Interview faite par Jenna Williams et traduite par Marion

J’ai lu que tu bossais sur un nouvel album…
Chris Barnes (chant) : Ouais.

Parle-nous en, un peu !
(rires) C’est le meilleur album que j’ai écrit depuis un long moment. Du coup, je suis surexcité par rapport à ça. Ouais, Rob Arnold (guitariste) écrit quelques chansons, on a Ben de Whitechapel qui écrit quelques chansons. J’ai Jari (Laine) de Torture Killer qui écrit quelques chansons et Steve (Swanson, lead guitariste). Donc on est très content de ça. C’est vraiment un bon truc.

Penses-tu plus accrocher avec cet album qu’avec Death Rituals, jusque-là ?
Hum… Bonne question. Je pense que chaque album est un voyage différent, pour moi, tu vois ? La musique me parle, donc genre j’écris ce qu’elle me dit, et cet album, ça a été un vrai plaisir d’être impliqué dedans parce qu’il est tellement intéressant et ça m’a donné plus d’options pour faire des trucs différents ou faire des trucs que j’avais pas fait depuis un moment, donc c’est super plaisant à ce niveau-là…

Ce que tu viens de dire, en fait c’est la question qui suit. La musique elle-même est un voyage, chaque fois que tu fais un album ou pars en tournée, quels ont été quelques uns des meilleurs aspects du voyage que tu as entrepris, jusqu’ici ?
Tout simplement l’exploration de la musique et trouver comment elle me parle. Je pense que c’est ça pour moi, quand j’écris et tout, et j’écoute la musique d’abord pour en tirer mes paroles ; ça, tout simplement, c’est surexcitant. C’est un puzzle, tu vois ? C’est comme un puzzle pour moi. Comme un puzzle en 4 dimensions ; et ça part de nulle part mais ça finit quelque part. Et ça pour moi, c’est comme tirer quelque chose qui n’existait pas avant et puis d’un coup, c’est magnifique, tu vois ? Pour moi c’est ça… C’est bizarre - magnifique.

Tu viens de dire que tu trouves comment la musique te parle… Comment la laisses-tu te parler ?
Eh bien j’entre dans une sorte de transe ‘‘méditationelle’’ en fumant beaucoup d’herbe et ça m’aide à me concentrer là-dessus - peu importe ce qu’est ce plan ou quelque chose que j’entends, c’est très spirituel pour moi… Donc je pense que c’est pas vraiment moi qui écris ces choses, c’est quelque chose dans l’air qui genre me traverse.

Quand tu écris des chansons, genre même pour ce nouvel album, ainsi que pour le précédent, comment amènes-tu tes chansons à la vie ?
Elles me disent juste ce que je dois faire quand j’entends le riff, juste je me concentre dessus. J’entends quelque chose dans la musique, ça arrête pas de se répéter à moi et je dois juste continuer à l’écouter encore et encore jusqu’à ce que je l’entende. Donc genre j’arrête pas, tu vois, j’arrête pas d’y retourner et entends les 30secondes d’un morceau de chanson, et j’arrête pas de le rejouer, et au final ça me dit ce que ça doit être, ce que je dois écrire. Donc maintenant que j’ai écrit plein de chansons et tout, je me laisse genre aller et je laisse ça se faire. Donc quand j’essaie de forcer quelque chose, je le repose et j’attends tout simplement, et j’y reviens. Certaines chansons, comme sur cet album, je pouvais juste pas écrire à un moment, mais genre elles veulent tout simplement être écrites.

C’est intéressant…
Ouais. Genre j’y pense comme si elles étaient vivantes… (rires)

Ouais… Les chansons rendent vraiment les gens vivants, dans un sens.
(rires) Elles sont obligées.

Exactement. C’est pour ça que tant de gens sont si passionnés… Même si tu y as plus ou moins répondu dans ma dernière question… Comment prends-tu les visions de ce que tu vois quand tu écris et comment les transcris-tu en mots ?
Encore une fois, c’est la manière dont la chanson me parle, et j’y pense juste genre... parfois je vais avoir une idée, comme un titre de chanson ou peut être un mot, peut-être que je l’aurais genre écrit sur un morceau de papier quelque part, et je vais y revenir, et je vais écouter la musique, et je chercherais des trucs, et quelque chose me saute aux yeux, et à partir de ce moment-là... où je vais l’écrire ; je vais l’écrire et rien ne fonctionne vraiment. Je sais pas ou ça va. Ca se fait tout seul par lui-même. C’est très étrange. Avant j’avais une idée claire des choses, mais maintenant je le laisse s’écouler à travers moi.



Encore une fois, comme tu viens de dire… Les chansons te parlent… Quelles chansons, parmi celles que tu as écrites, t’ont parlé le plus ?
C’est dur, je pense qu’elles me parlent toutes de manières différentes. C’est dur de dire ça parce qu’il y a des chansons qui me rapportent plus d’argent et ces chansons sont celles qui font vraiment vraiment un déclic, tu vois ? Mais chaque chanson que j’ai écrite, y’a quelque chose dedans qui est ancré dans mon âme. Même si c’est un peu perturbant, mais beaucoup de tout ça est métaphorique.

L’épouvante a évidemment un impact énorme sur ta musique : Phil Anselmo, par exemple, prends Edgar Allan Poe et l’intègre dans sa musique / ses paroles parfois, est-ce que tu fais ça avec tes paroles avec des livres et films d’épouvante ?
Non… Rien de tout ça. Je pense à rien d’autre quand j’écris que ce que cette musique est en train de me dire, tu vois ? Elle m’embarque sur un voyage, une genre de quête pour comprendre le puzzle, pour genre le compléter. Je pense pas vraiment à quoi que ce soit. Je suis pas vraiment un très grand lecteur ou du genre. J’aime les films, mais je suis pas vraiment juste passionné par les films d’horreur, j’aime juste des choses bien écrites qui sont intéressantes, tu vois ? Donc c’est à peu près ça, la manière dont j’écris…

Ouai… Tu fais ça depuis - ne le prends pas mal hein (rires) - probablement depuis que je suis née… Donc comment sais-tu vraiment quand une chanson est finie ?
(rires) Je sens qu’une chanson est finie à la seconde où j’ai fini de bosser dessus, quand j’ai fini les paroles…

C’est tout… ?
Ouai, c’est là que ça se finit, pour moi. Pour moi, c’est là que se trouve la perfection. Après beaucoup de gens mettent la main dessus et tout, je sais pas, à ce moment j’entre un peu dans une légère dépression… Mais je l’aime dès que je l’ai finie parce qu’elle est uniquement pour moi, tu vois ce que je veux dire ? Ca a une certaine connexion de ce côté-là. Et après quand elle sort, quelque chose s’estompe… (pause) C’est un peu comme les gens qui disent, que prendre une photo c’est voler ton âme. Quand une chanson sort et que tout le monde l’entend, ça tourne genre moins autour de toi.

J’avais jamais entendu cela dit comme ça, avant…
Ouais. Ca s’estompe un peu…

Tu es une personne profonde…
Ouais… Trop profonde parfois, les gens ne me pensent pas comme ça, tu vois ? Ils pensent que je suis barge. Mais j’ai fait l’expérience de choses dont la plupart des gens n’ont jamais fait l’expression, dans le genre trucs bizarres…

Dans ta réponse précédente… Tu as plus ou moins dit que chaque chanson que tu écris est comme une photo qui te vole ton âme… ?
Ouais… Enfin, c’est parce que je suis forcé de m’auto-analyser sur ce point-là, mais je suis pas comme ça à chaque minute… Donc genre quand je suis juste en train de traîner, qu’il y a juste moi quand j’y vais, je dois plus ou moins faire tout le truc, c’est un putain de style de vie bizarre. C’est pas pour tout le monde, ça te rend complètement taré parfois. J’essaie de m’ouvrir à ce que j’ai fait là bas et l’oublier ici, tu vois ? Autant que possible…

Quels symboles veux-tu que Six Feet Under porte aux yeux de tes fans ?
Peu importe, ce qu’ils préfèrent. Ils l’interprètent selon ce que ça veut dire pour eux et après quand ils me disent comment ils l’ont trouvé ou comment ils l’ont ressenti, c’est leur truc à eux, je peux pas leur dire la manière dont il faut l’accepter.

Pas faux… Quels sont les symboles que vous portez, selon toi ?
Je sais pas. Je sais pas… Mais si ça leur fait plaisir… Alors c’est quelque chose de bien.

Quand t’es là-haut sur scène, comment prends-tu cette énergie que tu as et la laisses transparaître à travers toi et à travers les fans ?
Eh bien, c’est eux qui le font… Ouais, ils la ressentent… Leur énergie. Leur énergie m’atteint. Ca me fait me sentir bien, et faire un bon concert, et essayer de mon mieux, ce qui parfois est dur, mais ça aide.

Quand tu enregistres, comment essaies-tu de prendre ce sentiment de cette énergie que tu prends quand t’es sur scène pour la transcrire dans un album quand t’es en studio ?
Eh bien, en studio c’est différent, c’est une bête complètement différente, tu vois ? Tu as plein plein de prises à faire pour rendre les choses parfaites et tout, tu vois, tu raccordes les choses entre elles et rends les choses intéressantes et plus dynamiques et un peu plus tendues. Je veux juste vraiment, quand je suis en studio, je me concentre vraiment sur ça, je m’inquiète du live plus tard. (rires)

Ok.
Si j’arrive à l’écrire, je peux le jouer sur scène. (rires) Tu vois, c’est assez simple. Je suppose que c’est dur de voir de l’extérieur comment tout ça marche ensemble, mais c’est vraiment, c’est un peu magique, parfois…

Ouais, est-ce que tu ressens parfois ce sentiment d’être ‘‘chaud bouillant’’.
Genre que je ressens que je suis exactement là où je ressens avoir le besoin d’être ?



Ouais…
Ouais. Y’a des soirées comme ça. Ce soir est une de ces soirées. (rires)

La musique donne une échappatoire aux fans… Surtout le heavy metal… Tes paroles sont assez crues… Mais… Comment penses-tu que ta musique donne une échappatoire à tes fans ?
Eh bien, j’injecte des vrais thèmes de la vie dans certaines de mes paroles, peut-être. Certains types d’idées actuelles, peut-être des événements. Des chansons comme "Manipulation" ("Warpath") et (Human) "Target" ("Haunted"), des trucs comme ça. "Caged And Disgraced" (Warpath). J’étais assez chanceux, même l’autre jour, ça m’étouffe rien que d’y penser. Ce môme vient d’Iran, il a fui l’Iran par la Turquie et tu vois, il étais genre ‘‘Tes chansons sur la liberté m’ont inspiré à dégager de là-bas et à sauver ma peau, et putain, c’est vraiment un sacré service…’’ Je pense qu’ils, les gosses qui écoutent vraiment ce que j’ai à dire, ils comprennent.

Comment penses-tu que ça te donne à toi, à toi-même, une échappatoire ?
Eh bien ça m’a fait me rendre compte de choses dans ma vie, j’ai pu m’exprimer d’une manière qui n’est pas dangereuse… (rires)

Tu sais, la manière dont certains genres de musique veulent avoir leur propre vibration ou sentiment, comme le black metal qui veut que ce soit glacial et sombre ; comment veux-tu que la musique de Six Feet Under soit ressentie, où quelles genres de vibrations veux-tu qu’elle ait ?
Je fais rien, je force pas vraiment quoi que ce soit… Comme t’as dit, un paquet de gens a une notion préconçue de ça, certains styles de metal ou genres, moi non, je ne me confine pas à un coin comme ça. Je pense qu’il y a, j’ai plus ou moins pu innover, j’ai toujours été capable d’innover, je pense que c’est une autre raison qui explique que les voix du death metal sont regardées de cette manière parce que j’ai pu expérimenté à l’époque, et ça m’a poussé dans une certaine direction et ça a crée une norme, peut-être. Donc j’ai jamais vraiment arrêté de vouloir m’exprimer, tu vois, je veux pas m’exprimer de la même manière à chaque fois. C’est juste pas la même période.

Et c’est pour ça que chaque album est différent.
Ouais, c’est un peu plus sur ce quoi c’est à ce moment au lieu de créer l’idée de ce que c’est que ça doit être.

C’est une nouvelle transition.
Ouais. T’essaies juste de le faire assez bien pour que ça sonne bien.

Ouais… Tu es vraiment passionné de metal et évidemment très très profond d’après les réponses que tu m’as données… Qu’est-ce qui a eu un impact, de ce côté ?
C’est une bonne question. Je sais pas. Je sais pas. Je pense que c’est juste que quelqu’un a parié sur moi et a pensé que je pouvais faire quelque chose de bien et que je pouvais concentrer mon énergie sur ça, tu vois ? J’ai jamais vraiment su ce que je voulais faire quand j’étais gosse, ou ce que je voulais faire en grandissant, et j’ai juste été assez chanceux pour tomber sur quelque chose qui avait un sens à mes yeux… (rires). J’ai eu de la chance, d’une certaine façon.

Mais, la chance existe-t-elle vraiment ?
Eh bien, je pense que le destin, c’est de la chance.

Donc tu crois au destin ?
Je crois au fait que tout ce qui arrive dans la vie est planifié d’avance. Y'a un chemin sur lequel quelqu’un te retient. Je pense que chacun d’entre nous a des guides spirituels qui nous guident à travers la vie et qui nous retiennent sur le bon chemin, comme on doit écouter ces gens… Ou ces choses, ou ces gens…

Avec toute cette passion que tu as, comment l’incorpores-tu dans la façon dont tu joues ?
J’essaie juste de faire du mieux que je peux pour essayer de présenter ce que je dois faire, tu vois ? Du mieux que je peux. Parfois, je me plante. (rires) Mais en général c’est juste parce que je suis distrait (rires) par quelque chose. Mais ouais, je m’amuse tout simplement avec, j’aime faire ça, si c’est facile, tu vois, comme ça l’a été… (rires)

Ouais. Tes chansons ont tellement de sens différents, je suis sûre… D’autres artistes m’ont dit ne pas vouloir vraiment révéler les significations de leurs chansons… Qu’en penses-tu ?
Ouais, à 100 pour cent. J’aime pas vraiment donner les grandes lignes et je ne révèle pas les secrets derrière les vers, beaucoup sont tristes, c’est vraiment ça dont ça parle… Juste de la tristesse, de la solitude…

Mais ça crée vraiment une musique incroyable…
Ouai, c’est un peu comme ça que c’est, l’art, en fait. L’art, c’est des gens sérieusement bousillés qui sont du genre solitaire et triste même quand ils n’ont aucune raison de l’être. Chaque jour vécu est pourtant une bonne journée…

C’est vrai… Comme tu disais tout à l’heure, tu penses que les gens ont des guides spirituels qui guident à travers la vie… Comment penses-tu que cela ait affecté ta musique, ou en quoi veux-tu que cela l’affecte, si on peut dire ?
Eh bien, je sais pas si ça l’affecte autrement que ça affecte ma vie quotidienne et que j’ai accepté ça comme étant la vérité de ce qu’est la vie, et j’écoute simplement ces murmures.

Ta musique a laissé un héritage dans le death metal, aucun doute là-dessus, comment est-ce que ça te fait sentir, vraiment ?
J’adore ça, tu vois ? J’essaie de vraiment, ça me fait me sentir bien, mais je pense pas en avoir déjà fini.

Une fois que tout sera fini, de quelle façon veux-tu qu’on se souvienne de ta musique ?
Hum. De la façon, qu’importe ce qu’elle est, dont les mômes la ressentent, tu vois ? Je veux qu’ils en fassent l’expérience à leur manière. Je pense que je pourrais répéter plus de cent fois ce qu’une chanson veut dire pour moi, mais ça ne transcrit pas ce que ça veut dire pour toi, tu vois ? Tu peux pas vraiment le ressentir à moins que tu ne me connaisses vraiment…

Interview publiée avec l'aimable autorisation de thescreamqueen.com.


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