Le groupe
Biographie :

Abandon est un groupe de doom Suédois composé de Johan Karlsson (chant, mort d'une overdose en Janvier 2009, Ingvar Sandgren (guitare), David Fredriksson (basse / chant), Dani Cosimi (batterie), et Mehdi Vafaei (orgue). Le dernier album en date, "The Dead End", est sorti chez Black Star Foundation.

Discographie :

2003 : "When It Falls Apart"
2005 : "In Reality We Suffer"
2009 : "The Dead End"


La chronique


Deuxième album (ou troisième si on considère "When It Falls Apart" comme un album) pour ces Suédois de Göteborg qui sont à des années lumière de la fameuse scène par laquelle cette ville s’est fait connaître. En effet notre bande de joyeux lurons pratique un doom de la pire espèce, celle qui colle aux doigts et qui a une couleur peu engageante. Le format l’annonce d’ailleurs ladite couleur, double cd pour un total de 11 morceaux et plus ou moins 1 heure 50 de musique. Si le fait d’être au bord d’un énorme gouffre vous effraie veuillez faire demi-tour immédiatement, parce que la descente va être longue et éprouvante.

L’album débute par une piste instrumentale constitué d’une nappe de claviers blindée d’éffets et de quelques notes de guitares bien grésillantes par dessus. Et le tout égrène déjà une mélodie magnifique et pas franchement guillerette. Et quand démarre le premier vrai morceau on sait qu’on va descendre très bas, toujours plus bas histoire de réchauffer notre esprit auprès du magma. Oubliez les groupes soft du genre My Dying Bride, groupe de qualité soit dit en passant. Mais si ces derniers vous font déjà verser quelques larmichettes et vous foutent le cafard pendant une semaine il vaut mieux que vous fuyiez cet Abandon comme la peste. D’ailleurs le nom du groupe reflète bien l’état d’esprit qui hante cet album, tout est là pour nous donner l’impression qu’ils ont baissé les bras. On abandonne le combat, on laisse couler les choses et advienne que pourra. Des trucs désespérés j’en ai écouté une paire, et même sans être une encyclopédie en la matière je pense pouvoir affirmer que Abandon tient là un des plus beaux représentants du genre.

D’ailleurs coïncidence ou lien de cause à effet, leur chanteur est mort quelques temps après l’enregistrement de cet album. Et s'ils avaient voulu lui composer une oraison funèbre ils ne s’y seraient pas pris autrement (en particulier avec le morceau "There Is No Escape"). Pour citer une influence qui pourrait vous situer l’ambiance on pense souvent à Skepticism, surtout à cause de l’utilisation de l’orgue en fait. Parce que pour le reste c’est moins barré et monolithique que les finlandais, on peut constater sur ce "The Dead End" beaucoup plus de mouvements au niveau du rythme et quelques très légères accélérations. Une incarnation musicale de la détresse, l’expression du désespoir dans son état le plus pur. La beauté s’allie à l’horreur pour donner naissance à un monstre devant lequel on n’arrive même plus à savoir ce que l’on ressent, tiraillé que l’on est entre le fait que l’album est magnifique et d’un autre côté repoussé par ce raz de marée de négativité qui nous submerge.

C’est comme si les membres du groupe s’étaient détachés du monde pour y jeter un dernier regard et nous avaient envoyés un message sous la forme de cet album pour nous dire que c’était fini, que tout allait s’arrêter là. Comme si un énorme "The End" encombrait notre champ de vision, la fin de la joie, de l’espoir, de la vie. Ces deux CDs sont totalement empreints d’une détresse presque palpable mais sont aussi paradoxalement dotés d’une beauté qui vous ébloui dès les premières minutes. D’ailleurs le dernier morceau du deuxième CD symbolise parfaitement cette impression de renoncement énoncée tout à l’heure, son écoute est un véritable coup de massue et une tueuse de moral.

Par contre je tiens quand même à mettre les points sur les "i", j’ai bien parlé de beauté pour cet album. Mais n’allez pas pour autant faire un rapprochement avec un Shape Of Despair par exemple, pour vous situer la différence si ces derniers ont touché le fond, Abandon a cherché une pelle pour creuser quelques kilomètres plus bas. Ici la beauté est vénéneuse et quand elle vous enlace c’est pour mieux vous broyer les vertèbres. La douceur, le romantisme et le caractère parfois lumineux de certains groupes comme Shape Of Despair justement ou Swallow The Sun, n’ont absolument pas leur place ici. Abandon n’a pas dû payer sa facture d’électricité, on est donc plongé dans le noir du début à la fin. On sort de cet album totalement groggy et conscient d’avoir écouté un condensé de ressentiments et de désespoir. D’ailleurs la pochette et les diverses illustrations qui ornent le digipack sont l’œuvre de leur défunt chanteur et illustre parfaitement le côté extrêmement torturé de la chose. Du fait de la mort de ce dernier l’avenir du groupe est incertain, et si cet album devait signer son arrêt de mort je pense qu’on tient là une magnifique épitaphe.


Murderworks
Janvier 2010


Conclusion
Note : 17,5/20

Le site officiel : www.myspace.com/inrealitywesuffer