Mignon le nom de cet album, et cool la pochette ! Ce qui a de bien avec les groupes qui nous replongent à la belle époque du death, c’est qu’on a droit à de magnifiques illustrations qui mettent bien en avant l’atmosphère macabre qui se dégage de notre musique préférée. Souvent, rien que la pochette donne l’envie de s’acheter le disque. En ce qui concerne nos amis de Decrepid, le groupe se compose de cinq rosbifs bien décidés à balancer à la face du monde un tas d’abats putréfiés. "Endless Sea Of Graves" succède à "Osseous Empire" qui est paru en 2015, les deux full-lengths étant sortis chez Xtreem Music, le label de Dave Rotten, monsieur Avulsed, et grande figure du metal underground. En fait, voir Decrepid sortir ses réalisations par le biais de ce label n’est pas étonnant car le groupe propose une musique assez variée structurellement et d’un point de vu compositionnel, mais fidèle stylistiquement aux arcanes du vintage death. Le quintette n’est pas du genre à manger à tous les râteliers pour tenter de se foutre un max de public dans la poche, et ça c’est la base quand on fait du metal extreme, on ne fait pas ça pour la gloire, le fric et les gonzesses.

On engage les hostilités avec "Fields Of Flesh", un titre très doomesque, avec sa mélodie d’introduction macabre et peu avenante, la pesanteur et la moiteur sont palpables. Le groupe prend le temps d’installer le truc avant de créer la fracture avec un riff vif et guerrier, bien rapide et tout en tremolo picking. La voix gutturale ponctue parfois l’ensemble par des cris de furieux qui, soulignés par une réverbe discrète, ajoutent de la rage à une musique qui ne lâche pas prise. De suite, on pense à Autopsy, Incantation aussi, bref, il y a de la noirceur dans tout ce bordel, en apparence basique mais finalement un poil plus complexe que ce à quoi on s’attend. "Phobos Descent" s’engage dans la partie avec un solo pas mal inspiré de notre ami Trey Azagtoth. Là, les accents de cymbales ont la part belle, et le death metal rugueux de nos British lorgne une fois de plus en direction d’Autopsy, grâce à des riffs morbides à souhait et des fills de batterie qui sont directement inspirés de Chris Reifert. Ce titre est plus tortueux que le précédent, plus varié, et laisse entendre un duel de guitare absolument démoniaque en guise de conclusion.

"Armoured Apocalypse", un poil plus thrashy, maintient les éléments musicaux déjà en place sur le track précédent, tout en ajoutant un poil de groove et de mises en place. Un peu plus tortueux, Decrepid exploite des harmonies menaçantes et des riffs de guitares plus ambitieux que ce à quoi le groupe nous a habitué. Là, il propose une facette un poil progressive, ce qui n’est pas déplaisant du tout, j’irais pas jusqu’à dire qu’on a droit à un ersatz de Blood Incantation mais quand même… Ce titre est en lien direct avec le suivant, "Plagued By Mortality", un larsen de guitare conclue l’un pour démarrer l’autre. Tout en maintenant la direction entreprise, on a droit ici à une ambiance macabre renforcée par divers éléments qui amplifient la sensation occulte, comme la middle section qui accentue l’atmosphère avant de repartir en trombe. On se rend compte progressivement au fil de l’écoute, que les zicos font un travail exemplaire, en plus le son est loin d’être dégueulasse, ce qui ajoute de la clarté à l’ensemble.

"Per Maleficium" possède un côté bourrin, genre des guerriers du chaos qui pètent tout sur le chant de bataille. La sensibilité rétro death-thrash du morceau nous fait revivre les heures de gloire du metal de la mort. On atteint l’apogée de la lourdeur au milieu du titre avec un autre moment doomy à souhait. Cet avant-dernier track laisse entendre un autre duel de solos, entre maîtrise et bordel, entre contrôle et lâcher prise, ce qui prouve que le groupe tente et expérimente au-delà du qu’en dira-t-on. Pour le dernier morceau, "Endless Sea Of Graves", Decrepid nous invite à un voyage de plus de 14 minutes, quand je vous disais qu’il y avait un peu de Blood Incantation là derrière… Franchement, autant certaines formations s’essayent aux morceaux interminables et ça passe pas, autant là, ça le fait. Les multiples structures se développent efficacement, l’aspect narratif porté par les différents éléments ne font pas tâche, cette conclusion est une belle réussite, certainement le meilleur morceau du skeud.

Eh bien, c’est plutôt une excellente surprise cet album. Bien rétro dans le son et l’ambiance, les quelques éléments modernes que le groupe met en avant ne viennent pas casser le délire, au contraire. L’album s’apprécie de plus en plus au fil des écoutes et propose un voyage métallique morbide, évolutif et accrocheur. En même temps, si ce cher Dave Rotten a misé sur cette formation, c’est qu’on peut y aller les yeux fermés. Si vous aimez Master, Incantation, Immolation, Autopsy, Blood Incantation, Obituary, Entrails, Cannibal Corpse, je pense sincèrement qu’"Endless Sea Of Graves" peut aisément trouver sa place dans votre discothèque et vous combler de bonheur pendant de nombreuses heures d’écoute.