Interview faite par Zemurion à Lyon.

Je rencontre aujourd'hui Steven Segarra, guitariste et compositeur du groupe Wedingoth.

Bonjour à toi Steven et merci d'avoir accepté cette interview pour French Metal. La dernière pour notre webzine date d'il y a six ans et on peut dire qu'il y a eu bien du changement depuis ! Peux-tu nous faire un petit résumé de ce qui s'est passé depuis la sortie de votre premier album ?

Steven (guitare) : Après la sortie du premier album, on a pas mal tourné en France mais aussi en Belgique. On a eu de bons retours et on a pu gagner quelques fans. On a alors eu l'opportunité de signer avec M&O Music pour sortir "The Other Side" en 2012 avec lequel on a continué à pouvoir tourner dans de belles salles et de jolis pubs avec encore pas mal de dates en Belgique, ce qui nous a permis de commencer à avoir un public en dehors de nos frontières. Puis il y a eu malheureusement des problèmes dans le groupe qui ont impliqué un changement complet de line-up. Je me suis retrouvé un peu tout seul mais pour moi, il était hors de question d'arrêter le groupe parce que c'était mon projet et que j'avais aussi une demande et un soutien derrière moi de la part de ceux qui suivaient le groupe pour que ça continue. La sortie du troisième album a été longue parce qu'il m'a fallu du temps pour retrouver des musiciens pour m'entourer : un batteur, un bassiste et une chanteuse. Il y a eu pas mal d’allées et venues au sein du groupe pendant cette période avec des gens qui sont entrés puis sortis du groupe. Il y a d'abord eu Thomas qui a remplacé Robin à la basse et Cyril qui est arrivé à la batterie en 2013. Puis Thomas est parti après avoir enregistré ses parties de basse sur l'album parce qu'il trouvait que le projet n'avançait pas et c'est finalement Manon qui a pris sa place. Entre temps on a aussi fait un essai avec Sabrina au chant mais ça n'a pas vraiment bien fonctionné. On a alors recruté Maud de Céphée Lyra avec qui on avait déjà tourné. C'est elle qui a enregistré le chant sur l'album et on a pu commencer à refaire des concerts avec elle mais elle a finalement eu des contraintes professionnelles et familiales qui l'ont amené à quitter le groupe juste avant la sortie du CD. Elle a donc été remplacé par Céline qui avait aussi participé à l'enregistrement de l'album en tant que choriste et qui connaissait déjà très bien le répertoire.

Tu as cherché un second guitariste ?
Non. Je me suis posé la question mais il m'est clairement apparu que je devais rester le seul guitariste dans le groupe. Par expérience, c'était dur d'avoir un deuxième guitariste. Pas pour une question d’ego ou quoi que ce soit, mais plus par rapport à mon écriture notamment. Aujourd'hui je trouve que le groupe est meilleur avec un seul guitariste. Ça donne un côté plus rock et plus direct alors qu'avec un deuxième, ça donnait un côté plus "heavy metal". Je sais pas trop comment dire ça. Je trouve qu'avec un trio d'instrumentistes, guitare / basse / batterie, on a un côté un peu plus claquant. Bien sûr, on a toujours les samples derrière, mais je trouve que chaque musicien est mieux mis en valeur dans le groupe.

Au milieu de tout ça, comment a été écrit ce troisième album ?
A la base, cet album a été composé pendant la tournée de "The Other Side". J'avais déjà pratiquement tout composé en 2012 avant qu'il n'y ait des problèmes dans le groupe. J'ai même des enregistrements de cette époque dans lesquels on peut entendre les premières versions de certains morceaux. L'album était donc plus ou moins composé. Il y avait encore quelques arrangements qui étaient encore en train d'être réfléchis, mais tous les squelettes des morceaux étaient déjà en place sauf le dernier, "Alone In The Crowd Part II" qui a été écrit d'une autre manière. L'album a été composé un peu comme les deux précédents où à chaque fois j'ai apporté le squelette des morceaux : la structure, les riffs et les principales mélodies. Ce qui a été différent c'est que j'ai été, en quelque sorte, moins influencé par les autres musiciens au niveau de la composition. Chacun a, bien sûr, pu apporter sa touche personnelle au moment de l'enregistrement mais ça s'est fait plus dans un second temps.

Tu veux dire que la démarche était plus de rajouter des choses que de corriger ce qui avait été fait ?
Voilà exactement. Il n'y avait rien a corriger parce que je savais exactement ce que je voulais dans l'album. Mais, par exemple, Cyril a apporté beaucoup de son jeu pendant les deux semaines qu'on a pris pour enregistrer la batterie.

Ses parties étaient déjà écrites ?
Oui. Je lui faisais écouter ce que j'avais écrit sur EZ Drummer et lui rajoutait sa touche par dessus, en accord avec ce que je voulais faire ressentir dans le morceau.

Et pour la basse ?
Pour la basse, j'expliquais à Thomas les ambiances que je recherchais et il m'envoyait ensuite des partitions sur lesquelles je pouvais faire des retours. On a ensuite continué à trouver des arrangements ensemble au moment de l'enregistrement.



Et le chant ?
Pour le chant ça a été complètement différent des deux autres albums où j'avais tout écrit avec la première chanteuse. Cette fois, j'ai fait appel à Sylvestre de Vae Viktis, le cousin de Céline, pour écrire les textes. J'avais pas mal de lignes de chant et d'idées en tête qui se sont ajoutées à celles de Sylvestre au moment d'écrire les paroles. Des fois il partait dans des délires qui étaient très loin de ce que je voulait mais il y a aussi des trucs que j'ai gardé, où je me suis dit "Ah ! Ça sonne !". Au final, ça a été un beau travail ensemble. Et puis quand Maud est arrivée, on a pu réadapter les voix pour que ça colle à sa tessiture et réarranger ensemble. Voilà pour l'ensemble de la composition. Après, tout ce qui est claviers et orchestrations c'est moi qui m'en suis entièrement occupé. Il y a des choses que j'avais en tête depuis le début et d'autres qui sont venues au moment de terminer l'enregistrement.
Juste une anecdote que je voudrais rajouter : pour le morceau "Alone In The Crowd Part II", Cyril devait enregistrer la batterie, mais, contrairement aux autres morceaux pour lesquels tout était déjà écrit, je n'avais rien à lui faire écouter. J'avais tout le morceau dans la tête et je savais exactement ce que je voulais mais je ne l'avais encore jamais écrit et jamais joué ! J'ai tout écrit en dix minutes devant ses yeux pour que Cyril puisse enregistrer la batterie ! On en rigole encore tous les deux ! (rires). Il était un peu paumé parce qu'il n'avait pas de base réelle mais je lui répétais "Fais-moi confiance ! Fais-moi confiance !".

Peux-tu nous parler un peu du concept général de cet album ? Qu'est-ce que ça raconte ?
"Alone In The Crowd', ça veut dire "seul dans la foule" et c'est un peu le sentiment que j'ai ressenti à cette période de ma vie, entre 2012 et 2015 ; d'être entouré mais, au fond, d'être seul. Déjà par rapport à des problèmes affectifs, au fait de perdre le groupe en 2012 et de perdre ma mère... Ça a été un choc émotionnel pour moi. Même au niveau professionnel, j'ai vécu de gros changements en revenant de Paris pour retrouver du travail à Lyon. Il y a eu beaucoup de très gros changements dans ma vie. C'était vraiment un chapitre, ou carrément un tome, qui se refermait pour commencer une nouvelle histoire. "Seul dans la foule" c'était ce que je ressentais et je suis donc parti de là pour le concept de l'album. Comme d'habitude, il y a une dimension un peu autobiographique. "Candlelight", c'était le côté un peu utopiste et plein d'espoir que j'avais en étant étudiant, "The Other Side" marque déjà une période plus sombre dans laquelle je sentais que ça devenait difficile par rapport à ma mère. C'est pas un album complètement pessimiste mais il y a une bonne partie de ça quand même. Dans ce troisième album, "Alone In The Crowd", je suis vraiment parti dans le concept d'une personne qui tombe au fond du puits et qui commence à entendre des voix qui l'attire vers ce qu'il y a de plus sombre. Tu sais, l'idée un peu du démon et de l'ange qui te parlent à l'oreille. C'est l'histoire d'une personne qui se referme sur elle-même et qui, petit à petit, en se remettant en question, finit par apercevoir un rayon de lumière auquel elle va pouvoir s'accrocher pour sortir de là. C'est un concept un peu bateau dans l'esprit, mais qui a beaucoup d'importance pour moi parce que ça correspond vraiment à ce que j'ai vécu. Je suis tombé au fond du puits en 2012 et puis, en parvenant à reconstruire quelque chose avec le groupe, ça a apporté ce rayon de lumière. Au final, ça a aussi suivi dans ma vie personnelle avec la naissance de mon fils. C'est l'idée qu'on retrouve dans le morceau 'Evolat', on sort de la chrysalide et on s'envole en laissant tout ça derrière soit.

Il y a déjà une idée pour le quatrième album du coup ?
(rires) Oui, il y aura un quatrième album. Je suis en train de me poser dessus et d'y réfléchir. J'ai déjà des idées. Le concept est en train de s'écrire, on en parle avec le groupe, notamment avec Manon. Il y a un concept qui est en train de se dessiner. Comme d'habitude ça va être un peu autobiographique mais en parlant d'un sujet vaste. Sur "Candlelight" il y avait l'idée qu'il fallait sauver la planète, "The Other Side" parle de l'au-delà... Là ce sera pareil mais je peux pas trop t'en dire plus parce que ça peut encore changer.

C'est toi qui t'occupes de l'enregistrement et du mixage de chaque album. En quoi est-ce que ta façon de procéder a évoluée  ?
Oui, c'est toujours moi qui m'occupe de l'enregistrement et du mixage. D'ailleurs j'ai même eu un stagiaire, Tommy, qui m'a épaulé pour ce troisième album. J'en profite pour le remercier au passage. Ce qui a évolué par rapport aux deux autres ? Déjà mes connaissances et l'expérience. Pour "Canlelight" j'étais vraiment débutant. "The Other Side" a été enregistré dans la précipitation ; ça a pas été une mauvaise expérience mais je l'ai clairement moins bien vécu que les deux autres. Pour celui-ci, par contre, j'ai pris vraiment le temps de faire les choses. A chaque fois je revenais dessus, je réécoutais, je prenais conseil d'autres personnes... Donc on peut dire que j'ai pris plus de temps et surtout plus d'expérience.

Et pour l'enregistrement en général, le procédé est resté le même ?
Dans l'ensemble oui. Après, pour la batterie par exemple, sur les deux premiers albums j'ai utilisé les sons d'un logiciel alors que pour ce troisième album c'est une batterie entièrement jouée et naturelle. J'ai triggé la grosse caisse et la caisse claire mais tout le reste est naturel. C'est vrai que c'est la grosse différence. L'autre truc aussi c'est que c'est Thomas qui a enregistré entièrement la basse alors que je l'avais enregistré en grande partie moi-même pour les deux précédents albums.

Est-ce qu'on peut dire que cet album est plus abouti que les précédents ?
Musicalement, on peut dire que cet album-là est beaucoup plus mature. De toute façon, c'est une chose que je pourrais répéter pour chaque album parce qu'on a toujours plus d’expérience qui vient avec. C'est un album que j'apprécie énormément, pas forcement comme "The Other Side" qui a été fait dans la précipitation et sur lequel j'ai pas eu assez de recul. "Alone In The Crowd" est un album dont je suis vraiment fier. Même si demain on a une mauvaise critique qui sort, j'en serais quand même fier. C'est un album qui me donne vraiment l'envie de monter sur scène pour le défendre. Après, c'est aussi un album qui raconte une histoire plus personnelle dans lequel j'ai vraiment mis mon âme. Je pense aussi que c'est un album qui gagne a être écouté plusieurs fois et qui s'apprécie sur le long terme.

Comment a été réalisé l'illustration de l'album ? Qu'est-ce qu'elle signifie ?
La pochette a été faite par mon frère. A la base il m'avait fait tout un design sur lequel j'ai repris juste le tableau central que j'ai mis sur un fond noir. On peut retrouver l'illustration originale dans le livret. L'idée du tableau vient de moi et de Sylvestre quand on a commencé à écrire "The Painter". Chaque tableau représente un souvenir qu'on peut fixer sur un mur et qu'on ne peut pas effacer comme certains souvenirs qui sont gravés dans notre mémoire. Le tableau représente d'un côté la lumière et de l'autre l'obscurité avec l'orage. Ça représente l'idée que le beau temps vient après la pluie. Après, chaque détail du tableau représente un morceau de l'album : la rose qui perd ses pétales représente "When The World Collapses" avec la mer, le phare c'est " Alone In The Crowd", "Evolat" c'est la forêt avec les papillons, l'orage c'est "Beyond Their Lies", le tableau en lui-même c'est "The Painter", "Sing The Pain" c'est les dates qu'il y a sous le tableau qui correspondent aux années de naissance et de décès de ma mère.



Vous avez déjà commencé à tourner avec ce nouvel album ?
Oui, tout à fait. On a notamment eu la chance de jouer à Birmingham, en Angleterre, au mois d'Octobre 2016. Je crois bien que c'est un de mes meilleurs souvenirs avec le groupe. C'était une très belle date avec un excellent public.

Comment avez-vous réussi à jouer là-bas ?
En fait c'est une personne qui nous suit depuis "The Other Side" qui avait notamment adoré le morceau "Ever After", et qui nous avait diffusés dans des radios anglaises et même américaines, qui a créé son petit festival (The Quinphonic Festival). Il voulait déjà nous faire jouer dès la deuxième édition.

Et maintenant, il y a d'autres dates de prévues ?
Oui, il y a le 10 Mars à Toulon, le 24 Mars à Villeurbanne à l'Hôtel de la musique et le 27 Mai à Montpellier au Secret Place parce qu'on a été sélectionnés par Metallian pour participer au tremplin qui permettra d'aller jouer au Wacken Open Air. On est assez contents parce qu'on a déjà été pré-sélectionnés sur une soixantaine de groupes. On espère que ça va marcher ! (rires) Ce serait vraiment excellent ! J'aimerai rajouter qu'on a quand même fait d'autres belles dates grâce à cet album. On a fait la première partie de Christophe Godin et de Stream Of Passion, on a joué dans de belles salles et on a gagné en visibilité.

On n'a pas parlé du clip que vous avez sorti pour "The Painter". Est-ce que tu peux nous dire comment est venue l'idée du clip, pourquoi ce morceau et comment ça s'est fait ?
Bizarrement, quand je compose un album, je commence toujours par écrire le morceau le plus court qui deviendra le "single". Pour "Alone In The Crowd" ça a été "The Painter" que j'ai toujours pensé dans une optique de clip. L'histoire résume un peu l'album. Le personnage du peintre devient fou parce qu'il n'arrive plus à retrouver ses souvenirs dont il pense qu'il a besoin pour vivre. Tout au long de la musique il cherche la clé qui lui permettra de revenir à la vie. A la fin il finit par comprendre qu'il n'a pas besoin de ces souvenirs parce qu'ils continuent à vivre en lui et qu'ils font déjà parti de ce qu'il est, de ce qu'il a été et de ce qu'il deviendra... Putain c'est pas évident à expliquer ! (rires). Concrètement, quand j'ai perdu ma mère j'étais perdu parce que je n'avais plus sa voix, je n'avais plus son odeur... Mais au bout d'un moment, j'ai compris qu'elle était encore en moi et qu'il me suffit de me regarder dans une glace pour la voir. "The Painter" c'est un peu cette histoire-là.
Pour le clip, on a travaillé avec Magali Laroche qui est une réalisatrice formidable sur Grenoble et que je recommande fortement. On a eu un échange avec elle qui a été formidable ! Tout le monde a apporté ses idées. Même au moment de filmer, il y avait toujours un dialogue qui était ancré. Lambert qui a joué le peintre nous a fait un travail formidable. On est fier du résultat et vraiment heureux d'avoir travaillé avec cette réalisatrice et cet acteur.

Où peut-on se procurer vos CDs ?
Pour le dernier, on travaille avec Dooweet qui nous permet d'être distribué par Season Of Mist et Musicast Distribution donc on peut normalement le trouver chez n'importe quel disquaire ou le commander. Sinon, directement sur notre site Internet. Pour ce qui est des deux autres albums, malheureusement on ne peut les trouver que sur notre site web. "The Other Side" et "Alone In The Crowd" sont disponibles en format numérique sur toutes les principales plate-formes légales : Deezer, Spotify...

Si tu avais trois vœux à exaucer pour le groupe, lesquels seraient-ils ?
Ça, c'est la question qui est pas forcément évidente. Déjà la première chose, ce serait pas forcément qu'on devienne célèbre, mais que le groupe marche... Dans un premier temps ce serait qu'on se fasse vraiment plaisir. C'est clair qu'on vise un résultat, mais déjà, qu'on se fasse tous plaisir et qu'on arrête les changements de line-up. Ça fait déjà deux vœux, non ? Et le troisième... qu'on fasse le Wacken ! (rires)

Tu n'aimerais pas jouer sur scène avec un orchestre ?
Ah oui ! Mais ça... ce sera peut-être dans dix ans. Faire un concert sans jouer avec des bandes et avoir un orchestre avec des vrais chœurs, un vrai claviériste, ce serait le pied total ! C'est clair !

Merci à toi pour ta disponibilité. Avant de se quitter as-tu un mot à faire passer aux lecteurs de French Metal ?
Déjà, je tiens à vous remercier toi et French Metal. Vous nous suivez depuis le début du groupe et on est très contents de voir qu'aujourd'hui des webzines persistent dans ce monde-là du web. French Metal est une référence. Donc un grand merci à vous de suivre notre travail et de nous promouvoir. Je voulais aussi remercier tous ceux qui nous suivent depuis le début et qu'ils n'hésitent pas à nous rejoindre sur notre site web ou notre page Facebook (www.facebook.com/wedingoth).


Le site officiel : www.wedingoth.com