Interview faite par Eniel-Obtide à Paris.

Bonjour Manuel. Avant toute chose, ça fait vraiment plaisir d’être là, la nouvelle de votre concert m’a vraiment ravi. On était sensé avoir la fin du monde en 2012, et au final c’est un grand nombre de bonnes nouvelles musicales qui tombent, et vous en faites partie. On a pu voir récemment que votre site internet avait repris son activité et annonçait les 10ans de "The Nameless Disease", on se doutait donc bien que quelque chose serait annoncé derrière mais il y a une question qui me brûle les lèvres : est-ce seulement un revival ou peut-on espérer quelque chose de plus ?
Manu (chant / guitare) : De mon côté c’est un peu particulier puisque dans l’histoire du groupe, tout au long de la carrière du groupe, on s’est fixé beaucoup de barrières, beaucoup de limites, avec l’idée de vraiment construire une carrière, de construire un groupe et de faire en sorte qu’on pose les pierres les unes après les autres. Il fallait donc faire attention à notre image, à la manière dont on parlait, ce qu’on allait dire dans les interviews, ce qu’il fallait dire, ne pas dire, les photos qu’on allait prendre… Et aujourd’hui je n’ai plus du tout envie de m’embêter avec ça. Je ne suis plus dans la construction d’une carrière donc je ne me pose les questions que quand elles arrivent, et donc je n’en suis pas du tout à la question du "est-ce qu’on va faire quelque chose derrière". Aujourd’hui j’en suis simplement à me dire que l’on va faire des concerts et que ça sera très très sympa. Donc mon premier sentiment serait de te dire plutôt non.

Ça fait déjà plaisir de vous voir revenir sur le devant de la scène. Comment est-ce que tu as repris contact avec les autres membres du groupe ? L’aviez-vous jamais perdu d’ailleurs ?
Non non, je n’ai jamais perdu le contact avec les membres du groupe. Nos relations se sont un peu distendues, forcément, parce qu’on a tous vécu des vies différentes et que, si moi je suis resté sur Paris, Nicolas habite maintenant à Strasbourg, Gilles habite à Nantes, Raphael à Auxerre… Donc ça complique un peu les choses mais on continue à se voir, souvent en famille d’ailleurs, nos enfants jouent les uns avec les autres... C’est quelque chose qui compte beaucoup pour nous et on n’a jamais perdu contact, on a même de temps en temps organisé des répétitions pour le plaisir et c’est au cours d’une répétition comme celle-ci au mois de Septembre que j’ai amené le sujet sur la table.

D’accord, c’est donc que ça commençait à te travailler un petit peu ?
Quand le groupe s’est arrêté, je n’ai pratiquement plus joué de guitare : il a fallu presque un an pour que je recommence à jouer de la musique. Le rythme d’avoir un groupe c’est quelque chose qui, quand ça se termine, laisse un vide tellement énorme on va dire sur le côté professionnel mais aussi humain, parce qu’on passe d’un contact quasi quotidien avec 3 autres membres, plus le management, la maison de disques… à presque rien, donc ça fait bizarre de devoir changer son forfait de téléphone juste pour ça. (rires)

Et comment est-ce que ça s’est passé avec les autres membres ? Est-ce qu’il a fallu les convaincre, batailler pour en arriver à cette idée de refaire un concert ?
Non, pas du tout. Comme je te disais, on sortait d’une répétition où tout s’était très bien passé, on était 5 : il y avait Vincent en plus avec nous, le bassiste originel du groupe. Et puis j’avais fait le constat, déjà pour moi-même, que l’année 2013 marquerai les 10 ans de "The Nameless Disease" mais je n’étais pas du tout certain d’en parler aux gars. C’est simplement que c’est venu, je leur ai dit : "Voilà, j’ai eu l’idée que l’on pourrait peut-être faire un concert. Mais c’est juste une idée comme ça, même pour moi, je ne suis pas sûr d’avoir la volonté suffisante de le faire. Mais bon, en tout cas si c’est quelque chose qui vous intéresse et qui pourrait vous motiver, bah réfléchissez". Mais j’ai vu que ça ne poserait de souci de motivation en tout cas. (grand sourire) Très très vite, ils m’ont tous dit qu’ils seraient partants pour faire ça. Ensuite j’ai donc contacté notre tourneur, à qui j’ai dit que ça serait bien de pouvoir faire une date sur Paris. Il a répondu : "On va voir" et puis finalement d’une date sur Paris on est passé au Hellfest, et puis du Hellfest on est passé à une tournée. Là maintenant il y a des dates qui commencent à se booker en Suisse, aux Pays-Bas, il y a la Belgique qui va arriver derrière. Donc voilà, on repart un petit peu – je ne vais pas dire autant qu’avant – parce qu’on a décidé aussi de limiter le nombre de dates que l’on va faire, mais on devrait arriver à un peu plus de 10 dates, c’est quelque chose de très sympa.

C’est vrai qu’avec le groupe, vous aviez pas mal tourné, vous aviez fait des festivals à l’étranger…
Oui, on avait joué en Allemagne, en Pologne. Ce serait très bien, mais non, ça serait compliqué.

Ca ferait un peu beaucoup pour une reprise après 4 ans… Parmi les membres du groupe, certains avaient initié des projets. Au final tu es celui qui est resté le plus discret. Que s’est-il passé pendant ces 4 ans ? Bon, tu me disais que pendant presque un an tu avais stoppé net la musique, histoire d’encaisser le coup j’imagine…
Ha oui, et puis ça n’a pas suffit, le coup n’est pas encaissé complètement… J’étais de loin le plus investi dans le groupe, même s’ils l’ont tous été beaucoup mais chacun à sa manière. Le groupe c’était la moitié de ma vie, c’était pas autre chose, donc le jour où il s’est arrêté, c’était plus qu’un vide. Pour moi, l’arrêt de ce groupe a été un échec qui était très difficile à digérer. Même si tout mon entourage, tous mes amis, ma famille et les autres membres du groupe n’ont pas cessé de me dire que ça n’était pas un échec et qu’il y avait quand-même de très belles choses de faites avec le groupe, c’est quelque chose que j’entends bien mais que j’ai encore beaucoup de mal à digérer et à intégrer réellement. Donc oui, c’est compliqué… Et je n’ai toujours rien remonté, j’ai fait quelques featurings quand on m’a invité sur des projets qui étaient intéressants, où musicalement ça me plaisait, où le groupe était sympa et qu’il avait une démarche à la fois artistique et professionnelle derrière, là j’y ai été sans souci, mais parce que je n’avais pas d’investissement personnel énorme à faire : j’avais juste à apprendre un morceau, donner quelques avis et débarquer en studio les mains dans les poches. Donc dans ces cas-là, c’est très très facile, remonter un projet c’est encore autre chose… Mais je ne perds pas espoir de le refaire un jour.

D’accord. Nicolas avait initié son groupe…
Oui, Ommatidia.




… Vincent les avait rejoints. Et ce qui m’avait fait plaisir, c’est que lors du concert parisien de présentation de l’album, je t’avais aperçu dans la salle.
Oui j’y étais, absolument.

Ça faisait plaisir, je m’étais dit "C’est cool qu’il soit présent, ça va, c’est qu’il n’y a pas de rancœur"…
Non, non… Bah, il y a toujours des rancœurs… C’est-à-dire que quand Nicolas est parti, il avait des griefs contre moi, j’en avais contre lui mais, même s’il y avait des choses qui étaient fortes, il y avait une amitié qui était encore plus forte. Donc on est adulte, il faut savoir passer au-delà de certaines choses.

Tant mieux. Bon, là pour le coup tu es le seul membre qui soit là aujourd’hui, mais sais-tu si Ommatidia continue à être actif ? 
Oui oui, absolument ! Je suis passé les voir en répète dimanche matin. (rires) En fait on répétait le même jour : comme Nicolas habite à Strasbourg, il es obligé de cumuler ses répétitions entre Ommatidia et THE OLD DEAD TREE sur le même week-end, ce qui fait qu’il doit faire environ 16h de répétitions et 10h de route sur 1 week-end. (rires) Donc du coup je suis passé le voir en répétition d’Ommatidia : ils sont en train de préparer une entrée en studio pour le mois d’Avril et il y a une sortie d’album qui est prévue pour la rentrée, je ne connais pas les dates exactes. Ils sont très actifs et d’ailleurs le deuxième album s’annonce vraiment très très bon, à mon avis meilleur que le premier même, qui était déjà bien mais celui-là, il promet.

Que d’infos ! Et toi, dis-moi, qu’est-ce que tu attends de cette année un peu particulière ? Se rappeler les bons moments, peut-être retrouver une énergie pour recommencer quelque chose ?
Un peu tout ça oui. De toute façon, à chaque fois que j’ai fait un featuring avec un groupe, l’envie revient derrière : on touche du doigt la vie de groupe et c’est quelque chose qui est incroyable dans une vie, vraiment. Mais voilà, entre goûter un bout du plat et faire la cuisine, il y a tout un pas à franchir. Mine de rien là, en faisant la promotion, en organisant la tournée et en voyant tout ce qui commence à se remonter depuis un mois autour du groupe, je recommence un peu à mettre le doigt dans l’engrenage, à remettre vraiment les mains dans le cambouis, et pour l’instant c’est pas quelque chose qui me déplait foncièrement. Donc sait-on jamais… Mais surtout, l’idée principale c’est que l’on va prendre du bon temps, on ne va pas du tout se poser des ennuis et des problèmes : soit on peut le faire et on le fait bien, soit ça commence à être compliqué et on laisse tomber. On ne va pas se plier en 4 pour faire les choses, on ne fera pas de dates à perte – parce qu’on l’a beaucoup fait par le passé : quand on faisait des dates bénéficiaires c’était pour pouvoir réinvestir sur d’autres dates à perte –, donc on n’ira pas à 10 milliards de kilomètres pour promouvoir quelque chose, puisqu’on n’a rien à promouvoir. On vient juste prendre du bon temps, rejouer des titres qui pour certains n’ont pas été joués depuis très très longtemps, ou très peu, et puis permettre aussi à des gens qui n’ont pas eu l’occasion de nous voir pour "The Nameless Disease" de voir l’album en entier comme on pouvait le jouer à l’époque.

Encore une fois, à partir du moment où le site web a été refondu avec tous les visuels de l’album, on se doutait bien qu’il y allait avoir quelque chose et, comme tu le disais tout à l’heure, vous auriez très bien pu partir sur une date parisienne toute simple… et boum !, le Hellfest. C’est quand-même ne pas faire les choses à moitié. Ça vient du tourneur ? Il vous a fait la surprise ?
Bah moi je lui en avais parlé mais c’était presque une blague. J’avais dit : "Boah, si tu ne peux pas faire la date parisienne et qu’on a un Hellfest à la place, tant pis, on s’en contentera". Mais il s’avère que Ben du Hellfest a été enthousiaste à l’idée, donc c’était fait, on n’allait pas refuser. (rires)

Vous y aviez joué en 2008, tu en gardes un bon souvenir de ce festival?
C’est un des meilleurs souvenirs de toute ma carrière de musicien. Il y a le côté scénique, de jouer sur une grande scène devant des milliers de personnes, mais bizarrement tu vois, ce qui m’a le plus impressionné c’est que j’étais comme un enfant dans un magasin de bonbons. C’est-à-dire que je me baladais et je croisais Max Cavalera, Paradise Lost… Toute la scène était là, je pouvais voir tous les concerts du côté de la scène, tout le monde était extrêmement accessible quand on était dans le "village" derrière et c’était quelque chose de vraiment magique. Pour moi c’était un week-end vraiment fantastique, j’ai adoré ça ! Autant on a fait d’autres festivals après, mais le Hellfest avait un goût spécial ouais…




Cette année vous serez donc sur la scène the Altar le Vendredi matin et, au vu du running order et de votre heure de passage approximative, vous aurez, quoi ? 30-40 minutes… Ca va être juste pour jouer tout l’album…
On a 50 minutes normalement, c’est ça qui a été négocié. Alors ce qui est embêtant, c’est qu’initialement on nous a prévus le Samedi, et là on a été déplacé donc on attend une réponse. On est un peu étonnéd parce qu’il n’y a eu aucun mail qui a été envoyé ni rien, donc on attend, on verra exactement pour la date pour être fixé. Dans tous les cas, ça a été dealé pour 50 minutes, qu’on ait le temps de jouer l’album dans son intégralité. Ça perdrait de son sens sinon.

Et la tournée ? Vous allez passer dans plusieurs régions ?
Alors, pour le moment il y a beaucoup de choses qui ne sont pas encore établies et confirmées, mais normalement on devrait faire un tour de France. Je sais que Paris et Strasbourg sont déjà quasi confirmées, Nantes peut-être, il y a des chances dans l’Ouest, le Sud devrait aussi être balayé. Donc voilà, normalement on devrait pouvoir faire un bon tour de France.

D’accord ! Mais du coup, si vous faites une tournée, comment ça va se passer pour le merch ? Est-ce que vous allez pouvoir faire un stand merchandising ? Est-ce que vous avez retrouvé des trésors dans un fond de tirroir ? 
Pour l’instant on ne sait pas trop... Est-ce qu’on va faire un t-shirt spécial de la tournée par exemple ? On ne sait pas. En fait, on serait un peu embêté de faire une tournée bénéficiaire. (rires) Tout l’argent qu’on a pu gagner avec THE OLD DEAD TREE, ça a toujours été moins que ce qu’on dépensait. Tout l’argent qu’on a gagné avec le groupe a toujours été réinvesti dans le groupe, on n’a jamais touché le moindre euro de la musique, et si on sortait bénéficiaire de cette tournée-là finalement on serait assez embêté puisqu’on n’aurait pas d’autre investissement à faire derrière. Donc, peut-être du merch, mais ce n’est pas sûr non plus. Si on le fait, ça sera vraiment dans le but de faire plaisir.

Je confirme que ça ferait plaisir. Du coup, j’imagine déjà ta réponse mais, est-il prévu que l’album soit réédité, qu’il y ait quelque chose de spécial pour les 10 ans ?
Alors je sais que Season of Mist compte faire une nouvelle édition, une réédition en numérique, et je crois qu’ils vont y adjoindre les démos que l’on a pu mettre en ligne et la vidéo "It Can’t Be". Mais je ne crois pas qu’il y ait un projet plus 'concert' derrière.

Je voudrais maintenant revenir sur le line-up. J’ai été assez surprise de ne pas retrouver Vincent à la basse, c’est quand-même un des membres fondateurs et qui est resté jusqu’au bout… Donc autant ça fait très plaisir de voir Nicolas reprendre sa place à la guitare, autant je m’attendais vraiment à ce que Vincent soit parmi vous.
Mais on aurait beaucoup aimé que ça soit le cas, et lui le premier. Malheureusement comme je te le disais, nos vies ont pris des chemins divers, et aujourd’hui Vincent n’a plus du tout la possibilité d’investissement qu’il pouvait avoir avant puisqu’il a pris des engagements au niveau professionnel et familial qui l’empêchent complètement de pouvoir tenir un groupe et partir sur la route. C’aurait été vraiment trop compliqué pour lui malheureusement.

Bon, pour Vincent la réponse est claire et nette. Mais lors de la tournée, est-ce que certains membres pourraient vous rejoindre en tant que guests ?
Moi je le souhaite mais tout n’est pas fait encore. Il y a des choses qui se préparent mais une fois de plus, ce n’est pas toujours gagné. Et on a du temps pour voir ça. Une fois de plus, si c’est compliqué on ne fait pas, c’est la seule règle que l’on se fixe.

Enfin, il y a pas mal d’années, quand on avait discuté après l’un de vos concerts, je t’avais posé la question de la charge émotionnelle de l’album, de savoir si ce n’était pas difficile de voir des gens complètement enthousiastes applaudir quand on sait pour quoi et pour qui l’album a été écrit. Et en fait tu m’avais dit que, avec le temps, vous pouviez commencer à prendre du plaisir à jouer ces morceaux. J’allais donc te demander ce qu’il en est 10 ans après, mais j’imagine que la réponse ne pourra être pleine et entière que quand vous sortirez de la scène…
Non pas forcément, parce que les choses n’ont pas beaucoup changé, et puis on répète quand-même. Ça fait deux sessions de 8h de répétitions où l’on ne fait tourner que "The Nameless Disease", donc autant dire qu’on les a beaucoup rejoués et il s’avère que tous les morceaux n’ont pas eu la même histoire non plus, aussi bien dans l’écriture que dans le nombre de fois où on a pu les jouer en concert. Des titres comme "We Cry As One" ou "It Can’t Be" qui ont été joués quasiment à chaque concert, aujourd’hui quand ils sont interprétés, il faut faire un travail – en tout cas moi, en tant que chanteur, je dois faire un travail – pour les recoller à l’émotion qu’ils généraient au démarrage. En parallèle, des titres comme "The Bathroom Monologue", qu’on a très très peu joués, pour le coup ont été très très peu émoussés, il n’y a pas eu d’usure quasiment sur ce titre. C’était aussi une des raisons pour lesquelles on a peu joué ce titre-là : je ne voulais pas qu’il subisse trop d’usure, je voulais qu’il y ait au moins un titre qui reste authentique jusqu’au bout. Donc voilà, ça sera aussi un peu l’occasion de les mettre sur la table.

Oui, je me dis que ça va s’additionner : le fait de remonter sur scène après 4 ans et pour jouer cet album-là… Ça va faire beaucoup d’émotion.
Ça va faire beaucoup de choses oui. Mais ça fera beaucoup de plaisir puisque ça reste des morceaux qui, même s’ils sont pleins de quelque chose d’amer… Les souvenirs de quelqu’un de disparu, ou même tous les souvenirs tragiques – tout le monde ne fonctionne pas forcément pareil, mais de mon côté j’ai le sentiment que les mauvais souvenirs s’estompent et on garde que les bons. Donc par rapport à la disparition de Frédéric en 1999, c’est vrai que la douleur s’est estompée et les souvenirs qu’il me reste de Frédéric ce sont surtout les bons : les moments que l’on a passé à répéter ou les quelques concerts que l’on a réussi à faire, comme tout petit groupe qui démarrait, dans des galères absolument absurdes. Aujourd’hui ce sont des choses que je me remémore avec le sourire.

J’arrive à la fin de mes questions. Encore une fois ça fait vraiment plaisir que vous remettiez quelque chose sur pied, même si c’est juste pour quelques dates, ça fait plaisir de se dire que tout n’a pas sombré corps et âme.
Merci beaucoup.


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