Le groupe
Biographie :

Agnosys est un groupe de death metal technique né à Paris en 2001, et actuellement composé de : Cédric (guitare), Stéphane (guitare), Sylvain (basse), Nico (chant) et Fabrice (batterie). Après un premier EP, "Equilibrium", sorti en 2004 et différents changements de line-up, le groupe travaille sur son premier album qui sort finalement en 2011 chez Great Dane Records.

Discographie :

2004 : "Equilibrium" (EP)
2011 : "Alterations"


La chronique


Ce qui est important dans la vie c'est d'avoir de la répartie. Lorsqu'on vous attaque verbalement, il faut savoir réagir intelligemment et rapidement. Lorsqu'on vous attaque physiquement on parle de légitime défense si on a rétorqué dans la seconde. Et musicalement c'est la même chose, au moment où l'on est submergé d'albums et de CDs qui dégueulent de la boîte aux lettres, il faut savoir posséder cette répartie utile. Une répartie dans les notes, dans la composition d'une chanson, qui arrivera à effacer tous les autres groupes, une répartie qui donnera à ses chansons l'aspect imperceptible mais pourtant ô combien vital de l'unicité. Agnosys, groupe Français de surcroit (et n'y voyons ici aucun chauvinisme, car lorsque c'est de la merde, il faut savoir le dire aussi), possède certainement cette répartie audacieuse et essentielle. En effet, même si "Equilibrium" sorti en 2004 n'a peut-être pas frappé tous les esprits, la pertinence indubitable de ce premier opus nommé "Alterations" ne pourrait laisser de marbre le moindre auditeur venu.

Un premier album composé de huit titres, avec d'ores et déjà une identité plus que certaine, affirmée et succulente dans la technique, aux contours death metal et aux reflets thrash metal. Le tout baigné dans un travail très technique (cela fait redite mais soulignons le), courants sur lesquels ont été disséminés des passages mélodiques pris tantôt dans le black / death ("Towards A Crimson Gorged Progeny") ou encore dans des vagues beaucoup plus isolées comme Sup / Supuration, avec lesquelles le groupe se plait à y insérer des vocaux divers et variés autant gutturaux que clairs ou susurrés. C'est en général à l'écoute d'un premier morceau que l'on peut se faire une idée majoritairement rationnelle et plus que satisfaisante du contenu d'un album mais encore plus de son impact sur notre cerveau. Et avec le premier titre "From The Heights From The Depths", on sait que l'album d'Agnosys va être une perle.

Déjà rien qu'avec la pochette, pourtant relativement simple, on ressent cet intérêt au premier regard. Ce jeu de couleur, ce dessin fait la différence sur beaucoup d'artwork actuels. C'est une chose que l'on remarque ces derniers temps, ce retour à quelque chose de plus traditionnel, de véritable dessins plutôt que du photoshop à outrance qui se tue lui-même ; Bref, rien qu'à la front cover, Agnosys peut déjà séduire. Ensuite... nous disions que... oui, le premier morceau nous rallie tout de suite à la cause. Pourtant le son de l'album n'est pas extraordinaire (ce qui ne veut pas dire non plus qu'il soit mauvais) et manque peut-être d'un peu de clarté, alors que le début du titre lui-même n'était pas particulièrement exceptionnel. Mais à partir du refrain chanté aux choeurs clairs, c'est à partir de ce moment là que l'hypnose d'Agnosys commence vraiment à faire son effet. Car sur ce morceau de quasiment huit minutes (en notant que la plupart des chansons de cet album sont dans la même trempe en terme de longueur), à partir de ces chœurs, on n'écoute plus la musique d'Agnosys de la même manière. Le titre est devenu tout d'un coup, mille fois supérieur, je me suis laissé prendre au solo et aux harmonies si mélancoliques, à la brutalité, à la mélodie qui font de cette première piste une élévation assez rapide vers le nirvana.

Agnosys possède toutes les qualités. Des guitares complexes et mélodiques, toutes complémentaires dans les harmonies. Un chant death qui me rappelle un peu celle de Philippe Courtois de Misanthrope, car il n'est pas spécialement puissant, mais rudement bien enregistré, confronté à celui de Septic Flesh de "Esoptron" grave et sombre ; aussi un chant clair / heavy que l'on a pu goûter immédiatement sur "From..." et qui donne des frissons, mais je suppose que c'est dû aussi à la manière d'agencer les choses. C'est délicat d'enfermer Agnosys dans un style précis, parce que l'intérêt de l'album c'est que l'on voyage à travers moult courants musicaux, bien sûr le fil conducteur est certainement le death/thrash mais dans sa large interprétation, au même titre que l'on peut classer Carcariass dans le death. Pour preuve à l'écoute de "Towards..." si on peut se dire que l'on est face à des idées mixant des choses black / death / thrash, on est malgré tout piégé dans des ambiances proches de Supuration (époque "Still In The Sphere", ou encore Death (Chuck for ever).

Les chansons d'Agnosys en sont véritablement progressives, évolutives, car durant quasiment sept ou huit minutes à chaque fois, on nous propose de prendre place pour un trip intersidéral, car l'aspect stellaire, à l'instar de groupes tels que Pestilence, ou Arcturus est relativement marqué chez Agnosys, bien que leur facette black soit plus proche d'Emperor. Mais ce qui est bluffant c'est cette manière d'apporter tout un décor musical et l'espace d'un instant en détruire toute les fondations progressivement , comme dans le film Dark City , tel un rubik's cube musical, pour finalement s'orienter vers d'autres horizons.

Des horizons qui peuvent aussi être plus violents et blastés, comme sur "Banished" ou "Inborn Effects" alors qu'en parallèle ils en gardent leur mélodie mélancolique similaire à celle de des groupes de death mélodiques Suédois comme les vieux Dark Tranquillity / Gates Of Ishtar / A Canorous Quintet ou les groupes de death / doom des années 90's. Le centre de l'album est certainement le plus violent, car les chansons "Inborn Effects", "Sons Of The Void" et "Banished" représentent un triptyque brutal et agressive, une manière de faire monter la pression au sein de l'album sans doute. Petite lumière isolée dans l'océan de noirceur d' "Alterations", il s'agit sans nul doute de "Le Lac", un titre chanté en Français, avec la voix de Nico (ma comparaison avec Misanthrope est encore plus flagrante sur le début du morceau), où la poésie qui est propre à notre beau pays en ressort encore plus magnifique.

Vous l'aurez compris, c'est un album où il est difficile de parler de son contenu, tellement les subtilités sont nombreuses, où la violence peut s'acoquiner avec la mélancolie toujours sur une toile très technique dans les guitares et la batterie. Les ambiances, les atmosphères, sont très importantes également permettant ainsi à la longueur des titres de ne pas sombrer dans l'ennui. La qualité vocale du chanteur n'a d'égal que l'inspiration et la dextérité des instrumentistes. Entre death metal et thrash coloré de vieilles idées suédoises, teinté de black metal Norvégien, et assombri par une scène certainement Grecque, Agnosys ne ressemble finalement à personne, et on aura beau chercher des influences, elles sont digérées pour n'en éructer qu'un nectar unique dont la saveur reste en bouche relativement longtemps. Pour terminer sa prestation, Agnosys a inséré en dernière piste une chanson qui rappelle leur attrait pour les choses grecques, parce qu'en parlant de Septic Flesh, en cherchant l'étymologie de leur patronyme, on fait ce constat. Et ce "Tantalos" reste une somptueuse fermeture à "Alterations", un bouquet final qui ne pouvait en être autrement.

C'est un album qui mérite beaucoup plus que ce que l'on pourrait lui donner. Encore une fois Great Dane Records a signé un groupe talentueux et il serait vraiment dommage de faire la fine bouche et de s'en passer, parce que ce genre d'album reste longtemps sur les platines, underground ou pas...


Arch Gros Barbare
Avril 2011


Conclusion
Note : 16/20

L'interview : Le groupe

Le site officiel : www.myspace.com/agnosys