Interview faite par mail par Brunnodóttir

Entretien avec Hand of Doom, chanteur et membre fondateur du groupe suédois Vampire, qui sort ce mois-ci leur premier album éponyme, passant de l’étiquette de "meilleur groupe underground" à "petits nouveaux" de Century Media.

Salut et bienvenue sur French Metal ! Vampire s’impose depuis très peu comme la relève du death-metal suédois. Pouvez-vous nous parler un petit peu de votre groupe, de votre travail ?

Hand of Doom (chant) : Black String, le guitariste et moi avons commencé à travailler ensemble vers 2010 sans savoir ce que nous voulions vraiment accomplir… Nous avons passé un an ou deux à descendre des bières et passer d’un instrument à l’autre avant que Command (le bassiste) nous rejoigne, à l’automne 2011. Le style de musique que vous pouvez découvrir sur cet album nous venu d’un flot gigantesque d’inspiration diverses. On recherchait une prod' proche de celle des débuts de Necrophagia, pionniers du genre horror death-metal. On voulait faire sortir le même genre d’atmosphère sombre, d’inquiétante étrangeté, qu’on peut retrouver dans certaines de leurs démos. Puisque les musiciens de Necrophagia étaient de grosses merdes et que nous, on répète très régulièrement on a rapidement dépassé leurs compétences rudimentaires et marié leurs idées originelles avec d’autres éléments que nous apprécions, d’autres influences comme par exemple le black metal des années 90 ainsi nous nous sommes instantanément éloignés de cette sorte de cage que peut être le death classique, dans laquelle nous nous étions enfermés au début. Nous avons enregistré la démo en Avril dernier et nous sommes associés à Ljudkassett (¹) au début de l’été 2012. Dès la sortie de la démo, en automne 2012 plusieurs maisons de disque ont commencé à s’intéresser à nous, mais nous avons pris notre temps et c’est sous le drapeau de Century Media, que nous avons rejoints fin 2013, que nous présentons cet album. A cette époque, Ratwing (le batteur) nous avait déjà rejoints comme membre à temps complet après nous avoir accompagnés sur plusieurs concerts, et nous avions déjà entamé l’enregistrement de notre premier album éponyme, qui sort ce mois-ci.

Vampire est donc votre premier album, on peut dire que vous commencez très fort, votre démo avait eu d’excellentes critiques dans plusieurs magazines et forums, vous avez placé la barre très haut ! Comment avez-vous travaillé tous ensemble sur cet album, comment écrivez-vous ?
Merci ! On écrit tout le temps de la même manière, ça vient tout seul. Black String ou moi pensons à quelques riffs, essayons de les associer dans une ou plusieurs séquences et on se montre mutuellement nos trouvailles et décidons tous ensemble de ce qu’on garde ou pas, de ce qui doit être amélioré, et de la façon dont nos idées respectives fonctionnent ensemble. Lorsque nous sommes tous ensemble on essaie ces nouvelles idées avec la batterie et la basse, en partant de rien du tout, c’est le meilleur moment ! Quand Black String et moi sommes seuls dans la salle de répét', en général on s’assoit avec nos guitares sur les genoux, j’ajoute quelque chose à ses idées et vice versa, et on reste assis à jouer ces riffs dégueulasses ensemble, pas branchés sur ampli et on se dit "ouais, ça c’est pas mal !" puis on entre dans une sorte de frénésie créative, je me jette sur la batterie et on commence à faire quelques arrangements, des ébauches de chansons, on a une tonne d’enregistrements dégueulasses sur nos téléphones. Dans le meilleur des cas ces brouillons deviendront de vraies chansons mais ça veut dire beaucoup de travail derrière…
J’imagine que le mieux, pour parvenir à ce résultat de création en salle de répét, est d’avoir la possibilité de faire un brain-storming tous ensembles, c’est comme ça qu’on fonctionne le mieux. Mes meilleures idées me viennent toujours au moment où je m’y attend le moins, quand j’ai 5 minutes le matin le temps que mes œufs cuisent par exemple… du coup hop, j’attrape une guitare acoustique, je me pose sur mon canapé et je joue, tout ce qui vient. En général les meilleures compos arrivent par plusieurs : par exemple les deux premiers riffs de la chanson "At midnight I’ll Possess Your Corpse", ou les trois riffs qui font les couplets de "Jaws Of The Unknown" qui ont été assemblés en dix minutes à peine. Ce qui est difficile c’est de trouver des choses à la fois simples, primaires mais rythmiques à la guitare. Deux riffs dégueulasses mais qui collent bien ensemble sont en général plus intéressants à garder pour une chanson qu’un seul riff brillant.
Je ne suis pas influencé mais très certainement inspiré, voir émerveillé par la façon dont certains artistes très mainstream (comme Lady Gaga par exemple ) structurent leurs chansons. J’aimerais penser que c’est quelque chose qu’on fait bien dans VAMPIRE, des beaux arrangements et que c’est ce qui nous distingue et fait notre succès.



Pourquoi le nom  "Vampire" ? Et d’où vient cette atmosphère morbide dans votre musique, elle m’évoque beaucoup d’inspirations différentes !
Au début j’avais proposé "Strigoi", qui est le mot pour "vampire" ou "mort-vivant" dans le folklore roumain. Puis Black Strings a proposé "Vampire" et on s’est vite mis d’accord pour celui-ci. Incroyable mais vrai, aucun autre groupe n’a jamais sorti d’album sous ce nom. Le fait qu’on ait choisi ce nom n’a rien à voir avec un amour particulier de la littérature, du cinéma ou de la culture "vampirique", c’est plutôt que c’est un nom simple, fort, efficace. Je veux dire Nyogthaeblisz est un super groupe, mais j’arrive toujours pas à prononcer ou écrire leur nom ! Au-delà de ça le nom "Vampire" s’accorde avec ce que tu peux trouver dans les paroles de nos chansons ! Un mélange, espiègle et plein d’imagination, de l’inconnu et de l’obscurité. On peut quand même citer comme inspiration "vampirique" le jeu vidéo de Nintendo, Castlevania ! Je suis un fan depuis toujours, surtout la partie II (Simon’s Quest).
Il y a une ambiance "Castlevanienne" dans VAMPIRE, pas forcément à cause de la musique du jeu mais plus de l’esthétique globale. Je recommande à toute personne qui veut comprendre un peu d’où nous venons et ce que nous faisons de tester ce superbe jeu NES. Les maisons hantées, les squelettes qui marchent, les loups qui hurlent, les mains de morts-vivants qui émergent des tombes… et le Comte Dracula lui-même et sa grande cape rouge. Manifestement ce jeu a énormément marqué le petit garçon de huit ans que j’étais alors…
Musicalement parlant, VAMPIRE est un gros bordel organisé de tout ce qu’on aime et à quoi on s’accroche dans le metal de ces trente dernières années : Morbid Angel, Sarcófago, Possessed, Blasphemy, Sodom, Bathory, Mercyful Fate, Autopsy, Master’s Hammer, Nifelheim et Slayer. Mélangez tout ça et ajoutez une pincée de nouvelle vague de heavy metal britannique, un soupçon d’héroic-fantasy et vous obtiendrez… hum, probablement une bouillie un peu similaire à VAMPIRE. Black String et moi tenons nos racines musicales de la scène black des années 90, des groupes comme Emperor, Abigor, Necrophobic et Dark Funeral. C’est un peu l’épine dorsale de notre groupe, et parfois ça s’entend. Ca explique même les nuances un peu colorées dans notre travail, qui nous distingue de beaucoup de groupes auxquels nous pourrions être associés. Quand nous avons commencé à écrire pour VAMPIRE nous nous disions que nous voulions rester dans cette ambiance 90’s, mais nous avons abandonné cette ambition, sûrement après la démo pour s’ouvrir à tout le reste…

Du coup, que penses-tu de la scène death actuelle ? Ecoutes-tu aussi des groupes contemporains ? D’ailleurs quels sont tes albums préférés de tous les temps ?
Ahah, tu serais surprise d’apprendre à quel point j’ai des lacunes sur l’actualité musicale… J’essaie de donner une chance à chacun et de jeter une oreille sur les groupes que mes amis où les auditeurs de VAMPIRE écoutent et recommandent, surtout nos "camarades", les groupes avec qui on est amenés à jouer en tournée ou en festival, histoire de pouvoir discuter un peu quand on se rencontre, mais c’est de plus en plus rare que je sois vraiment transporté par quelque chose de nouveau, comme je l’étais deux fois par semaines quand j’avais dix-huit ans. Le dernier groupe dont je suis vraiment tombé amoureux, est Arkha Sva (Japon), que j’ai découvert à l’époque où on enregistrait notre démo, il y a environ deux ans (déjà !). Le dernier album de death que j’ai acheté, c’est le mini CD de Grave Upheaval. Il est vraiment pas mal, obscur et efficace, mais je ne me vois pas retourner à ce style avant un bon bout de temps (pareil pour Portal (Australie) même si leur style marginal me touche encore plus). Le dernier vrai BON groupe de death pour moi c’était Repugnant, ils ont fait revivre le death metal suédois, mais je crois qu’ils sont presque morts, pour des raisons évidentes. Certains comparent VAMPIRE à une version bon-marché de Repugnant, et je prends ça pour un compliment, même si je ne suis pas forcément d’accord. Une écriture et une esthétique parfaite sont les caractéristiques de Repugnant.
Cinq albums que je peux citer comme mes favoris de toujours sont "Reign In Blood" de Slayer, "Prayers On Fire" de The Birthday Party, "Opus IV" de Abigor et le très bon "Anthems To The Welkin At Dusk" de Emperor. Ah et aussi "Dada" de Alice Cooper (Wow, je viens de réaliser que j’ai la chair de poule juste en PENSANT au titre de l’album).



Vous êtes sur le point de remonter sur scène pour promouvoir l’album, aimez-vous le live ? Certaines de vos chansons ont une atmosphère très particulière, comment arrivez-vous à la reproduire ? Et comment se passe le contact avec le public et vos fans ?
Quand tout se passe bien, je pense que VAMPIRE est un bon groupe à voir en live. En général je sens un bon contact avec le public, mais je ne peux pas trop déterminer à quoi est-ce que ça tient. On commence toujours les concerts avec une intro atmosphérique, un peu soundtrack (ce que beaucoup de groupes font de nos jours) et ça aide tout le monde à entrer dans l’ambiance. Les lives sont importants, surtout quand tu n’es pas très connu, tu dois te vendre et c’est difficile de trouver un équilibre entre rentrer dans la peau du personnage et garder un œil éveillé sur ce que tu es vraiment en train de faire. Je pense à beaucoup de groupes, et autant de frontmen qui ne semblent pas se rendre compte de comment ça fonctionne, et c’est –désagréablement- évident qu’ils n’aiment pas être sur scène. Nous si, je profite de chaque seconde et je me nourris autant du stress et du trac que de la joie que tu ressens quand tu es applaudi à la fin. Tous les clichés à propos de ça sont vrais ! Ne pas prendre le live trop au sérieux est une bonne façon de commencer à apprendre ce dont tu es capable sur scène, mais c’est aussi le moment où tu montres ce que ton groupe a à offrir.
A propos de garder les caractéristiques de notre musique sur scène… c’est impossible. La plupart des gens entendront seulement une basse heavy, un bourdonnement statique et quelques similitudes à ce qu’ils connaissent de l’album. On allège notre jeu sur scène, on met des lumières rouges tamisées et constantes, ce qui crée une atmosphère étrange et inquiétante de tranquillité qui contraste de façon fort intéressante avec l’énergie de notre musique.

Quand est-ce qu’on aura l’occasion de vous voir en France ?
Bientôt j’espère! S’il y a de la demande nous serions ravis de venir. Je suis un vrai francophile, mais malheureusement je ne peux parler que les rudiments de votre beau langage, en tout cas voici ce que vous pouvez attendre de nous dans le futur !
- "Tu n'es pas digne qu'on t'enlève/À ton esclavage maudit, /Imbécile! — de son empire/Si nos efforts te délivraient, /Tes baisers ressusciteraient/Le cadavre de ton vampire!" (²)

(¹) : Ljudkassett est une maison suédoise spécialisée dans l’éditions de cassettes audio, à conseiller aux amoureux du son gras et des designs old-school ! ljudkassett.bandcamp.com

(²) : En français dans le texte !!


Le site officiel : www.vampireofficial.com