Interview faite par Diana à Paris.

Nous sommes là pour parler de votre prochain album "The Last Stand" qui sort le 19 Août prochain, ça sera votre huitième album en presque 11 ans, vous êtes très productifs !
Joakim Brodén (chant) : Oui c'est vra i! On aime bien écrire de la musique. (rires)
Pär Sundström (basse) : Oui mais il y a eu des albums live aussi. Nous avons été très productifs, mais nous faisons ça comme une passion à temps complet et non comme un passe temps et nous avons donc une obligation en tant que groupe, envers nos fans et les autres membres du groupe. Depuis 2005 nous travaillons comme ça, nous n'attendons pas que les choses arrivent, on les provoque. Nous sommes devenus très efficaces aussi !

Si on regarde votre emploi du temps, vous sortez un album puis vous partez faire des tournées énormes, alors quand est-ce que vous trouvez le temps d'écrire ? J'ai regardé un peu les dates de votre tournée et depuis Février vous êtes super occupés...
Joakim : Nous aimons passer du temps à écrire les chansons nous aimons prendre notre temps et ne pas stresser, mais quand nous rentrons en studio on sait déjà à 95% ce que nous avons et ce que nous voulons à faire.
Pär : C'est du travail très efficace en studio, nous n'avons pas besoin de rester très longtemps.
Joakim : Nous n'avons pas besoin de rester très longtemps, mais ça ne veut pas dire que nous ne faisons pas les choses bien, car en tant que groupe nous avons déjà une très bonne idée de ce qu'on va faire quand on rentre en studio, même si nous changeons pas mal de choses en cours de route. Nous discutons ensemble des changements, nous essayons d'autres idées ensemble... mais tu sais de nos jours on peut enregistrer un album en 3 jours ! Les guitares et les basses on les enregistre en moins d'une semaine puis après nous ralentissons un peu pour la partie créative, moi je fais aussi le clavier généralement en une journée. Mais quand on s'attaque à la partie créative nous prenons plus notre temps, ça peut être les paroles, les choeurs, les solos de guitare, ajouter des cornemuses par exemple (rires) et même expérimenter des choses nouvelles et tous les changements que l'on peut faire pour que la chanson soit encore meilleure. Ca ne prend pas plus de 2 semaines, quand nous avons déjà les bases des chansons. Le reste qui va se faire en 3 semaines sera d'ajouter les voix, les réglages, le mixage et le mastering.

En parlant des paroles de vos chansons, toutes vos chansons parlent de batailles du passé, est-ce que vous pensez que vous pourriez écrire sur des événements plus récents ou même sur de sujets actuels ?
Joakim : Le présent est un problème, à cause de la politique principalement. Avec le passé nous connaissons l'histoire parce que ce sont des faits, nous connaissons aussi la propagande et nous pouvons faire la différence. Nous ne voulons pas rentrer dans des sujets politiques. Nous racontons des histoires de différents points de vue et c'est très difficile de connaître la vérité sur des évènements actuels. Ca serait dangereux pour nous d'écrire sur des événements contemporains, nous ne connaissons pas la vérité sur ces évènements et nous ne sommes pas des professeurs d'Histoire. Nous essayons de nous appuyer sur les sources les plus fiables, lire des livres, regarder des documentaires mais aussi utiliser Internet qui est une source de renseignements immense. Nous commençons souvent en regardant sur Wikipedia parce qu'on y trouve beaucoup de références sur des livres. Nous utilisons beaucoup Internet pour savoir où aller chercher l'information, quels livres lire, quels films regarder.

Comment vous viennent les idées pour les textes ? Je m'explique, pourquoi telle ou telle bataille par exemple ?
Pär : Quand nous avons choisi de faire "The Last Stand", nous avions déjà certaines idées sur quelque batailles, dont nous connaissions déjà l'histoire et qui nous demandaient pas autant de recherches et nous savions déjà que le thème collait parfaitement. Mais nous avons une très grande base de données avec tout plein d'idées pour des thèmes qui nous sont envoyées par nos fans. Nous les avons classés, donc il est plus facile pour nous de retrouver des thèmes qui collent parfaitement au thème à aborder. Nous utilisons cette base aussi pour trouver des idées supplémentaires, parce que nous ne connaissons pas tout, nous sommes suédois et nous ne connaissons pas l'histoire de tous les pays.

C'est sympa parce que du coup en écoutant vos chansons on apprend l'histoire ! C'est une manière super d'apprendre ! Autant il y a des batailles et des faits historiques que l'on connaît, autant il y en a d'autres que l'on découvre entièrement.
Joakim : Chaque pays à sa propre histoire !



Sabaton a une relation très particulière avec ses fans, on peut même vous contacter facilement via votre site web.
Pär : Nous avons toujours été en contact avec nos fans, et les mails m'arrivent directement. Souvent on reçoit des mails des fans qui nous disent qu'on pourrait parler de tel ou tel sujet et du coup on garde tous ces mails. Et il y plein de fans qui nous posent des questions comme par exemple quand est-ce qu'on va aller en tournée dans tel ou tel pays et si nous n'avons pas encore annoncé des dates, je peux peut-être les aider. Parfois ils vont nous demander où acheter les tickets ou des choses comme ça et on essaye toujours de les aider. C'est une très belle manière de communiquer avec nos fans et ça nous permet de les connaître un peu mieux, de savoir de quoi ils ont envie et comment ils se sentent. Pour nous c'est très sympa de pouvoir avoir cette relation avec nos fans.

En plus c'est super de faire ça pour vos fans, parce qu'il n'y a pas beaucoup de groupes qui répondent directement à leurs fans... Et vos fans vous le rendent bien on les voit souvent qui attendent des heures devant les crash barrières lors des festivals et qui sont là depuis le matin alors que vous ne jouez que le soir.
Joakim : Parfois on descend du Tour Bus il est 10h du matin et on croise déjà de fans qui attendent pour notre concert, qui se prennent en photo avec nous, alors que nous jouons 9 heures plus tard !!!
Pär : Nous avons des fans très fidèles ! C'est fantastique de voir ça, et c'est aussi pour ça que nous continuons à faire la musique !

On pourrait même dire que c'est une vraie relation d'amitié avec vos fans !
Joakim : C'est tout à fait ça ! Je pense aussi qu'avec notre musique nous attirons des gens qui nous ressemblent, qui ne se prennent pas la tête.

J'ai lu que vous aviez dit qu'avec ce dernier album "vous aviez été plus loin", qu'est-ce que vous entendez par ça ?
Pär : En disant que nous "avons été plus loin" c'est dans le sens où il y a beaucoup de nouveaux éléments dans cet album. Nous n'avons pas cherché à aller dans ce sens mais au fur et à mesure que nous avancions dans l'album, c'était une évidence. Par exemple dans "The Lost Batallion", le premier single de l'album, la batterie est un sample qui n'est pas vraiment une batterie.
Joakim : Les gens nous demandent comment nous avons fait mais en fait ce n'est pas une batterie mais des tirs d'une mitraillette 45mm à la place d'un grosse caisse, des tirs de 9mm à la place de la caisse claire et une baïonnette à la place du charleston. Ca c'est nouveau pour nous et je pense qu'on est les seuls à avoir une batterie faite des bruits d'armes. Nous nous étendons aussi au niveau historique et géographique, d'habitude, pour nos textes, on restait sur l'histoire moderne surtout la Deuxième Guerre Mondiale et sur le territoire européen. Cette fois on va en Afrique, au Japon, on va 480 ans avant JC et en même temps en 1998. C'est pas une chose en particulier qui nous donne l'impression d'avoir été plus loin avec cet album mais un ensemble de nouvelles choses qui nous permettent de trouver une nouvelle fraîcheur ! Il y a quelque surprises dans l'album, ce n'est pas qu'ils vont être choqués mais ils vont avoir quelque surprises en l'écoutant !

Par rapport à l'artwork de l'album, vous avez encore fait appel à Peter Salla, qui travaille avec vous depuis "Carolus Rex" (2012), comment se passe cette collaboration ?
Joakim : Nous travaillons avec lui du début à la fin, Pär discute avec lui et fait quelque dessins, parce que moi je suis pas très bon en dessin, je sais dire si ça me plaît ou non. Pär va lui parler des idées que nous avons et fait des esquisses de dessins et après nous expliquons à Peter avec les dessins et nos mots ce que nous voulons et après nous le laissons faire. Tout le travaille lui revient. Nous on va juste reparler avec lui une fois qu'il aura fini et éventuellement lui dire s'il y a des choses que nous souhaitons modifier ou ajouter quelque chose.

Pour parler plus du groupe, quelles sont vos principales influences et est-ce que depuis la création du groupe vous avez découvert des groupes qui vous ont influencés dans votre façon de faire de la musique ?
Pär : Nous venons tous d'univers hard rock très classique, ces groupes ont eu une influence sur chacun d'entre nous et dans notre manière de faire et voir la musique, comme Iron Maiden. Nous avons avons tourné avec Maiden et quand on voit comment ils jouent encore aujourd'hui, ils restent une source d'inspiration pour nous. Ils jouent pour les bonnes raisons, comme nous. Mais tu sais, il y a des groupe qui ne jouent pas pour les bonnes raisons et qui préfèrent plutôt être en backstage que sur scène... Mais un groupe comme Iron Maiden le fait toujours pour les bonnes raisons et c'est pourquoi ils nous inspirent ! Ce n'est pas si loin de ce que nous on fait, bien sûr la musique n'est pas du tout la même, mais nous nous amusons sur scène ! On joue parfois du heavy metal "simple" pour une foule joyeuse ! C'est cool de voir qu'il y a toujours des groupes qui ont une longue carrière et qui prennent toujours autant de plaisir à être sur scène.



Joakim tu es un grand fan de Twisted Sister, qui est un groupe qui prend énormément de plaisir à être sur scène, est-ce que c'est un groupe qui vous inspire ?
Pär : C'est justement ça que j'aime dans le heavy metal, l'énergie et l'attitude. C'est ça qui m'a donné envie de jouer de la basse, j'étais inspiré par l'énergie de personnes comme Dee Snider (Twisted Sister), Sebastian Bach (Skid Row) ou encore Axl Rose (Guns N' Roses). Ils ont une attitude particulière quand ils montent sur scène et une énergie inépuisable et voir ça j'adore. L'énergie ne vient pas uniquement du public, mais du groupe et du public, c'est ce que j'adore aujourd'hui et ce que j'ai envie de partager avec le public. J'ai envie qu'ils ressentent ça.
Joakim : Parfois on va dans des festivals où l'on voit un public qui n'est pas très enthousiaste et puis en y réfléchissant on se dit que ce n'est peut-être pas le public mais plutôt le groupe qui n'a pas su donner suffisamment d'énergie au public pour qu'il réagisse. Peut-être que leur langage corporel n'était pas le bon, peut-être qu'il n'y avait pas assez d'énergie, ça peut être pour tout un tas de raisons différentes... Pour nous ce qui est important, c'est de nous dire que nous allons prendre du plaisir à jouer sur scène et si nous nous sentons bien, il y a de fortes chances que le public se sente bien aussi, et dès qu'on voit que le public réagit positivement nous on est encore plus contents et on va se donner encore plus à fond et du coup le public aussi, c'est un cercle vertueux !

En parlant de vos concerts, vous commencez la tournée pour cet album en Janvier.
Joakim : En fait nous commençons en Août mais nous ne l'avons pas encore annoncé !
Pär : Nous commençons en Août, mais la partie européenne de la tournée commence en Janvier.

Est-ce que vous pouvez nous parler un peu de votre première partie à venir sur la tournée d'Accept ?
Joakim : Un de nos groupes préférés aussi !

Sacré invité !
Joakim : Oui effectivement! J'adore cette idée, ils ont fait de super trucs dans le passé mais ils font toujours des super trucs aujourd'hui et ça, ça va me donner le trac ! Si j'ai le trac, je vais essayer de faire mieux que d'habitude, et si j'essaye de faire mieux que d'habitude notre spectacle sera encore mieux et pas que pour moi ! Du coup, peut-être comme on parlait tout à l'heure du cercle vertueux, Accept va se dire "On doit faire mieux que hier !" et du coup ils seront encore mieux que la veille et nous on voudra aussi faire mieux alors tout le monde y gagne ! C'est une compétition amicale, pour que tout le monde donne le meilleur de lui sur scène et pour moi c'est la meilleure façon de faire. Le public passera aussi un super moment ! Ca fait partie des groupes dans mon Top 10, même aujourd'hui ! C'est une chance pour tout le monde ! Il y a aussi peut-être des jeunes dans le public qui ne connaissent pas Accept et qui du coup vont les découvrir en venant au concert. Pareil dans l'autre sens, il y a peut-être des gens plus âgés qui vont nous découvrir en allant voir Accept.

Vous faites pas mal de festivals et il vous arrive de partager la scène avec des grands groupes comme Twisted Sister, Queen mais sans Freddie (rires), Iron Maiden... Qu'est-ce que ça vous fait de "partager" la scène avec des groupes de légende ?
Pär : C'est sympa de voir que les promoteurs et les producteurs de festivals permettent à des groupes plus petits de partager la scène avec ces groupes de légende, parce que malheureusement ces groupes ne sont pas éternels.
Joakim : Surtout ces derniers 6 mois ont été durs pour les amoureux du hard rock !
Pär : La musique de ces groupes de légende restera longtemps mais les personnes qui ont écrit ces chansons ne vivront pas éternellement et il y aura un moment où le monde du heavy metal va passer par des moments très durs parce qu'il aura des gros vides à combler et si les gens ne croient pas dans les nouveaux groupes, et qu'ils refusent de les écouter, il y aura un grand vide. Alors c'est bien qu'il y ait des organisateurs de festivals qui font confiance aux nouveaux groupes et qui les poussent vers le haut ! Nous avons eu la chance de pouvoir être des têtes d'affiche dans pas mal de grands festivals comme Sweden Rock, Wacken... ils sont en quelque sorte obligés de nous donner cette chance parce qu'il y aura un moment où ils ne pourront plus avoir des groupes comme Aerosmith, Guns N' Roses, etc.
Joakim : Si tu le regarde d'un point de vue extérieur, il y aura toujours les grosses têtes d'affiche comme AC/DC, Iron Maiden, Metallica, peut-être même Rammstein mais il n'y a que Metallica et Rammstein que l'on pourra voir encore dans 10 ans, c'est d'un point de vue réaliste. Et si tu regardes après, il y a comme un fossé et tu trouves quelque groupes comme nous ou Nightwish, qui pourront peut-être prendre la relève. Il y a aussi le niveau dans lequel nous étions il n'y a pas si longtemps, c'est comme une pyramide et au sommet il n'y pas beaucoup de groupes du moins dans le heavy metal. Je pense que ça peut être dangereux, il est temps que les promoteurs, les labels, les magazines spécialisés essayent de mettre en avant les nouveaux groupes et les aident à monter, sinon je crains qu'il y ait un vide. Il va devenir de plus en plus compliqué de donner envie aux gens d'aller aux festivals et ils risquent de fermer parce qu'ils ne pourront pas vendre assez de tickets. On se  retrouvera peut-être dans une situation où les salles de concert vont devoir fermer parce qu'il n'y aura personne pour prendre la place d'AC/DC ou Maiden. Et si tout ferme, alors où vont pouvoir jouer les nouveaux groupes, comment ils vont pouvoir se faire connaître ? Je pense que nous ne sommes pas au point critique mais je pense que nous devrions commencer à réfléchir sur ce thème.

C'est pour cette raison que vous avez votre propre festival ? Pour faire connaître et aider des nouveaux groupes ?
Joakim : En partie, mais pas seulement.
Pär : Oui pas uniquement. Au début nous l'avons fait pour la sortie de l'album "The Art Of War" (2008) et avec les années c'est devenu quelque chose d'unique, c'est un peu comme un cadeau que nous faisons à nos fans. Les fans viennent des 4 coins de la planète et du coup il y a une ambiance particulière, et les groupes qui viennent jouer c'est surtout parce qu'on les aime, ce sont des amis, on les connaît et on veut aussi que nos fans puissent les écouter.

Pour revenir à la tournée, vous avez planifié pas mal de dates, est-ce que ça sera une tournée mondiale avec des pays où vous vouliez aller mais vous où n'aviez pas encore pu jouer ?
Pär : Il y a des pays où nous ne sommes pas encore allés, parce que jusqu'à là, SABATON s'était concentré sur le continent européen pour avoir une base de fans solide en premier, parce que pour tourner en dehors de l'Europe il faut beaucoup de temps, de l'argent, et des bons contacts, chose que nous ne pouvions pas avoir au début. Il faut y aller doucement pour pouvoir avoir les bonnes personnes pour tourner en dehors de l'Europe. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons mis du temps à faire une tournée au Japon, même si nous avions des offres pour tourner là-bas. Pour nous, nous n'avions pas encore tous les contacts sur place, du coup nous avons attendu jusqu'au moment où nous étions certains qu'on pouvait y aller sans problème. C'est la même chose pour l'Amérique du Nord, nous avons attendu de sortir "Carolus Rex" aux Etats-Unis pour nous dire "C'est bon maintenant, on peut y aller" et depuis nous avons fait 200 concerts là-bas.
Joakim : Au moins 200 ! Peut-être même 300 !
Pär : Nous avons fait 100 concerts en tant que première partie pour 3 groupes différents après la sortie de "Heroes" (2014). Maintenant nous sommes un peu établis aux Etats-Unis donc c'est plus simple. Mais nous n'aurions pas pu faire ça si nous avions commencé à tourner aux Etats-Unis en 2005 parce que nous n'aurions pas pu y consacrer autant de temps.
Joakim : Nous avons joué dans quelque petits festivals aux Etats Unis en 2008, mais nous avons commencé à tourner en 2011 pour l'Amérique du Nord, 2013 l'Australie, 2014 pour l'Amérique Latine. Nous n'essayons pas de tourner partout en même temps, nous ne pouvons pas gagner une guerre sur différents fronts en même temps ! (rires) Pär : C'est ce que l'histoire nous a appris. (rires)

Merci beaucoup pour votre temps et bonne chance pour la sortie de l'album et pour la tournée !
Joalkim et Pär : Merci à toi !


Le site officiel : www.sabaton.net