Interview faite par Aurélie P. Lawless à Paris.

Saxon n’est pas uniquement le peuple de barbares germaniques voulant envahir la Gaule, non. C’est aussi de gentils britanniques, taulier du genre en matière de heavy metal depuis de nombreuses années qu’on ne compte plus. Armé de ses légendaires soldats, le groupe So British, "tambour battant", nous envoie un nouvel obus en plein dans nos têtes pour conquérir le sol gaulois (et le reste du monde, cette fois). Sauf que les invasions comme celles-là, on en veut bien plus souvent.

Vous êtes ici à Paris pour les 33 ans du groupe, quel souvenir gardez-vous du concert de l'année dernière ?

Biff Byford (chant)C'était super ! La tournée française s'est faite à guichet fermé, ce qui a été une grande surprise pour nous, car on a pas fait autant de représentations ici qu'en Allemagne, mais toutes les places se sont quand même vendues, et plus ici que n'importe où ailleurs en Europe. Donc ça a été une grosse surprise.

C'était une très bonne idée de mélanger les deux groupes. Est-ce que tu es au courant que le chanteur était souvent à l’écart du groupe et qu’il a été congédié ?
On s'en doutait un peu, parce qu'il n'était pas souvent là, on l'a vu deux fois pendant toute la tournée, c'était un type charmant, mais il passait beaucoup de temps seul dans le tour bus. Ils ont enregistré deux chansons à Paris dans une émission télé, mais je pense que ça ne s'est pas très bien passé. Mais les gars du groupe avaient toujours voulu changer de toute façon.

C'est toujours compliqué de succéder à Sebastian Bach parce qu'il était très charismatique…
Sebastian est quelqu'un de charismatique en effet. Je le connais très bien, c'est quelqu'un d'exceptionnel. Mais je ne le suivrais pas, je ferais quelque chose de différent… je ne porterais pas de bandeau pour essayer de lui ressembler. J'irais dans la direction opposée.

Tu avais une préférence en termes de performance vocale ?
J'aime les deux, je suis fan de Sebastian et je suis fan de son successeur aussi, donc je suis pris entre les deux… le nouveau chanteur a l'air bien. On ne l'a pas vu mais on a entendu dire qu'il était bon.

Qu'est-ce que ça fait d'être de retour à Paris ?
C'est toujours un plaisir. Paris est sympa bien qu’ici dans cet hôtel ce soit vraiment bruyant car on donne sur la rue… Mais ce n'est pas vraiment Paris, pas vrai ? C'est très bruyant, probablement la rue la plus bruyante de tout Paris.

"Battering Ram" est votre nouvel album. Est-ce important pour vous de continuer à faire des albums quand tant de groupes font la "sieste" pendant toutes ces années ?
C'est leur choix. Nous on aime faire des albums. On a eu du temps libre quand Mötörhead a annulé la dernière tournée, deux fois, donc on a eu une opportunité. Il n'y avait plus qu'à s'asseoir à l'ordinateur et enregistrer quelques idées.

C'est cool je trouve, parce qu'on vous a vus l'année dernière, et maintenant, vous avez un nouvel album, donc vous êtes toujours présents, et c'est sympa parce que vous êtes un bon groupe et je ne vous avais jamais vus en France, à Paris en concert, l'année dernière était la première fois. Je pense que vous devriez faire plus de trucs à Paris.
Oui, bien sûr ! Mais on verra. On y travaille en tout cas. Nos billets pour le Bataclan se sont entièrement vendus, donc on croise les doigts. Rien n'est jamais gagné d'avance pour SAXON. On doit travailler dur pour chaque étape qu'on franchit, mais on y est plutôt pas mal habitués, on est un peu des rebelles, on ne s'intéresse pas à l'argent…



Vous êtes super sur scène. La première fois que je vous ai vus… c'était un des meilleurs concerts auxquels je n’ai jamais été.
Merci beaucoup !

Comment trouvez-vous le temps et l'inspiration pour écrire les paroles ?
Je suis chanteur et parolier, donc je suis toujours en train d'écrire des paroles, dans ma tête ou dans un livre, dans mes notes, sur mon ordinateur. Si je suis d'humeur alors j'écris quelque chose. Je suis chanteur, alors je n'ai pas vraiment besoin d'un instrument, je peux écrire et chanter dans ma tête.

Ça vous arrive de vous réveiller la nuit parce que vous venez d'avoir une idée pour des paroles ?
Oui oui, ça m'est arrivé quelques fois ! Les idées me viennent quand je suis occupé, ou détendu, c'est vraiment étrange.

C'est grâce au groupe ?
Bien sûr, c'est grâce au groupe. On jouait un nouveau genre de musique, un peu de rock, un peu de trash metal, du metal et du rock en même temps, mais on a jamais dit que l'on était "heavy metal". Beaucoup de groupes le disent, mais nous on l'a pleinement assumé.

Je pense que vous êtes plus heavy metal maintenant qu'avant.
C'est vrai. Avant, dans les années 1980, tout tournait autour du single, il fallait sortir un single de l'album, alors on choisissait des chansons de l'album que l'on pensait être commerciales. Nous sommes toujours rock et metal. Le nouvel album un peu moins.

Durant toutes ces années, avez-vous remarqué que le groupe a touché toutes ces générations ? C'est grâce à mon père que je suis ici aujourd'hui, c'est lui qui m'a tout appris sur le metal, et je vais aller au concert avec lui. Vous avez déjà remarqué ça quand vous êtes sur scène ?
Oui, on voit beaucoup de jeunes qui sont fans, mais les plus jeunes doivent être accompagnés de leurs parents, c'est la loi. Mais sinon, oui, on voit beaucoup de pères et de mères avec leurs filles, surtout en Amérique. Je suis sûr que c'est pareil pour Maiden, ce n'est pas spécifique à nous, c'est spécifique à ce genre de musique.

Je pense que c'est parce que vous faites en quelque sorte partie du même genre avec Iron Maiden et Judas Priest. Par exemple, quand on est sur YouTube et qu'on écoute une chanson de vous, il y a toujours un lien vers une chanson de Judas Priest ou Iron Maiden dans la liste sur la droite. On aime bien découvrir des groupes de cette façon.
C'est ça qui est super avec Internet, c'est que les gens peuvent vous trouver. Ils peuvent me trouver entrain de chanter en 1980, et entrain de chanter la semaine dernière. C'est super. Beaucoup de groupes n'aiment pas ça car ils se sentent envahis, mais moi j'aime bien. J'aime bien ce truc, YouTube, Twitter aussi. J'ai un compte Twitter. Le compte Facebook est très actif aussi, les gens peuvent y aller quotidiennement, regarder les évènements… On adhère à Internet, on n’est pas des hommes de Neandertal.

Vous ne pensez pas que c'est "la fin de la musique" ?
Pas du tout. La musique est la musique. Elle trouvera toujours sa place. On s'aperçoit que beaucoup de jeunes fans nous découvrent par le biais d'Internet, quand de grands groupes comme Metallica ou Megadeth disent que nous sommes une source d'influence. Mais nous sommes un groupe "live," des troubadours conteurs, on voyage dans le monde et on joue nos chansons. Et ça ne nous dérange pas si elles ne ressemblent pas à l'album, ça ne nous dérange pas de ne pas reproduire l'album, chaque live est différent. C'est probablement pour ça qu'on s'amuse plus à nos concerts, parce que ce n'est pas vide, cela change tout le temps. Si quelque chose me vient à l'esprit, je le dis sur scène, et on enchaîne à partir de là. Si on planifie tout, il n'y a plus de spontanéité. On aime bien être comme on est. Que l'on ait 15 ou 65 ans, "Denim And Leather" résonne en nous. Les gens ont l'impression de faire partie d'un club exclusif. Quand on suit un groupe, ou plusieurs groupes, on aime bien être au courant de son / leur actualité, s'impliquer dans leur vie, et on adhère à cela.

C'est vrai qu'on aime bien être uniques, en quelque sorte. On se sent super bien. "C'était trop cool !".
Quand on est sur scène, c'est super de voir de jeunes fans vêtus de cuir et de vestes en jean, qui sont là de leur propre chef. Personne ne leur dit "Tu dois y aller habillé comme ça," ils portent simplement leur attirail de concert, même si parfois il ne s'agit que d'un t-shirt avec écrit "Saxon." C'est un peu comme un uniforme de concert, le t-shirt, les bracelets... C'est comme si on était dans les années 80, tous ensemble, avec nos fans, et on a le même sentiment aujourd'hui, que ce soit avec 700 personnes ou 75 000. Le même sentiment domine. Ce n'est pas une question d'argent. C'est le plaisir de jouer en live pour des gens qui nous apprécient.

On ne voit plus tellement de gens habillés comme ça dans la rue, donc aux concerts, on se sent comme chez soi.
Bien évidemment, peu importe ce que les gens portent, quel âge ils ont, à quoi ils ressemblent… cela ne fait aucune différence. Mais les gens aiment se sentir en famille. On voit des gens en chemise et cravate, qui ressemblent à des comptables, mais qui sont de grands fans du groupe, alors ils méritent autant de respect que ceux qui sont tout devant en cuir et jean avec des patchs "Saxon." Mais quand on voit de jeunes fans s'habiller comme ça, alors que leurs amis leur disent sûrement "Pourquoi est-ce que tu les aimes ?", et ces gars-là viennent quand même, et ils se mélangent avec les fans plus âgés, et ça leur est égal. C'est ça que j'aime. Le rock'n'roll est une famille de tous les genres.

Êtes-vous toujours en contact avec vos "vieux potes", si je puis dire ? Judas Priest, Iron Maiden et Def Leppard ?
Oui, surtout avec Judas Priest, on fait des tournées en Amérique avec eux, mais on discute aussi avec Maiden, on se voit… mais on n'envoie pas des e-mails ou quoi. Je discute beaucoup avec Lenny, et avec le manager de Maiden, Rod, il est originaire de la même ville que moi, donc on se parle beaucoup. On n'est plus beaucoup en contact avec Def Leppard, parce qu'ils sont un peu "anti-metal", "On aime pas ce putain de mot", et moi je leur dis : "Vous n'êtes peut-être pas un groupe de metal, mais vous avez débuté dans la même période, ça vous a concernés, et après vous avez fait quelque chose de différent, mais ne reniez pas votre passé."



C'est ma plus grande déception ce groupe, j'étais une grande fan de Def Leppard au début, et j'ai vu le nouvel album, je l'ai écouté, et je me suis dit "Oh mon Dieu… qu'est-ce qu'ils ont fait…" C'est un genre de mix entre le funk, la pop… Ce n'est pas Def Leppard, ce n'est pas eux.
J'adore Def Leppard, je les adore, ils ont eu les mêmes influences que nous, mais ils ont suivi un chemin différent. Mais ils ne devraient pas dire que le mot "metal" est un "sale mot", ils devraient dire haut et fort que "Oui, on a touché au metal à nos débuts, mais on a décidé de changer," point final.

Qu'avez-vous vécu de plus beau et peut-être aussi de plus étrange avec Saxon ?
L'expérience la plus bizarre qu'on ait vécue c'était au Japon, quand on y est allés la première fois, en 1980, c'était encore le Japon old school et le Japon nouveau, d'un côté les gens qui marchaient avec des chaussures en bois et des kimonos, les geishas, et à côté de ça il y a le train le plus rapide au monde, donc c'était vraiment un choc des cultures très bizarre. Ce choc existe toujours, mais le Japon a beaucoup évolué depuis. Mais j'aimais bien le Japon d'avant. J'aimais toute cette histoire dans les rues. J'ai adoré, c'est un endroit tellement bizarre pour les Européens. Mais ce n'était pas de la bizarrerie déplaisante. C'était de la bizarrerie cool. Les filles étaient folles ! Un jour on s'est retrouvés dans un wagon rempli uniquement de filles, et puis nous six, c'était un peu dingue. Il se passe toujours des trucs marrants en tournée, des pantalons qui se déchirent, des chutes de scène… des trucs comme ça, ça arrive régulièrement. A Chicago, on était sur scène, prêts, et on cherchait Paul Quinn partout, et impossible de le trouver. Et en fait il s'était perdu dans le sous-sol. Ça arrive tout le temps, parce que pour un rockeur en tournée, chaque show est différent, et on ne sait pas où on est. Un jour on a joué dans un sous-sol très profond à Los Angeles, c'était flippant, un très vieux bâtiment… Je parie qu'il y avait un concierge fou là-dedans, en bas, prêt à découper des rockeurs en morceaux…

Si vous étiez au Moyen-Âge, quel genre de personne seriez-vous : un fermier, un roi ou un chevalier ? Ou autre chose ?
Je pense que je serais un chevalier du spectacle. (rires) Je ne sais pas en fait… un bouffon ou un troubadour… un troubadour ce serait bien.

Vous êtes un membre fondateur du groupe. A l'époque, auriez-vous pu imaginer une seconde que vous deviendriez quelque chose comme ça avec Saxon ?
Non ! En fait, on ne s'imagine pas vraiment quoi que ce soit. Il n'y a jamais eu qui que ce soit au sein du groupe qui ait eu une telle perspective. Peut-être est-ce là un problème, mais on a jamais eu de manager qui ait une vision si gigantesque du futur. Je pense que les gens qui nous ont entourés y sont juste allés au jour le jour. En fait, je ne pense pas qu'ils croyaient qu'on allait devenir ce qu'on est devenus. Ils pensaient qu'on ferait un bon album et basta.

Ils avaient tort !
Oui ! Ils ne pensaient pas que ça durerait, ils pensaient que c'était un feu de paille.

Il faut toujours y croire.
C'est sûr, il faut toujours croire en soi.

Vous êtes un peu une légende maintenant, grâce au groupe. Quand on dit aux gens "Je vais voir Saxon," ils font "Ah ouais !" car ils connaissent ce nom. Ca fait quoi d'être une légende ?
C'est bien, c'est super que les gens connaissent le nom du groupe. Convaincre les gens d'acheter le nouvel album est parfois difficile, parce qu'ils préfèrent les anciens albums. Ce nouvel album c'est un peu comme un bélier, qui essaye de convaincre les gens qu'il est aussi bon que les anciens. Wait and see. Et puis on a publié une chanson sur YouTube à l'avance, qui a pas mal marché, pour laquelle on a tourné un clip pas cher, fait maison, pour 2000 livres soit 3000 euros.

Il n'y a pas besoin d'être extravagant.
On peut l'être si le portefeuille suit, mais je ne pense pas que ça fasse la différence en ce qui concerne YouTube. Mais ça a bien marché, donc c'est super. Ca a vraiment donné aux gens l'envie de voir à quoi ressemblait le nouvel album. Tu l'as écouté ?

Oui ! En entier. Je ne fais pas d'interview si je n'ai pas écouté l'album. Je me sentirais mal si je ne connaissais pas votre travail et que je vous posais des questions dessus ! J'aime les cinq premières chansons et les deux dernières. En fait, je n'ai jamais été déçue par un album de Saxon. Vraiment pas. Chaque groupe, aussi grand soit-il, sort un album pas terrible, mais pas Saxon, mais ce n'est que mon avis. Il y aura toujours des gens pour dire "Oui mais je préférais les anciens albums."
Je suis d'accord, les cinq premières chansons sont super. Les quatre premières, en fait. Les deux dernières aussi. (rires)


Le site officiel : www.saxon747.com