Interview faite par mail par Gloomy

Bonjour à tous, et bienvenue sur notre webzine pour notre première interview ! Votre premier album, "Urban Fantasy", est sorti très récemment. Comment vous sentez-vous face aux critiques des médias et du public entendues jusqu’à présent ?
Anne-Emmanuelle (chant) : Bonjour et merci ! Nous sommes ravis, car les retours que nous recevons sont enthousiastes, tant de la part des auditeurs que des chroniqueurs. Nous avons vraiment donné le meilleur de nous-mêmes pour cet album, et c'est un sentiment merveilleux de voir que cela paie. Ce qui nous réjouit le plus, c'est le fait que les gens semblent vraiment ressentir ce que nous avons voulu faire passer, c'est vraiment la plus belle des récompenses.

Votre EP, "Unholy Night", est sorti il y a bientôt trois ans. Pouvez-vous nous résumer votre activité, depuis ? Quand vous êtes vous attelés à la composition de l’album ?
Marc (guitare / programmation) : Après la sortie de notre premier EP en 2012, notre priorité a été de jouer sur scène, car nous avions un peu de retard de ce côté-là (le groupe a été formé en 2010). On a donc pas mal joué sur Paris dans différentes salles (le Klub, le Réservoir, le Zèbre de Belleville...). Cela nous a permis de rencontrer notre public, et d'améliorer considérablement notre expérience. Ce qui nous a amenés à nous dire que nous étions enfin prêts à nous lancer pour un album, dont la composition, qui a duré une année entière, a commencé en 2013. Nous voulions frapper fort et produire un album de qualité, c'est pourquoi nous avons pris le temps nécessaire.

Vous avez choisi de mettre "Urban Fantasy"en écoute libre sur le site Soundcloud. Est-ce dans le but de donner la chance à des auditeurs curieux d’écouter votre travail, et ainsi d’accroître votre cercle de fans ?
Marc : Exactement. Étant encore à 100% indépendants, nous assurons toute notre promotion nous-mêmes, et notre plus grande difficulté reste la diffusion de notre musique. Certaines personnes pourraient potentiellement aimer notre musique, mais n'auront peut-être jamais l'occasion de nous entendre tant les groupes sont nombreux. Pour un groupe non signé, le partage d'un morceau sur des réseaux sociaux, des webzines ou des blogs est d'une grande importance, presque autant qu'un achat. La mise en ligne de l'album sur Soundcloud et YouTube nous aide en ce sens.

Ne craignez-vous pas que cette décision ait une influence négative sur votre chiffre de vente ? Vous avez mis tant de cœur et de soin pour réaliser cet opus et son visuel que je suppose que rien ne vous ferait plus plaisir qu’une immersion totale dans votre univers.
Anne-Emmanuelle : C'est sûr, on peut voir les choses comme ça et nous y avons réfléchi, toutefois nous pensons que ce raisonnement vaut surtout pour des groupes beaucoup plus gros. A notre échelle, la priorité est que les gens nous découvrent. Autant pour les groupes très connus, ça peut fonctionner d'accrocher les gens avec juste quelques extraits, autant dans notre cas, ils ne vont pas acheter les yeux fermés. Ils ont besoin d'écouter d'abord, et c'est sur des morceaux entiers qu'ils peuvent le mieux se rendre compte de ce que nous avons dans le ventre. Ensuite, si ça leur plaît suffisamment, ils franchiront le pas d'acheter l'objet – personnellement, cela m'arrive souvent d'agir ainsi en tant qu'auditrice. Alors bien sûr, ça facilite le téléchargement illégal, mais encore une fois à notre échelle on ne peut pas parler d'un manque à gagner vertigineux, et nous n'avons pas non plus mis en ligne des formats de haute qualité – ceux qui veulent du bon son devront acheter ! (sourire)



Puisque je parle du visuel, pourriez-vous, pour commencer, nous parler davantage de la pochette ? Qui est à l’origine de cette illustration ?
Marc : J'ai créé la pochette moi-même : cela fait partie de mes compétences, étant infographiste de métier. Cela nous a permis des économies (notre budget était serré) et un contrôle total sur l'allure de l'album. La générosité des contributeurs de notre campagne de financement participatif nous a permis d'améliorer le format de la pochette, un digipack avec plusieurs volets et un livret 16 pages, ce qui m'a demandé de longs jours de travail ! La pochette est à l'image de l'album : elle représente la modernité, avec ses composantes technologiques et urbaines, mais elle montre aussi une silhouette éthérée, presque immatérielle. C'est une illustration du thème de la Fantasy urbaine, dont le principe est de transposer le surnaturel de la féerie au cœur de nos villes, là où le matérialisme s'impose et où les croyances passées se perdent.

Cette illustration représente d’ailleurs parfaitement la dualité mise en place sur "Urban Fantasy" ; un mélange constant entre la modernité et la nature. Pourriez-vous développer le concept de votre album ?
Anne-Emmanuelle : Je suis heureuse que tu le remarques ! En effet, cette dualité est au cœur de la notion de Fantasy urbaine, genre littéraire que Marc vient de définir schématiquement. Plus qu'une opposition entre modernité et nature, il s'agit toutefois pour nous davantage d'une dualité entre l'approche de la vie de plus en plus mécaniste qu'impose la modernité et une approche plus ancrée dans le sacré, reconnaissant la part de mystère de l'existence. C'est par rapport à cette thématique du désenchantement/réenchantement que le prisme de la Fantasy urbaine nous intéresse.
Sur cette toile de fond, chaque chanson développe un sous-thème spécifique, comme la perte de lien entre l’humain et le reste de l’univers ("Strangers"), la volonté de soumettre l’entièreté du vivant à la logique du calcul ("Quantify Your Soul"), ou encore le rapport rédempteur à la beauté dans un monde hanté par l'efficacité ("Beauty Is Our Only Saviour"). La partie centrale de l’album bascule ensuite plus ouvertement dans la "Fantasy", convoquant des figures mythiques, littéraires ou issues de légendes urbaines ; d'Ophélie à Prométhée en passant par l’auto-stoppeuse fantôme. Pour les lecteurs qui aimeraient en savoir davantage sur l’univers de l’album, la vidéo de présentation que nous avions faite avec les démos de l'album pour notre campagne de crowdfunding est toujours consultable. Le son n'est certes pas celui du studio, mais les images proposent une plongée assez représentative dans notre imaginaire !

En parcourant différentes chroniques, j’ai constaté que la majorité des rédacteurs saluent votre personnalité déjà affirmée. Venant de la part d’un si jeune groupe, en effet, c’est impressionnant ! Je sais qu’il n’existe bien entendu aucune formule magique, mais pourriez-vous s’il-vous-plaît nous en dire plus sur vos influences, votre processus de composition… Bref, ce qui donne vie à Unseelie.
Anne-Emmanuelle : Merci pour le compliment ! C'est vrai que le groupe est encore très jeune, mais en tant que personnes, on n'a plus vingt ans ! (sourire) Blague à part, je veux dire par là qu'en tant qu'individus, nous avons à travers nos parcours pourtant différents eu le temps de passer par les différents stades classiques d'admiration pour certains groupes, d'imitation, puis de lassitude... et nous sommes vraiment arrivés à celui où nous voulons faire une musique avant tout personnelle. Bien entendu, il ne suffit pas de vouloir, et on n'est jamais à l'abri de retomber dans l'imitation, même inconsciemment, mais nous avons tout de même un certain nombre de garde-fous : lorsque nous composons, nous évitons par exemple d'écouter trop de musique, nous nous concentrons surtout sur nos propres ressentis et notre imaginaire. Ou alors nous allons chercher des influences en dehors de la sphère musicale, comme des livres, des films, une expérience vécue... Pour ma part, je note souvent des bribes de vers dans un carnet, des choses de la journée qui m'inspirent un début de petite histoire, j'écris également mes rêves – j'ai toujours eu une vie onirique très riche – tout ça me donne un terreau dans lequel puiser. Cependant, nous ne nous contentons pas de ces "aliments" spontanés, nous écartons, trions, retravaillons jusqu'à plus soif, car nous sommes deux personnes horriblement perfectionnistes, et je crois que cet effort permanent de recul commence effectivement à porter ses fruits.
Marc : J'ajouterais que la composition instrumentale de l'album, à l'image de sa thématique, comporte une part de magie ! Si nous nous étions imposé de suivre une trame, chaque morceau a cependant été créé d'une manière différente, sans suivre de règles prédéfinies : à l'aide d'images évocatrices d'ambiances, d'émotions, de quelques touches de lumière et d'autres d'obscurité. Il y a aussi eu un peu de chance, quelquefois. C'est notre recette. (sourire)



En ce qui concerne les paroles, était-ce votre volonté d’user de métaphores afin de parler de notre société actuelle ?
Anne-Emmanuelle : Si j'évoque en effet certaines dérives de nos sociétés, c'est dans une optique très large, bien plus "existentielle" que sociologique. Dans cette perspective, utiliser la force d'évocation des symboles me semble assez naturel. Par ailleurs, j'accorde de manière générale une grande importance au fait d'éviter d'écrire des paroles trop explicites, d'une part parce que je trouve ça plat, d'autre part parce qu'il y a toujours un risque d'enfermer l'auditeur dans une vision trop "assénée" qu'il ne partage pas forcément. L'intérêt des métaphores est au contraire de garder une part d'équivoque, qui laisse de l'espace aux projections de l'auditeur, lui permettant de greffer son propre imaginaire.
Au-delà de ça, s'il y a une chose que j'ai apprise à travers mon activité d'écriture poétique, c'est que l'intérêt des métaphores n'est pas "décoratif" : elles ne sont pas de simples ornements que l'on pourrait retirer sans perdre l'essence du texte, ou si elles ne sont que cela, alors il faut les enlever ! Le premier critère d'une bonne image n'est certainement pas d'être "jolie" - elle peut d'ailleurs être violente, dure – c'est de révéler quelque chose qu'on ne pourrait pas dire avec autant de force et de vérité avec le langage ordinaire, rationnel. De ce point de vue, j'arrive à aller bien plus loin dans mes poèmes que dans mes paroles, car il y a trop de contraintes extérieures aux mots en musique. De plus, je n'écris pas mes paroles dans ma langue maternelle, car j'adore la sensation de chanter en langues étrangères, mais je n'ai évidemment pas autant de nuances dans mon expression qu'en français. Malgré ces barrières, j'essaie d'être très attentive à la justesse des images, mais aussi à leur fréquence, afin de ne pas tomber dans des textes hermétiques et boursouflés. Mes paroles comportent donc aussi des passages dans un langage simple et direct, qui l'eût cru ? (sourire)

Comment comptez-vous fêter et promouvoir la sortie de ce premier album ? Des dates prévues, en France et ailleurs ?
Marc : On a déjà fait une petite soirée au Black Dog à Paris avec nos fans pour fêter la sortie d'"Urban Fantasy", mais ce n'était que le début ! On est très fiers de cet album dans son ensemble, et d'autant plus impatients de voir ce que donneront certains morceaux en live. Nous souhaitons commencer par aller faire des concerts en province, dès ce printemps, pour aller à la rencontre des nombreux contributeurs qui ont rendu la réalisation de notre album possible. Nous reviendrons probablement sur Paris – avec toute l'expérience acquise – au deuxième semestre, pour faire une ou deux dates qu'on espère importantes. Nous en dirons plus d'ici là ! Si nous en avons l'occasion, nous aimerions aussi allez faire quelques dates en Belgique et en Allemagne.

Notre interview s’achève ici. Merci beaucoup pour votre disponibilité, et nous vous souhaitons tout le meilleur pour la suite ! Le mot de la fin est pour vous !
Anne-Emmanuelle & Marc : Merci beaucoup à French Metal et à ses lecteurs pour l'intérêt que vous manifestez envers notre projet ! Pouvoir partager notre musique et notre univers compte beaucoup pour nous, et nous espérons que cet entretien vous aura donné envie d'aller écouter l'album, disponible ici en streaming : www.unseelieband.com/#!music/c12k3


Le site officiel : www.unseelieband.com