Le groupe
Biographie :

Aodon est le projet solo de M-Kha, originaire de Périgueux. La composition musicale a débuté fin 2014 pour aboutir au premier album "Sharphood". "Sharphood" a été enregistré à la maison, puis mixé et masterisé au Vamacara Studio (Clisson). Le deuxième album, "11069", sort en Mars 2020 chez Willowtip Records. Le troisième, "Portraits", sort en Juin 2023.

Discographie :

2016 : "Sharphood"
2020 : "11069"
2023 : "Portraits"


Les chroniques


"Portraits"
Note : 18/20

Aodon laisse à nouveau la noirceur nous parler. Créé en France en 2016 par M-Kha (tous instruments, Silure, Vayron), le groupe est accompagné en live par Alix (basse) et Laurent C. (guitare). "Portraits", son troisième album, sort en 2023 chez Willowtip Records, mixé et masterisé par AJ Viana (Cognitive, Hath…).

"Swen", le premier morceau, nous projette immédiatement au sol avec une vague de sonorités pesantes et agressives avant d’accueillir les parties vocales brutes. Les mélodies entêtantes renforcent parfaitement le message direct et viscéral accompagné par un blast massif qui ne cesse que pour laisser "Egon" nous offrir une légère brise avant que la noirceur ne nous envahisse à nouveau. Le son lancinant sera parfois amené à ralentir sans perdre de sa puissance, tout comme sur la dissonante "Mayerson" où la tornade adopte des éléments inquiétants en nous laissant reprendre notre souffle avant de s’enflammer à nouveau avec la saturation la plus abrasive. "Adam" dévoilera par la suite des mélodies planantes tout en restant dans un registre sombre et relativement froid, laissant la froideur se répandre dans chaque recoin de notre esprit avant un final plus apaisant suivi par "Miquella" et son atmosphère aussi maussade qu’envoûtante.

Les parties vocales sont plus imposantes, donnant à ce morceau une aura tragique tout en temporisant les moments les plus agressifs, alors qu’on les sent à nouveau très brutes sur "Andreas", le titre suivant, qui joue habilement avec des leads apaisants pour contraster les sonorités éprouvantes. "Liza" déchaînera ensuite l’apocalypse avec un son sans compromis qui profite des passages les plus lents pour laisser des leads déchirants nous tenir en haleine avant que les riffs dévastateurs ne reviennent nous prendre au piège, puis le son s’éteint avant qu’"Inaki" ne renoue avec des tonalités dissonantes et hypnotiques. L’approche old school colle à la perfection à la déferlante rythmée suivie par "Sheelagh" et ses harmoniques planantes qui viennent refermer l’album en créant une sorte de cocon de douceur au sein duquel la batterie et les parties vocales cherchent à s’échapper.

Aodon tisse ses mélodies hypnotiques sur une base brute mais fascinante, laissant chaque élément de "Portraits" compléter de contraster avec le suivant, faisant de l’album un voile de douceur derrière lequel il nous poignarde vigoureusement.


Matthieu
Juin 2023




"11069"
Note : 16/20

C’est dans le paysage déjà bien rempli du black metal français qu’Aodon vient apporter sa seconde pierre à l’édifice, le trio relativement récent qui a délivré son premier album en 2016, fort d’ambiances relativement pesantes et sombres dont il ressortait tout de même beaucoup de mélodies très atmosphériques, revient cette année avec son nouvel album "11069" proposant une production plus soignée et plus claire servant pourtant une ambiance résolument plus sombre, on remarque également que l’album entier est en langue française contrairement au dernier qui proposait une alternance entre l’anglais et le français, ce qui rend une impression plus massive et unique dans ce nouvel album.

A la manière d’un concept album, ce dernier semble d’ailleurs se comporter comme une seule réelle composition cohérente qui se distingue par une suite de morceaux qui décrivent chacun un élément qui compose la vie d’un homme, des éléments e auxquels tous les hommes sont confrontés sans s’en rendre compte, ce qui à la fois renforce encore plus l’impression décrite précédemment. Toutefois les ambiances peuvent, d’un morceau à l’autre, être radicalement différente, alternant entre une contemplation, un abandon face à l’étendue de l’inconnu et du cosmos dans "Les Rayons" ou "L’Echo", et des morceaux plus purement désespérés et fatalistes comme "L’Infime" ou "L’illusion", ces derniers semblent prendre une condition largement plus introspective de l’humain, là où les autres vont plus aborder la condition humaine d’un point de vue extérieur.

Tout cela se caractérise musicalement par une réelle dualité induite au sein-même de ce bloc, aux premiers abords très monolithique, on remarque les riffs beaucoup plus rapides et urgents de "L’Energie" et teintés de beaucoup de trémolos dans "L’Instinct" qui dépeignent en particulier les morceaux plus intimes à la condition humaine. Les autres morceaux, eux, se qualifient par la partie plus contemplative et atmosphérique de ce qui est délivré dans l’album, un black metal plus lent, moins agressif aux mélodies plus claires et avec un chant clairement en retrait voire parfois même absent afin de laisser parler les instruments de choses qui ne peuvent pas être exprimées par des mots.

Le dernier morceau, lui, se détache complètement du reste tant par sa thématique que ses ambiances, avec son intro d’abord purement ambiant et ses riffings beaucoup plus grandioses et mélodiques, il semble lever le voile sur tout ce qui a été dépeint tout au long de l’album à l’aide également de patterns plus écrasants et plus percutants. Le parfum des pluies vient donc conclure l’album sur une approche toute différente de tout ce qui a pu être proposé auparavant, presque comme une ouverture sur ce qui n’a pas encore été exploré.

Sans être purement atmosphérique, ni purement traditionnel, "11069" propose à travers cette hybridation une réelle dualité avec d’une part une introspection qui se veut plus désespérée et pesante et d’autre part une contemplation musicalement plus atmosphérique, le tout conclu par une sorte de mélange des deux en un seul et même morceau. Cet album, sans renouveler totalement la scène, amène un peu de fraîcheur et de nouveauté dans un paysage qui tend à se répéter.


Praseodymium
Mars 2020




"Sharphood"
Note : 15/20

Être chroniqueur chez French Metal est toujours riche de surprises. Et c'est bien entendu le cas lorsque l'on trouve le premier album d'un groupe totalement inconnu dans sa boîte aux lettres. Aujourd'hui, ce groupe, ou plutôt devrais-je dire ce projet solo, s'appelle Aodon et nous vient tout droit de Périgueux. Il sort ici son premier opus "Sharphood", à l'artwork sombre et bien léché, sur le tout jeune label Antinomie Productions. Voilà qui fait beaucoup de nouveauté et potentiellement beaucoup de jeunesse... Et quand je lis l'intitulé "post-black metal", je me pose une nouvelle fois bien des questions... Tellement de choses peuvent se cacher derrière cette appellation que j'ai un peu peur de ce que je vais découvrir ! Mais qu'importe, je suis curieux de nature et rien de tel que d'écouter ce "Sharphood" pour se faire une idée... Mes amis, l'aventure commence maintenant !

On attaque donc par une courte intro oppressante et malsaine ouvrant sur "Born Buried", morceau assez pesant et plutôt mid-tempo. La première impression concernera le son, plutôt bon, très organique, même si mettant un peu trop les basses en valeur. Les guitares ont ainsi tendance à se retrouver noyées dans la masse, à l'exception de quelques leads mélodiques donnant au titre un charme indéniable. L'ensemble est sombre, torturé, et ce lead lancinant vous envoûtera à coup sûr et ira même jusqu'à vous glacer les os. Le titre suivant s'intitule "Cut In Two" et débute par un riff d'introduction quasi atmosphérique... Mais très vite, la lourdeur fait à nouveau son apparition, appuyée encore une fois par un lead mélodique qui apporte à la musique d'Aodon toute sa singularité. Le morceau se permet même de basculer sur un riff brutal mis en exergue par un blast plutôt efficace. Dommage alors que le son soit un peu trop étouffé sur ces passages rapides forcément plus denses car c'est quand le morceau pourrait prendre une toute autre dimension que la compréhension laisse à désirer... Dommage !

On enchaîne avec "Through The Light", bénéficiant d'une intro mid-tempo ouvrant sur des guitares saccadées et modernes. Là encore, la guitare lead fait son petit effet, de même que le chant écorché collant parfaitement au style pratiqué. Ce lead fini même, et ce de manière très intelligente, à être en décalage avec le reste de la musique, et ce sans choquer outre mesure. Ceci fait montre en tout cas d'une prise de risque certaine et d'une maturité insoupçonnée ! "On Your Knees", quant à lui, bénéficie d'une intro pouvant faire penser à Watain, sans pour autant dénaturer le style propre à Aodon. Une nouvelle fois, le titre propose un blast plutôt efficace appuyé par un lead glacial et ensorceleur, mais très vite, on va basculer vers quelque chose de totalement atmosphérique et aussi froid que la mort elle-même. La musique du Français fait ainsi preuve d'une grande richesse émotionnelle tout autant que d'une grande violence, faisant pour l'instant du morceau le plus intéressant de l'album. Comme quoi, il ne faut jamais se fier à la jeunesse d'une formation, car ici, tout n'est que maturité et intelligence !

Place à "Golden Snake" et son intro mélancolique basculant peu à peu vers le black metal le plus percutant. Je ne vois pas ici ce qui est "post" black metal car j'ai juste l'impression d'écouter un excellent morceau de pur black metal, parfois rapide, parfois atmosphérique, avec un chant haineux et possédé et comme toujours un lead qui me glace le sang. Certes, la musique d'Aodon véhicule un autre genre d'émotions, plus ancrées dans une sombre réalité, mais le résultat est le même : l'extase, à l'image de ce final qui vous mettra en transe ! S'ensuit "Project 555" qui va progressivement monter en puissance, surtout avec l'arrivée d'un main riff saccadé qui vous brisera les cervicales les unes après les autres. Encore une fois, avec des guitares plus en avant et un son de grosse caisse plus claquant, c'était l'orgasme assuré ! Heureusement, la guitare lead est comme toujours là pour palier à ce manque de puissance et de compréhension toute relative. Toujours est-il que l'inspiration est au rendez-vous et que ce "Sharphood" a été composé avec le cœur et les tripes et ça, ça n'a pas de prix !

Le morceau suivant s'appelle "Subways" et débute par de jolis arpèges de guitare. Un titre résolument lent et atmosphérique qui montera peu à peu en puissance vers un mid-tempo assez lourd et groovy. De quoi varier les plaisirs et donner le relief nécessaire à l'ensemble pour que l'auditeur ne se lasse pas... Pourtant, malgré ses qualités indéniables, je trouve ce morceau moins abouti que ses prédécesseurs, peut-être un peu plus poussif et moins inspiré. Partant d'une bonne intention, l'essai n'est malheureusement pas transformé, en tout cas à mon sens... "Through The Flesh", quant à lui, est beaucoup plus brutal et accrocheur. Mais là encore, M-Kha, le maître à penser d'Aodon, arrive à apporter un peu de subtilité et de réflexion à un titre qui aurait pu sembler basique. C'est bien là toute l'intelligence de ce compositeur qui aime jouer sur les faux-semblants et varier son jeu autant que ses armes pour tromper l'auditeur !

Même principe avec un "Senses And Perception" qui cherchera à vous posséder par tous les moyens. Lourdeur des saccades, mélodies funestes, chant désincarné, comme un excellent résumé des capacités d'Aodon a atteindre son but : terrasser, plus ou moins insidieusement, votre cœur et votre âme ! Et l'arme ultime reste le lead qui vous transpercera de part en part tel un javelot de glace... L'avant-dernier titre, "Bone Cage", est un morceau résolument efficace faisant, une fois n'est pas coutume, montre d'une grande richesse émotionnelle et d'une puissance évocatrice exceptionnelle. Et on terminera cette longue écoute avec "Le Séquestré", avec ses guitares lancinantes et son blast de batterie qui en feront un morceau d'une intensité rare... Mais Aodon sait aussi calmer le jeu afin de nous offrir un final beaucoup plus introspectif !

Ou comment finir ce "Sharphood" de la plus belle des manières qui soit, par une leçon de black metal (post ou non), ici exécuté avec savoir et honnêteté. Un black metal sobre, qui ne se dévoile que timidement, qui pourrait même en rebuter certains que premier abord, mais qui saura dévoiler nombre de secrets à ceux qui oseront tenter l'aventure. Une aventure humaine dramatique autant qu'une introspection dérangeante, toujours est-il que ce premier album ne laissera sûrement pas indifférent ! Voilà donc une jeune formation qui a un avenir tout tracé car maintenant que je connais les moyens employés pour faire passer le message et la teneur du message lui-même, je gage que M-Kha en a encore gros sur le cœur et qu'on entendra très prochainement reparler d'Aodon !


Carcharoth
Juillet 2016


Conclusion
Le site officiel : www.facebook.com/aodonband