La France a toujours été un vivier de bons groupes de black metal et Alkhemia vient s'ajouter à la liste avec son premier album "Abraxas" sorti chez Malpermesita Records. Un groupe qui prend le temps de développer ses ambiances puisque ces trente-neuf minutes ne tiennent que sur cinq morceaux. Si vous vous attendiez à une pure copie du black metal à la norvégienne ou à un simple bourrrinage en règle, vous savez déjà que vous vous êtes trompés d'adresse.
Les dix minutes de "Homopresence" qui ouvre l'album le font vite comprendre. Certes la violence et les blasts sont présents mais le groupe a à cœur de proposer quelque chose de plus, un univers personnel qui prend les codes du genre et les amènent là où il veux aller. On reconnaît la patte des groupes modernes, de cette scène appelée "orthodoxe", par l'utilisation de dissonances, d'un gros son plus propre que le standard norvégien classique et par la présence d'une puissance qui vient plus du death metal que du black. L'utilisation de la violence par Alkhemia ne vise pas à vous assommer sous une brutalité outrancière, c'est plutôt une impression de tourbillon que le groupe veut donner. Celui que vous croisez et sentez quand vous descendez dans les profondeurs, celles que recèle votre esprit. Parce que le nom du groupe le laisse facilement deviner, il y a de l'introspection là-dedans et la référence à l'alchimie n'est pas innocente. Pas plus que le fait d'appeler son album "Abraxas" dont un des sens peut être celui de la totalité de la connaissance, bref on retombe sur nos pattes et on retrouve cette tendance au voyage intérieur un peu partout. Musicalement, c'est assez clair aussi, les ambiances sont torturées mais sont loin du malsain pour le malsain et Alkhemia ne participe pas au concours de qui sera le plus glauque. On sent l'investissement personnel mis dans cette musique et les émotions qui font surface sur ce premier album n'ont pas l'odeur de l'esbroufe. "Toxikon" poursuit sur une voie assez violente avec pas mal de blasts et une certaine intensité, mais là encore il y a ces accords et ces mélodies qui font sentir une certaine mélancolie.
Les membres du groupe ne sont pas des petits nouveaux sur la scène et ont déjà leurs armes ailleurs, nous ne serons donc pas surpris d'entendre que Alkhemia a déjà une personnalité marquée et un univers personnel. Le groupe prend des éléments de plusieurs scènes issues du black metal en particulier et du metal extrême en général pour en faire sa propre version, comme le pavé de plus de onze minutes "Primaveal Pantheon" qui place du mid-tempo qui renvoie aux origines du genre avec une ambiance presque épique par moments, des riffs presque thrash, des ambiances mélancoliques et froides ou encore un feeling occulte. Il n'y a pas de barrières chez Alkhemia et son black metal change de forme en fonction de ce qu'il veut exprimer. Il y a une volonté nette de ne coller à aucun genre, de fuir les dogmes musicaux et de n'en faire qu'à sa tête en laissant les émotions prendre les rênes. D'ailleurs, en parlant de mélancolie et malgré la furie qu'il fait entendre avec ses blasts ravageurs, le dernier titre de l'album "Reminiscence Quintessence" est vraiment poignant. Ses mélodies vous saisissent à la gorge et ne vous lâchent plus pendant tout le morceau, toujours présentes derrières les tirs d'artillerie incessants. Sans être expérimental non plus, "Abraxas" s'éloigne suffisamment du reste de la scène pour être exigeant et demander plusieurs écoutes. On sent à la fois l'héritage du black scandinave, de la scène orthodoxe et des groupes plus modernes mais malgré cela Alkhemia réussit à ne pas tomber dans la piège de la copie comme le font beaucoup de représentants de ces scènes. Les influences sont digérées et le groupe développe déjà une patte particulière, des ambiances puissantes et laisse la place à des émotions peut-être plus sincères et plus profondes que d'autres groupes de black metal.
"Abraxas" est donc un premier album prometteur qui fait entendre un groupe déjà à part. Il va falloir lui prêter une certaine attention, multiplier les écoutes et se plonger sérieusement dedans mais ça vaut le coup de faire l'effort.
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