Le groupe
Biographie :

Envy est un groupe de post-hardcore japonais formé en 1992 et actuellement composé de : Nobukata Kawai (guitare), Manabu Nakagawa (basse), Tetsuya Fukagawa (chant / programmation), Tsuyoshi "Yoshi" Yoshitake (guitare), Yoshimitsu Taki (guitare) et Hiroki Watanabe (batterie). Envy compte huit albums studio à son actif et est actuellement signé chez Temporary Residence Limited.

Discographie :

1998 : "From Here To Eternity"
2001 : "All The Footprints You've Ever Left And The Fear Expecting Ahead"
2003 : "A Dead Sinking Story"
2006 : "Insomniac Doze"
2010 : "Recitation"
2015 : "Atheist's Cornea"
2020 : "The Fallen Crimson"
2024 : "Eunoia"


La chronique


Quelques années après l’excellent "The Fallen Crimson", les Japonais de Envy reviennent avec un nouvel album intitulé "Eunoia", ce dernier étant le huitième album studio du groupe, et le deuxième avec le nouveau line-up, actif depuis 2018. Et en quelques trente ans d’existence, la formation japonaise n’a absolument rien perdu de sa superbe et sait toujours composer des morceaux d’une intensité rare, mélangeant l’urgence d’un post-hardcore désespéré avec la douceur d’un post-rock des plus apaisants. Mêlant sensation d’impuissance, acceptation et émerveillement devant les petites choses de la vie, "Eunoia" n’est certainement pas "l’album de trop" et s’inscrit directement dans la lignée des précédents albums tout en marquant une évolution remarquable dans les compositions. S’étalant sur une grosse trentaine de minutes, cet album est le plus court que le groupe ait réalisé et nous propose un genre de "slice of life" musical, parsemé de différentes formes d’émotions : espoir, liberté, émerveillement, douceur, panique et doute, faire une liste exhaustive serait difficile tant chaque seconde de ce que propose Envy est empreint d’une sincérité et d’une intensité que l’on trouve difficilement chez d’autre groupes, même dans la scène post-hardcore qui déborde pourtant d’excellentes formations qui repoussent toujours les limites de la perfection.

En effet, c’est un album beaucoup plus lumineux et calme auquel on fait face cette fois, on aura ainsi plus souvent des passages en chant clair ou en spoken word, à l’image de "Beyond The Raindrops" qui propose un morceau entièrement en clair, et qui se positionne comme le passage le plus apaisant de l’album, apportant une réelle chaleur réconfortante tout du long de sa première moitié pour exploser dans un torrent de lumière et d’espoir dans sa seconde moitié, cette dernière étant probablement un des meilleurs passages de tout l’album tant il vient puiser dans toutes les émotions positives que peuvent transmettre le groupe, pour venir les transposer musicalement. On aura également ce genre de passage d’un calme et d’une beauté envoûtante dans d’autres morceaux de l’album comme "The Night And The Void". On aura également trois morceaux entièrement en spoken word, tout d’abord "Lingering Light" et "Lingering Echoes" avec le premier qui viendra plus faire office de transition dans l’album et d’introduction au morceau suivant que pièce musicale unique en soi, il est donc bon de les considérer comme un ensemble qui ne serait en réalité qu'une pièce musicale cohérente. Si l’introduction se pose sur un fond sonore très minimaliste et froid, ce qui suit vient créer poser une ambiance urgente et désespérée, les mots débités sur un débit variable, en n’étant pas chantés, parviennent à donner une sensation de réelle panique, de crise existentielle, comme si on était perdu au milieu d’un monde inconnu et trop vaste. Le dernier morceau de l’album, "January’s Dusk", s’il ne comporte également que du spoken word, propose une ambiance tout à fait différente du morceau précédent, ce dernier étant beaucoup plus lumineux et porteur d’espoir, levant le voile sur la part sombre et agitée de "Lingering Echoes" pour faire face à quelque chose de nouveau et inspirant.

Pas d’inquiétude cependant, Envy n’ont pas effectue un virage complet vers le post-rock en chant clair et spoken word (quand bien même c’eût été le cas, ça ne serait absolument pas un problème) et les adeptes de leur morceaux plus violents seront servis avec "Whiteout" qui sera probablement le morceau le plus rentre dedans de l’album. Sans aller dans une violence pure presque propice au mosh pit façon Birds In Row, on aura un retour des racines punk du groupe avec un morceau beaucoup plus proche des premiers albums du groupe en termes de sonorité, au programme : batterie ultra rapide, riffs incisifs et chant hurlé, ce morceau arrive juste après la douceur de "Beyond The Raindrops" comme un coup dans le dos, pas le genre qui blesse mais celui qui réveille et motive pour aller de l’avant. En termes de chant hurlé, on aura aussi le morceau qui viendra véritablement ouvrir l’album après "Piecemeal" qui sert d’introduction. En effet, "Imagination And Creation" nous propose aussi une première partie très énergique mais pas au service de la violence. Le morceau s’inscrit plus dans la lignée de "Statement Of Freedom" qui venait ouvrir l’album précédent et porte quelque chose de très solennel dans la façon de déclamer ce chant hurlé. Paradoxalement, ce sont donc les morceaux qui sont musicalement moins extrêmes qui vont porter le plus d’émotions intenses et profondes, sans pour autant venir obscurcir le reste.

Les noms des morceaux étant en anglais, c’est cependant bien japonais que les paroles sont chantées, ou parlées. Rien d’étonnant puisque ça a toujours été le cas avec Envy, et on serait même déçu d’avoir des morceaux en anglais tant le japonais revêt quelque chose de puissant pour exprimer des émotions intenses dans les styles post-hardcore et screamo. Les autres groupes de la scène japonaise parviennent souvent à revêtir la même intensité que Envy en utilisant leur langue natale, et, pour le public européen, majoritairement habitué à l’anglais à quelques exceptions près, cette singularité de la scène japonaise apporte un vent de fraîcheur avec des consonnances nouvelles et qui viennent frapper différemment à l’oreille. C’est particulièrement le cas avec les spoken words car la clarté des paroles, très bien mises en avant dans le mixage par ailleurs, ouvre la porte à ces mots qui nous sont tout à fait étrangers et qui, pourtant, par la seule force de la musique et du ton employé, nous donnent toutes les informations dont nous avons besoin pour comprendre les intentions et le message de Envy.

La seule chose que l’on reprochera à "Eunoia", c’est bien d’être trop court. L’album passe d’une traite et à la fin du dernier morceau on attend déjà l’album suivant. Avec ce nouvel opus, Envy confirme une fois de plus que même après trente longues années, le groupe est toujours en forme et toujours capable de véhiculer des messages intenses en émotions, positives comme négatives, mélangeant le tout parfaitement avec une sincérité que l’on ne peut pas nier. Si la scène japonaise a toujours été prolifique dans ce domaine, Envy se positionne une fois de plus comme un des fers de lance de cette scène aux côtes de formations comme Heaven In Her Arms (pas d’album cette année mais "Dawn Yarn" reste une des meilleures sorties musicales de 2024, rien que ça) ou Asunojokei. On ne peut donc que prendre notre mal en patience et espérer que cet album ne soit pas le dernier que Envy nous proposera car il semblerait que la formation ait encore de beaux jours devant elle. En attendant, les plus chanceux auront l’occasion de les voir dans divers festivals en 2025 ou en concert sur leur tournée japonaise en Mars.


Praseodymium
Janvier 2025


Conclusion
Note : 19/20

Le site officiel : www.envybandofficial.com