Le groupe
Biographie :

Ahab est un groupe du funeral doom metal allemand formé en 2004 et actuellement composé de : Cornelius Althammer (batterie / Dead Eyed Sleeper, Maladie, BlackDust, ex-Deadlock, ex-Legacy, ex-Disbelief, ex-Mortified, ex-Mystic Circle), Chris Hector (guitare / ex-Penetralia, ex-Midnattsol), Daniel Droste (chant, guitare, clavier / ex-Endzeit, ex-Penetralia, ex-Midnattsol) et Stephan Wandernoth (basse / Dead Eyed Sleeper, ex-Legacy). Le nom du groupe provient du nom du capitaine dans le livre de Herman Melville, Moby Dick. Ahab sort son premier album, "The Call Of The Wretched Sea", en Septembre 2006 chez Napalm Records, suivi de "The Divinity Of Oceans" en Juillet 2009, de "The Giant" en Mai 2012, de "The Boats Of The Glen Carrig" en Août 2015, et de "The Coral Tombs" en Janvier 2023.

Discographie :

2006 : "The Call Of The Wretched Sea"
2007 : "The Oath" (EP)
2009 : "The Divinity Of Oceans"
2012 : "The Giant"
2015 : "The Boats Of The Glen Carrig"
2023 : "The Coral Tombs"


Les chroniques


"The Coral Tombs"
Note : 17/20

Après deux albums très lourds et orientés funeral doom et un troisième qui amorçait une direction plus mélodique et lumineuse, les Allemands d'Ahab avaient proposé une belle fusion des deux approches avec "The Boats Of The Glen Carrig" en 2015. Une fusion qui va être poussée encore un peu plus loin et se montrer plus affinée encore sur le nouvel album, "The Coral Tombs", un concept basé sur le fameux "Vingt mille lieues sous les mers" de Jules Verne.

On plonge dans le vif du sujet avec "Prof Arronax Descent Into The Vast Oceans" qui envoie des blasts d'entrée de jeu avec growls et hurlement déchirés en sus, une belle surprise dès le démarrage de l'album ! Ahab ne nous a pas habitués à être aussi brutal et agressif, ce qui ne va évidemment pas durer puisque quelques arpèges bien plus mélodiques et tristes viennent nous cueillir au bout d'un peu plus d'une minute. Le chant clair prend le relais et développe une ambiance onirique qui transmet très bien cette vue de paysages totalement irréels et cette plongée vers l'inconnu. On reconnaît bien le talent du groupe pour les ambiances immersives et les sublimes mélodies et ce premier morceau confirme d'ailleurs la fusion précitée. On y retrouve la lourdeur des débuts funeral et les ambiances plus aquatiques ornées de mélodies aériennes qui frappent toujours en plein cœur. "Colossus Of The Liquid Graves" revient à des sonorités plus sinistres et fait preuve d'un groove écrasant très doom qui laisse donc plus de place aux growls. Un doom qui marque évidemment ce nouvel album de son empreinte comme d'habitude, malgré les huit ans qui séparent "The Coral Tombs" de son prédécesseur, Ahab n'a pas changé son fusil d'épaule et ce nouveau méfait présente sept pavés sonores pour une durée de soixante-six minutes. Les trois premiers morceaux de l'album sont d'ailleurs les plus courts puisqu'ils dépassent à peine les huit et six minutes, la suite retournant naviguer vers les dix voire douze minutes.

On entend d'ailleurs deux invités sur ce nouvel album, à savoir Chris Noir de Ultha sur le premier morceau et Greg Chandler d'Esoteric et Lychgate sur "The Maelstrom" et si le premier donne habituellement dans le black metal, le second a posé plus d'une fois sa marque dans le monde du doom ! "A Coral Tomb" surprend avec une ambiance bien plus cotonneuse et hypnotique qui range les gros riffs au profite de quelques arpèges aux mélodies sombres. Une ambiance hors du temps qui nous emmène très loin dans les profondeurs et fait passer les dix minutes que dure ce morceau à une vitesse folle. "Ægri Somnia" débute lui aussi de manière très posée avec quelques arpèges et accords tout en finesse avant de lâcher les gros riffs bien lourds et les growls pour une ambiance d'un coup bien plus inquiétante et noire. Une ambiance qui laisse la place au très rampant "The Maelstrom" qui clôt l'album tout en doom écrasant et en mélodies aériennes qui crée une boucle en ramènant certains motifs musicaux et riffs entendus dans le premier morceau avant de faire un dernier coup d'éclat avec les hurlements et les growls possédés de Greg Chandler. On soulignera une fois de plus la production très organique, puissante et claire qui donne l'impression d'entendre de vrais instruments et non pas des répliques en plastique dénuées de puissance. Non seulement cela sert parfaitement le propos d'Ahab mais cela flatte aussi nos tympans et ça fait toujours plaisir d'entendre un groupe sonner de façon plus naturelle.

Il aura fallu huit ans à Ahab pour revenir mais "The Coral Tombs" tient toutes ses promesses et le doom du groupe marie à merveille le doom écrasant et noir des débuts aux accents plus mélodiques et aériens entendus ensuite. L'ambiance est hors du temps et ce nouvel album envoie sa dose de mélodies envoûtantes et de lignes de chant habitées. Pas de grosses déviations par rapport aux précédents albums mais la confirmation que le groupe n'a rien perdu de son talent pour nous emmener dans son univers et une heure de musique une fois de plus très immersive.


Murderworks
Février 2023




"The Boats Of The Glen Carrig"
Note : 15/20

Si vous aimez la plongée sous-marine vous allez être servis, Ahab est de retour avec "The Boats Of The Glen Carrig". Par contre ceux qui avaient été déçus par l'orientation prise par le groupe sur "The Giant" le seront encore cette fois-ci, Ahab ne revient pas aux sources et continue sur la voie qu'il s'est tracée il y a deux ans.

A savoir un doom / death certes pesant mais qui n'a rien de funèbre, le tout alterné par des passages plus atmosphériques en voix claires et dont les mélodies se font plus lumineuses. Et si la formule est connue depuis le précédent album, elle n'en reste pas moins efficace, en témoigne par exemple le changement de ton du premier morceau, "The Isle", qui commence quasiment en acoustique et en voix claire pour enchaîner sur des riffs écrasants et un growl tout droit venu des abysses. On retrouve plus ou moins le même schéma sur tout l'album, exactement comme sur le précédent encore une fois. Le seul écart au programme est finalement "Like Red Foam (The Great Storm)" qui pourrait presque constituer le single de l'album avec ses 6 minutes (comparé aux 10 ou 11 minutes des autres morceaux, ça fait court) et qui montre surtout un visage un peu plus rentre-dedans, moins lourd et moins oppressant sans pour autant être bourrin non plus. En tout cas Ahab n'a rien perdu de son savoir-faire, les ambiances sont une fois de plus bien plantées et l'immersion est au rendez-vous. Si son doom se fait moins direct et moins funèbre, il n'en reste pas moins envoûtant, les passages mélodiques apportent quelques rayons de lumière qui, loin de tomber comme un cheveu sur la soupe, apportent un petit plus à l'univers créé par le groupe. Du coup, je ne sais pas si c'était la période à laquelle je l'ai chroniqué ou si c'est cet album qui est réellement meilleur, mais je me retrouve bien plus immergé dans ce nouvel album que je ne l'avais été avec "The Giant" à l'époque de sa sortie.

En tout cas il y en a pas mal à qui cette orientation ne plaira pas, mais il est incontestable qu'Ahab est un groupe à part. Son côté doom-death est plutôt traditionnel, mais quand ces marins commencent à adoucir le ton et à installer leurs ambiances tranquillement, vous avez beau essayer de résister le groupe finit par vous embarquer avec lui. Et le délire nautique du groupe n'est pas simplement une image, ça s'entend réellement dans leurs morceaux (les guitares qui ressemblent presque à des chants de baleines en plein milieu de "The Thing That Made Search"). Si j'osais faire une blague foireuse, j'irais même jusqu'à dire que dans ce domaine le groupe est comme un poisson dans l'eau (merci à Carambar, mon sponsor officiel). Certains rageront d'entendre que le groupe continue d'adoucir sa musique, enfin entre guillemets, et préfèreraient qu'Ahab retourne dans les profondeurs du funeral doom. Mais non, ces gars-là préfèrent les profondeurs sous-marines et même si la mélodie et le chant clair prennent de plus en plus de place, on ne peut pas dire qu'Ahab devienne mielleux pour autant. Le climat est toujours sombre, et si un peu de lumière et de beauté arrivent à se frayer un chemin de temps en temps, ce n'est que pour mieux nous écraser par la suite.

Un nouvel album qui ne révolutionne donc pas la musique d'Ahab, mais en même temps le précédent album avait déjà amené quelques changements. Ce nouvel essai poursuit sur cette lancée, alternant les passages mélodiques et le chant clair avec d'autres plus doom avec growls. Si "The Giant" ne vous a pas plu du tout il y a par conséquent peu de chances que celui-ci rattrape le tir.


Murderworks
Novembre 2015




"The Giant"
Note : 13/20

Amis de la plongée sous marine et de l'exploration d'épave inconnue inutile de sortir tout votre matos, je vous annonce qu'aujourd'hui on va se contenter de barboter à la surface. Ahab, qui nous avait livré deux albums axés sur Moby Dick et qui étaient musicalement d'une profondeur abyssale, nous amène aujourd'hui son troisième album "The Giant". Et sans faire de mauvais jeux de mots, on ne navigue pas dans les mêmes eaux.

Là où on s'attendait à se reprendre un brûlot funeral doom aquatique dans les dents, Ahab nous sert un album bien plus léger et posé. Pas vraiment de remous sur ce "The Giant" qui flirterait même presque par moments avec le post rock, passages en guitares et voix claires, jolies petites mélodies mélancoliques, bref on est loin de ses écrasants grands frères. Thématiquement déjà adieu Moby Dick, mais pas de surprises le groupe l'avait déjà annoncé, et direction le roman d'Edgar Allan Poe : "Les aventures d'Arthur Gordon Pym". On reste dans l'eau mais pas dans le même bassin dirons-nous, on va pouvoir ressortir notre fameuse bouée en forme de canard qui nous donne tant de classe. Sans être mauvais je crois pouvoir dire que les fans des deux premiers vont hurler au blasphème tant le propos s'est adouci, même si les growls et quelques gros riffs sont encore là. Et encore les growls en question laissent souvent la place à une sorte de voix claire moitié criée, tout du moins éraillée.

Tout le côté ultra pesant et oppressant de l'ancien Ahab a quasiment disparu pour laisser place à la désillusion et la mélancolie, faisant du coup presque retomber le groupe dans la masse de tous ceux qui pratiquent le death / doom quelque chose. Parce que mine de rien c'est ce côté "naviguons en eaux troubles" qui donnait un cachet si particulier à leur musique, c'est un pari risqué d'avoir changé la formule à ce point ! Parce que l'album est bon il n'y a aucun soucis là dessus, mais on a du mal à reconnaître le groupe par moments. Jamais sa musique ne s'était faite aussi atmosphérique, aussi évanescente, direction visible aussi dans l'artwork d'ailleurs. Une patte graphique totalement différente, pochette dominée par le blanc, on nous annonce dès le départ un album plus "lumineux". Même la production est bien plus soft, là aussi les guitares qui vous broyaient les tympans sous leur poids ont disparu, elles sont passées par la case "slim fast".

Bon je vais quand même redresser un peu la barre, parce qu'à lire tout ça ça donne l'impression que cet album est une sombre merde et ce n'est pas le cas. Il est même très bon dans son genre, c'est juste que le genre en question est déjà surchargé et que le groupe tenait une personnalité déjà bien affirmée. C'est quand même dommage de l'avoir lâchée en cours de route, même si il est évident qu'un groupe doit évoluer. Je pense que le public d'Ahab risque de changer, les amateurs de gros funeral qui tache iront voir ailleurs, pour laisser la place à d'autres qui apprécient le doom plus aérien. C'est ça le plus "choquant" en fait, c'est que l'écoute de cet album est quelque chose d'agréable, là où les deux premiers opus étaient inquiétants, nous malmenaient à longueur de temps avec leurs ambiances torturées en diable. Ahab est en fait passé du funeral doom des profondeurs à du doom d'eau douce, et comme je le disais je doute que ça leur réussisse tant le créneau est déjà surpeuplé.

Personnellement j'aime beaucoup le doom sous toutes ses formes, mais je reconnais que là Ahab a quand même plutôt perdu en substance en décidant d'adoucir à ce point sa musique. Les deux premiers touchaient presque à l'indicible, dans le sens Lovecraftien du terme, ils créaient une ambiance unique qu'on ne retrouvait pas ailleurs, "The Giant" lui propose une formule déjà servie par beaucoup d'autres groupes avant lui. Encore une fois l'album est bon dans le genre, mais vu ceux que je possède déjà plus ou moins dans le même moule je ne suis pas certain de revenir si souvent que ça à celui-ci. C'est son gros problème, un virage que les vieux fans prendront pour une trahison, et un nouveau visage qui le place dans un couloir surpeuplé et où certains ont fait mieux que lui. Reste à voir sur un prochain album si l'évolution est confirmée, à moins qu'Ahab nous réserve encore un pied de nez. D'ici là je vous conseille quand même d'y jeter une oreille, parce que "The Giant" a quand même ses qualités et que ces mecs savent y faire.


Murderworks
Septembre 2012


Conclusion
Le site officiel : www.ahab-doom.de