Interview faite par mail par Braindead

J’ai assisté à deux de vos shows, le premier au Bataclan pour la finale du tremplin Hellfest, le second en première partie d’Emmure au Divan du Monde, avec à chaque fois l’impression de voir un groupe qui a du métier ; pourtant ROTNS est une formation plutôt jeune, peux-tu nous en dire plus sur un concept probablement lié à votre rencontre ?
Vithia (chant) : Bah en fait c'est lié à une rencontre ouais... Le manga et moi quand j'avais 4 ans (rires). Quand j'ai monté ce groupe, je savais déjà où je voulais aller, j'avais déjà ce concept de "Furyo Thrash Yankees" en tête... Et je me suis fixé des objectifs à atteindre. Récemment j'en ai atteint un, tourner au Japon. Mais ce genre de truc ça ne se fait pas avec des musiciens peu motivés ou hésitants. Cela se fait avec des battants qui ne lâchent rien, et qui y croient. Du coup, je me suis au fur et à mesure des années entouré de gars expérimentés, initiés aux même codes que moi mais surtout qui croient en ce groupe. Je suis très fier du line-up que j'ai réussi à monter en peu de temps dans un pays comme la France.

Comment expliques-tu un succès aussi précoce, un son et un concept aussi carrés, propres, d’une rare maturité pour un combo aussi jeune ?
Je ne sais pas si on peut encore parler de "succès" pour l'instant (rires) mais bon... 3 facteurs : travail, abnégation à la cause, réflexion. En tant que meneur j'ai une mission, faire en sorte que mes gars croient en moi. À partir du moment où tu arrives à rentrer en osmose avec les membres de ton groupe et que le groupe lui-même devient une entité propre... Alors il n'y a plus qu'une chose qui compte : le travail. Chacun de nos actes sont pensés, réfléchis, on n'attaque pas sur des coups de tête, on pense à comment utiliser notre énergie, chaque membre a des fonctions définies dans le groupe, nous essayons d'optimiser notre temps et notre thune. Du coup, cela se ressent à tous les niveaux de notre taff, du moins je l'espère. Apres en ce qui concerne la maturité tout ça... Galvaniser ses troupes est tout un art (rires).

Selon le dicton, "Nul n’est prophète en son pays" ; Est-ce un choix délibéré que de s’attaquer aux marchés asiatique, ricain… avant la France ? Est-ce pour des raisons culturelles, la surabondance du paysage "métallique" français… ?
On s'attaque pas au marché ricain. À vrai dire on n'en a rien à foutre. Tous les groupes veulent aller là-bas… Mais ils n'ont rien à apporter. Moi depuis le début, mon but c'est le Japon, je suis amoureux de ce pays... Et du mien. Du coup je vois pas pourquoi je me casserais le cul à démarcher je ne sais pas qui pour aller tourner dans un pays qui ne nous considèrera que trop peu. Si ROTNS doit tourner aux States, ça sera dans de bonnes conditions, et en y étant attendus. Après en ce qui concerne la France... Pfff c'est compliqué. Disons qu'en prenant le parti artistique de chanter en anglais, on referme un peu la porte française... Mais on s'ouvre les portes du Monde. Après il n'est pas dit qu'on n'écrive jamais de titre en français. Mais je pense qu'en France, plus que dans n'importe quel pays européen, il est très très difficile pour un groupe comme nous de percer, car il n'y a quasiment pas "de scène", idem pour tourner. Tout est onéreux ici, on arrive à booker des tournées européennes d'un mois, des tournées espagnoles d'une semaine, des tournées japonaises d'une semaine... mais en France c'est galère, le prix des autoroutes tout ça... Tout est plus complexe au niveau de la paperasse, les salles sont excessivement chères, on n'a l'aide de personne… Donc on va dire que pour l'instant on tape là où on peut toucher (rires). Apres moi ça me plairait de tout niquer en France, mais il faut être lucide, on chante en anglais, on joue une musique extrême, soutien médiatique inexistant... Ca ne se fera pas d'un coup. Pour l'exemple, nous avons récemment eu une date française annulée par décision municipale par peur de tapage nocturne… Sans entrer dans les détails, ça pose le décor.

J’ai l’impression que malgré la crise de l’industrie musicale, le nombre de formations explose ces derniers temps ; comment expliques-tu cela et comment appréhendez-vous cette crise ?
Je pense qu'il y a toujours eu autant de groupes, juste on ne les connaissait pas car Internet n'existait pas. La démocratisation de cet outil a ouvert de nouvelles portes, mais en a fermé d'autres. Nous sommes la résultante directe de la génération 2.0. On fait tout nous-même, de A à Z, sans l'aide de personne, des tournées qu'on booke tout seul, des clips qu'on tourne nous-mêmes, du merch qu'on produit nous-même… Du coup, la crise avance mais à l'échelle du groupe on ne la sent pas trop, vu que nous sommes les boss de notre petite entreprise (rires).

A ce titre que penses-tu de la scène metal française et quels sont les groupes les plus prometteurs, à part vous bien sûr ?
En ce moment je ne m'intéresse pas trop à ce qui se passe ici, j'écoute les groupes des potos, c'est tout.

Pour revenir à notre première rencontre, peux-tu nous en dire plus sur votre participation au tremplin Hellfest, cette expérience est-elle à l’origine de votre explosion (album, label, tournées….) ?
Quelle explosion ? Quel label ? Quel album ? Notre première tournée européenne on l'a bookée nous-mêmes sans l'aide de personne. "Protect Ya Chest", notre premier clip, a buzzé tout seul il y a bientôt 2 ans, on vient de sortir un nouveau maxi ("Demonstrating My Saiya Style" EP 6 titres) par nos propres moyens. En ce qui concerne une hypothétique signature avec je ne sais quelle maison de disques on les laisse venir, et ça se fera sur notre premier album... Ou pas. Donc non, notre participation à ce "tremplin" n'a pas eu plus d'impact sur notre évolution. À la base je n'aime pas ce genre de truc, si on veut jouer sur un festival on le fait à la régulière, en contactant les mecs ou en attendant qu'ils nous contactent. Apres pour le concert à la Flèche d'or avec The Arrs, Nico (Chant) m'a appelé pour savoir si ça nous intéressait de jouer avec eux, j'ai dit "ouais cool", il m'a dit "au fait c'est un tremplin Hellfest" je lui ai dit "ok, j'aime pas mais je m'en tape, nous on vient juste vous soutenir". Apres il s'avère qu'on a gagné les qualifs, c'est cool aussi, mais nous n'étions pas là pour ça.



Ce tremplin, à la différence des autres, a été conçu dans une volonté d’intégrité et d’ouverture permettant à toutes les formations d’avoir leur chance ; penses-tu que la multiplication des ces tremplins aiderait à l’émergence de groupes aux qualités artistiques irréprochables mais n’ayant pas forcement un savoir faire en communication ?
Aucune idée. Je pars du principe que ce que l'on appelle "un bon groupe" est un groupe pluridisciplinaire. Il sait écrire de bons morceaux, il fait le taff sur scène... Mais il a aussi une valeur ajoutée par rapport aux autres formations, il a un réseau, il sait communiquer. Sans tout ça t'existes pas, et si tu n'as que du talent tu deviens un chef-d'oeuvre inconnu. Il faut être plus qu'opérationnel en 2012, les temps sont durs.

J’ai cette terrible impression que nombreux sont ceux privilégiant l’image (réseaux sociaux, fake attitude, com sur travaillée…) avant la création musicale ; ne penses-tu pas que le capitalisme inhérent au libéralisme qui ronge la société investit de plus en plus le monde musical et de surcroit une scène metal qui se revendiquait pourtant libre et authentique ?
Toutes les scènes se revendiquent libres et authentiques. Après plus t'as de pognon en jeu, plus tu dois faire des concessions, c'est le deal. Moi ça me fait marrer tout ces mecs de la scène dite "extrême" qui disent être sans concession alors qu'ils ne pèsent que dalle ; dès qu'ils commencent à palper ce sont les premiers à tomber dans l'excentrisme absolu et à étaler leur pognon comme des parvenus russes. C'est facile d'être fidèle quand t'es laid et que t'as rien (rires). Le metal reste une musique dite "spé", il y a peu de pognon en jeu. Je ne te parle pas de l'industrie américaine et les mastodontes des 90's... Mais cite-moi un groupe dit "extrême" post 2004 qui peut remplir Bercy ? Y'en a plus. Pourquoi ? Parce que l'industrie musicale est morte, il n'y a plus d'argent. Ce qui remplit les stades aujourd'hui c'est la zic de supermarché type Black Eyed Peas... Et en "rock dur", les groupes qui ont explosé avant 2000 ou juste après et qui vivent sur leur héritage, type Metallica. Du coup, il faut jouer des coudes pour exister, et comme en matière de prod' on ne peut toujours pas rivaliser avec un gros studio Cainri, bah ça passe par plein d'autres vecteurs... Dont l'image. C'est plus une question de cause à effet que d'évolution de la société je pense. Après des groupes aussi excentriques que Kiss ou Slipknot en sont la preuve, ça existait avant et ça existera toujours dans le milieu du rock'n'roll. Mais il est vrai que de nos jours il y a un paquet de groupes qui s'oublient musicalement (rires). Nous on a toujours autant investi de temps et d'énergie dans la prod' de nos titres, les compo etc... Que sur notre com'. Et ça restera comme ça. Après comme d'hab' y'a plein de petits malins qui parlent de nous comme un groupe qui ne mise que sur l'image... Mais que ces mecs écoutent un de nos EPs et viennent nous voir en concert, plier des scènes on sait le faire, et à notre niveau de groupe underground autofinancé français on n'a clairement pas à rougir de nos prod'.

Pour en revenir à votre EP, expliquez le processus de création d’une compo made in ROTNS, qui apporte les idées, avez-vous besoin d’un environnement spécifique pour créer… commencez-vous par écrire les lyrics ou composez-vous la musique ?
Généralement on se barre dans la salle de "l'esprit et du temps" située dans le Palais de Dieu au dessus de la Tour Karin. On se tape tous dessus et ces combats génèrent une source d'énergie appelée le Cosmos. Apres l'ouverture du septième sens et l'alignement des 12 armures d'or, des motos de bosozokus apparaissent dans la salle et de leur pot d'échappement sortent des notes que l'on s'empresse de recopier !

Comment pourrions-nous caractériser ce nouvel opus ? Quels en sont les idées directrices ?
Authentique, il nous ressemble à 100%. La ligne directrice de cet EP est la même que pour le précédant, jouer une musique qui puise ses racines dans le HxC des 90's tout en y rajoutant des références qui font l'unanimité dans le groupe comme Slayer ou RATM, le tout mixé à notre univers de "Furyos Super Saiyans briseurs de mondes" (rires).

Un EP suivi d’une tournée promotionnelle, un clip dans la foulée ; quels sont vos projets à court et à long termes ?
Actuellement, tourner. On veut jouer partout, surtout en Asie. Et on s'apprête à sortir un nouveau clip extrait du dernier EP. Sur le long terme, dominer le Japon, l'Europe et pourquoi pas le monde.

La scène semble être votre élément naturel ; avec quels groupes dont vous êtes fans fantasmeriez-vous de la partager ?
Sympa la question, les autres étaient chiantes (rires) ! On est fan de personne, mais perso j'adorerai jouer avec RATM, je veux un feat avec De La Rocha, j'y arriverai. Et puis euh... Slipknot et le Wu (rires). Je sais pas y'en a trop... On a déjà partagé la scène avec Suicidal Tendencies, Terror et Biohazard, on est déjà plus que comblé s! Ah si j'oubliais... Metallica !

Un mot pour la fin ?
À tous les supporters, merci de votre soutien, on va s'efforcer de continuer avec intégrité ce qu'on a commencé à faire, écrire une musique qui nous ressemble sans se soucier du qu'en-dira-t-on… "Bring back the furyo style !"


Le site officiel : www.riseofthenorthstar.com