour des expérimentations et des délires limite bruitistes chez Esoteric pour le plus grand plaisir des amateurs de doom extrême qui trouvaient que la mélodie commençait à prendre un peu trop de place ces derniers temps.

Un nouvel album plus dur et plus extrême que ses deux prédécesseurs qui marque dans une certaine mesure le retour des sonorités plus psychées, flippantes ou expérimentales avec lesquelles les débuts du groupe nous avaient familiarisés. La beauté et la mélodie trouvent toujours la place de s'exprimer et "A Pyrrhic Existence" forme une sorte de synthèse de ces deux visages. Dans tous les cas, c'est une nouvelle fois un excellent album de doom aussi funèbre que spatial que vient de nous livre Esoteric et il est comme d'habitude hors de question de passer à côté. Vous savez donc ce qu'il vous reste à faire d'autant qu'entre les différentes éditions en vinyle et la version mediabook double CD, vous n'avez aucune excuse !


Murderworks
Décembre 2019




"Paragon Of Dissonance"
Note : 19/20

Quand on vous parle des maîtres du doom Anglais, on a tendance à vous citer My Dying Bride, Paradise Lost, Anathema et toute la bande. Mais c'est oublier un groupe en particulier qui est arrivé légèrement plus tard, mais qui pour moi a marqué, et continue à marquer le doom, j'ai nommé Esoteric. Trois années sont déjà passées depuis la sortie du magnifique "The Maniacal Vale", l'album qui notait le retour du groupe aux doubles galettes et qui avait laissé tout le monde pantois. Après pas mal de galères de line-up, voilà les Britanniques de retour avec un autre double album "Paragon Of Dissonance". Pour moi chaque sortie d'Esoteric est un grand moment, le groupe ayant une capacité impressionnante à faire voyager l'auditeur.

Alors quoi de neuf depuis le dernier album ? Globalement le groupe poursuit sur la lancée de "The Maniacal Vale", à savoir un visage plus "accessible", plus mélodique et moins oppressant que ses prédécesseurs et carrément moins tordu que les deux premiers chefs d'oeuvre cosmiques du groupe. Mais ce que le groupe a perdu ces dernières années en crasse et en ambiances flippantes, il l'a récupéré dans des mélodies magnifiques tout en gardant une ambiance aussi pesante. Depuis quelques albums au lieu de vous faire entendre la version musicale d'un cerveau cramé par on ne sait quelles substances (je vous renvoie aux deux premiers albums si vous ne les connaissez pas encore), Esoteric préfère vous emmener dans l'espace et de préférence aux abords d'un trou noir.

Quand vous écoutez un album d'Esoteric le temps ne s'écoule plus du tout de la même façon, leurs albums durent entre 1h30 et 2 heures et vous jureriez pourtant qu'ils ne dépassent pas les 45 minutes. Ce doom mélodico-spatial a un don pour vous emmener très loin le temps d'un album, une musique lourde et pesante qui vous rend paradoxalement plus léger en vous emmenant faire un trip en apesanteur. Mais malgré ce côté mélodique et planant, on trouve encore des restes de la vieille époque à travers certaines dissonances ou les fameux cris totalement hallucinés de Greg Chandler. Certains trouvent cet album trop lumineux pour du Esoteric, mais comme je le disais au delà du côté mélodique et planant du Esoteric new look, il y a encore un côté inquiétant. Et même si le premier titre de l'album paraît gentil au premier abord, il n'en est pas moins parsemé de riffs bien sales.

Et c'est surtout après ce premier morceau, d'après moi, que l'album reprend les marques habituelles du groupe, et je conseillerais par conséquent aux déçus de réécouter attentivement cette nouvelle galette. A lire certaines réactions, j'avais l'impression que certaines personnes les classaient aux côtés des groupes de pop. Or, je vous garantis que si vous prenez le temps de l'apprivoiser, ce qui est d'ailleurs nécessaire à chaque sortie du groupe, vous comprendrez que ces cinglés n'ont pas cédé à la tentation de se calmer avec le temps et l'âge. Le temps n'a de toute façon aucune emprise sur ces mecs, ils ne viennent pas du même monde que vous et moi. Esoteric est toujours aussi pesant, toujours aussi beau, planant et vous emmène toujours dans des galaxies lointaines, très lointaines. Sauf que là où ils vous emmènent, il ne va pas falloir s'attendre à rencontrer beaucoup de Jedis.

Vous ne rencontrerez personne d'ailleurs, tout est détruit ici, il n'y a plus personne pour vous entendre crier. D'ailleurs, il n'y a personne à entendre crier non plus. Vous fermez les yeux et suivant les morceaux, vous verrez un champ de ruines ou l'univers entier se dérouler sous vos yeux. Le genre d'albums après lesquels il faut un palier de décompression pour pouvoir redescendre sur terre sans dégats, l'heure et demie que dure ce "Paragon Of Dissonance" va vous laisser sur les rotules, totalement lessivé, hagard, le regard dans le vide. Et le pire c'est qu'on en redemande, et on se surprend à ressortir tous les autres albums, juste pour le plaisir. Parce qu'au cas oû vous ne seriez pas très familiers avec le groupe, sa discographie complète est une collection de chefs d'oeuvre à ne louper sous aucun prétexte. Je sais que ce groupe restera dans les annales, ses albums seront reconnus par tout le monde à leur juste valeur le jour venu.

A mes yeux (enfin mes oreilles plutôt), Esoteric est un des très très grands du doom toutes époques confondues, ils ont un talent, un sens de la mélodie et une facilité à vous plonger dans un monde dévasté que je ne retrouve chez aucun autre groupe du genre. Bien sûr, des groupes qui vous donnent l'impression de marcher dans un champ de ruines on en trouve à la pelle dans le doom. Mais il n'y en a aucun autre qui me fait le même effet qu'Esoteric, ce mélange de dévastation, de psychédélisme, de beauté et de terreur. En fait je crois que jamais un groupe n'a aussi bien porté son nom.

On est tour à tour émerveillé par la beauté de cette musique, et effrayés par ses accès de démence et de rage. Elle nous bouscule de l'un à l'autre sur toute la durée de l'album, elle nous malmène en permanence. C'est le risque quand on accepte de voyager dans des mondes inconnus, les conditions de vie peuvent se montrer brutales. Mais croyez-moi sur parole, l'expérience vaut carrément le coup et tous ceux qui sont partis avec Esoteric n'en sont jamais revenus, moi y compris. Impossible de ne pas y revenir une fois que vous y avez goûté, même si vous trouvez tout ça un peu rude au début il y a quelque chose qui vous attirera constamment jusqu'à ce que vous saisissiez toute la substantifique moelle d'Esoteric. Et à ce moment là vous serez foutus, piégés dans cet album et cette discographie infernale.

Si vous connaissez déjà le groupe et que vous hésitez, cessez de le faire tout de suite et foncez sur cet album, c'est un chef d'oeuvre de plus au palmarès intemporel d'Esoteric. Si vous ne connaissez pas encore et que vous appréciez le doom, ou tout simplement les musiques immersives qui vous embarquent dans un univers parallèle, vous devriez déjà être en train de le chercher. Dans les deux cas vous savez ce qui vous reste à faire, Esoteric est un des monstres du doom et ce serait criminel pour les fans du genre (et même pour les autres) de passer à côté d'un album aussi terrible dans tous les sens du terme.


Murderworks
Février 2012


Conclusion
Le site officiel : www.esotericuk.net