"Déviante"
Note : 18/20
Il y a quelques années, par un hasard incertain, je découvrais la formation française Kells. J’étais rapidement tombé sous le charme, bien que ce ne soit pas mon style de prédilection de prime abord. Leur metal dit "néo metal symphoniqueé aux touches avant-garde metal m’avait surpris et surtout, la voix de Viriginie Goncalves, proche d'Amy Lee, m’avait charmée. Séparé depuis 2015, je n’avais jamais vraiment retrouvé un groupe ou un album de la sorte. Transportons-nous en 2022, où je fais la chronique de The Erinyes, sorte de supergroupe de metal symphonique proposant trois chanteuses de haut niveau. Parmi celles-ci, une certaine Justine Daaè, également fondatrice d’Elyose. Je m’étais empressé d’écouter son travail et quelle ne fut pas ma surprise de retrouver avec joie, la même force et énergie ressenties par le passé avec Kells.
Cette longue prémisse sert donc de contexte à ma chronique du nouvel album d’Elyose, "Déviante", leur quatrième en carrière. Si vous n’avez pas encore déposé l’oreille sur celui-ci, je me ferai tout de suite l’honneur de vous spoiler le scénario : Elyose ne fait aucun quartier avec cet album. Pour les fanatiques de guitares, dès les premiers riffs à la huit cordes d’Anthony Chognard, nous avons affaire ici à une gifle au visage digne des concours absurdes vus sur le net.
Cela pourrait s’avérer froid et robotique, comme certains albums de djent, à l'image de la production, claire et moderne somme toute, malgré la profondeur des guitares. Ajoutez à cela des arrangements industriels et techno, appuyés par la voix mélodique et puissante de Justine, et vous avez ici une combinaison parfaite. Elle navigue dans un large registre parfaitement maîtrisé, permettant de pousser avec brio des lignes mélodiques recherchées. D’ailleurs, dans la même ligne de pensée, certains d’entre vous seraient peut-être tentés de ne pas apporter une attention particulière aux paroles, mais cela serait une grave erreur. Justine et ses confrères proposent des textes réfléchis, qui percutent, questionnent et remettent en question l’ordre établi. Je prêche pour ma paroisse, mais que le tout soit chanté en français ajoute un cachet supplémentaire à la musique du groupe, les lignes mélodiques n’étant pas livrées de la même manière qu’en anglais par exemple.
Malgré une ligne directrice en trame de fond, le metal moderne et industriel d’Elyose ne tombe jamais dans l’ennui. Les dix morceaux qui constituent l’intégralité de "Déviante" possèdent chacun leur propre identité, et cet amalgame entre cohésion et diversité est plus que bienvenu. Pour moi, il témoigne d’un talent indéniable et d’un souci de créer des morceaux frôlant la perfection. La plus grande qualité de cet album, à mon avis, est que malgré qu’il puise dans plusieurs influences, il est difficile d’y apposer des étiquettes. Cela rend le tout pratiquement unique malgré les différents styles représentés à travers l’album.
Je donne rarement une note finale aussi haute, me réservant une petite gêne, laissant celle-ci au classique quasi instantané. Cependant, lorsqu’un groupe comme Elyose frappe dans le mile avec autant de précision, il faut rendre à celui-ci les honneurs mérités.
"Reconnexion"
Note : 15/20
Le female-fronted metal souffrira certainement toujours de cette image accolée de niaiseries, chialeuses et histoires de chiffons. Et ce, quand bien même plus d’une formation se démarque par son talent, sa violence ou encore la profondeur de ses textes. Rien n’y fera donc, la société restera machiste jusqu’au bout. De là, rien d’étonnant à ce que certaines si perdent totalement et accusent n’importe quel quidam de man-spreading ou d’être un "mâle blanc hétérosexué oppressant". En tout cas, le monde musical sera toujours plus ouvert. Enfin, en théorie. Et c’est pile dans cette fente ouverte que se glisse Elyose et son nouvel album : "Reconnexion".
A vrai dire, je n’avais que vaguement écouté "Rédemption" et hormis cela, je ne m’y connais guère en matière d’Elyose. Alors quand Elyose sort un nouvel album intitulé "Reconnexion", bien inutile est-il de me demander avec quoi ils entendent se reconnectés. Peut-être avec les premières inspirations, leurs débuts, aucune idée. Quoi qu’il en soit, j’ai bien plus d’idées sur Elyose avec ce "Reconnexion". Le son se veut très symphonique et soigné, "Un Autre E’Te’" et "Psychosis" affirmant d’emblée ceci. Soulignons d’ailleurs l’intervention de Mark Jansen (Epica, After Forever, etc) sur ce dernier titre. D’autres guests sont au programme pour la suite, notamment Flo Lemonnier ("Les Mots Qui Me Viennent") et Raf Pener ("Asyme’trie"). Si les premiers morceaux ne m'ont pas posés de souci lors de l’écoute, je dois confesser que le reste de l’album a dérangé mes habitudes. Notamment certains textes, auxquels je n’ai pas accroché, n’étant pas habitué à ce genre de paroles très lyriques et romantiques (dans le sens littéraire du terme, pas nanar à l’eau de rose). Laissons à part les lyrics et concentrons-nous sur le rendu global de ce "Reconnexion" qui se veut très symphonique ("De Tout Là-Haut", "La Veuve Noire"). L’album se veut de même varié, certaines compositions étant bien plus axées grand public, "Mes 100 Ciels" en tête. Quant à moi, je soulignerai tout particulièrement l’efficacité de "Psychosis" et de "Asyme’trie".
Dans son ensemble, ce nouvel album d’Elyose n’est donc pas repoussant. Il respecte des codes que nous retrouverons aisément dans le metal symphonique voire dans un style plus industriel. Personnellement, il m’a fallu plus d’une écoute pour réellement pouvoir appréhender et entrer dans ce disque. La première écoute ne m’a pas réellement transcendé, la faute à un style relativement éloigné de mes affinités quotidiennes. Mais par la suite, "Reconnexion" m’est apparue sous un autre jour. Conséquence certainement d’une autre journée, d’une autre ambiance et d’un autre état d’esprit. Bref, Elyose effectue sa "(Re)connexion" avec mes oreilles !
"Ipso Facto"
Note : 15/20
Le premier album d'Elyose, "Théogyne", paru en 2012, promettait déjà de belles choses. Le fait de mêler electro, metal et chant lyrique présentait une certaine originalité mais le son et les compositions manquaient d'un petit quelque chose. D'assurance et d'expérience peut-être ? Les Parisiens ont gagné l'un et l'autre durant ces trois ans. Trois ans qui furent marqués par deux tournées assez importantes : le support de Therion et de Tarja Turunen pour leurs tournées européennes... En effet, beaucoup de chemin a été parcouru depuis "Théogyne", sur le plan scénique et musical mais aussi au niveau du line-up. Elyose a intégré un nouveau guitariste et sa grande implication sur le nouvel album est clairement perceptible.
Ansi, "Ipso Facto" est paru en Juin de cette année et autant le dire tout de suite il met la barre haut. La production est impeccable et les compositions sont soignées et élaborées.
La plupart des titres sont basés sur l'efficacité comme le démontre le très bon "Femme De Verre". La musique est bien plus puissante et agressive que sur l'album précédent. L'electro prend toute son ampleur. Elle se mêle avec brio à un metal moderne et rageur. Le mélange est à tel point réussi qu'on peut même entendre quelques passages de dub-step bien amenés dans "Chronocide" qui ne choquent pas l'oreille et qui ont tout à fait leur place. La voix de Justine, vibrante et puissante, sert très bien cette musique et ne fait pas retomber la puissance. Elle n'a pas tendance à adoucir par ses mélodies comme c'est souvent le cas avec les groupes à chanteuse. Ici, elle mène la danse avec vigueur et force.
La seule petite faiblesse de ce disque est le morceau "De Guerre Lasse". Il présente de bons moments, comme son pont, mais son refrain aux paroles un peu légères semble un peu trop évident et déjà entendu. Il ne gâche cependant rien et se fond avec le reste de l'album.
Du fait de l'arrivée de Marc, le nouveau guitariste, les riffs sont beaucoup mieux pensés que sur "Théogyne". Ils sont efficaces et restent aisément en tête. La batterie a elle aussi bien évolué. Ses parties sont bien plus techniques qu'avant. Elles apportent une dynamique nouvelle et ajoutent un aspect massif en renfort de la guitare et de la basse.
Hormis "De Guerre Lasse" qui est un peu en dessous du lot, tous les titres sont bons et se valent. Leur ordre et leur enchaînement sont bien pensés et donnent à "Ipso Facto" une vraie cohésion. Chaque morceau a son petit quelque chose de surprenant ou d'original. De ce fait, il est difficile de se lasser durant l'écoute. Nous pouvons citer l'apparition du chanteur d'Arkan pour quelques parties de grunt sur "Plus Qu'Humain", les parties dub-step déjà évoquées sur "Chronocide", les bits presque dansants de "Droit Dans Les Yeux", ou l'introduction très smooth, jazz, de "Contretemps".
En bref, Elyose se fait une place et affirme un style tout à lui, bien loin du metal symphonique. Ce deuxième album est très bien produit, bien écrit et a son lot d'originalité, le tout mené par une voix maîtrisée et dynamique. "Ipso Facto" est un bon album et il laisse entrevoir de belles choses pour l'avenir...
"Théogyne"
Note : 12/20
Question… Peut-on pratiquer le metal lyrique à chanteuse et être encore original ?
Vous avez 1h, au top je ramasse les copies.
Eh ouais, c’est dur hein… Avec des fers de lance du niveau de The Gathering, After Forever, Nightwish, Within Temptation ou plus récemment le très bon premier album de System Divide, presque tous les horizons ont été défrichés, du plus calme au plus violent, et le risque de sonner clichesque à souhait est presque aussi gros que le membre mondialement célèbre d’un certain Rocco S.
Le jeune groupe Elyose, originaire de Paris, nous offre ici sa vision de la chose et il faut constater qu’il ne s’en sort pas si mal pour une première production. Pour se démarquer de la masse, il a choisi de baser sa musique sur la variété des arrangements, et nous maintient en alerte en nous faisant passer en un claquement de doigt de la cour d’un cloitre grégorien au dance floor d’une boîte de nuit. C’est vrai que sur le papier, le mélange semble quelque peu indigeste mais Elyose arrive à conserver une certaine homogénéité tout au long des 9 titres de "Théogyne" .
Là où le bât blesse et ce qui fait que l’on aimera ou détestera, c’est le chant. Sans remettre en cause la justesse ni les capacités vocales de Justine, il faut admettre que je n’aurais pas été contre un peu plus de variété dans les lignes vocales, voire un peu plus de folie.
Quant au bloc metal du groupe, il assure bien son rôle, tantôt enlevé, tantôt martial, se réservant même des passages instrumentaux fort bien trouvés.
Un premier album donc, avec les quelques imperfections que ça implique mais qui augure un avenir intéressant pour la formation pour peu qu’elle sache pousser son concept plus loin et creuser la faille qu’elle vient de créer.
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