Le groupe
Biographie :

Aeon Patronist voit le jour en Décembre 2012 sur l'Île de La Réunion, mené par Lenos, leader chanteur-guitariste du groupe, et Tom "Kebabized" à la batterie. Aker fera son arrivée à la guitare peu de temps après en Février 2013. Le groupe créera son univers au fil des mois de répétitions jusqu'à aboutir à l'enregistrement entièrement auto-produit de l'ensemble du répertoire composé. Tom devant s'en aller pour de nouveaux horizons, Aker et Lenos décident de poursuivre le chemin tracé, en concrétisant les sessions d'enregistrement sous la forme d'un LP. Dans cette même volonté, viendront compléter le line-up : Tony à la basse, Jessy au clavier et au chant, et Faust à la batterie. L'album "Through The Paths Of Delusion" sort à la fin de l'été 2014 sur le label Great Dane Records. L'éruption suivante arrive avec "Mortal Prosternation" le 18 Octobre 2018.

Discographie :

2014 : "Through The Paths Of Delusion"
2018 : "Mortal Prosternation" (EP)


Les chroniques


"Mortal Prosternation"
Note : 17,5/20

Ah les préjugés, si vous me parlez de l’Île de la Réunion en termes de musique, j’entends de suite les musiques séga et maloya, avec leur placement rythmique ternaire très particulier. Donc quand j’ai su qu’Aeon Patronist est un groupe en provenance de ce petit coin de paradis, j’ai été assez surpris. Déjà parce que les compos sonnent terrible pour un jeune combo émergent, dans un style strictement metal (alors que le côté ensoleillé pourrait laisser envisager un côté plus fusion), et ensuite, parce que la musique proposée ici est assez surprenante. En fait, on s’imagine que le genre métallique n’est pas forcément bien représenté dans cet endroit du globe assez éloigné de tout, et entendre un résultat aussi bon créé réellement la surprise !

Au croisement du death metal et du progressif, nous voici en présence d’un metal léché, tout en finesse. Un mix entre Atheist, Cynic, Neuraxis et des groupes plus récents et expérimentaux à la Ulcerate, avec un soupçon de black metal et de postcore, allez, j’ose le dire : du post-death technique à tendance black. Aeon Patronist nous offre 4 titres plus une intro pour un total de 24 minutes, c’est plutôt pas mal ! Au menu, nous avons droit à du riffing millimétré complexe, des cavalcades qui flirtent avec le black metal, des arpèges froids et dissonants qui sonnent un peu à la Mayhem période Maniac, une basse élégante qui trace des lignes pleines de feeling à la manière d’un Steve DiGiorgio, et des sonorités modernes vraiment chouettes. Le chant est très bon, ça grogne et ça crie dans tous les sens, avec un grain très maîtrisé et une puissance remarquable. Le son est plutôt pas mal, même si je trouve que les guitares sonnent trop médium, qu’elles manquent de corps, et que la grosse caisse est un peu plastoc. Bon, là je titille parce qu’à la limite, on s’en fout un peu tant la qualité des compositions nous fait oublier ce genre de détails. En plus, pour un EP produit en mode indé, le résultat reste grandement convaincant. Eh oui, "Mortal Prosternation", c’est du fait maison, un EP paradoxal, chaud bouillant comme votre rondelle après un rougail saucisse, par l’énergie et la vivacité de ces compositions, mais froid comme le blizzard quand le groupe façonne les parties atmosphériques qui sillonnent cette offrande musicale technique. Toutes ces fréquences métalliques ont de quoi faire du bien aux zoreilles, et au reste également.

Déjà responsables d’un album autoproduit en 2014, ce nouvel opus des Réunionnais est vraiment intéressant, une très belle surprise que je vous encourage à découvrir. Vous ne serez pas déçus. Alors, sans plus attendre, allez jeter un œil sur la page Facebook d’Aeon Patronist ou encore mieux, visitez leur Bandcamp sur lequel vous pourrez commander le disque en digipack. Certes, vous pouvez-y voir de ma part une tentative de vous pousser à la consommation, mais quand ça vaut le coup, il ne faut pas se priver. Un groupe qui mérite amplement d’être soutenu.


Trrha'l
Décembre 2018




"Through The Paths Of Delusion"
Note : 16/20

Aeon Patronist est un tout nouveau groupe nous venant, pour l’originalité, de l’île de la Réunion. Monté à l’initiative d’Alexandre Thiong-Sion, le groupe se lance dans la composition d’un premier album autoproduit. Evoluant dans un registre extrême, Aeon Patronist nous livre un superbe album de Death Metal, old-school, par le style, et moderne par l’approche et pour l’incursion d’éléments exotiques pour le metal malsain.

A la fois inspirés par l’ancienne garde américaine de death metal (Morbid Angel est le premier nom qui vient à l’esprit), et par des combos plus modernes comme Decapitated, avec notamment l’utilisation de riffs de guitare syncopés et hachés joués sur des 7 cordes, mais par des combos plus expérimentaux comme Gorguts, dont on retrouve les traces sur ce "Through The Paths Of Delusion", le groupe de l’océan indien délivre un death sombre et crade par essence, mais que l’on pourrait donc qualifier de progressif : le groupe propose en effet des compositions alambiqués mais pas non plus hyper complexes, entrecoupées de parties ambiantes et orientalisantes de toute beauté crées à partir d’instruments traditionnels (lesquels, je ne sais pas), pour un résultat d’une certaine cohérence. On pense aux premiers coups à Melechesh, mais à y tendre plus près l’oreille, on se rend compte que ces gammes ont plus une saveur indienne qu’arabe, ce qui renforce l’originalité d’Aeon Patronist. Ces parties ne sont pas trop nombreuses, et ne permettent donc pas de dire que le groupe abuse de celles-ci comme d’une formule bien établie, mais les utilise au contraire avec justesse. De longs étirements instrumentaux, où les parties metal succèdent aux parties purement ethniques, parsèment les sept longs morceaux du disque.

Le premier titre, "Reborn Through the Blinding Fire", très floridien, est le plus court du disque et donne le ton avec son intro aux cordes traditionnelles, puis sa folie noire (batterie furieuse et riffs evil) maîtrisée. On pense à Mithras pour le côté expérimental et pour les leads de guitares. La voix du chanteur ne donne pas dans l’ultra gutturale, ce qui change des groupes actuels. Une voix grave, old-school, compréhensible et expressive, parfois soutenue par des chœurs disons hurlés, un peu à la manière du hardcore, donnent diverses couleurs aux morceaux. Le second titre voit venir des riffs plus modernes sur des rythmes orientaux et démontre l’étendue des influences du combo et sa capacité à les digérer. Le troisième titre "The Hall Of The Two Truths" propose une longue intro instrumentale orientale et progresse petit à petit vers un développement métallique très bien réalisé où l’ambiance s’installe avec tranquillité (on parle de death, n’oubliez pas) et intelligence, l’ombre de Melechesh n’étant pas très loin. Un excellent titre. Les autres morceaux intègrent tous ces styles de façon uniforme pour un rendu très travaillé et étudié. On ne s’ennuie pas une seconde à l’écoute de cette galette progressive et stylistiquement rafraîchissante. Le groupe fait preuve d’une ouverture d’esprit et d’une intelligence de composition rares.

Un mot sur la production. De facture très old-school, elle rebutera sans doute les auditeurs de productions modernes au gros son boursouflé et aseptisé, mais ce côté "mal produit" fait tout le charme du disque et renvoie à une certaine époque dorée du death. Le seul défaut objectif qu’on pourrait émettre (qui n’en est pas un si vous êtes coutumiers des productions "caves") est une caisse claire absente car submergée par le charleston et les cymbales qui prennent beaucoup trop d’ampleur dans l’espace sonore général. Ce problème semble néanmoins involontaire, car sur le dernier titre, le mix s’équilibre et tous les éléments de la batterie deviennent audibles. S’agissant d’une production maison, cette erreur est à mettre sur le compte de la jeunesse.

Il faudra sans doute quelques écoutes attentives pour bien apprécier et se fondre dans ce bouillon incandescent. Une fois plongée dedans, il semble difficile de remonter à la surface. Voyage garanti. Un très beau premier effort que ce "Through The Paths Of Delusion", prometteur, où la patte du groupe est déjà là et ne demande qu’à s’affirmer davantage.


Man Of Shadows
Septembre 2014


Conclusion
Le site officiel : www.aeonpatronist.bandcamp.com