"Eonian"
Note : 17/20
Alors que le black metal a connu une sorte de renouveau ces dernières années, l’un des
groupes les plus influents du black metal symphonique revient sur le devant de la scène. Je
pense qu’il n’est plus vraiment utile de présenter Dimmu Borgir, mais je sais qu’il y a de
nouveaux amateurs de musique qui se convertissent chaque jour. Fondé en 1993 par
Shagrath (chant / Chrome Division, Ov Hell) et Silenoz (guitare / Insidious Disease), le
groupe a connu de nombreux changements de line-up. Aujourd’hui, le groupe est composé
des deux musiciens précédents auxquels s’est ajouté Galder (guitare / basse, ex- Old Man’s
Child) en 2000. Le trio a entre autres joué en compagnie de Mustis (claviers), ICS Vortex
(basse, chant / Arcturus, Borknagar), Nicholas Barker (batterie / Brujeria, Lock Up…),
Hellhammer (batterie / Mayhem, Arcturus, ex- Shining…) et Snowy Shaw (basse / chant),
et leur héritage musical était composé de neuf albums jusqu’à il y a peu. "Eonian", dernier-né
des flammes de l’enfer froid de Dimmu Borgir, que les fans n’osaient même plus espérer,
pointe lentement le bout de ses bracelets à clous. Pour cet opus, la batterie a été
enregistrée par Daray (Vesania, ex- Vader).
Et le premier titre de cet album est "The Unveiling". Très mystérieux au début, il ne tarde pas
à faire intervenir une rythmique symphonique qui fera se dresser les poils des amateurs du
genre. On retrouve la voix puissante du charismatique Shagrath, qui n’a en rien perdu de sa
puissance, sous un univers à la fois froid mais également très doux grâce aux orchestrations
et aux choeurs, mais le black metal sombre reprend peu à peu le dessus. Après cette
première mise en bouche, c’est "Interdimensionnal Summit" qui prend le relais avec des riffs
plus énergiques et des orchestrations qui donnent le ton. La rythmique en elle-même est
également plus puissante et plus imposante, mais garde cet aspect travaillé qui séduit tant.
Si les choeurs apportent un réel plus au titre, certains passages plus lents commencent à
me lasser. Heureusement, "Aetheric" revient imposer quelques riffs glacés à son public, mais
avec une touche prog assez surprenante. Cependant, le titre reste très entraînant, et on se
laisse facilement prendre au jeu.
Très surprenant, "Concil Of Wolves And Snakes" fait intervenir quelques invités. Mikkel Gaup
et son chant guttural mystique, ainsi que Martin Lopez (Soen, ex-Opeth) et ses
percussions puissantes. Si le titre n’est finalement pas très éloigné d’un black metal tribal,
les ambiances, bien que différentes, se mêlent parfaitement aux orchestrations. Plus calme
à nouveau, "The Empyrean Phoenix" est le titre qui illustre à mon avis le mieux cet album. Les
riffs sont froids et l’ambiance glaciale se développe petit à petit autour de la musique du
groupe, mais le solo vient réchauffer l’atmosphère de manière presque imperceptible,
donnant à la musique une autre saveur, et la suite de la composition me paraît différente.
Plus massif mais aussi plus hypnotique, "Lightbringer" est une véritable machine à headbang,
et les riffs du groupe ressemblent définitivement plus à ceux qui ont fait leur renommée il y a
plus de quinze ans. Dimmu Borgir reprend tranquillement sa place dans le coeur de ses
fans, là où d’autres avaient pu convoiter son trône, et confirme sa place de leader de la
scène black metal symphonique avec un "I Am Sovereign" magistral. Bien que j’ai mis du
temps à l’apprécier, car les orchestrations sont malgré tout un peu trop présentes, les
murmures que le chanteur intègre aux riffs rapides sont de toute beauté.
Petite déception pour ma part sur "Archaic Correspondence". Bien que les riffs soient de
qualité, les orchestrations les écrasent, et il est parfois difficile d’apprécier pleinement la
rythmique. Même si la voix fantômatique qui apparaît de temps à autre relève littéralement
du génie, et que le blast puissant nous donne la sensation de se prendre un mur en pleine
face alors que le groupe se joue de nous grâce au clavier, j’ai du mal à apprécier pleinement
le titre. "Alpha Aeon Omega" se veut mystérieuse à nouveau en prenant le temps d’instaurer
une ambiance contemplative avant d’envoyer une rythmique puissante et intransigeante. Je
n’osais pas bouger, de peur de me prendre un élément de la tornade en plein visage, mais
cette impression redescend avec le reste de la composition. Les harmoniques criardes et
dissonantes contrastes avec les orchestrations, mais la chanson est plutôt bien rythmée. Le
dernier titre, "Rite Of Passage", est une superbe instrumentale qui mettra du temps à faire
intervenir le son saturé que nous connaissons et aimons. En fermant les yeux, il est tout à
fait possible d’imaginer un paysage neigeux, ou autre désolation naturelle vide d’humains.
Grisant.
Je vais être honnête, j’étais sceptique après la première écoute d’"Eonian", et je pensais
mettre une note plutôt moyenne. Mais c’est en relançant l’album que j’ai pris conscience de
sa vraie force. Dimmu Borgir n’a pas simplement écrit un nouvel album de black metal
symphonique, ils ont développé un véritable univers complexe, auquel il est tout à fait
possible d’adhérer pleinement comme de ne jamais pouvoir y entrer. Dimmu Borgir ne sera
plus jamais le groupe que nous avons connu avec "Stormblåst" ou "For All Tid", mais ce groupe
actuel me convient parfaitement.
"Anomima"
Note : 17,5/20
Apprendre à apprécier un disque au fil des écoutes, cela m’est déjà arrivé. Que mon avis connaisse quelques variations également. Mais de là à en venir à recommencer l’intégralité d’une chronique, de la première majuscule au point final, ça, c’est une grande première ! Une grande première qui porte le nom du nouvel album des Norvégiens de Dimmu Borgir, la bombe à retardement "Abrahadabra". Pourtant, une satisfaction pareille, on ne pourrait pas prétendre que je m’y attendais, oh que non ! Si en 2007, "In Sorte Diaboli" ne m’avait pas foncièrement déçue, il était loin de m’avoir pleinement contentée (et souffrait malheureusement à mon sens de la comparaison à son sublissime prédécesseur, "Death Cult Armageddon"). En 2009 est tombée une nouvelle estomaquante… malheureusement aussi pris dans le sens péjoratif du terme : l’éviction simultanée du bassiste ICS Vortex (dont la voix impérieuse faisait chavirer à chaque apparition) et du claviériste Mustis, qui, rappelons-le, était à l’origine de la plupart des éléments symphonique du groupe depuis son arrivée sur "Spiritual Black Dimensions". Je me dois d’avouer que cette annonce m’a largement fait craindre pour l’avenir du groupe, au point à ne plus croire sincèrement en sa fortune.
Et, fort curieusement, les premières écoutes d’"Abrahadabra" (dont les paroles tournent, comme vous l’aurez deviné, autours de la magie noire et du satanisme) ne m’ont pas rassurée dans ce sentiment (ni les nouvelles photos promotionnelles kitsch au possible, mais ce n’est pas le même débat). Mais non, impressions de départ ne sont pas toujours les bonnes, et, au cas où je n’étais pas encore convaincue de la véracité de ce propos, Dimmu Borgir m’a, comme part magie, annihilé mes doutes ! C’est ainsi qu’un beau jour, j’ai pour ainsi dire soudainement redécouvert l’album, comme si je l’écoutais alors pour la première fois, sans être capable de comprendre ce qui avait pu me décevoir auparavant. Cet album, celui-là même que je prétendais "en-dessous" de mes attentes (honte à moi !), m’a tout à coup non pas plu, non pas séduite, mais spontanément subjuguée ! L’orchestre, de mise sur "Puritanical Euphoric Misanthropia" ainsi que sur "Death Cult Armageddon", effectue son "grand retour" après avoir mis provisoirement de côté lors d’"In Sorte Diaboli". Cette fois-ci, ce ne sont pas moins de 38 musiciens du Schola Cantorum et 51 membres du Kork (autrement dit le Norwegian Radio Orchestra) qui viennent prêter main forte au désormais trio (puisqu’il ne reste à l’heure actuelle plus de l’ancien line-up que Shagrath, Silenoz et Galder, et qu’aucun membre permanent ne les a (encore) rejoints pour remplacer Mustis et Vortex), pour un résultat grandiloquent et…apodictique ! Si le programme était alléchant, sa réussite n’en demeure au final que plus glorieuse ! Voilà ce qui m’a marquée en premier lieu sur "Abrahadabra" : ses ambiances. Déviant entre une violence cataclysmique et un arcane hypnotique, leur personnalité propre fait d’elles un point incontournable, impressionnant autant que désarçonnant. Du même coup, on remarque que, contre toute attente, l’aspect symphonique et orchestral de Dimmu Borgir n’a pas perdu de sa superbe depuis le départ regrettable de Mustis !
Ce point en question participe bien entendu pleinement au succès de la galette qui les voit apparaître, entre une multitude d’autres éléments. Quelque chose d’un peu différent mérite que l’on parle de lui plus particulièrement : la pléthore d’invités apparaissant au fil des titres ! On avait déjà pu remarquer Agnete Kjølsrud (Djerv, ex-Animal Alpha), chanteuse / sorcière du single "Gateways" ; on découvre par surprise l’excellent Snowy Shaw de Therion sur "Ritualist" et "Renewal", ainsi que le chanteur d’Ulver, Garm, sur "Endings And Continuations". N’omettons pas de mentionner aussi le batteur de session Darey (ex-Vader), au jeu ô combien plus riche que celui d’Hellhammer ! Ces musiciens sont tous "utilisés à bon escient", ne lésinant pas sur leurs capacités afin de seconder le groupe comme il se doit. Quant à ce-dernier, de qui certains n’attendaient peut-être plus rien de notable, il se montre sous un jour impérieux, dévastateur, n’hésitant pas à inclure dans sa musique des passages plus calmes (ah ! ce pont de toute beauté sur "Chess With The Abyss" !) afin de revenir avec plus de hargne encore ! Difficile de choisir un morceau plutôt qu’un autre pour sortir du lot : entre l’éponyme "Dimmu Borgir" surnaturel et l’excellent "Ritualist", en passant par le final exceptionnel "Endings And Continuations", il n’y a moyen que de trouver son compte ! Varié, émouvant, un fait s’en trouve établi sans peine : Dimmu Borgir a frappé très fort, en démontrant grâce l’étendue de ses multiples talents aux sceptiques qu’il n’a pas encore dit son dernier mot ! Messieurs, je m’incline !