Interview faite par mail par Sam

Salut les mecs, avant toute chose, commençons par le bon bout : une petite présentation du groupe et de son parcours.
Ju (basse) : Nous avons formé le groupe courant 2007 avec divers mouvement au niveau du line-up qui s'est fixé en fin d'année. Venant tous différents projets n'ayant pas pu déboucher sur quelque chose de concret, nous avions tous la volonté de nous atteler à la composition d'un album, sans passer par la case démo / EP. En Septembre 2008 nous sommes partis en Belgique l'enregistrer. Après une trentaine de dates (dont beaucoup de locales), Eric (guitare) a quitté le groupe. Jej (qui est le petit frère de Sly, l'autre guitariste) l'a remplacé. Le groupe a alors pris une autre direction, qui a abouti sur "Idiocracy", enregistré en été 2012 à Lyon (Bad Room Studio).

Vous venez de sortir un album appelé doucement "Idiocracy", est ce une référence non dissimulée au film du même nom ?
Vianney (chant) : C'est en effet un clin d'oeil au film de Mike Judge mais ce titre est seulement une conséquence des thèmes abordés dans l'album. On l'a voulu incisif pour interpeller au mieux les auditeurs et je pense qu'il remplit parfaitement son rôle jusque-là.

Quels sont les thèmes des textes de cette galette ? Le titre interpelle (enfin pour ma part) directement, et on se demande véritablement quels sont les thèmes des autres textes ?
Vianney : En fait, dans "Idiocracy" j'ai voulu montrer les principales causes de "l'appauvrissement" de nos sociétés d'un point de vue intellectuel. Et pour ça j'ai utilisé une sorte de liste de péchés capitaux pour les représenter mais de façon "new school" car nos problèmes actuels ont bien évolué, au contraire de nous justement. Chaque chanson correspond à un de ces "pêchés", comme la lâcheté, l'égoïsme, la mauvaise foi, la cruauté, le fanatisme, l'apathie et la stupidité pour finir en beauté. C'est à la fois une critique virulente de nos points faibles qui mène l'humanité vers une "Idiocracy" mais aussi une alarme positive qui servirait à donner quelques coups de pied au cul des gens pour ne pas finir dedans. Les mots "réagir" et "évolution" sont très importants dans les textes de cet album. Beaucoup de sens cachés et de citations sont présents dans les textes et le côté abstrait et complexe est voulu pour coller au mieux à la musique. Un livre reprenant ces thèmes de façon beaucoup plus concrète est en cours d'écriture. Il y a un réel désir que ce message ou plutôt ce cri d'alarme lancé dans l'album, se poursuive par d'autres actes concrets par vidéo avec le clip de "The Umbilical Regeneration" et par le futur livre en création.

Comment s’est déroulé le processus de composition de cet album ? Vous avez composé tous ensemble ou, est-ce une personne qui apporte la plupart des idées et les autres "brodent" autour ?
Ju : Jej avait un projet solo nommé Street Of Possession et nous en avons récupéré des parties, refondues à notre sauce.
Sly (guitare) : Jej a indéniablement insufflé une nouvelle dynamique dans le groupe. Avant j'étais plutôt celui qui composait et le reste du groupe rafistolait les bouts. Et puis Jej est arrivé avec des morceaux complets, déjà en place et ça a été la révélation. Nous avons fait un mix de ses meilleurs passages, les avons triturés à la sauce VFW, ce qui a donné au final "Idiocracy".
Jej (guitare) : Avec cet opportunité qui m'était donnée je pouvais croire à la facilité, malgré tout il était laborieux pour moi de fournir à nouveau un travail sur ces morceaux en devant prendre un maximum de recul car composer seul et à cinq, c'est un autre monde ; il faut que chacun accepte les tendances et les envies des autres pour que le travail avance. Aujourd'hui je suis ravi d'être considéré par les autres membres comme une tête pensante et l'un des compositeurs majeurs, surtout pour une première expérience du côté pro. Au final j'ai vite su trouver ma place et comment agir pour que ce processus soit efficace.
Rémi (batterie) : Avant l'arrivée de Jej, nous composions principalement en répétitions et les riffs venaient instinctivement, à "l'ancienne" comme on dit. L'évolution de notre musique (plus pointue et exigeante) nous a poussé a "professionnaliser" notre approche. Cela nous a permis de donner plus de cohérence à nos morceaux, notamment au niveau des tempos mais aussi dans l’enchaînement de parties. "Idiocracy", à mon sens, est le fruit d'une adaptation de la patte de Jej sur celle de VFW. Certaines idées de base de Street Of Possession ont été énormément modifiées. Dans un autre sens, certaines compos existaient déjà avant l'arrivée de Jej et ont été extrêmement modifiées aussi suite à son arrivée. Je pense que le résultat est le fruit d'un travail équilibré entre ses influences et les nôtres.

Votre album est très violent, on sent une véritable volonté de proposer un contenu à la fois violent mais varié, quelles sont vos influences principales pour la composition de cet album ?
Ju : Certains groupes étiquetés (à tort ou à raison) deathcore comme Ion Dissonance, Your Memorial, Viatrophy ou The Contortionist nous ont énormément plus et indéniablement influencés. On a également de grosses influences post-rock, comme This Will Destroy You, Caspian, Daturah ou post-metal comme Isis et Cult Of Luna. Plus le temps passe et moins nous écoutons de musique brutale.
Jej : Les influences recourues sont toutes celles qui nous tiennent à cœur, elles ne sont pas laissées au hasard. Nous admirons les scènes post-rock/post-metal qui ne sont pas gavées de sous-familles et restent dignes de ce qu'elles sont. Elles permettent à l'auditeur de voyager et aux musiciens de jouer avec allégresse. La violence sonore nous fait aussi jubiler. Des groupes comme The Acacia Strain ou Ion Dissonance sont juste techniquement prodigieux et d'une efficacité singulière. Toutes ces particularités sont une inspiration et le seront encore pendant longtemps.
Vianney : En gardant ce côté violent et sombre dans notre musique, on essaie de rester le plus cohérent possible avec les textes (ou inversement). Car les sujets traités poussent à une certaines révolte d'un côté et de l'autre, si cette violence a lieu, c'est car nous sommes attachés à des principes forts, plus facilement représentés par les parties mélodiques. La peur de perdre des choses auxquelles nous sommes attachés ou la peur de devenir une "Idiocracy" à cause de certaines faiblesses, suffit à justifier cette violence je pense.



Paradoxalement à cette violence, vous êtes catégorisés "deathcore atmosphérique" ce qui inclurait une dimension beaucoup plus douce et aérienne, et pourtant outre des ambiances je n'en trouve pas véritablement trace, comment expliquez-vous cela ?
Sly : L'étiquette que nous nous sommes donnée est très subjective, nous aurions pu aussi dire que nous faisions du deathcore progressif ou ambient au final le fait que nous instaurons régulièrement des ambiances au délai ou avec des samples tout au fil de l'album aspire à un ensemble plutôt atmosphérique. Prends exemple des trois morceaux instrumentaux qui sont plutôt calmes, voir même le passage en son clean de "Fanatic Sufficiency" on peut dire que c'est plutôt aérien, donc atmosphérique si on suit ta logique. Tu trouves également que nous sommes très violent (cf. ta question précédente), pourtant les passages blastes ou influencés death-metal sont peu nombreux sur "Idiocracy" car nous avons préférons de loin les structures plus complexe, des rythmiques syncopées et midtempo avec par alternance des passages plus calmes, harmonisés voir instrumentaux pour laisser respirer.

Le groupe existe depuis quelques années, avez-vous évolué dans votre façon de voir la musique, de la composer, de l’appréhender même ?
Sly : Nous avons commencé en 2007, à l'époque nos influences étaient déjà diverses, nous souhaitions faire du deathcore / metalcore couillu façon All Shall Perish ou August Burns Red. Puis nous avons découvert d'autres styles musicaux plus éclectiques, qui nous ont interpelé et nous ont donné envie de les incorporer dans ce que nous faisions déjà. Aujourd'hui c'est un peu la synthèse de ce que nous digérons depuis près de 6 ans et personnellement j'ai encore beaucoup d'idée pour mélanger toujours plus les différents styles de musique que nous apprécions.
Rémi : Pour ma part, et je ne pense pas être le seul, je suis devenu beaucoup plus exigent dans l'appréhension du metal, notamment dans la découverte des groupes. Aujourd'hui, peu de groupes de metal, plus ou moins dans notre style, arrivent vraiment à me faire vibrer car beaucoup de mélanges et innovations ont déjà été faites. Dans la manière de composer, comme dis précédemment, l'approche est beaucoup plus professionnelle, notamment avec l'utilisation du clic et autres samples pour coller au maximum à l'univers de l'album.

Quelles sont vos références du genre ?
Sly : Ju les a citées un peu plus haut, entre autres The Contortionist, Textures, Viatrophy, Your Memorial, Cult Of Luna et plus récemment nous nous sommes pas mal intéressés à la scène prog / djent comme Vildhjarta, Stories ou encore No Consequence.

Vous avez dû faire quelques dates et passer pas mal de temps sur les routes, est ce que ce temps à défendre votre précédent effort a servi à écrire certains morceaux, certaines compositions ?
Vianney : Suite au départ d'Eric notre ancien guitariste, nous avons dû mettre entre parenthèse la fin des dates de "Reminiscence" avec pas mal de projet à l'étranger annulé malheureusement. Nous avons préféré prendre du temps pour reconstruire nos idées à partir de Jej, en limitant drastiquement nos concerts pour se consacrer à l'écriture d'"Idiocracy". Du coup, on peut dire que l'on marche vraiment par cycle, un temps "écriture" et un temps pour la scène, d'ailleurs nous sommes très enthousiaste de bosser pour reprendre la route sur 2013/14.

Là où le metal se "normalise" dans la veine deathcore, Violence From Within semble toujours être animé au fil de ses morceaux par la volonté toujours plus grande, et ce malgré l’ajout de nappes et synthétiseurs, de proposer une musique violente et dénuée de concessions, c’est ce que l’on remarque, d’où vous vient cette volonté ?
Sly : Je pense simplement que déjà à l'époque où nous avions sorti "Reminiscence" nous avions déjà fait le tour de la scène deathcore. C'est donc naturellement que nous nous sommes ouvert à des dérivés plus intéressants et qui au final nous ont influencé directement dans le processus de composition de "Idiocracy".
Jej : C'est toujours un atout d'avoir un temps d'avance, de pouvoir découvrir et vibrer sur des choses nouvelles avant qu'elles se divulguent. Cette aubaine m'a beaucoup aidé dès 2008 pour Street Of Possession qui à son tour à servit d'appui pour VFW et notre dernier album.

Pour l’enregistrement, comment s’est déroulée la sélection du studio pour l’enregistrement et avez-vous eu un regard proche sur le son de chaque instrument avant mastering ou avez-vous laissé cela au technicien son ?
Ju : Oui on a tout mixé avec notre pote Etienne Lopez (Bad Room Studio). Le groupe a eu une grosse influence sur le rendu final, on a fait des sessions à 6 (groupe + technicien). Tout a été fait en home studio (moyens et disponibilité du groupe limités).
Vianney : Le choix de travailler avec un ami en home studio, nous a permis d'avoir le luxe de prendre un temps énorme pour peaufiner tous les détails de composition. Chose quasi impossible en studio classique sans un portefeuille "king size" ! En plus ce choix nous a permi d'avoir assez de fond pour investir sur un clip réalisé par un autre gars du coin qui monte : Pierre Reynard !

Avez-vous reçus de bons retours sur ce nouvel album jusqu'à présent ?
Ju : A l'heure actuelle nous avons eu 5 chroniques dont 4 élogieuses. Ce qui fait chaud au cœur mais je pense que plus ça avance et moins on y fait attention. Le but c'est uniquement de savoir si notre musique est comprise ou non.
Vianney : Les retours sont effectivement globalement très bons mais on voit que pour le moment c'est surtout à l'étranger que l'enthousiasme est le plus fort. D'un côté c'est très flatteur de voir les médias étrangers comprendre et apprécier notre son et d'un autre, c'est un peu décevant après tant d'années de ne pas arriver à faire réellement comprendre notre musique chez nous, en France.

Quels sont vos projets pour 2013 ?
Ju : On espère trouver un maximum de dates !
Sly : Faire connaitre "Idiocracy" dans le monde entier voir plus. Notre survie en dépend ! (rires)
Vianney : Effectivement, continuer à diffuser le plus possible l'album et le défendre via des tournées qui seront annoncées durant l'été par notre label Send The Wood. Nous sommes d'ailleurs toujours à l'affût de propositions, donc tous les supports sont les bienvenus !



Comment voyez-vous l’évolution de ce monde musical en pleine transformation ?
Sly : Tout dépend d'où l'on se place, mais en France les sous-styles de metal tels que le deathcore ou le metalcore commencent à peine à être acceptés alors qu'aux USA, en Angleterre ou en Allemagne cela fait près de 15 ans ces styles sont reconnus et appréciés. Bref il est très difficile de se positionner tant les mentalités sont différentes selon les pays, les mœurs et le style de metal. Je pense que la France a plus d'un train de retard a ce niveau (et ce n'est pas nouveau malheureusement), d'ailleurs souvent les étrangers nous boudent car ils pensent qu'a part Gojira et Betraying The Martyrs nous n'avons aucun talent (sans offense pour les autres, d'ailleurs nous nous mettons dans le même panier!). Il suffit d'aller sur les forums pour voir la réaction des gens quand ils nous écoutent ils n'arrivent pas à croire que nous sommes français !

Deux-trois questions différentes pour finir : Avez-vous des influences cinématographiques qui inspirent votre musique ?
Ju : Au niveau des paroles certainement. Musicalement, je ne pense pas qu'on ait la prétention de te sortir des références bobo / hipster pour se la raconter pseudo-intello sur cette interview.
Vianney : Pas directement, "Idiocracy" (le film) est un plus un clin d'oeil qu'une référence. On va chercher l'inspiration à la source en fait, que ce soit pour la musique ou pour les textes. Personnellement, ça serait plutôt dans la littérature ou "la vie réelle" que je piocherai des idées. Des hommes comme Aldous Huxley, Churchill, Montesquieu et surtout Jacque Fresco m'inspirent énormément pour leurs convictions et leurs actes. Le cinéma est un très bel outil artistique comme la musique mais j'avoue plus en profiter comme art que par inspiration.

Que pensez vous de la scène métallique française ? Voyez-vous un groupe qui émerge vraiment de la scène française ? Une révélation sur les mois à venir ?
Ju : Je me suis jamais amusé à classer la scène par nation (même si la Suède éclate tout le monde ). A titre personnel je dirais Uneven Structure, Hord et Klone (Gojira n'est plus un groupe émergent). Surveillez The Mars Chronicles.
Sly : Si on doit en retenir un, sans aucun doute Hord !

Un petit souvenir, une anecdote de tournée ?
Ju : Hmmm, si vous avez un groupe et qu'un jour vous devez patienter car vous jouez en tête d'affiche, n'en profitez pas pour jouer au CAPS avec votre batteur. Croyez-moi.
Vianney : Même avec une faible notoriété, faire très attention aux inconnues en sortie de concert, votre couple peut-être vite mis à l'épreuve !

Pour finir je vous remercie, vous souhaite une bonne année 2013 remplie de concerts et vous laisse clôturer l’interview.
Sly : Merci a toi et French Metal pour nous avoir donné l'occasion de nous exprimer sur notre musique.
Ju : Merci de vous intéresser à nous ! On en a pas parlé mais, on a tous un job (n'ayant rien à voir avec la musique) à côté. Nous faisons uniquement ça par plaisir (d'où le côté dénué de concession de notre album, notamment sur les plans rythmiques). On ne cherche pas à faire de l'argent, tout est réinjecté dans le groupe pour le faire grossir (studio, essence, frais etc...). Nous n'avons rien à perdre ni a gagner avec un projet comme celui-ci, si ce n'est partager notre ressenti et notre vision de la musique par le biais de notre album et nos prestations live. N'hésitez pas à venir nous voir et discuter avec nous ! Merci French Metal de nous avoir donné la parole.
Vianney : Grand merci à vous, c'est un grand plaisir d'avoir un soutien français qui œuvre depuis des années pour TOUS les groupes de l'hexagone, notamment avec ses compilations. Merci également à ceux qui nous sont fidèles et à ceux qui s'intéresseront à nous, donnez-nous de vos nouvelles on a besoin de support !
Jej : Il est important pour nous de s'exprimer enfin sur notre nouveau visage et l'univers qui s'y apporte. L'essentiel était là. Merci à FM pour votre entrevue !!


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