Interview faite par mail par Murderworks

Salut à vous les vieux de grande taille (The Great Old Ones... les grands anciens... vieux de grande taille... Bon d'accord, elle était nulle). "EOD : A Tale Of Dark Legacy " sort cette fois chez Season Of Mist et non plus Les Acteurs De L'Ombre. Je suppose que Season Of Mist peut vous proposer un réseau de distribution plus étendu ?
Benjamin Guerry (guitare / chant) : Salut ! Nous étions très contents de notre relation avec LADLO mais quand nous avons eu l’opportunité de travailler avec Season Of Mist, nous nous sommes bien sûr posé la question de savoir ce qu’allait nous apporter la relation avec un plus gros label. Et le réseau de distribution a bien sûr beaucoup peser dans la balance. Je ne sais pas si cela a changé les choses au niveau européen, LADLO étant déjà bien implémenté de ce côté-là, mais nous étions intéressés par le fait d’ouvrir de nouveaux territoires, comme les USA par exemple. Nous n’avons pas encore de chiffres précis mais les échos sont bons !

Vous aviez décidé d'avance de faire un album sur Innsmouth ou c'est en composant la musique que cette partie du mythe créé par Lovecraft s'est imposée ? D'ailleurs de manière plus générale c'est la musique ou les textes qui arrivent en premier ?
Le point de départ est toujours la musique, savoir vers quelle direction le nouvel album va se diriger. Ensuite cela devient un processus assez croisé. Je commence généralement à composer quelques morceaux puis le concept fait son apparition. A ce moment-là, la musique et les textes se mélangent et s’influencent les uns les autres. C’est une manière plutôt efficace pour que le tout reste cohérent, et qu’aucune des parties ne soit oubliée.

Vous avez l'habitude de mélanger le français et l'anglais dans vos textes, comment décidez-vous dans quelle langue sera chantée une partie particulière ?
Les textes lus en français ne concernent pour l’instant que notre deuxième album, "Tekeli-li". C’est quelque chose qui est venu assez naturellement, mais que nous ne considérons pas forcément comme une marque de fabrique. D’ailleurs, les quelques voix parlées sur notre dernier disque sont en anglais. Cela est venue d’une volonté de permettre au non francophone de pouvoir rentrer dans le concept. De plus, cela ne nous a pas semblé illogique, Lovecraft étant américain. Mais rien ne dit que vous n’entendrez plus de français dans nos textes, puisque la musicalité et la cohérence restent les éléments les plus importants. Donc pour répondre plus précisément à ta question, ce choix se fait selon nos envies et ce qui colle le mieux à la musique.

Malgré le nombre de concerts que vous faites, vos albums ne sont séparés que de deux ans, deux ans et demi. Vous arrivez à composer sur la route ou ça vous vient vraiment tout seul ?
Nous ne composons jamais sur la route, cela est un travail compliqué, et nous préférons généralement nous reposer entre deux concerts, ou alors visiter un peu là où nous sommes. Après des heures passées dans un van ou un bus, on a juste envie de se dégourdir les jambes !



On dit souvent que le troisième album est crucial pour un groupe, que c'est souvent l'album de la maturité. L'expression est-elle galvaudée ou vous ressentez le fait d'avoir franchi un cap ou d'avoir une carte à jouer avec ce nouvel album ?
Je ne dirais pas que notre dernier album est celui de la maturité. C’est une évolution logique du concept du groupe. Nous cherchons toujours à proposer quelque chose d’un peu différent, que chaque album ait sa propre couleur. Donc chaque sortie de disque est pour nous un cap à franchir. Mais évidemment concernant "EOD", avec la recette troisième album + signature sur un label plus important, nous espérons toujours aller plus loin.

Ce qui est surprenant, c'est que l'on puisse entendre une identité aussi affirmée depuis vos débuts. Même si on peut sentir des origines black metal entre autres, il est bien difficile de trouver une influence précise. "EOD : A Tale Of Dark Legacy" enfonce encore le clou et vous fait sonner définitivement à part. Surtout que l'on sent bien que l'univers de Lovecraft n'est pas un gimmick, vous arrivez réellement à le mettre en musique. Du coup comment se passe la composition en général ? C'est un travail collégial ?
Depuis la création du groupe, je compose la majorité des titres. Ce n’est donc pas ce qu’on peut appeler un travail collégial, mais une réflexion très personnelle me concernant. Cette façon de fonctionner me permet de rester créatif en permanence, et donc d’être productif et d’avancer assez vite, afin de garder un maximum de temps pour les arrangements que chacun peut amener dans le groupe. Car bien sûr, même si je compose tous les instruments, chacun y amène sa manière de jouer, son ressenti, sa "patte". Cela permet de garder une certaine cohérence dans les compositions, tout en laissant la place à la sensibilité et à la technique de musiciens complètement différents. J’écoute énormément de styles de metal, et de styles musicaux en général, même si le black metal reste mon "péché mignon". Cela doit effectivement un peu brouiller les pistes concernant les influences de notre musique !

C'est El Mobo qui s'est chargé de l'enregistrement, du mixage et du mastering et le résultat est bluffant ! Vous avez un son qui est puissant mais qui donne aussi l'impression d'être immergé dans les profondeurs d'Innsmouth ! Vous avez utilisé des effets pour arriver à ce résultat, un matos particulier ?
Merci ! Je pense que c’est un ensemble de choses qui donne cette impression de profondeur. Le fait d’être trois guitaristes crée un mur de son, pouvant se rapprocher d’une vague que vous submergerait. Nous ajoutons à cela forcément beaucoup de réverbération, afin d’amener un aspect onirique à l’ensemble. Nous racontons une histoire et l’auditeur doit être immergé dans la musique, afin de percevoir les sentiments qui envahissent le protagoniste. Mobo a de plus fait un travail fantastique, toujours dans une démarche de création et d’intensité.



On voit une opposition eau / feu sur la pochette de l'album (superbe une fois de plus), je trouve qu'elle fait un parallèle avec votre musique qui peut parfois être aussi belle que terrifiante. C'était voulu ?
Jeff Grimal (guitare, chant), qui s’occupe des artworks depuis le début du groupe, s’est une nouvelle fois surpassé. A l’image de la musique d’"EOD", nous voulions un rendu visuel plus chaotique, plus violent, sans oublier l’aspect grandiose de la mer, et la beauté des abysses. Cette entité lovecraftienne évoluant dans les flammes, tout en surplombant la mer représente donc parfaitement ces aspects, et cette dualité beauté / terreur dont tu parles.

Après une période de vache maigre, le metal français a enfin droit à sa reconnaissance, vous êtes passés deux fois par le Hellfest, vous avez joué au fameux Roadburn (qui est apparemment aussi difficile à faire en tant que groupe qu'en tant que spectateur), tourné avec de gros groupes, bref depuis la sortie de "Al Azif" le nom du groupe s'impose de plus en plus. Vous devez être agréablement surpris de voir cet engouement autour du groupe (relatif l'engouement, je me doute que personne ne roule en Rolls Royce au sein du groupe) s'installer aussi rapidement ?
Effectivement, tout est allé très vite. Nous avons été surpris mais cela nous a donné envie de toujours plus travailler, de ne pas nous reposer sur nos lauriers, de proposer des albums singuliers. Nous travaillons beaucoup sur le live, afin de retranscrire au mieux les ambiances de notre musique, que ce soit musicalement ou visuellement. Tout cet engouement ne nous pousse qu’à aller plus loin, jouer dans le plus de lieux possibles. Nous remercions d’ailleurs une nouvelle fois toutes les personnes qui nous soutiennent, et nous aident à avancer. Et non, personne ne roule en Rolls Royce dans le groupe, loin de là !

En dehors du Hellfest, je suppose qu'une tournée est dans les tuyaux, on devrait pouvoir vous croiser en live en ce moment ?
Alors cette année, nous ne sommes pas au Hellfest. Vous pourrez nous voir le 9 Juin à Toulouse, au Motocultor le 19 Août, et au Mfest le 16 Septembre. Nous travaillons actuellement sur des tournées, et nous espérons venir avec de bonnes nouvelles rapidement.

Merci d'avoir pris le temps de répondre à ces quelques questions, je vous laisse le traditionnel mot de la fin.
Merci pour cet entretien, ainsi que l’excellente chronique de French Metal. Vous nous soutenez depuis la sortie d’"Al Azif", et cela nous touche beaucoup.


Le site officiel : www.thegreatoldonesband.com