L'article

"In Memory"

Article rédigé par Lole


Quand j'ai commencé à chroniquer et écrire pour French Metal, je n'aurais jamais pensé un jour écrire ces lignes car c'est en quelque sorte pour moi un dévoilement de ma personne, une partie de mon jardin secret offert à tous, tant la musique et la voix de Ronnie James Dio m'aura apporté, influencé, et émerveillé, peut-être aussi parce que mon adolescence s'acharne à vouloir rester éternelle, un peu comme lui. Ce petit elfe m' a dompté et accompagné pendant presque 30 ans et ma première rencontre avec son univers fut très anodine car je ne connaissais pas du tout le nom du chanteur, ni même celui du groupe, étant plus occupé à jouer avec mes Playmobils. En effet, 1979, j'ai 6 ans et une vidéo sympa vient combler l'après réclames, pannes et longueurs diverses de la chaîne Antenne 2 sur ma superbe télévision en noir et blanc. Il y a des grenouilles qui chantent, une cigale qui joue du violon et une fanfare assez bizarre qui swingue, composée d'araignée-cochon, de renard-lapin. Je trouve ça bien rigolo, et puis le rythme est entraînant. Ca baragouine en Anglais (dovizole !!) et je n'y comprends strictement rien mais j'aime cette chanson "Love Is All" (même si la scène où le carpaud qui essaye de manger la fourmi me dégoûte, beurk...).




1986, depuis 2 ans je m'explose les tympas sur Kiss, Def Leppard, Maiden ou Metallica, mon argent de poche est riquiqui, Internet inexistant et le meilleur moyen de découvrir des groupes sont les potes qui font fumer allégrement les copies K7. Il fait chaud, c'est l'été et le voisin de ma grand mère, agé de 17 ans ; et dernièrement nouvel arrivant dans le Sud ; déboule dans le jardin avec le dernier 33 tours qu'il a pu se payer chez le disquaire du coin. C'est "Dream Evil" du groupe DIO, on monte dans sa chambre, il pose le disque sur la platine, actionne le bras et la magie m'emporte. La voix incisive et puissante de Ronnie sur "Night People" ou "Sunset Superman", chargé de conviction et de hargne me font font frissonner. L'autre atout est cette sensibilité émouvante, cette douceur mélancolique comme sur le titre "All The Fools Sailed Away" qui me bouleverse. Si je venais d'être touché, mon admiration pour ce petit bonhomme ne fera que s'agrandir aux fur et à mesure des années, augmentant petit à petit par la découverte de ses précédentes réalisations que sont "Holy Diver", premier album fondateur et énormissisme, "Last In Line" l'imposant ou encore celles issues de son passé glorieux avec Black Sabbath et ces fabuleux albums que sont "Heaven & Hell" et "Mob Rules".



Mai 1990, je vois enfin le "maître" sur scène lors d'un mémorable "Metal Hammer Festival", avec en tête d'affiche un Metallica au top de sa forme. DIO me fait forte impression, certes plus solennelle que les "ex" maîtres du thrash mais avec un côté plus classieux et de surcroit accompagné de zicos de talent. Se passe ensuite la sortie "pas super convaincu" dans la même année de "Lock Up The Wolves", album rempli de compositions de transition, celle qui allait amorcer le style plus lourd et démoniaque des excellents "Strange Highways" et "Angry Machines". Ronnie reste malgré tout divin dans ses interprétations (la folie caustique de "Wild One", le goût langoureux de "Between Two Hearts") et seul la faiblesse moindre de l'écriture musicale me fera toujours penser que c'est l'album le moins intéressant de sa discographie. La très très grosse baffe viendra 2 ans après, avec cet anthologique "Dehumanizer" du Black Sabbath reformé sous ma forme préférée, l'album ultime pour moi, 10 bombes, 10 merveilles, ultime hyme au heavy metal, lourd et maléfique, remplit de spiritualité noire, une messe où on retrouve un Appice façon pachydermique, un Ronnie gargantuesque, un Lommy inspiré de sa splendeur et un Butler rageur comme à son habitude. Il ne se passe pas une semaine dans ma vie sans écouter cette album, il me révéla complétement à ce quatuor merveilleux et ce n'est pas l'extase du concert auquel j'eu le plaisir d'assister en 1991 qui allait faire retomber la pression chez moi.




Il se passa presque 8 ans avant que je ne puisse revoir le maître sur scène, non sans m'enivrer de chacune de ces sorties discographiques, que ce soit avec Heaven & Hell ("The Devil You Know" et ce frisson me parcourant à la pré écoute de "Bible Black" quelques semaines avant la sortie officielle), Black Sabbath avec les 3 superbes titres du best of "Dio's Years" ("The Devil Cried", "Shadow Of The Wind" et "Ear In The Wall") ou avec son groupe éponyme et le concept album "Magica" sorti en 2000. Appréciant chaque note sortie comme un vin succulant, vieilli avec amour et noblesse, j'attendais chaque nouvelle production avec un bouillonnement interne intense, sûr à chaque fois d'être pris de frénésie, d'un enthousiasme démesuré. Dio a réussi l'exploit de ne jamais décevoir ses fans, tant au niveau de la générosité qu'il a eu avec son public qu'au niveau artistique, il croyait en ce qu'il faisait et le faisait tout simplement, prouvant son amour du heavy metal sans aucun compromis, là où le système actuelle favorise les billets plutôt que la qualité.



Juin 2009, l'émotion ultime du live, le Hellfest va me la donner, comme un cadeau. Mes 4 chevaliers noirs sont là pour une soirée parfaite, m'hypnotisant de leur atmosphère sombre et c'est une véritable cérémonie à laquelle nous assistons, dénouée de superflu, d'artifice inutile, le petit front man joue gracieusement avec nos âmes et nos esgourdes. Certe, il ne bouge plus comme il y a 20 ans mais son charisme et sa générosité font le reste, vocalement, il n'a rien perdu de sa superbe, nous ensorcelant avec tout l'amour qu'il nous envoyait. Puis c'est l' histoire de 2 rendez vous manqués. La première sur la date de Heaven & Hell annulée sur Toulouse le 22 Juin 2009 pour location insuffisante, le public Français aura, malheureusement une fois de plus, montré sa suffisance. Puis celle que le groupe devait donner à Barcelone en Octobre prochain dans le cadre du Sonisphere. Quand Wendy a annoncé la terrible nouvelle du cancer de l'estomac de Ronnie, la peur m'a envahi, mais l'optimisme de chacune des déclarations sur son combat me mettait en confiance, me donnait du courage, surtout sur ces 2 dernières interviews parues en Mars et mi-Avril 2010 où tu disais que le cancer se résorbait, tu t'es battu jusqu'au bout avec la classe te caractérisant. Ce Dimanche 16 Mai, je prends la nouvelle en pleine gueule, abasourdi, effondré, n'y croyant pas, je venais de perdre mon dieu, mon ami... Sa voix venait de s'éteindre pour toujours mais pas sa musique qui accompagnera jusqu'à mon dernier souffle, et qui sait, peut-être que l'on se retrouvera quelque part et que je pourrais enfin lui dire combien il a compté pour moi.

He will stand both in Heaven and Hell...


Quelques vidéos :
Ronnie Dio And The Prophets - Everybody's Got A Dance (1964)
Ronnie James Dio & Deep Purple - Love Is All
Rainbow - Long Live Rock And Roll (From "Live In Munich 1977")
Black Sabbath - Heaven and Hell (Live Long Island 1980)
Dio - Stand Up And Shout (Live Rock Palace 1983)
Dio - Don't Talk To Strangers (Live The Spectrum 1985)
Heaven & Hell - I (Live Radio City Music Hall 2007)
Heaven & Hell - Bible Black (Live @ Knebworth, Sonisphere 2009)