Interview faite par mail par Sam

Salut les mecs, notre dernière interview date un peu (2010) et entretemps vous avez fait un peu de chemin musical… Résumons donc ces dernières années pendant lesquelles vous avez été prolifiques avec les sorties de "Black Mouths" et "Amer".
Alex (chant / guitare) : C'est vrai qu'on a pas discuté depuis un bout de temps! Depuis la sortie de notre premier EP "A Series Of Catastrophes And Consequences" nous avons sorti "Black Mouths" en 2012 que nous avions réalisé avec Guyom Pavesi, et mixé et masterisé par Magnus Lindberg (Cult Of Luna, AqME, etc) et avons accueilli Julien à la basse à ce moment-là. Puis, après de belles premières parties (The Dillinger Escape Plan, Every Time I Die, Stray From the Path..), beaucoup de tournées aux quatres coins de l'Europe nous sortons notre nouvel album "Amer", enregistré et mixé par Amaury Sauvé (Birds In Row, As We Draw), et masterisé par Bob Weston (David Bowie, Nirvana, Ceremony, etc). Nous avons également mis en ligne plusieurs clips ainsi qu'un documentaire "Dark Was The Night, Cold Was The Gound" réalisé par Berzerker qui retrace notre expérience lors de notre tournée à Cuba. Il est disponible sur le site www.partysmasherinc.com, qui est la plateforme créative mise en place par Ben Weinman de The Dillinger Escape Plan et Thomas Bouaziz de ExperiensS.

Que s’est-il passé ces dernières années dans votre univers ?
Beaucoup de belles rencontres, on a un peu vieilli aussi. Et en vieillissant on mûrit notre musique et assumons des choix artistiques que nous aurions peut-être écartés il y a quelques années.

Vous avez fait, je crois, des dates à l’extérieur de la France. Racontez-nous un peu.
Oui, nous sommes partis plusieurs fois en tournée européenne, à l'est jusqu'en Pologne et au Royaume-Uni à l'ouest. Nous y avons rencontrés des personnes incroyables, tant le public que les orgas, des gens passionnés qui maintiennent cette scène vivante et forte. Des grosses galères aussi. Et nous sommes allées plus loin, nous avons fait une tournée à Cuba grâce au label Brutal Beatdown Records : 10 dates sur l'île, dans des lieux inattendus. A Santiago de Cuba nous étions la première tournée européenne de musique extrême à s'y produire. Le public était peut-être le plus passionné que nous avons rencontré, ils s'abandonnent à la musique pendant ces quelques heures, sont capables de parcourir des centaines de kilomètres pour te revoir sur scène. Cuba a été une île fermée au metal jusqu'en 2007 et il y a toujours eu un public et une demande pour ce genre musical et aujourd'hui il est possible de s'y rendre et d'y jouer. On vous invite à voir le documentaire que nous avons fait avec notre ami Berzerker sur ce voyage. Ses images valent toutes les paroles du monde.

Vous êtes un groupe qui fait partie des valeurs sûres de la scène parisienne désormais, que cela vous inspire-t-il ?
Ca m'inspire surtout de te remercier pour ta remarque ! Je ne sais pas vraiment ce qu'on peut considérer comme une valeur sûre. Je crois qu'on est constants dans notre démarche, cohérents avec nos valeurs humaines et artistiques.



Récemment, j’ai vu Parkway Drive, dans un autre style bien sûr, et je me suis fait cette réflexion : les shows des groupes américains toujours très propres et énergiques. Pensez-vous développer cette même énergie sur scène ?
Énergique je suis d'accord mais propre je ne crois pas. Ou du moins pas comme ces groupes US justement. Ces mecs sont des machines qui déroulent un show millimétré par des années de tournées - avec beaucoup de plaisir et de talent. Ils jouent avec des ear-in monitors, s'entendent bien sur scène, jouent sur des clicks et tous les soirs, musicalement, c'est l'autoroute. Chez THE PRESTIGE c'est plutôt le rock and roll, souvent sans retours, jamais au click. On se sent plus proche de Nirvana que de Parkway Drive. On fait attention à ce qu'on joue bien sûr mais tu ne retrouveras pas le son exact de l'album en live, tu n'entendras pas le même speech entre les morceaux, parfois on jouera un morceau plus vite et plus violemment, et parfois il sera plus lourd.

Comment a été construit votre dernier album, "Amer" ? Avez-vous une façon précise de composer vos albums ?
Souvent l'un de nous arrive à une répétition avec un riff et on jamme sur le morceau pendant quelques minutes, quelques heures. On travaille toujours à l'instinct et au ressenti. Jamais l'un de nous est arrivé en répèt' avec un morceau écrit de A à Z. Sur "Amer" les titres les plus courts sont presque des impros, le titre d'ouverture "Amer" est un jam que nous avons fait pendant l'enregistrement.

Quels sont les différents abordés dans cet opus ? Qui écrit les paroles dans le groupe, et quelles sont les sources d'inspiration ?
J'ai écrit tous les textes d'"Amer", pour certains avant d'entrer en studio mais la majorité le soir des sessions. L'inspiration de cet album vient de ma vie personnelle, de mes expériences, de mes espoirs et de mes déceptions. Les thèmes sont plus "mûrs" que sur "Black Mouths", je traite de sujets plus sérieux et complexes, sans pudeur, et c'est pour ça que cet album est pour moi très personnel. Par exemple, "Négligée" parle de ma relation d'amour et de dégoût pour la ville de Paris où nous vivons, "Bête Noire" de cette partie plus sombre de soi que l'on apprend à assumer, "Léger De Main" parle de ce "masochisme" à continuer à faire parfois des concerts devant 10 personnes à l'autre bout de l'Europe mais que va oublier aussitôt car ces 10 personnes sont venus te voir et apprécier la musique que tu joues. "Petite Mort" parle de sexe, sans détour. Et "Cri De Coeur" de notre rapport à la mort et à la perte d'un être qui t'a beaucoup apporté et d'imaginer les dernières secondes de sa vie.

Vous avez un style musical, très "écorché", est ce pour échapper à la "mode" metalcore ou est ce dû principalement à vos influences ? Quelles sont-elles d’ailleurs ?
On ne s'est jamais assis à une table pour nous dire "Tiens, on va être les écorchés" ou "Attends, on va faire du metalcore, c'est mieux". Ce rapport aux sentiments vient de notre rapport à la musique. Pour nous ce n'est pas un business, c'est notre manière d'exprimer ce que nous avons au fond de nous. Chaque note que l'on joue est une part de nos sentiments. Lorsqu'on revient de tournée, je me sens vidé de mes émotions négatives. Et cela doit venir de nos influences et de notre rapport à elle. En parlant pour moi, je suis un amateur de blues et ces mecs sont capables en quelques notes de faire ressentir des choses tellement fortes. Nos influences à tous sont très variées mais on a certains groupes en commun comme Rage Against the Machine, Nirvana, Cult Of Luna, Converge, etc. On a grandi en écoutant ça.

Pourquoi un tel titre ("Amer") au fait ?
L'amertume est un peu le thème transversal de cet album. C'est un album sombre et dur mais pas énervé ou surexcité. C'est l'état d'esprit qui lui correspond. C'est un grondement tamisé plutôt qu'un gros cri strident.

Un petit mot sur l'artwork, que représente-il ?
L'artwork est le travail d'Alex avec le photographe Loic Véra (chanteur du groupe Gazers). C'est une allégorie de l'album, une nature morte destructurée en référence aux peintres flamands. Chaque élément est un objet personnel, qui à la fois nous représente et représente un titre, l'ambiance d'une chanson, une phrase, etc.



Votre album sort sur une multitude de labels, d'abord pourquoi, et ensuite comment se passent ces différentes collaborations ? Avez-vous des retours ?
On aurait pu choisir de sortir l'album sur un seul label mais il nous semble aujourd'hui plus intéressant de mettre ton travail sur plusieurs labels car cela permet à celui qui souhaite se le procurer de contacter un label local, de payer moins de frais de port aussi. Et nous restons aussi dans une communauté active de personnes qui font vivre le hardcore dans le monde. Tout le monde se connait et se soutient, c'est une grande famille. Et tout le monde s'organise ensemble pour gérer la sortie. Le groupe reste 100% indépendant musicalement et pour sa gestion mais nous impliquons nos labels le plus possible.

Après vos deux albums en trois ans, avez-vous encore des titres en stock de cette période 2012-2015 ? Si oui, les utiliserez-vous un jour ?
Je crois qu'on a un titre enregistré mais jamais diffusé, certainement quelques bouts de chansons que l'on a jamais terminées. Il faudrait que je regarde ce qui est archivé dans nos ordinateurs mais je ne pense pas qu'on les ré-utilisera un jour...

La saison des festivals 2015 est entamée, avez-vous des dates de prévues ? En avez-vous pour la rentrée ?
Pas de festival pour nous à part le Summer Sucks à Nantes mi-Juillet. Nous revenons à la rentrée avec une tournée européenne et au Royaume-Uni. Nous repartirons pour Cuba en Février pour un projet plus long que la tournée. Il y a encore beaucoup de choses dans les tuyaux mais tout n'est pas confirmé encore.

Pour les prochains mois, vous prévoyez de travailler sur un nouvel album ou ce sera plutôt du repos et/ou encore de la route pour défendre "Amer" ?
De la route essentiellement. Un groupe qui reste dans son salon c'est un groupe mort. On a commencé un peu à jammer sur de nouvelles choses, on verra comment on avance cette année mais on aimerait ne pas attendre 3 ans pour sortir un nouvel album.

Que pensez-vous de la scène électrique française actuelle et plus particulièrement de la scène parisienne qui est plutôt prolifique ?
La scène française se porte bien quand tu la compares à celle qui existait il y a quelques années mais ça reste encore très dur pour les groupes, les orgas et les labels. La scène parisienne est... parisienne, avec ses défauts et ses qualités. Elle est effervescente, pour le pire et pour le meilleur.

Le mot de la fin vous revient, bonne route et merci !
Merci à toi et merci à ceux qui ont pris le temps de lire cette interview jusqu'au bout.


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