Le groupe
Biographie :

Amenra est un groupe de doom metal belge, originaire de Courtrai, en région flamande. Il est formé en 1999 par le chanteur Colin H. Van Eeckhout et le guitariste Mathieu Vandekerckhove, et plus tard rejoints par le batteur Bjorn Lebon, le guitariste Lennart Bossu et le bassiste Tim De Gieter. Le groupe compte notamment une série de six albums studio intitulée "Mass". En 2005, Church of Ra s'est développée autour de musiciens et d'artistes proches du groupe dont les œuvres font l'objet de présentations en France et en Belgique. En 2012, Amenra signe sur Neurot Records (Neurosis) et publie "Mass V". L'album suivant, "Mass VI", sort en Octobre 2017. Qautre ans plus tard, Amenra sort "De Doorn" chez Relapse Records.

Discographie :

2003 : "Mass I"
2005 : "Mass II Sermons"
2005 : "Mass III"
2008 : "Mass IIII"
2012 : "Mass V"
2017 : "Mass VI"
2021 : "De Doorn"


Les chroniques


"De Doorn"
Note : 17/20

2021 sera l'année du changement pour les Belges d'Amenra puisque "De Doorn" est le premier album à sortir chez Relapse Records, le premier à être chanté entièrement en flamand et le premier à ne pas reprendre le titre de "Mass". On se prépare donc à trouver aussi un changement musical, fut-il léger, sur ce nouvel album. Et connaissant la capacité du groupe à emmener loin, on accroche sa ceinture par précaution.

Si Amenra a longtemps crée un postcore lourd, noir, torturé et imposant, ses deux derniers albums l'ont vu mettre un peu d'eau dans son vin en amenant un peu de chant clair et une certaine fragilité. Là où les ambiances se faisaient auparavant d'une noirceur impénétrable, on pouvait trouver quelques rayons de lumière, une mélancolie qui amenait un peu d'espoir dans une musique très oppressante. C'est "Ogentroost" qui nous accueille cette fois et ce premier morceau de dix minutes fait doucement monter la pression avec quelques sons très discrets au premier abord et difficilement identifiables qui grimpent en volume au fur et à mesure pour enfin se révéler être les guitares avec quelques arrangements. Les premières phrases se font entendre, narrées par une voix quasiment monocorde avant que les gros accords saturés ne se fassent enfin entendre. Plus de quatre minutes pour amener cette explosion qui amène aussi ce fameux chant hurlé que l'on connaît bien chez Amenra. Une entrée en matière qui confirme que le groupe n'a rien perdu de sa noirceur et de sa puissance, même s'il décide maintenant de les utiliser différemment. Le groupe reste lui-même mais se fait moins monolithique, moins uniformément imposant. Amenra amène quelques respirations dans sa descente aux enfers et glisse quelques passages plus aériens. Les guitares tissent leur toile par des arpèges plus que par de gros riffs destructeurs et surpuissants (même si ces derniers sont toujours là) et les mélodies se fondent dans ce qui était avant un magma sonore impitoyable. Les hurlements de Colin H. Van Eeckhout qui étaient avant mixés en retrait sont cette fois plus en avant et n'ont jamais sonné aussi torturés et n'ont jamais autant laissé cette impression d'entendre un écorché vif !

Il reste aussi cette beauté à laquelle le groupe nous a toujours habitué, discrète par le passé et fondue dans une masse boueuse et maintenant plus affirmée. Amenra amène une certaine contemplation noire dans sa musique qui lui permet d'aérer son propos, de se renouveler et en même temps d'être émotionnellement plus puissant. Si le groupe nous écrasait sans pitié sous le poids de sa douleur il y a encore quelques années, il décide cette fois de saisir directement le cœur. Sans jamais tomber dans le pathos, sans devenir niais ou pleurnichard, "De Doorn" arrive à nous saisir et à nous tordre les boyaux. Cette évolution est tellement naturelle et on l'a tellement sentie venir sur les précédents albums que rien ne choque, les passages plus aériens, mélodiques et mélancoliques s'intègrent parfaitement au reste et la sincérité d'Amenra suinte par tous les pores. Cette volonté d'épurer quelque peu le propos et de laisser plus de place aux émotions ne rend la musique du groupe que plus puissante. On sent qu'il fallait que ça sorte et que le groupe a fait cet album en premier lieu pour lui-même. Toujours est-il que le propos est suffisamment clair pour parler à tout le monde, quand bien même les textes sont en flamand et donc incompréhensibles pour pas mal de monde. Aux hurlements de Colin H. Van Eeckhout s'ajoutent parfois ceux de Caro Tanghe et ces deux-là savent suffisamment faire passer ce qu'ils ressentent pour que les textes ne soient pas indispensables. Après une telle intensité, "Voor Immer" qui clôt l'album tout douceur fait presque office de palier de décompression. Quelques arpèges et accords simples en son clair, une basse chaude et un texte narrée pour près de huit minutes aériennes avant que les guitares saturées ne viennent terminer le travail sur les quatre minutes restantes.

"De Doorn" continue ce qu'Amenra avait entamé sur "Mass V" et "Mass VI" avec cette mue vers quelque chose de plus aéré qui laisse un peu de place à une certaine fragilité et à quelques rayons de lumière. Malgré cela, l'ensemble est toujours aussi éprouvant et encore plus puissant émotionnellement, vous êtes prévenus !


Murderworks
Octobre 2021




"Mass VI"
Note : 13/20

Découvert en 2012 au Hellfest, Amenra est un groupe qui m'avait fait une très bonne impression en concert. Cependant, je n'avais jamais pris le temps de me pencher sur leurs albums avant que ne paraisse leur intriguant opus acoustique, "Alive", en 2016 ; une œuvre audacieuse qui m'avait plus convaincu en concert que sur album.

Sur ce "Mass VI", Amenra revient en terrain connu avec quatre longs morceaux qui prennent le temps de développer un univers abyssal. Vous cherchiez un peu de gaieté et de bonne humeur ? Passez votre chemin ! La pochette de l'album ne nous trompe pas sur la marchandise. Dans un style à la fois épurée et très esthétique, celle-ci nous montre le plumage blanc d'un cygne décédé sur un fond noir et gris. Cet amas de plumes définitivement clouées au sol nous évoque, peut-être, l'image d'un ange mort. Mais où vont les anges quand ils meurent ?

Partant de passages clairs et très aérés pour arriver à des sons saturés, lourds et étouffants, le groupe maîtrise parfaitement les lentes variations d'intensité et affirme son statut de fer de lance du post-hardcore. A l'image de la musique, les paroles de Colin sont parfois chantées du bout des lèvres en voix de tête, parfois hurlées à toutes forces avec son cri déchirant bien particulier.

On retrouve donc le groupe sur un registre dans lequel il n'a plus grand-chose à prouver. Cependant, malgré de nombreuses écoutes, je ne suis pas parvenu à être transporté par ce "Mass VI". Avec Amenra, je m'attends à être pris aux tripes et à la gorge, à être pénétré par une émotion qui va chercher dans les sphères les plus sombres et les plus reculées de mon être pour y raviver les blessures les plus secrètes... Même si ça fait mal, car la démarche du groupe flirte, à n'en pas douter, avec le masochisme. En effet, à l'écoute de ce genre de musique dépressive, on ressent souvent un désir paradoxal de plonger tête la première dans les eaux sombres de la douleur pour mieux s'agripper à la branche qui nous raccroche à la vie.

Mais ici, la magie n'opère pas. Peut-être parce que j'ai l'impression que le groupe ne propose pas quelque chose d'assez neuf et ne parvient pas, ainsi, à renouveler l'émotion ? On sent bien, pourtant, quelques tentatives d’innovation. Par exemple avec ce petit poème flamand prononcé d'une voix neutre entre deux morceaux, ou avec ce "Plus près de toi seigneur" chanté en français... Mais, au final, cette sixième messe ne nous apporte pas grand-chose de plus que les cinq précédentes. Sûrement faudra-t-il attendre d'y assister en concert pour recevoir plus directement toute l'émotion de cette musique et partager ainsi pleinement l'eucharistie.

En attendant, malgré sa très belle pochette, j'ai bien peur que cet album prenne la poussière sur une étagère, tel un médicament inefficace qu'on oublie au fond de sa pharmacie.


Zemurion
Janvier 2018




"Mass V"
Note : 17/20

Quintette fulgurant du sludge post-hardcore, nos voisins les belges en ont de la chance d’avoir des petits trésors du genre. Actif depuis une dizaine d’années, Amenra délivre un son funeste, un son torturé, un son à l’envoûtement plus efficace que n’importe quelle mixture parfumée. Dans la collection des "Mass", je demande le nouveau-né, cinquième du lot sorti en Novembre dernier.

Il aura fallu pas moins de quatre ans avant que "Mass V" substitue son prédécesseur dans quatre titres, format court mais à la longueur adaptée. Jusqu’à treize minutes de jeu pour "A Mon Âme", le style musical demande du temps pour pouvoir s’exprimer convenablement. Ici, chaque seconde est exploitée à bon escient afin d’atteindre un climat de nuisance absolu. Chaque accord est composé avec l’âme, chaque parole vient des tripes. S’il y a bien un groupe que l’on pourrait entièrement décrire au superlatif, c’est bien celui-ci. Car Amenra ne fait jamais dans la demi-mesure, extrême jusque dans ses prestations live. Si le groupe s’est accordé quelque temps entre deux sorties d’album, ce n’est sûrement pas pour chômer, plutôt pour se consacrer à la production de quelques live, Eps et LPs, démarche de travail d’ailleurs gratifiée par leur récente signature sur le fameux label des Neurosis, Neurot Records. "Mass V" est donc le premier émergent de la boîte mère et s’annonce plus néfaste que jamais. Du choix des titres à la composition, le lugubre reste maître-mot.

Une minute d’intro épurée pour "Deadborn And Buried" qui éclate brusquement aux intonations hurlées de Colin H. Van Eeckhout et aux coups de fûts de batterie primitifs. Dans le jeu des instruments à cordes, la lenteur est de mise, les répétitions se succèdent presque à l’insoutenable, le style est parfait. Les cris possédés de "Boden" se fondent en background dans la réverbération des guitares aux notes apaisantes puis menaçantes, dans un climat où la pesanteur va crescendo. "A Mon Âme" naît aérienne pour s’achever en fracas tandis que "Nowena" honorera l’acoustique sous les vocaux de Scott Kelly, chanteur dans Neurosis avant la tornade habituelle.

Climat pesant de A à Z, Amenra reste fidèle à ses procédés décidément bien efficaces qui ont fait du groupe l’un des plus influents de la scène post-metal actuelle, statut dignement obtenu.


Angie
Février 2013


Conclusion
L'interview : Colin H Van Eeckhout

Le site officiel : www.churchofra.com