"Assassine(s)"
Note : 19/20
Celeste émerge de l’ombre pour son sixième album. Avec "Assassine(s)", qui sort début 2022
chez Nuclear Blast, Johan Girardeau (chant / basse), Guillaume Rieth (guitare), Antoine
Royer (batterie) et Sébastien Ducotte (guitare) mettent fin au silence qui dure depuis l’été
2018, date de sortie de leur dernier EP.
Le groupe nous enfouit immédiatement dans sa dissonance sombre avec "Des Torrents De
Coups", le premier morceau, qui propose une technicité pesante dans ses riffs, mêlée à des
sonorités viscérales au niveau du chant. L’utilisation du français surprendra l’auditeur
non-averti, mais la lourdeur et la noirceur l’intègrent parfaitement au mélange, tout comme
sur la pesante et énergique "De Tes Yeux Bleus Perlés". Les tonalités lancinantes du sludge
rejoignent les leads entêtants du black metal sur ce morceau hypnotique et saccadé, créant
une sorte de froideur sombre et mélancolique, alors que "Nonchalantes De Beauté" dévoile
une lenteur presque apaisante. Très régulière, la composition compte beaucoup sur les
leads aériens et envoûtants couplés aux hurlements pessimistes, tout comme la
majestueuse "Draguée Tout Au Fond". Très lourde, la composition se montre très rapidement
accrocheuse, tout en profitant d’accélérations puissantes pour rythmer ce voile noir avec
lequel le groupe nous recouvre tout en frappant avec précision.
Le contraste entre son sale
et mix impeccable se poursuit sur "(A)" et sa douceur qui progresse lentement dans ce
paysage désolé. La composition instrumentale est également très lancinante, permettant
une pause de courte durée car les hurlements reviendront sur l’explosive "Il A Tant Rêvé
d’Elles" et ses saccades agressives. On retrouve aussi des leads aériens pour adoucir la
rage brute, créant un contraste aussi imprévisible qu’efficace, alors que "Elle Se Répète
Froidement" nous fait replonger dans les tonalités les plus pessimistes que le groupe est
capable de créer. La mélancolie s’allie à la noirceur, créant une rythmique lancinante et
saisissante qui s’insinue par tous les moyens dans notre esprit, puis "Le Coeur Noir Charbon"
va nous balayer immédiatement avec sa rythmique imposante, aidée par Katsuta (Heaven
In Her Arms). Le rouleau de double pédale laisse place à un pattern plus pesant, qui
donnera naissance à des influences post-metal, puis la douce voix féminine d’Emily Marks
rejoint le son abrasif, qui explosera une dernière fois avant de s’éteindre dans le néant.
Comme une lumière au bout du tunnel, l’univers de Celeste nous fait voyager dans les
ténèbres brutes. "Assassine(s)" est un album aussi majestueux que cruel, qui s’appuie en
permanence sur un contraste saisissant et oppressant, en faisant un indispensable de
l’année.
"Infidèle(s)"
Note : 18/20
Pour retracer brièvement l’histoire comme dans Il était une fois.. l’Homme, dans il était une fois Celeste, soulignons qu’ayant vu le jour en 2005 avec d’anciens membres de Forge ou encore d’Hijackers, la bande lyonnaise signe désormais son sixième album, "Infidèle(s)". Peu importe ici donc les résultats de l’OL ou encore les bulletins météorologiques du Rhône-Alpes, nous parlons ici uniquement musique, tourments, "(s)" et paroxysme des émotions. Bon en vrai et pour la faire moins pédant, on parlera surtout musique et de pourquoi Celeste est céleste justement. Alors ne perdons plus une goutte des décibels envoyés par la bande, mais surtout ruons-nous sur ce nouveau-né qu’est "Infidèle(s)".
Bien évidement toujours tourné vers un black metal avant-gardiste (en ce sens qu’il n’hésite pas à moudre quelques éléments typiques du post-hardcore, du doom ou encore du sludge), "Infidèle(s)" poursuit les chemins tracés par "Animale(s)" ou "Pessimiste(s)", mais encore bien avant eux par "Morte(s) Née(s)". Ce qui suit l’évidence est pure logique et, en cela, Céleste sublime toujours la langue de Molière lorsqu’il s’agit de pencher par la plume ses tumultes ("Sombres Sont Tes Déboires", "A La Gloire du Néant", "Sans Cœur Et Sans Corps"). Comme dévoilé il y a quelques lignes, même si l’instrumental mord, avant tout, un cadre black malsain et oppressant, le tout est entrecoupé de passages fortement intéressant voire presque lumineux ("Cette Chute Brutale", "Comme Des Amants En Reflet"). Par ses dix titres, "Infidèle(s)" dessine doucement la boucle d’une réflexion sombre et sans réel nom sur les passions humaines. Mais, bien au-delà de la simple philosophie de ce nouvel album, retenons surtout le côté jusqu’au-boutiste qui résonne dans les compositions de ce sixième opus ou encore son côté explorateur qui le désosse de toute naïveté ("Sotte, Sans Devenir", "Tes Amours Noirs Illusoires"). Celeste a donc affiné sa plume mais également sa patte en matière de composition, la preuve en est en près d’une cinquantaine de minutes par ce "Infidèle(s)" qui s’annonce timidement comme la désormais pierre angulaire de la discographie d’un groupe atteignant les sommets de son art.
Bref, "Infidèle(s)" est loin d’être une comédie bas de gamme et mou du bulbe comme celle de Dujardin, et même si l’infidèle en question n’ira pas jusqu’à pisser de façon tourbillonnaire sur quelques tombes ou dalles de recueillement, "Infidèle(s)" est un très bon album. "Infidèle(s)" respire donc l’âme tourmentée de Celeste, ses sombres desseins et également cette élégante mue à pouvoir les mettre en musique. Pour le reste, comme l’indiquait l’artwork, ce sixième album ne rompt pas avec la tradition et s’interroge lourdement sur l’Homme, ses ressentis, sa chute et bien d’autres encore. Alors pour la morale de la fable, disons qu’est bien heureux celui qui, dans cet "Infidèle(s)", se découvre fidèle à l’univers chaotique de Celeste...
"Animale(s)"
Note : 19/20
C'est toujours un putain de plaisir de se noyer les deux oreilles dans un nouvel opus de Celeste. Rarement déçus, on se retrouve d'ores et déjà en terrain connu avec deux photographies en noir et blanc pour artwork. Majestueusement réussies les illustrations collent au propos à venir.
Corrosif, abrasif, possessif, on retrouve Celeste en grande forme avec une inspiration intacte. Pas la peine de pinailler, Celeste nous offre ce que l'on aime, un hardcore profond, destructeur, le truc qui te froisse le cerveau, les oreilles, le moral... du bon quoi ! Sans relâche, le groupe nous assène des morceaux sacrément bien menés et on se retrouve accroché au son, diificile de couper court à ces notes en suspend comme sur "(X)" où lourdeur et mélodie donne un composé addictif. Addictif et intimiste, l'ambiance créée par l'ensemble des titres de la Part I nous plonge dans un univers poétiquement sali par les hommes.
Le tableau dépeind dans la Part II ne change guère. Avec "D'Errances En Inimitiés" on se retrouve le cul entre deux chaises. D'un côté on retrouve ce hardcore sulfureux, de l'autre des accalmies angoissantes prêtes à exploser et elles ne se loupent jamais. Celeste a l'humeur constante sans que sa musique ne le soit forcément. Ainsi, le groupe nous balade à nouveau et on savoure / subit dans l'ordre, "Cette Silhouetre Paumée Et Délabrée Qui Sanglote Et Meurt", "Empreinte D'Erotisme", "(Y)" et "Sérrés Comme Son Coeur Lacéré" en nous enrobant de ses savoureuses nappes de dissonances. Les hurlements ne sont pas omniprésents et leur abscence ne manque pas toujours, tout comme on ne remarque pas forcément leur présence, jouant le rôle d'un instrument parmi les autres.
Majestueux, l'album se ferme sur une outro de huit minutes aussi réussie que le reste mais dans un style ou plutôt avec des sonorités un peu différentes de ce à quoi le groupe nous a habitué. Celeste c'est une musique de coeurs broyés, d'esprits torturés, de restes d'humanité. Celeste c'est une symphonie moderne, miroir de la face la plus sombre de ce qui se passe chez l'homme et sur la terre qui le supporte.