Le groupe
Biographie :

Blood Incantation est un groupe de death metal américain formé en 2011 et actuellement composé de : Isaac Faulk (batterie / Abysmal Dimensions, Stoic Dissention, Wayfarer, ex-Centimani), Paul Riedl (guitare, chant / Abysmal Dimensions, Chthonic Deity, Elu Of The Nine, Spectral Voice, ex-Ancestortooth, ex-Merkstave, ex-Münn, ex-Total Darkness, ex-Leech, Hanging Moss, ex-Velnias, ex-Martin Luther King Diamond, ex-Sars), Morris Kolontyrsky (guitare / Black Curse, Maliblis, Spectral Voice, Stillborn Fawn, Homebody, ex-Nekrofilth) et Jeff Barrett (basse / Spectral Voice, ex-Velnias). Blood Incantation sort son premier album, "Starspawn", en Août 2016 chez Dark Descent Records, suivi de "Hidden History Of The Human Race" en Novembre 2019 chez Century Media.

Discographie :

2015 : "Interdimensional Extinction" (EP)
2016 : "Starspawn"
2018 : "Live Vitrification" (Live)
2019 : "Hidden History Of The Human Race"
2022 : "Timewave Zero" (EP)


Les chroniques


"Timewave Zero"
Note : 16,5/20

Ils ont de l’humour chez Blood Incantation, les mecs te sortent un EP de 40 minutes !! A ce niveau là, c’est ce que j’appelle une démarche anti-grind, c'est-à-dire que plutôt que de sortir 80 morceaux pour 15 minutes de musique, les deatheux de chez B.I. pondent 40 minutes de musique. Bon, en même temps il faut dire qu’on aurait pu le voir venir car dans la discographie du groupe, on a déjà eu droit à ce genre de délire, et cela s’est intensifié au fil du temps, le titre final sur l’album précédent dépassait les 18 minutes et démontrait avec brio que Blood Incantation est très bon dans cet exercice-là. En effet, il ne suffit pas d’avoir la plus grosse, il faut surtout savoir s’en servir et pour le coup, le quartet sait rentabiliser le temps pour créer des morceaux immersifs et passionnants. Enfin, là, c’est quand même un peu spécial car "Timewave Zero" c’est un peu un ovni dans la discographie des bourrins de Denver.

Sorti en fin d’année 2019, "Hidden History Of The Human Race" laissait le public découvrir une nouvelle facette de Blood Incantation, plus accessible, avec une attention toute particulière sur le visuel (plagié carrément sur celui de l’album "Apocalyptic Dawning" du groupe Canadien Agony, sorti en 1994). Quelle réussite d’ailleurs ce disque, Blood Incantation s’est dévoilé au public métalleux et s’est clairement installé dans le paysage grâce à cet album ! "Timewave Zero", esthétiquement, se rapproche des anciennes productions avec une pochette qui ressemble à celle de "The End Complete" d’Obituary, mais avec une grosse orange en fond… Ouais, c’est chelou mais moi c’est ce que ça m’inspire. Il n’y a pas que la pochette de chelou d’ailleurs, la première expérience d’écoute l’est toute autant. Le premier titre "Io" se fout un peu de ma gueule car celui-ci se résume en une longue plage de plus de 20 minutes de sons synthétiques, de nappes spatiales et d’ambiances cosmiques à grands renforts de filtres. La musique idéale pour un reportage marin sur les abysses ou sur la conquête spatiale, mais si comme moi, vous aimez quand ça repeint les murs de décibels, 20 minutes de "sons", c’est long. Bon, ceci dit, je dois admettre que ça met dans un trip particulier, et ça c’est déjà une chose qu’elle est bonne, mais j’ai pas encore testé l’EP dans ma bagnole, je ne pense pas supporter ce track bien longtemps, même si généralement mes trajets dépassent largement 20 minutes. Après ce voyage pas inintéressant au demeurant, je me plonge donc dans le deuxième track, "Ea", qui commence dans un esprit assez similaire au délire précédent. Quelle ne fut pas ma surprise que de constater que celui-ci est décidément du même acabit, car en fin de compte, rebelote, ce que j’espérais n’être qu’une intro était en fait la direction artistique de la composition dans sa totalité. Donc, au final, il faut se faire à l’idée que cet EP est un album d’ambient, pas de metal. Du coup, bah comment faire ? C’est vrai, ce webzine s’appelle French metal, et ici on chronique du "metoooool". Là, clairement, on n’y est pas. Ai-je les compétences pour analyser ce genre musical ? C’est vrai que les artistes de metal ont toujours éprouvé une attirance pour d’autres univers sonores, je me souviens de Melek-Tha par exemple, assez souvent cité dans les zines metal, ou encore, et là je ne vais pas trop me mouiller en disant cela, certains albums de Burzum qui font la part belle aux synthétiseurs. Dans le black metal, ce genre de déviation artistique est assez fréquent. Le problème, c’est l’image de pouilleux à cannettes de 8.6 et aux cheveux crades que Blood Incantation se coltine qui freine l’idée que ces mecs-là peuvent proposer autre chose que de l’occult death cosmique, poisseux et tripé.

"Timewave Zero", c’est un EP qui prend son temps, s’étire pour développer une ambiance sonore, somme toute rattachée à l’univers du groupe car il se dégage quelque chose de très profond, sourd, drone, et cela maintient Blood Incantation dans sa thématique astrale sous fond de conquête spatiale sans fusée. deux longues plages (il en existe une troisième qui n’était pas présente dans la version que j’ai eu sous la main), qui développent du rien en apparence, mais qui, si on s’intéresse un temps soit peu à ce que l’on entend, génère des déplacements sonores subtils, des mouvements à l’image des plaques tectoniques, lents, progressifs, limpides. Aucune cassure, aucun détour, "Io" et "Ea" se développent en toute quiétude, et embarquent l’auditeur dans les confins de son être profond, aux limites de la transcendance ésotérique (ça veut rien dire mais ça résume bien je trouve). Largement moins épurées que des sons de synthwave, plus granuleuses et texturées, beaucoup inspirées par l’esthétique sonore développée dans les films fantastiques des années 80, "Io" et "Ea" sont deux compositions ni inquiétantes, ni étranges, ni malaisantes. Bien au contraire, elles engendrent une sorte d’apaisement et de sérénité qui rassure sur les craintes que l’on peut éprouver face à l’infini. Cette suspension discographique permet à Blood Incantation de solidifier son univers sonore par une nouvelle approche. Malgré leur longueur et leur apparente simplicité, les titres possèdent des parties différentes, quatre mouvements chacun, qui permettent de mieux se retrouver au sein des compositions. On retourne dans les années 80/90 grâce aux synthés utilisés, une ère où la science-fiction pouvait encore être poétique, loin des clichés ni des préoccupations de l’époque. On s’imagine dans le Nostromo, insouciant de la menace Alien, en train de regarder par les vitres du vaisseau l’immensité vertigineuse, Ripley n’est pas loin avec sa petite culotte rase-motte.

Très clairement, ce disque est un aparté dans la discographie des Américains. Ce disque ne plaira pas à tout le monde, car ce n’est pas du gros gras death metal que la fine équipe nous propose, mais de l’ambient profond, intense et linéaire. Avec peu de thématiques mais par le biais d’un développement sonore intelligent et cohérent, Blood Incantation fait voyager l’auditeur loin, très loin. Je ne recommande pas l’usage de psychotropes durant l’écoute car il y aurait potentiellement un risque de ne jamais redescendre et de rester en orbite dans sa propre tête. L’album idéal à écouter au casque, si le réel vous emmerde et que s’évader 40 minutes vous semble nécessaire. Posez les rangers, enlevez votre veste de cuir au profit du dress code "peignoir / pantoufles", inspirez un bon coup, fermez les yeux et laissez vous embarquer. Quand vous allez rouvrir les yeux, votre télé sera à tube cathodique, votre téléphone posé sur la table basse relié à un fil et vous vous poserez la question de savoir si Internet a déjà existé ou si tout cela n’était qu’un rêve… Bon retour en arrière à tous !


Trrha’l
Mai 2022




"Hidden History Of The Human Race"
Note : 19/20

Trouver un disque au rayon metal du Cultura de Carcassonne est un indicateur de popularité assez efficace. En effet, Blood Incantation s’y trouve, parmi d’autres nouveautés bien plus mainstream. Ce n’est pas tout, beaucoup de métalleux de mon entourage ont fait l’acquisition de ce formidable disque. Il faut dire que la pochette ne passe pas inaperçue, réalisée par Bruce Pennington, roi de l’illustration de romans de science-fiction et d’heroic fantasy des années 70, elle met en scène un alien étrange qui observe l’horizon, ce qui est assez peu conventionnel dans l’univers de la musique extrême, assujetti aux trucs macabres, sataniques ou gore. Autre fait insolite, ce disque ne comporte que 4 titres, dont un instrumental de 5 minutes et 37 secondes. La dernière plage "Awakening From The Dream Of Existence To The Multidimensional Nature Of Our Reality (Mirror Of The Soul)" dure carrément 18 minutes. Autant dire que cet album possède un tracklisting particulier qui, paradoxalement, n’entache pas la cohérence de l’écoute, bien au contraire, mais bon, on commence à être habitués, car "Starspawn", le full length précédent, débutait avec "Vitrification Of Blood (Part 1)" qui faisait 13 minutes, et comportait aussi une plage instrumentale.

Musicalement, "Hidden History Of The Human Race" est un disque complexe, intense, dense par le son, mais avec son lot d’ambiances et de moments plus atmosphériques. Dans un style assez proche de Morbid Angel, dans le son et l’agencement des structures, mais aussi par l’ajout de parties musicales qui inspirent quelque chose de mystique ou surnaturel, Blood Incantation se fait plaisir à proposer une musique finalement assez progressive. Le son des guitares est toujours aussi baveux et caverneux, mais le chant est moins diffus et plus précis que sur leur précédent skeud longue durée, tout comme la batterie, plus présente et audible. C’est donc une évolution notable car on a droit à une musique assez alambiquée et déstructurée, mais finalement plus abordable, et pour le coup, Blood Incantation sonne moins occulte et sombre, mais gagne en cohérence. Peut-être que les ricains cherchent à ce démarquer de toute cette nouvelle scène occulte (Spectral Voice, Triumvir Foul) qui persiste à développer un son opaque et suffocant. Généralement, ce type d’évolution possède un côté déplaisant, dans le sens où vouloir mettre de l’eau dans son vin n’augure jamais rien de bon. En ce qui concerne Blood Incantation, le groupe reste suffisamment fidèle à ses préceptes pour que cette évolution ne vienne pas perturber le climat musical macabre et menaçant, si cher aux fans de cette formation aussi jeune que prometteuse. On entend plein de trucs dans ce skeud, des moments exotiques à la Nile, des passages aussi barrés que chez Portal, des harmonies à la Chuck Schuldiner, des développements qui ressemblent aux moments les plus prog’ de Mastodon avec les parties de batterie qui vont avec, et une touche bien particulière qui n’appartient qu’à Blood Incantation. De plus, ces génies du metal n’hésitent pas à rentrer dans des délires où les ambiances sonores prennent le dessus. Plus question de rifaille, de rythmes, le groupe propose des moments réellement spatiaux, expérimentaux, nous ne sommes parfois pas loin de la musique dite "concrète".

Il n’est pas difficile d’affirmer que cet album va devenir une référence, tant chaque micro-seconde de musique est pesée, paramétrée, le chaos musical est dirigé intelligemment par cette équipe de musiciens aguerris. Blood Incantation consolide son style, son approche du death metal, mêlant judicieusement de multiples éléments, rendant l’ensemble grandement complexe mais également suffisamment digeste pour éviter au groupe de sombrer dans la démesure. "Hidden History Of The Human Race", meilleur album de 2019 ? Assurément !


Trrha’l
Janvier 2020


Conclusion
Le site officiel : www.facebook.com/astralnecrosis