Le label autrichien Napalm Records est en passe de devenir la vitrine du du stoner rock et de ses derivés. Semblant délaisser peu à peu les groupes de metal gothique / folk / black gnangnan et mou du genou, la maison de disques surfe sur la vague rétro actuelle en accueillant sous sa bannière des Lonely Camel, The Graviators, les excellents frenchies de Glowsun, ou des pointures comme Audrey Horne ou encore les cultes Karma To Burn et Vista Chino (la nouvelle dénomination, pour des raisons légales, de Kyuss, le Parrain). Ceci expliquant sûrement cela, on ne s’étonnera qu’à moitié de de voir Brant Bjork, LE batteur de Kyuss / Vista Chino (qui n’est désormais plus…), sortir son nouvel opus solo sur Napalm Records. Accompagné par le Low Desert Punk Band, trio de desperados aguerris, le célébre moustachu offre ni plus ni moins qu’un petit chef d’œuvre de desert rock, dans la plus droite tradition initiée par lui-même et Josh Homme, John Garcia et Nick Oliveri.

Ce "Black Flower Power" serait sorti en 1993 sous le patronyme de Kyuss juste après "Sky Valley", on n’y aurait vu aucune gêne. Simplicité, groove et guitares grasses et épaisses comme un bloc de beurre, batterie groovy et au jeu simple mais efficace et à la frappe aride, basse solide au son boueux, vocaux de baroudeur imbibé de whisky, soli de guitares enfumés, tout ici est d’un niveau. Des compos en béton, puissantes, variées. Avec des morceaux sabbathiens ("Stokely Up Now" ou "We Don't Serve Their Kind" nous renvoie à "Vol. 4" ou "Sabotage") aux riffs écrasants à en décorner un bison ! Ce son de gratte bourdonnant et velu est tout simplement génial et unique en son genre. Ce son gavé de grumeaux fait des merveilles lorsqu’il est exprimé via des riffs parfois groovy et grumeleux (votre bassin ne pourra pas résister à "Ain't No Runnin'"), parfois heavy et minimals ("Boogie Woogie on Your Brain" est un must à ce niveau). Le psychédélisme insulaire de "That's A Fact Jack" vous fera voir des mirages avec son rythme lancinant et sa guitare pleine de fuzz tout comme "Hustler's Blues", sorte de stoner / blues décharné et habité.

Si les refrains ne comportent que quelques mots, ils font mouche à chaque fois avec une petite mélodie qui leur est propre et un dynamisme sauvage ("Soldier Of Love", ou "We Don't Serve Their Kind"). Le chant de Brant est toujours très proche de celui de son compère Garcia à tel point que c’en est parfois troublant. Ses riffs de guitare sont simples mais très inspirés et la section rythmique est irréprochable. A ce propos, la batterie de Tony Tornay sonne comme si elle était interprétée par Bjork lui-même, le style et la frappe du grand moustachu est reconnaissable mais ce n’est pas lui (semble-t-il) qui en joue.

Pas de digressions acoustiques / psychés / country, comme de nombreux groupes dits stoner peuvent le faire en se la jouant plus rednecks les uns que les autres, "Black Flower Power" rassemble dix titres de pur rock, aux délicieuses guitares bluesy et aux riffs rentre-dedans. Une pépite digne du vieux Kyuss, crue et puissante. Son ambiance désertique et enfumée est superbe. Conseillée à tous les amateurs de stoner. Sûrement le meilleur disque de l'année dans le style.