"Jehanne"
Note : 18/20
Rien n’arrête les conteurs français d’Abduction. Toujours inspirés par un passage sombre
de l’Histoire de France, les Franciliens nous offrent "Jehanne", leur troisième album. Côté
line-up, rien ne bouge. François Blanc (chant, Angellore), Guillaume Fleury (guitare,
ex-Crystal Wall, Angellore en live), Mathieu Taverne (basse) et Morgan Velly (batterie)
ont cette fois choisi l’histoire de Jeanne d’Arc pour donner vie à leurs riffs de progressive
black / death metal, à nouveau mixés par Déhà et qui sortent sur Finisterian Dead End.
L’album débute avec "Aux Loges Les Dames", un premier morceau qui mélange cette ambiance
moyenâgeuse avec un black metal aux influences diverses. Des hurlements, du chant clair,
une rythmique torturée aux accents épiques… les Franciliens alternent ces sonorités
violentes avec un break au son clair enchanteur avant de repartir de plus belle puis de nous
lâcher sur "Par Ce Coeur Les Lys Fleurissent". Un morceau de douze minutes, qui nous conte
l’histoire que le groupe infuse de son savoir-faire musical, et qui fait se heurter un black
metal impie, un death metal martial et des sonorités plus douces. Quelques passages
mélangent également ces deux univers, qui se développe à merveille. On continue avec "La
Chevauchée De La Loire" et ses harmoniques perçantes, qui s’apaisent par moments. Mais
l’univers du groupe reste sombre, et c’est à grands coups de sonorités épiques que le
groupe nous raconte cet épisode de l’Histoire de France. Blast et double pédale se
succèdent également, alors que les mélodies avancent jusqu’à la guerrière "Dieu En Soit
Garde". A la fois mélancolique et lourde, cette composition est également plus sombre, ce
qui est confirmé par les paroles. Même les passages en son clair sont imprégnés de cet
aspect planant mais inquiétant.
Beaucoup plus court, "Foi En Ses Murs Jusqu’Aux Rats" nous offre une première partie
instrumentale ambiante et qui sera suivie d’une deuxième plus axée black metal sur un
black metal effréné et malsain avant de s’éteindre brutalement pour laisser place à "Battue
Par Les Flots Jamais Ne Sombre". Plus lente, plus mélancolique, mais également très
profonde, cette composition dévoile à nouveau un aspect aérien et violent de la formation.
"Très Fidèle Au Roi Et Au Trône", le titre suivant, flirte avec un post-black aux accents prog
puis revient rapidement à un black metal glacial que les Français contrastent avec ces
choeurs clairs qui leurs sont propres. On note également une touche de technicité dans la
batterie. Dernier morceau, "Aux Marches De La Lorraine" clôt ce chapitre en beauté grâce à
des riffs virulents et qui faiblissent à peine, même lors des atténuations. Les passages lead
sont aussi tranchants que l’acier, et le final truffé de percussions résonne.
Même si Abduction nous a habitués à une qualité sonore clairement au-dessus de la
moyenne, "Jehanne" pousse le concept encore plus loin. Les contrastes schizophréniques
que les Français développent dans leurs riffs doublés du chant en français en font un groupe
à part qu’il faut absolument écouter.
"À L’Heure Du Crépuscule"
Note : 17/20
Pour certains groupes, il faut laisser quelques années entre deux albums, histoire de laisser
le son mûrir, mais d’autres ont la possibilité d’enchaîner. Abduction a fait les deux.
Guillaume Fleury (guitare) fonde le groupe en 2006 avec Jean-Jacques Herrera (guitare)
et Guillaume Roquette (guitare / chant). Rapidement, Jean-Jacques quitte le groupe, mais
l’année suivante Mathieu Taverne (basse) et Morgan Vely (batterie) rejoignent le line-up en
2008. Les quatre Franciliens travaillent sur un premier EP, qui voit finalement le jour en 2010.
Evoluant dans un black / death chiadé et réfléchi, ils rencontrent un petit succès dans la
scène underground, mais Guillaume Roquette quitte le groupe l’année suivante. Ses trois
camarades trouvent alors un nouveau chanteur en la personne de François Blanc, qui
décide de chanter en français plutôt qu’en anglais. Ils signent chez Finisterian Dead End,
puis réfléchissent et composent alors pour leur premier album (avec la participation de
Guillaume Roquette) qui sort en 2016. L’album accroît alors leur réputation, mais les
Franciliens ne s’arrêtent pas là puisque "À L’Heure Du Crépuscule", leur deuxième CD, sort fin
Mars 2018. Je vous laisse le découvrir…
Le premier titre, "Sous Les Cendres Et La Pierre", est une véritable histoire à lui seul. Le plus
long de l’album, et qui alterne entre un black / death massif, des choeurs planants et une
rythmique presque progressive. Cependant, la diversité du chant permet de ne pas du tout
voir le temps passer, et on croirait même que plusieurs chansons défilent. J’apprécie
également la place qui est laissée à la basse, loin d’être en retrait comme dans pas mal de
groupes du style. Une petite transition instrumentale est faite avec "Les Visiteurs Du Soir". Pas
de saturation, seulement quelques notes en son clair, mais qui permettent d’enchaîner à
merveille avec le titre éponyme, "À L’Heure Du Crépuscule". Retour sur un black metal pur et
dur. Les choeurs sont toujours présents pour adoucir la musique torturée du groupe, mais
leur style me plaît, moi qui n’aime pourtant que très peu le chant en français à la base. Leur
composition se dessine autour de nous, puis se termine sur un sample et une outro en son
clair.
Alors que je la prenais pour une nouvelle transition, l’introduction de "Souvenir De Lierre"
débute. Une voix douce et chaude nous accompagne pendant quelques instants, juste avant
de repartir sur une partie très planante. Planant est d’ailleurs le maître-mot de ce titre, que
l’on confondrait presque avec du Burzum par moments. Les passages parlés me
surprennent, mais ces pauses contribuent à l’atmosphère intimiste du groupe. La fin du titre
mène tout droit à "La Grande Illusion", une autre composition qui part sur un son clair. C’est
étrange à dire, mais la langue mise à part, il est impossible de douter sur le fait que la
composition est française, grâce à ses nombreux passages en son clair, presque
acoustiques, qui reviennent à un black / death sanglant. Parfois hurlé, parfois sans aucune
saturation, le chant nous transporte et nous fait intégrer de gré ou de force l’univers du
groupe, et le blast final nous lâche finalement sur l’outro, suffocante et qui ne nous octroie la
délivrance qu’avec "Les Ailes Du Temps", la dernière composition. Encore une instrumentale,
mais d’une beauté insoupçonnée. Très Prog, voire même shoegaze, mais qui correspond
tout de même au groupe.
J’ai mis du temps à m’habituer au chant en français, mais une fois cette barrière dépassée, il
est aisé d’apprécier l’album. Dans Abduction, bien qu’à mon avis réservé à un public déjà
conquis par le style, il y en a pour tous les goûts. Le black metal pur et crasseux tranche
avec des passages en son clair, qui eux-mêmes contrastent avec un black / death massif.
Une très belle découverte.
"Une Ombre Régit Les Ombres"
Note : 18/20
Quel plaisir de vous présenter une fois de plus une production signée d’un label que j’apprécie tout particulièrement : Finisterian Dead End. Depuis les débuts du label, j’ai le privilège d’en avoir chroniqué toutes les sorties. Eh bien aujourd’hui je ne vais pas déroger à cette règle puisque j’ai la lourde tâche de vous parler de "Une Ombre Régit Les Ombres", le premier album des Versaillais d’Abduction.
Si vous ne connaissez pas Abduction, laissez-moi vous les présenter. Abduction est formé de Guillaume Fleury à la guitare, François Blanc au chant, Morgan Velly à la batterie et enfin de Mathieu Taverne à la basse. Le quatuor versaillais nous distille un black metal automnal alliant à la fois mélancolie et violence et a fait le choix d’exprimer son art noir, obscur et profond en français.
Pour le fan de la scène française que je suis, recevoir une telle œuvre est un plaisir certes mais c’est aussi l’occasion encore une fois de constater que chez nous on a de sacrées formations. Je suis également très content de constater que Finisterian Dead End s’ouvre au metal noir de la plus belle des manières.
"Une Ombre Régit Les Ombres" compte 6 titres pour près de 55 minutes (soit environ une moyenne de 9 minutes par titre… !). Il n’y a pas à tergiverser, on a bien entre nos et délicates petites mains un album de black metal dans la veine des Celestia, Mortifera ou encore Xasthur.
"Une Ombre Régit Les Ombres", comme dit un peu plus haut, bénéficie de textes chantés en français, je vois déjà d’ici les puristes s’arracher les cheveux mais je puis vous assurer que notre langue se marie à merveille au metal noir. A ce sujet, puisque l’on est dans la "francisation", savez-vous ce qu’est une abduction ? Eh bien sous ce mot se cache, à l’image de la musique, du monde et de l’univers du groupe, plusieurs significations. En effet, l’abduction ça peut-être : en épistémologie, un procédé consistant à introduire une règle à titre d’hypothèse afin de considérer un résultat comme un cas particulier tombant sous cette règle, en anatomie fonctionnelle : l’abduction consiste à porter le membre vers l’extérieur, c’est-à-dire à l’éloigner de l’axe du corps dans un plan frontal, ensuite en psychologie cognitive : l’abduction est une forme de raisonnement intuitif qui consiste à supprimer les solutions improbables et enfin en ufologie : une abduction est l'enlèvement par des extraterrestres d'un être vivant dans un o.v.n.i… A vous de choisir, chers amis, vous qui allez soutenir le groupe et le label et donc écouter et réécouter "Une Ombre Régit Les Ombres". Vous pouvez aussi visionner ici le magnifique clip vidéo réalisé par Nicolas Butin pour le titre "Naphtalgia", et vous faire votre propre idée…
Un seul conseil : si vous aimez le black metal, les ambiances obscures, ne passez pas à côté d’une telle œuvre musicale où de plus un soin particulier a été apporté au visuel (signé Mathieu Taverne and Guillaume Fleury et inspiré de l’œuvre de Vincent Van Gogh), mais aussi au digipack (avis aux collectionneurs…) mais surtout au son par une production au cordeau signée par Déhà du HH Studios à Sofia…
N’ayons pas peur de le dire, "Une Ombre Régit Les Ombres" est un édifice d’art et de metal noir somme toute exceptionnel.
Quand je dis qu’en France on n’a plus rien à prouver…, "Une Ombre Régit Les Ombres" nous le prouve. On n’est pas le pays des grands bâtisseurs pour rien…