"The Blossoming"
Note : 16/20
Ætheria Conscientia nous annonce avec son troisième album "The Blossoming" vouloir faire une musique plus frontale, plus directe et plus concise. Une annonce qui attise notre curiosité puisque les deux premiers albums montraient une volonté d'expérimenter, on se dit donc qu'il va être intéressant d'entendre ce que le groupe a à proposer dans cette veine. Pour resituer la bête, disons que c'est du black metal progressif et que le groupe cite lui-même Enslaved, Mastodon ou Oranssi Pazuzu.
Alors concis mais pas trop quand même puisque le premier morceau de l'album, "Astral Choir", dure quand même dix bonnes minutes ! Des sonorités orientales nous accueillent et on retrouve ce fameux saxophone qui une fois de plus n'a rien d'un gimmick et est utilisé comme un instrument supplémentaire. Nombreux sont les groupes à avoir mis du saxo dans leur musique ces dernières années mais peu ont fait comme Ætheria Conscientia, à savoir l'intégrer dans la composition dès le départ au lieu de l'ajouter comme un petit bonus. Malgré la durée de ce premier morceau, on sent effectivement une envie de créer quelque chose d'un peu plus simple à suivre, même si les ambiances sont bien développées et que le groupe prend le temps de délivrer son propos. La musique du groupe est toujours aussi personnelle et originale mais il y a peut-être plus de mélodies, ou en tout cas plus de passages mémorisables et moins de délires barrés. On reconnaît bien la musique d'Ætheria Conscientia en tout cas, l'évolution est là mais s'est faite en douceur. La puissance d'évocation est toujours là elle aussi et "The Blossoming" va vous faire apparaître des images devant les yeux, comme ses deux prédécesseurs. "Haersperadh" fait d'ailleurs entendre de sublimes mélodies qui distillent une mélancolie certaine et le morceau nous saisit très vite pour ne plus lâcher pendant plus de sept minutes. C'est dans ces moments-là que l'on sent effectivement l'envie du groupe de faire quelque chose de plus frontal et concis cette fois, les mélodies se font effectivement plus immédiates et plus simples à mémoriser tout en gardant un gros impact émotionnel.
Malgré cela, il va quand même avoir un minimum d'ouverture d'esprit pour apprécier "The Blossoming" puisque si le black metal s'entend plus d'une fois, il y a des sonorités venues d'un peu partout qui se mélangent là-dedans. Mais ça, on a l'habitude avec Ætheria Conscientia et si ce nouvel album va plus à l'essentiel et recentre un peu son propos, il reste profond et relativement exigeant. "Daimu Kadasdra Ko Antall" se fait plus tribal avec là encore des sonorités tirées de la musique ethnique en général, de quoi donner une autre profondeur aux ambiances créées par ce nouvel album. Il y a quelque chose de presque mystique sur ces nouveaux morceaux, ce qui s'entend aussi sur "Endless Cycle" qui enchaîne avec quelques mélodies à la fois plus planantes et plus proches d'accents rituels. Là encore, des sonorités orientales prennent le relais et on sent qu'elles sont elles aussi intégrées et pensées dès le départ, comme pour le saxophone. Pour ce type de sonorités aussi on a eu droit à pas mal de groupes qui les ont utilisées comme des gimmicks, ce qu'Ætheria Conscientia évite soigneusement. L'accélération qui suit avec un visage plus black metal développe une ambiance plus majestueuse, presque épique et le feu se mélange à la glace pour un résultat très évocateur encore une fois. En fait, tout est bien intégré chez ce groupe, c'est le cas aussi du chant féminin qui intervient sur trois morceaux (assuré par Cindy Sanchez sur "Astral Choir" et le morceau-titre sur lequel on retrouve également Dolorès Anapeste qui chante aussi sur "Daimu Kadastra Ko Antall") et qui évite tous les clichés du metal que ce soit le chant lyrique ou le chant pseudo éthéré. Ici, il est tout simplement pertinent et apporte quelque chose de plus à chaque intervention, ce qui confirme que ces explorateurs sonores savent où il veulent aller et travaillent sérieusement leurs compositions.
Ætheria Conscientia revient donc avec un troisième album effectivement plus concis, plus direct et un peu plus facile à assimiler mais qui reste tout de même exigeant. "The Blossoming" est rempli de passages évocateurs, de sonorités différentes et les morceaux qu'il propose évoluent régulièrement en proposant des ambiances différentes. Bref, à condition d'avoir l'esprit ouvert, vous avez là un très bon album qui mérite toute votre attention, comme d'habitude avec ce groupe.
"Corrupted Pillars Of Vanity"
Note : 15/20
On avait déjà parlé d'Ætheria Conscientia avec son premier album "Tales From Hydradh" sorti en 2018 avec son black metal singulier habité par un saxophone fou, eh bien les voilà de retour avec "Corrupted Pillars Of Vanity" et comme précédemment, l'ouverture d'esprit est vivement conseillée. Le groupe évolue certes dans la sphère black metal mais si c'est votre premier contact avec lui, vous allez voir qu'il surprend de plus d'une façon.
Premièrement, oubliez la violence brute, ce n'est pas le propos, oubliez aussi les ambiances haineuses, occultes ou malsaines. L'univers d'Ætheria Conscientia est plutôt porté sur la science-fiction et ses influences progressives lui apportent ces fameuses ambiances bizarres, décalées dans le monde du black metal et appuyées par ce fameux saxophone. Un saxo qui, comme précédemment, est utilisé comme un instrument à part entière intégré d'office dans la composition et qui ne fait pas figure de gimmick ou d'arrangement. Et attention, la musique du groupe est exigeante puisqu'en plus d'être riche, profonde et relativement complexe, les morceaux sont longs, d'ailleurs "Asporhos' Allering Odyssey" ouvre l'album avec un bon petit quart d'heure ! Quelques accords acoustiques, de discrets claviers, des mélodies mélancoliques, l'ambiance se fait belle et triste avec un zeste de sonorités celtiques (et en fin de morceau ce sont des sonorités orientales qui se font entendre). Ces quelques secondes suffisent à comprendre qu'Ætheria Conscientia n'a rien perdu de sa puissance d'évocation et de son côté parfois cinématographique. Enfin précisons que ce côté cinématographique s'exprime dans la facilité du groupe à poser des ambiances fortes, et non pas dans le fait de balancer des tonnes d'orchestrations dans tous les sens. Car si la musique du groupe est parfois assez complexe, on sent une envie d'économie, de proposer une musique riche et profonde mais qui ne cède pas à la facilité de l'expérimentation pour l'expérimentation. Le groupe vise tout de même l'efficacité et ses morceaux, même si longs et à tiroirs, ne prennent jamais des allures de dédales indémêlables. Si son univers est étrange et singulier, il y aura quand même toujours une mélodie pour vous accrocher l'oreille d'une façon ou d'une autre.
Comme je le disais, vous trouverez très peu de violence brute ici et la musique du groupe est souvent lente ou mid-tempo, privilégiant la création d'univers et d'ambiances que la ruée dans les brancards. Et ça lui va bien tant "Corrupted Pillars Of Vanity" arrive une fois de plus à nous faire apparaître des images dans la tête. Quelques accélérations se font évidemment entendre, les racines black metal ne sont pas là pour rien, mais ce n'est pas ce qui intéresse le plus ces fous. Encore une fois, je tiens à signaler le plaisir d'entendre un groupe qui utilise sérieusement le saxophone, un instrument dont je ne suis pourtant pas spécialement friand à la base, c'est dire ! Ici, il est vraiment un instrument de plus, presque une troisième guitare comme je l'avais dit pour "Tales From Hydradh" et il se fond naturellement dans les morceaux. Cela me change de certains groupes qui, à une époque, en ont mis partout parce que cela donnait une éventuelle caution avant-gardiste. On a d'ailleurs pas mal de percussions qui se font une place cette fois-ci et qui s'intègrent d'ailleurs tout aussi bien. "Corrupted Pillars Of Vanity", s'il continue sur la voie lancée par son prédécesseur, montre déjà une évolution notable, ce qui en seulement deux albums me laisse penser que nous ne sommes pas au bout de nos surprises. La première moitié "Liturgy For The Ekzunreh" prend d'ailleurs des airs de procession ou de rituel, tout en gardant une beauté surprenante via ces choeurs en arrière-plan et ces arpèges discrets mais efficaces. La seconde moitié surprend tout autant en partant dans un black metal plus rageur aux mélodies presque spatiales, logique pour de la science-fiction mais étonnant par rapport au reste de l'album. Comme d'habitude, encore plus quand on parle d'album concept, je ne peux que vous conseiller d'écouter l'album d'une traite. L'univers qu'il développe prendra forme d'autant plus facilement et vous pourrez profiter de toutes les nuances que développe Ætheria Conscientia.
Au final, "Corrupted Pillars Of Vanity" continue sur la voie tracée par "Tales From Hydradh" mais en profite pour ajouter de nouveaux éléments, explorer de nouvelles terres et développe toujours cette puissance d'évocation qui lui permet de vous embarquer dans son univers. Pour peu que vous ne soyez pas réfractaires à l'expérimentation, vous avez là un sacré candidat au voyage !
"Tales From Hydhradh"
Note : 15/20
Du black metal avec du saxophone, vous en avez déjà entendu, mais peu de groupes l'utilisent comme le font les Nantais d'Ætheria Conscientia qui nous livrent leur première réalisation avec "Tales From Hydhradh", un album concept typé science-fiction. Rien que ça a de quoi surprendre dans l'univers du black, mais dites-vous que musicalement non plus vous n'êtes pas au bout de vos surprises.
Le groupe ajoute une bonne louche d'influences progressives à son black metal et le point le plus notable, ou du moins celui que l'on remarque le plus vite, est justement ce fameux saxophone. On a l'habitude des groupes qui en ajoutent une petite pincée par endroits pour donner un petit côté jazzy ou avant-gardiste mais Ætheria Conscientia l'intègre comme un instrument à part entière et il se fait entendre comme une sorte de troisième guitare si l'on peut dire. Une utilisation de cet instrument pour le moins inhabituelle mais qui donne une personnalité indéniable à la musique du groupe et qui ajoute un réel plus aux ambiances de ces quatre morceaux. Son inclusion n'a rien du gimmick et on sent très vite que les morceaux ont bien été composés avec le saxophone en tête, donc pas d'inclusion maladroite pour se donner un style et se démarquer à tout prix. Le groupe prend le temps de développer ses ambiances puisque les quatre morceaux durent entre neuf et douze minutes, de quoi passer par pas mal de sonorités et structures différentes. Malgré l'appartenance d'Ætheria Conscientia à la scène black metal, la violence n'est pas le propos ici, quelques blasts et accélérations viennent de temps en temps épicer le tout et amener un peu de dynamisme à l'ensemble mais c'est globalement un black plutôt posé que le groupe développe sur ce premier album. Il y a peu de chances que les puristes du black y trouvent leur compte et l'ouverture d'esprit s'avère obligatoire pour espérer apprécier ce qui se passe sur "Tales From Hydhradh".
D'ailleurs, vu la présence du saxo vous avez tout intérêt à apprécier le son de l'instrument parce que vous allez en bouffer sur ce premier album, comme je le disais, le groupe ne l'utilise pas comme un supplément mais bien comme un instrument à part entière. "Along The Uncertain Paths Of Maphoros" débute sur un rythme tribal avec le saxophone en renfort créant une ambiance très particulière qui colle très bien au concept puisque celui-ci évoque visiblement les rituels et prophéties d'une race extraterrestre. Les influences prorgessives dont je parlais en début de chronique sont surtout à trouver à ce niveau, la façon dont le groupe voit la musique. Cette volonté de ne pas se plier à un quelconque code qui dicterait ce qui est autorisé dans tel style de musique, cette envie de créer un univers au-delà de la musique avec les paroles, les artworks, créer tout un univers autour des morceaux. Ætheria Conscientia se fout clairement des barrières et expérimente ce qui lui paraît pertinent, une très bonne idée qui lui permet dès son premier album de se faire une patte particulière, ce qui n'est pas un mince exploit pour un groupe littéralement sorti de nulle part ! Niveau production, ça sonne bien sans donner non plus dans le gros son, on entend clairement tout le monde et les guitares ont le tranchant typique du black metal.
Un premier album prometteur à la personnalité affirmée avec une utilisation inhabituelle du saxophone qui permet de créer des ambiances à part. Ætheria Conscientia a réussi à tirer son épingle du jeu et risque fort de se faire remarquer avec ce "Tales From Hydhradh" pour le moins atypique.
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