"Children Of The Morgue"
Note : 16/20
Malgré son nom, le groupe Deceased est toujours bien vivant et nous balance cette année son huitième véritable album (il y a en plus trois albums de reprises) avec "Children Of The Morgue". On retrouve cette mixture particulière que propose le groupe depuis une bonne paire d'années maintenant, à savoir du death mélangé à du thrash avec même une pointe de heavy metal. Si vous êtes familiers de ces vétérans qui ont sorti leur premier méfait en 1991, vous devriez vite vous y retrouver.
Comme d'habitude, on se retrouve avec pas mal de longs morceaux qui tournent autour de sept ou huit minutes, quelques interludes et une poignée de morceaux plus directs et plus compacts. Pas de gros changements en perspective et le groupe continue sur sa lancée, ce n'est après une aussi longue carrière et après tant d'albums que l'on s'attend à la voir changer et tant mieux. Deceased est connu pour son mélange des genres particuliers et s'il changeait son fusil d'épaule il ne serait plus lui-même. Donc après la petite introduction sombre de rigueur, le morceau-titre se charge de nous faire comprendre bien vite que le groupe est toujours le même, avec par contre une énergie héritée du punk sur ce démarrage avant d'embrayer évidemment sur des riffs bien plus proches du thrash et du death. Quelques arpèges dissonants et malsains apportent une ambiance plus pesante au milieu de ce up-tempo énergique, nerveux et assez accrocheur. On a beau déjà se retrouver avec un pavé de quasiment huit minutes le groupe n'en profite pas pour lever le pied et poser une ambiance tranquille, ça rue dans les brancards et le tempo reste assez nerveux sur l'ensemble du morceau. On retrouve avec plaisir ce mélange de death et de thrash à la fois mélodique et malsain. Même avec un solo de guitare qui renvoie au heavy metal, l'ambiance reste sombre et tout ça sent en permanence le old school à plein nez. Y compris au niveau de la production d'ailleurs qui renvoie clairement à la grande époque du death / thrash avec une batterie qui ne sonne comme un ensemble de boîtes de conserve et des guitares et basses qui évitent la sur-compression.
Sur "Terrornaut", c'est carrément à Voivod que l'on peut penser par moments avec ces accords dissonants mélangés à des leads mélodiques et accrocheurs qui eux renvoient plutôt au bon vieux heavy metal. Là encore, l'ambiance est globalement glauque et on sent qu'il se passe quelque chose de pas très net chez ces enfants de la morgue. L'inspiration Voivod se fait aussi entendre par moments sur "Brooding Lament" qui fait entendre en plus de ça du bon gros thrash des familles et cette fameuse urgence sortie du punk, ce qui n'est pas étonnant puisque les albums de reprises que Deceased a sorti ces dernières années reflètent justement ces trois inspirations. En tout cas, le temps ne semble pas avoir de prise sur les membres de Deceased puisque la musique du groupe est toujours aussi inspirée, énergique et accrocheuse. On ne trouve certes rien de bien nouveau pour qui connaît bien le groupe mais le mélange est toujours aussi efficace. Tellement efficace et accrocheuse que même les morceaux les plus longs semblent durer deux fois moins de temps, l'album passe d'ailleurs à une vitesse folle et on se surprend à se dire que l'on n'a vraiment pas eu l'impression d'écouter un album de cinquante-cinq minutes ! D'ailleurs, le dernier morceau de l'album, "Farewell (Taken To Forever)", qui dépasse les huit minutes propose les passages les plus agressifs et frondeurs de l'album avec un up-tempo très énervé entrecoupé de riffs plus malsains et plus lourds. On y entend d'ailleurs en toute fin le refrain du morceau-titre qui revient pour boucler la boucle et donne envie de relancer la bête pour une nouvelle écoute.
Deceased revient donc en forme avec "Children Of The Morgue" après deux albums de reprises d'affilée, ce qui a dû les regonfler à bloc et leur donner envie de se remettre au travail sur un véritable nouvel album. Mission accomplie sans problème puisque ce huitième méfait, malgré sa longue durée, arrive à nous tenir en haleine et à rester inspiré, accrocheur et énergique de bout en bout. Le groupe continue sur la droite lignée de ces précédents albums et confirme qu'il est toujours partant pour nous distribuer quelques baffes.
"Ghostly White"
Note moyenne : 17/20
J’ai connu Deceased à l’époque où un léger duvet, sur mon menton, tentait de trouver sa place entre mes boutons d’acné, c’était avec "Fearless Undead Machines" en 1997. Le groupe existait déjà depuis belle lurette. Ces vétérans nous dispensent toujours un bon heavy thrash mélodique bien old school, avec des riffs vraiment efficaces, et toujours dans le respect de la tradition du heavy.
Le son du groupe a toujours évolué selon les albums, là, il est un tantinet aigrelet mais ne manque pas de puissance pour autant. La batterie un peu foutraque, avec ses imprécisions délicieusement caractéristiques (R.I.P Dave Castillo, cet album est un beau témoignage du batteur qui nous a quittés cette année) apporte néanmoins à l’ensemble un feeling incroyable. Les guitares sonnent de manière ample et englobent l’image sonore. Franchement, on s’habitue très vite à la prod’ qui colle parfaitement au style que nous impose Deceased. La sauce prend, c’est le genre de truc qui ne peut pas s’expliquer.
Ce disque troue le popotin, très dynamique, varié, les compositions alternent des passages rapides, d’autres plus lourds, avec une science du riff clairement maîtrisée. Le chant, hargneux et rageur, éructé à la manière d’un John Tardy qui articule, mais en plus grave, ajoute de la rage et rend cette musique à la fois vindicative et véhémente.
Les cavalcades rythmiques qui jonchent ce skeud, dans une interprétation thrashy qui tend vers le crossover parfois, donnent envie de se jeter partout où l’on peut se jeter, un défouloir musical absolument jouissif s’offre à nos oreilles chastes. Mention spéciale au titre "Germ Of Distorted Lore", qui se développe pendant 13 minutes et 20 secondes, avec un aplomb et une énergie incroyables. Impossible de s’ennuyer ne serait-ce qu’une seconde à l’écoute de cette pièce épique, qui tend quelque fois vers le Bathory pagan, ou encore vers Dissection pour le penchant mélancolique. Les solos de guitare font mouche, jamais ils ne sont lourds (dans le sens ennuyeux). Encore une fois, l’imprécision des guitaristes est salutaire, car elle apporte un côté spontané vraiment excellent.
La pochette est toute aussi bonnarde, elle décrit le ton macabre et désolé de la musique. Inquiétante, cette peinture d’un couple dans un lit, menacé par une horde de spectres, correspond vraiment à l’atmosphère qui se dégage de "Ghostly White". Il aura fallu attendre sept ans avant que Deceased nous ponde un full length, eh bien je ne regrette en rien qu’ils aient pris leur temps.
Entraînant, dynamique, vif, prenant, voilà une liste d’adjectifs qui décrivent à merveille la nouvelle offrande de nos Américains énervés. L’année 2018 se clôture en beauté avec cet opus qui conjugue à la fois mélodie et agressivité. Les huit titres absolument fantastiques qui s’étalent pendant cinquante-quatre minutes vous feront passer un pur moment métallique. Pour tous les fans de heavy thrash qui se respectent !
Cela faisait bien sept ans qu’on n’avait pas eu de nouvelles des Américains de Deceased. C’est désormais chose faite. Dans les bacs depuis trois semaines, "Ghostly White" (le successeur de "Surreal Overdose" sorti en 2011), est certainement l’un des albums les plus jusqu’au-boutistes du groupe. Si une chose est sûre, c’est bien que l’on n’a pas affaire à des opportunistes. En effet, cela fait depuis 1985 que Deceased fait parler de lui dans la scène death / thrash. Originaire d’Arlington en Virginie, les thrashers n’en sont pas à leur coup d’essai puisqu’ils ont à leur actif pas moins huit LPs, deux lives et une cohorte d’EPs et de démos. Le fait est que le groupe n’a jamais dévié de la ligne qu’il s’était fixée au départ et qu’il s’est même endurci avec le temps.
Ayant découvert ce groupe dans les années 90, je constate que Deceased n’a pas ralenti le tempo et porte toujours haut les couleurs du death metal d’outre-Atlantique. Si l’on devait qualifier leur style, je dirais que Deceased est au death metal ce que les films de zombies de George Romero sont au cinéma d’horreur ! Dès les premières notes du titre "Mrs. Allardyce" qui ouvre l’album, on retrouve le style bien old school et speed à souhait auquel les Américains nous avaient habitué. Ils jouent toujours un thrash / death traversé par des mélodies heavy. La voix d’outre-tombe de Kingsley "King" Fowley n’a pas perdu de son timbre si particulier. Si l’est souvent difficile de reconnaître une voix death metal d’une autre, celle du vocaliste de Deceased est reconnaissable entre toutes. De même, ils n’ont rien perdu de leur professionnalisme. Des titres comme "Endless Well", "To Serve The Insane" et "The Shivers" ont ce petit quelque chose de jouissif qui fait que l’on ne s’en lasse jamais. Le titre qui clôt l’album, "Pale Surroundings", est traversé par des voix féminines, ce qui lui donne un statut à part au sein de l’album. Bénéficiant d’une production calibrée au millimètre près, le thrash / death de Deceased évoque un mélange explosif entre Entombed, Slayer et Mercyful Fate.
Une fois l’écoute de l’album achevée, on peut s’empêcher de penser que les Américains auraient mérité d’être plus connus. Va savoir pourquoi certaines formations ont un mauvais karma et restent reléguées au second rang alors que leur niveau technique leur permettrait de prétendre à beaucoup plus que cela ? En tout cas, "Ghostly White" est assurément un des meilleurs disques de death metal de l’année 2018 !
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M.B.
Décembre 2018
Note : 16/20
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