"Għadam"
Note : 17/20
La machine Beheaded sévit à nouveau. Actif depuis la scène maltaise depuis 1991, le groupe composé de David Cachia (basse), Frank Calleja (chant, Coffin Birth, Slit), Davide Billia (batterie, Antropofagus, Coffin Birth, ex-Hour Of Penance, ex-Putridity…), Simone Brigo (guitare, Blasphemer) et Fabio Marasco (guitare, Maze of Sothoth) renouvelle son partenariat avec Agonia Records pour la sortie de son septième et concept album, "Għadam".
L’album débute avec son titre éponyme, "Għadam", dont l’introduction est étrangement douce lorsque l’on sait avec quelle férocité le groupe nous piétine ensuite. L’arrivée des parties vocales féroces ne fait que renforcer l’oppression ambiante qui se développe notamment grâce aux touches dissonantes, mais on sent progressivement que les mélodies nous envoûtent avant de passer à "Xtrajt l-infern" qui reste dans les touches obscures avec une pointe de complexité. Le chant se fait épauler par des choeurs presque mystiques pour développer ses influences black / death que l’on retrouve également sur "B'niket Inħabbru l-mewt", et où les guitares deviennent résolument plus mystérieuses, tout comme les parties de voix claire chantée. L’utilisation du maltais contribue à cette atmosphère inquiétante car inconnu, mais Iħirsa va accentuer le contraste entre une batterie martiale et des éléments éthérés avant de nous piétiner à nouveau grâce à des riffs massifs, liant finalement harmonieusement les deux univers pour créer une violence assez différente.
"Il-Kittieb" prend finalement la suite en nous enveloppant dans son brouillard impénétrable aux quelques mélodies enivrante et presque apaisantes qui laissent passer une voix samplée qui finira par déteindre sur le chant principal, le rendant presque plaintif. Le morceau prend fin peu de temps après, suivi par "Ix-xjaten Ta' Moħħi" où l’on retrouve les racines d’un brutal death plus pur et intransigeant, mais qui retrouve sa nouvelle forme sur le final saccadé, laissant place aux harmoniques mystérieuses d’"Iljieli Bla Qamar". Le titre reste épais et agressif, usant de patterns furieux à toute allure sans jamais prendre le temps de ralentir ou presque, rejoignant le sample d’intro de "Jidhaq Il-lejl", mais les riffs ne sont bien entendu pas loin, attendant patiemment leur moment pour sévir. Côté chant, Frank reste sur son growl habituel, mais il proposera également quelques choeurs plus bruts alors que la rythmique devient à nouveau assez brumeuse pour finalement se transformer en berceuse traditionnelle sur "Irmied", ultime création beaucoup plus apaisantes qui nous permettent de clore l’album en douceur.
Loin d’un brutal death pur jus, Beheaded conserve ses riffs massifs pour leur offrir de nouvelles influences, et ainsi offrir à "Għadam" une unicité au sein de la scène death metal. L’expérience est vraiment intéressante.
"Only Death Can Save You"
Note : 16/20
Avec toute cette flopée de sorties slam death ou deathcore, ça fait plaisir de voir un groupe défendre les couleurs du bon vieux death metal classique, celui qui est assez virulent et incisif pour oser flirter avec son grand cousin le brutal death metal. Beheaded est une formation maltaise qui proposait autrefois du véritable brutal death, assez considérée dans l’UG comme culte, et qui a toujours fait de la bonne musique, pas forcément originale, mais avec de l’intention et un sens de la mise en forme qui permet à chaque titre d’acquérir le statut de rouleau compresseur sonore.
"Only Death Can Save You" met direct dans l’ambiance, à grand renfort de riffing précis, rapide, avec un élan et une façon de se vendre carrément jouissive. En effet, on sent une implication et une volonté de tout casser au travers des 9 compositions présentes sur la galette. Dans une veine proche de groupes comme Vile (période "Depopulate"), Inveracity, Centurian ou encore les Polonais de Hate ou Yattering, Beheaded dispense un death finalement assez mélodique, axé sur le tremolo picking et le blast beat, avec des petites touches thrash bienvenues. L’ensemble, de ce fait, possède un petit caractère old school sans forcément sonner daté. La production met en valeur les guitares, qui sont massives, précises, tout en se fondant dans le mix. Le son de batterie est parfait et possède un côté naturel et acoustique, renforcé par une basse discrète mais audible grâce à un son clinquant qui ajoute à la fois de l’attaque et de l’épaisseur. Le chant est sauvage et vindicatif, plusieurs intonations se font entendre, entre Phil Anselmo sur certains grains de voix adoptés et notre bon vieux John Tardy d’Obituary, le tout dans un registre plus grave. Les vocals sont bien travaillés car il y a des doublages qui renforcent le côté énergique, avec un sens de la mise en forme qui met en valeur le travail des musiciens. Tous les titres sont bonnards, particulièrement "Embrace Your Messiah", qui fait office d’ovni, super groovy, avec son petit penchant à la "Where The Slime Live" de Morbid Angel. Le reste des compositions s’inscrit dans le même registre, plutôt up-tempo, elles turbinent à 200 à l’heure et s’autorisent quelques cassures et changements de rythmiques, pour ajouter de l’attrait à l’ensemble.
Beheaded nous gâte avec "Only Death Can Save You", digne successeur de "Beast Incarnate". Comparativement, ce disque est plus précis en termes de son, plus mélodique aussi, avec des accents thrash plus prononcés, ce qui le rend en un sens politiquement correct et abordable, il y a donc une évolution notable entre les deux skeuds. Moins haineux et rentre-dedans, Beheaded n’en est pas pour autant moins captivant. Cette nouvelle direction risque tout de même de surprendre les fans du groupe qui trouvaient déjà un changement entre "Beast Incarnate" et la période durant laquelle le combo était signé chez Unique Leader, ou encore avant chez Mighty Music. On pouvait réellement parler de brutal death, mais cela n’est plus trop en vigueur aujourd’hui. En attendant, et même si "Only Death Can Save You" est le plus gros virage entrepris par le groupe, Beheaded nous sort un bon album, prenant et réellement intéressant, sans doute l’album de la maturité.
"Beast Incarnate"
Note : 17,5/20
Après vingt-cinq ans de carrière dans le brutal death, Beheaded sévit encore sur l'île de Malte. Frank Calleja (chant, également présent dans Hydrocephalic, Slit et It Cames From The Sea) et Omar Gretch (guitare, également présent dans Slit et It Cames From The Sea) se sont entourés de divers musiciens depuis 1991 mais leur bassiste, David Cachia (ex-Biblical Infamy) est présent depuis 1993 et hurle également aux côtés de Frank pour conserver l'essence du groupe. Leurs deux nouvelles recrues, le batteur Davide "BrutalDave" Billia (Antropofagus, Hour Of Penance, Repulsive Dissection, Septycal Gorge, Xenomorphic Contamination, ex-Putridity) et le guitariste Simone Brigo (Blasphemer) ne sont pas non plus novices dans l'art de la violence. Le dernier opus a l'avantage de contenir quelques titres très réfléchis sans délaisser le côté bestial alors que les précédents ne faisaient que jouer la carte de la violence pure et dure. Les amateurs du genre vont jubiler !
L'album commence avec le titre éponyme, "Beast Incarnate", qui ne perd pas de temps pour libérer la tempête. Des riffs innovants et d'une technicité qui n'est plus à prouver, chose qui se remarque particulièrement lors du solo qui, isolé de la rythmique pachydermique, tendrait presque vers le death progressif. "The Horror Breathes" va élever d'un cran encore le tempo et abusera largement des capacités quasi-surhumaines de blast de BrutalDave pour créer un mur de son impénétrable qui s'abat sans pitié grâce aux hurlements superposés de Frank et David. Vous n'avez toujours pas votre dose ? Ca tombe bien, parce que "Crossing The House Of Knives" commence. Une fois encore, on sent que les années de pratique parlent sous les coups de médiator d'Omar, David et Simone pour un rendu impeccable. "Reign Of The Headless King" démarrera un peu plus lentement avec une introduction qui appelle cependant au carnage, alors que la première vraie surprise viendra du titre suivant. La longue introduction de "The Black Death" est un enregistrement des vagues d'une mer houleuse, qui s'abattront aux pieds d'une composition beaucoup plus lente que les autres, mais qui s'offre également le luxe d'être la plus longue (plus de huit minutes) et lourde de l'album. Une fois encore, le solo possède quelques touches épiques qui seront les bienvenues alors que les guitares se tairont sur la fin du titre, laissant un hurlement conclure sur fond d'un duo basse / batterie bien senti. Une pure merveille. La violence et la vitesse vous manquent ? Ne vous en faites pas, "Cursed Mediterranean" va arranger cela. Un titre à base de riffs torturés et saccadés qui nous rappelle à qui on a affaire, tout comme "Fid-dlam Tadejjem", une autre merveille qui oscille entre le brutal death et le death technique. Une fois encore, il est surprenant de voir à quel point les musiciens ont une maîtrise parfaite de leur instrument. Dernière surprise, "Punishment Of The Grave", une longue composition dont le premier riff nous rappelle un death metal ambiant avant de déboucher sur une composition au son de basse très élevé et qui nous plonge dans un voyage à travers un blackened death. Répertoire inhabituel pour Beheaded, mais qui sied également à merveille au combo.
Du classique, des prises de risques et de la violence : voilà comment il est juste de résumer cet album d'une qualité monstrueuse qui pourra contenter sans peine aussi bien les fans de Suffocation, Gorguts et Belphegor. Beheaded est un groupe qui est à mon avis largement sous-estimé, mais que
les connaisseurs savent apprécier à sa juste valeur. Jetez-vous dessus à moins que vous soyez prêts à passer à côté d'un concurrent solide pour l'album de l'année !
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