Le groupe
Biographie :

Dischordia est un groupe de death metal technique américain formé en 2010 et actuellement composé de : Josh Fallin (batterie / Brea, ex-Horde), Keeno (guitare / chant) et Josh Turner (chant / basse). Dischordia sort son premier album, "Project 19", en Juillet 2013 chez Rogue Records America, suivi de "Thanatopsis" en autoproduction en Novembre 2016, et de "Triptych" en Avril 2022 chez Transcending Obscurity Records.

Discographie :

2011 : "Creator, Destroyer" (EP)
2013 : "Project 19"
2015 : "Sources" (EP)
2016 : "Thanatopsis"
2018 : "Binge / Purge" (EP)
2022 : "Triptych"


La chronique


Outch, bah ça va pas être facile cette chronique parce que Dischordia là, c’est du lourd à tous les niveaux ! En effet, j’ai fait la connerie d’aller voir vite fait sur Metallum qui est Dischordia, et là je lis que les mecs jouent du technical death metal, donc, avec beaucoup d’a priori je me suis dit que j’allais encore tomber sur des zigouigouis de guitares, des basses fretless qui font des "Wwooooommm" et une batterie qui tape 6 patterns de drum en 15 secondes. J’étais prêt à me taper une saucée fortement inspirée par Archspire ou Equipoise, j’ai l’habitude donc j’ai pas trop eu besoin de m’imposer un conditionnement particulier et là, dès que j’ai enclenché la lecture de "Triptych", j’étais pas au bout de mes surprises ! Dischordia, c’est du chaos technique, de la densité sonore et de l’empilement de strates imposantes, du riffing qui s’entremêle, évolue, se rompt subitement, contraste dans le non sens donc, oui, c’est du "technical", mais pas du "technical" dans sa signification la plus étendue. C’est là que la classification des genres a ses limites car au final, technical veut dire technique, mais cette même technique n’implique pas forcément le même modus operendi selon ses usages. La virtuosité, la vitesse, la capacité de créer des rythmes complexes, tout cela s’obtient par la technique mais n’engage pas les mêmes choix artistiques. Ainsi, Meshuggah, Dream Theater, The Dillinger Escape Plan ou encore Psyopus, c’est technique, mais les classer dans le même registre, c’est pas possible, ou du moins peu judicieux, c’est un paramètre à prendre en compte, même si on parle ici de death metal.

Du coup, il est technique en quoi ce groupe Dischordia ? Eh bien disons que son fond de commerce, c’est de noyer l’information principale qui est la composition, par des micros informations qui sont les riffs et les parties instrumentales. Dans une lignée proche de Gorguts ou d’Ulcerate, avec un penchant un poil plus… hardcore (un terme à prendre cependant avec des pincettes, je fais ce que je peux), les ricains prennent un malin plaisir à perturber l’auditeur. Pendant cinquante-six minutes, au travers de neuf compositions denses et intransigeantes, Dischordia défend, selon ce qui est décrit sur son Bandcamp, du technical / brutal / dissonant death metal, et cette définition sied à ravir à la formation précitée. En effet, la musique présente sur "Triptych" s’apparente à des mouvements de foule incontrôlés, à l’impact d’une tornade sur une maison américaine en bois, dont l’anarchie et la désolation après son passage témoignent de vents contraires, de micro turbulences, de forces opposées qui se jouent des règles de probabilités. Prenez Imperial Triumphant ou Portal pour la dissonance, structurez cela du mieux que vous le pouvez dans une musique très fluctuante, mâtinez le tout d’influ' à la Gorguts et vous aurez une idée de ce que propose ce skeud incroyable.

Largement moins digeste qu’un Ulcerate, le metal de Dischordia demande un effort d’écoute et nous gratifie de presque une heure de cette expérience unique. Il va me falloir beaucoup de temps pour en assimiler les moindres subtilités, réussir à dessiner des contours cohérents au travers des multiples écoutes avant d’avoir, ne serait ce qu’une once de familiarité avec le matériau sonore. Le jeu en vaut la chandelle car "Triptych" recèle d’une multitude d’éléments fascinants, et puis franchement, ça poutre grave ! Tu veux t’enfiler un truc robuste dans les cages à miel ? Bah là t’as dl’a matière ! Après, tout n’est pas que violence et chaos, des plages étranges apparaissent parfois en milieu de morceau, comme ces deux notes de piano qui tissent un fond musical à une impro de flûte contemporaine sur "Bodies Of Ash" ou sur le track d’après, "Spirit Of Dirt" qui, au bout de trente-cinq secondes de musique, s’engage dans un mouvement cyclique apaisant, avec des cloches en fond et une percussion type marimba… On a aussi droit à une intro bourrée d’échos, de réverbe et de sons de gouttes au début de "The Carriage". Dischordia s’autorise tout et à n’importe quel moment, ce qui accentue ce caractère expérimental déjà bien présent au travers de l’écoute. Ces moments d’illustrations sonores ne font pas tache, au contraire même, ils arpentent des détours qui désorientent encore plus l’auditeur pour mieux le finir lorsque le chaos électrique se remet en place.

Si vous aimez, Antigama, Gigan, Gorguts, Pyrrhon, Ulcerate, Meshuggah, le contemporain, le free jazz, le mathcore, la musique de films chelous, les compositions sérieuses de Frank Zappa, Ion Dissonance, Portal, bref, si le bizarre et l’intense vous attire, si 500 écoutes minimum pour comprendre un disque représentent un intérêt, voici un disque complètement adapté à vos envies déroutantes. En ce qui me concerne, l’expérience possède un petit goût de reviens-y, la qualité des compositions, le niveau des musiciens, le son, la complexité chaotique paradoxalement cohérente, "Triptych" engage un rite initiatique métallique aussi revêche que transcendantal, idéal pour entretenir le(s) paradoxe(s).


Trrha'l
Avril 2023


Conclusion
Note : 18/20

Le site officiel : www.facebook.com/dischordiaband