Black Owl Majesty est un duo qui a vu le jour en 2018, et qui a œuvré dans l’ombre pour façonner ce qui représente aujourd’hui leur première réalisation, "Owl Full Moon", sortie en 2020 en digital. En deux ans donc, le binôme français a réussi à avoir suffisamment de matière pour nous délivrer un album entier, sans passer par la case démo, ou EP. Adramelech et A. Myrk, les deux protagonistes à la tête de la formation, proposent un black metal assez intimiste et poétique, comme peuvent le confirmer à la fois le nom de l’album mais aussi le blase du groupe. La pochette du disque, magnifique, est une photo de forêt embrumée en noir et blanc et le logo, quant à lui, représente un hibou au sein duquel y est inscrit le nom du groupe. Ainsi, on est de suite dans une ambiance, la forêt étant un lieu aussi apaisant qu’inquiétant, le brouillard présent ressemble beaucoup à la brume que l’on peut observer après une averse, comme si la nature laissait échapper quelques soupirs. La présence du hibou ajoute son lot de symbolique, animal nocturne, le cri du hibou, chez les Romains, laissait présager une mort certaine, il est également symbole de tristesse, d’obscurité et de retraite parce qu’il n’affronte pas la lumière du jour, merci Wikipédia.
La musique, elle, ne triche pas et corrobore parfaitement avec le visuel. Le black metal de Black Owl Majesty s’appuie sur l’atmosphère et embarque l’auditeur vers des mondes éthérés, loin du tumulte des villes, de la pression sociale et du stress ambiant. La production est limpide, tout les instruments sont équilibrés, audibles, et laissent le chant s’exprimer pleinement sans jamais rentrer en contradiction. Les compositions ont un petit penchant progressif, car la musique peut parfois aussi bien prendre des détours surprenants que laisser développer des climats envoûtants. On retrouve de nombreuses influences, notamment du côté du pagan black, de par les touches mélodiques qui jonchent les compositions, le côté progressif donc, mais également des influences assez actuelles, avec ce feeling rock, que l’on retrouve chez bon nombre de groupes de la scène post-black. Ainsi, on peut comparer B.O.M à Thurisaz, mais en moins accessible, à Negura Bunget, mais plus intimiste et moins expérimental. Sans toutefois aller chercher la complexité ou la démesure, on pressent chez Black Owl Majesty une volonté de raconter une histoire, et les compositions de ce fait sonnent de manière tout à fait cohérente.
"L’Entité", titre d’ouverture de l’album, s’engage avec une introduction à la fois mélodique et paradoxalement dissonante, son chant français aux intonations trollesques donnent le ton, on ressent dès les premières notes la mélancolie et le désespoir se mêler à une musique assez heavy tout de même. Plusieurs fractures s’opèrent de manière assez inattendue faisant ainsi basculer B.O.M dans des détours plus typiques du black, mais on a aussi droit à des leads de guitares proches du melodeath suédois. La fin de cette composition crée une fracture assez nette avec tout ce qui s’est fait précédemment. "E.K." s’impose avec plus de lourdeur, alternant des blasts mid-tempo typiques de l’école norvégienne avec des parties plus aérées, la production, assez compressée depuis le début, persiste dans ce traitement sonore, le son global est assez sourd et quelques éléments comme les leads de guitare percent le mix d’une manière parfois un peu trop abrupte à mon goût. Ici, l’entreprise musicale sonne plus guerrière, plus engagée sans forcément délaisser la pesanteur énoncée dès le départ. "The Old Man", et son arpège dans l’esprit d’un Falls Of Rauros, est selon moi le meilleur titre du disque. Plus encré dans une veine traditionnelle, pour le coup, on éprouve une forme de majesté, et, que ce soit les moments les plus aériens ou les riffs les plus élancés, l’aspect mélodique omniprésent dégage une réelle intensité tout au long du morceau. "Gone" maintient le cap amorcé par le titre précédent, avec une intro qui débute en douceur, encore une fois, les guitares en sons clairs développent de magnifiques toiles mélodiques. Là encore, nous avons droit à une approche black somme toute assez traditionnelle, et j’ai le sentiment que c’est ce que B.O.M défend le mieux. "A Feu Et A Sang", moins linéaire, reste néanmoins dans la même orientation que les deux précédents tracks, les mélodies de guitare y ajoutent un penchant émotionnel plus marqué encore, quant à la fin, plus heavy, elle conclut de manière efficace ce titre, plus pessimiste que jamais. "Apparition", qui conclut l’album, est bien accrocheur avec ces entrelacs mélodiques expressifs.
"Owl Full Moon" est un disque de black assez intéressant. Malgré une production un poil trop sourde, qui pour le coup diminue les effets d’hallucinations auditives propres au black metal dues aux fréquences de guitares qui s’enchevêtrent, les compositions parviennent à embarquer l’auditeur. On sent que le groupe n’a pas encore réellement forgé son identité, mais, au fil du disque, quelques empreintes sonores se caractérisent nettement, laissant entrapercevoir la "touche" de Black Owl Majesty. D’un point de vue mélodique, ces deux métalleux arrivent à proposer une musique accrocheuse et c’est sur les plages les plus lancinantes qu’ils se distinguent. Les 6 titres de l’album sont de bonne facture, même si j’ai une tendance à moins accrocher les deux premiers. On ne peut qu’encourager Black Owl Majesty à composer du nouveau matériel car il est évident que le meilleur reste à venir.
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