Interview faite par Aurélie P. Lawless à Paris.

Entre sirotage intensif de mojitos, karaoké improvisé sur "Fire Woman" de The Cult, éclats de rire, bonne humeur et convivialité, je me suis quand même efforcée de poser deux ou trois questions à Michael Kiske et Dennis Ward de Unisonic en rapport avec de la musique -histoire de- lors de leur passage à Paris. Un grand moment ! (si vous voulez voir la vidéo de l'interview menée conjointement avec mon confrère de Hard Rock Mag Louis Eustache, ceci est pour vous !
PS : vidéo partagée sur la page officielle du groupe, traduite en russe tout ça... On ne se refuse rien !)

Michael, on ne connaît pas grand-chose de ta vie durant les années 90 après ton départ d’Helloween. Peux-tu nous parler des boulots que tu as essayés ? On m’a dit que tu avais travaillé en tant que livreur…

Michael Kiske (chant) : J’ai fait ça parce que je ne voulais pas dépenser l’argent que la maison de disque m’avait reversé. Je voulais l’investir dans la production. Ça a duré deux semaines. C’était surtout du sport. Financièrement parlant, j’ai toujours été l’abri, grâce à certaines choses.

En grande partie grâce aux deux albums “Keeper Of The Seven Keys”, n’est-ce pas ? (Ndlr : enregistrés avec Helloween en 1987-1988, et écoulés à plus de deux millions d’exemplaires)
Michael : Même avec les disques plus récents. J’ai toujours trouvé des gens pour investir. Je passais surtout mon temps à lire pendant cette période. Les philosophes allemands, les idéalistes, avant Nietzche. Les poèmes aussi, évoquant la mort, pas seulement ceux qui sonnent bien !
Dennis Ward (basse) : Dr Seuss ! (Ndlr : Auteur pour enfant)
Michael : Aussi beaucoup de textes spirituels, toute religion comprise, mais rien sur la pratique de la magie noire hein, seulement du contenu informatif. J’en ai mangé pendant des années car je me posais beaucoup de questions. Ça m’a fait du bien, je ne le regrette pas. Je pouvais lire pendant des heures et des jours sans m’arrêter, j’avais le temps de le faire. Puis c’est devenu assez. Et je me sens désormais beaucoup plus apte à faire partie d’un groupe. Donc pour résumer, j’ai passé la plupart des années 90 le nez dans mes bouquins. 
Dennis : C’est un boulot intéressant ! “- Tu fais quoi dans la vie ? - Je lis” (rires)



Le marché de la musique a pas mal évolué depuis le début de ta carrière. Comment le perçois-tu ?
Michael : Je ne pense pas que ça ait tant changé que ça… Lors de mes premiers concerts avec Avantasia (Ndlr : 2008), qui rassemble plus ou moins la même communauté de fans que celle d’UNISONIC, je n’ai vu que des adolescents au premier rang ! Ce qui est génial, car ça te rajeunit. Et les jeunes ne sont pas aussi "blasés" que les adultes d’un certain âge.
Dennis : Ils n’ont pas peur de sauter dans la foule et de se casser la figure !
Michael : Résultat, la fougue de cette jeunesse t’atteint, et tu donnes un meilleur concert ! Mais sur scène, le sentiment reste le même que dans les années 80. Au premier rang, ils ont toujours le même âge. On note quand-même une différence au niveau du look. Dans le temps, les fans portaient des vestes en jean, et maintenant, la foule entière est en noir. Le changement principal concerne la vente de disques, qui ne représente plus grand-chose aujourd’hui. Je ne parle là pas de mon cas personnel, mais les temps sont durs pour certains musiciens qui doivent se contenter d’une production bas de gamme, ce qui dessert la musique. En ce qui nous concerne, nous avons un bon label derrière nous, qui nous donne suffisamment d’argent. Mais eux aussi doivent rentrer dans leur frais. Donc si les gens n’achètent plus de CDs, s’ils le volent car ils en ont la possibilité, on ne sait pas ce qui peut arriver… Les fans devraient vraiment y réfléchir. Bon, d’accord, si vraiment tu n’as pas les moyens, télécharge l’album, je m’en fiche.
Dennis : On a été gamins aussi, on copiait des albums sur des cassettes… Sauf qu’on finissait par l’acheter ensuite.
Michael : Soutenez les groupes que vous écoutez, ils en ont besoin !

Cependant, aujourd’hui, les fans consomment beaucoup plus de merchandising, il suffit de jeter un œil à la foule…
Michael : Avant aussi, les fans achetaient les t-shirts.
Dennis : Dieu merci, une expérience ne peut pas être volée ou téléchargée.
Michael : C’est la raison pour laquelle tant de groupes partent en tournée, parfois de manière exagérée, pour gagner leur vie. Mais ce problème n’affecte pas seulement les musiciens. Beaucoup de personnes perdent leur emploi. J’ai d’ailleurs une anecdote à ce sujet. A la fin des années 90, je me suis rendu à un rendez-vous dans les bureaux de Warner Chapell. C’était un immense bâtiment de plusieurs étages abritant plein de salariés, hommes et femmes. Quelques années plus tard, j’avais de nouveau rendez-vous avec eux. Mais ils avaient déménagé dans un endroit minuscule, et il ne restait que 5-6 survivants, tous les autres salariés s’étaient fait virer ! En terme social, cela créé un… (Il cherche ses mots)

Un désastre !
Michael : Un désastre, exactement ! Je dois dire que les musiciens ont aussi leur part de responsabilité, avec toute cette "illusion de richesse". Il y en a beaucoup, en particulier américains, qui aiment, même en étant complètement fauché, se faire passer pour riche. Ils croient qu’en se faisant passer comme quelqu’un de plein aux as, les gens achèteront leurs disques parce que "Oh, il a du succès, il doit être bon". C’est une technique psychologique. Les musiciens ne gagnent pas autant que ce qu’on pense. On entend souvent des excuses bidons du style "Oh, ils sont tous riches de toute façon". Dès que tu obtiens un disque d’or ou que tu te hisses dans les charts, les gens pensent que tu deviens millionnaire, mais ce n’est pas le cas. Et bien entendu les maisons disques ont commis des erreurs aussi !



Y a t-il des pistes pour un concert en France ?
Dennis : Rien à ma connaissance ! Cependant, pour 2015, on espère organiser une tournée en tête d’affiche, et tourner dans la majorité de l’Europe.
Michael : Tout dépend des ventes d’albums. Un promoteur a une idée, évalue ce qui pourrait marcher ou non, et ensuite te soumet une offre, c’est comme ça que ça fonctionne, habituellement. Donc si tu vends beaucoup de disques dans un pays, ça attire l’attention du promoteur.

Edguy, votre futur compagnon de tournée, passe par Paris en Octobre… Si vous êtes disponibles…
Michael : On ne participe pas à cette date… Au Japon, ce sera en co-tête d’affiche car on vend un peu plus d’albums qu’Edguy dans ce pays. On jouera probablement en seconde position mais avec le même temps de jeu.

Pour finir, l’endroit où tu préfères jouer ?
Michael : L’Amérique du Sud c'est toujours hallucinant. Ce sont de gens magnifiques ! Ils vivent dans des pays difficiles, avec une criminalité importante, mais ils sont tellement passionnés, tellement purs ! La scène metal est un peu comme ça partout mais eux considèrent la musique comme une religion. Tu n’imagines pas l’énergie qu’ils peuvent t’envoyer. Je n’y avais jamais été avant Avantasia. Avec Helloween, on n’avait jamais joué là-bas. Ce n’était pas envisageable de s’y rendre, à l’époque. Aujourd’hui non plus, tu ne gagnes pas d’argent, mais il est possible de s’y rendre !


Le site officiel : www.unisonic.de