Interview faite par mail par Braindead

"Inner Madness" est le premier album de No Return avec  L. Chuck D. à la tête du groupe. Comme à chaque changement de frontman, le chant évolue, change d’où certaines critiques tranchées entre ceux qui aiment et les nostalgiques de Moreno, qui oublient parfois que ces changements peuvent contribuer au renouvellement du groupe et à sa pérennité. Comment analysez-vous les premiers feedbacks de la presse, de votre public et surtout comment réussissez-vous à convaincre que No Return évolue sans renier ses origines qui l’ont fait devenir une référence thrash death en France ?
L. Chuck D. (chant) : Comme nous avons déjà discuté ensemble il semblerait que les critiques concernant les changements de chanteur au sein d'une formation soit un problème strictement franco/français. En effet, moult groupes n'enregistrent pas deux albums successifs avec le même frontman et pourtant nous n'en trouvons quasiment pas traces dans les médias. Que dire par exemple d'un Annihilator ou d'un Exodus ? Il y aura toujours des nostalgiques de toutes les périodes, mais il faut comprendre que NO RETURN est et sera toujours Al1 Clément, c'est lui qui mène seul la barque depuis 24 ans. Il est à l'origine du groupe, de sa marque de fabrique, de son caractère et seuls sa passion et son talent d'écriture peuvent expliquer cette férocité musicale. En matière de feedbacks sur "Inner Madness" les données chiffrées sont simplement extraordinaires. Plus de 40 reviews à travers le monde, des interviews internationales, des publicités à n'en plus finir sur tous les supports médiatiques. Et ceci nous le devons à Great Dane Records ! Ce label est probablement la meilleure chose qui soit arrivée à NO RETURN ces dernières années, et nous continuerons à collaborer avec eux pour nos prochaines sorties. Leur investissement personnel est tout bonnement colossal. Et c'est avec bonheur que nous constatons un regain d'intérêt pour le groupe et sa musique. Le public semble avoir adhéré à notre orientation musicale confirmée. Un repressage a d'ailleurs eu lieu pour répondre à la demande ce qui n'est pas si courant en cette période disette. Ce qui démontre bien que NO RETURN n'a jamais renié son passé ni aucune de ses productions ; effectivement nous évoluons, mais n'est ce pas l'apanage de la longévité ? Et enfin pour répondre à la dernière partie de ta question je trouve légitime que le compositeur qu'est Al1 soit enfin reconnu comme une référence et il semblerait que cela soit vrai en dehors de nos frontières également.

2013 signera votre grand retour avec ce nouvel album, des concerts partout en France et probablement un clip. Comment vous êtes-vous préparés à défendre votre nouveau cru en live ?
Il nous aura fallu démontrer notre qualité scénique avant de pouvoir prétendre à de nouveau partir en tournée. Nos différentes prestations semblent avoir connu un certain retentissement, de plus le fait que K-Productions ait toujours cru en nous est un plus indéniable. Julien et Sarah nous ont concocté ce double plaisir avec HateSphere et Dew Scented avec lesquels nous allons partager l'affiche pendant quelques semaines. Je n'oublierais pas non plus For Many Reasons, autre signature de chez Great Dane, qui sera présent également sur chaque date. Comme tu le sais cela demande énormément de travail et d'investissement pour arriver à maîtriser de tels morceaux, et nous ne nous sommes pas économisés de ce point de vue là.

Vous avez tout de même donné pas mal de gros shows en 2012, avec entre autre le Motocultor et la première partie d’Arch Enemy au Bataclan ; les retours ont été positivement impressionnants, le charisme de Chuck n’ayant eu aucun mal à convaincre le pit. Est-ce la méthode made in No Return pour garder le contact avec son public, un moyen également de se chauffer pour une tournée à venir ?
Merci pour ce compliment. Je suis intimement persuadé que la proximité avec notre public est un de nos atouts. Nous sommes sur scène pour partager un moment de plaisir en communiant avec des métalleux qui ont investi de leur temps et de leur argent pour être là avec toi. Je ne me vois pas leur donner autre chose que le maximum. Et maintenant que le show est rodé, oui il est temps pour nous de partir sur les routes pour le présenter à un maximum de monde.

Je connais Chuck depuis son implication dans Carnal Lust où ses textes sont réputés pour être emprunts d’authenticité et d’honnêteté, des paroles très violentes mais reflétant le quotidien, un vécu. Quand est-il d’"Inner Madness" ? N’est ce pas trop difficile pour Alain, figure de proue du groupe, de "composer" avec des personnalités aussi fortes que Chuck, Moreno, Tanguy… ?
Il est exact que je me suis chargé de tous les textes d'"Inner Madness", toutefois il serait faux de dire que j'ai imposé quoique se soit à qui que ce soit. Je connais parfaitement la carrière de NO RETURN en tant que fan de la première heure et j'ai émis le désir de rester dans la veine de ce qui avait déjà été fait. Chaque sujet, chaque thème a été discuté afin de déterminer s'il convenait à la structure musicale et son caractère intrinsèque. Lorsque tout le monde avait validé la thématique je me mettais seulement à rédiger. Il est vrai que mes textes présentes une certaine violence, mais je suis encore très loin de ce que le monde est capable de nous offrir. Ma source d'inspiration n'est rien d'autre que la vie. As-tu remarqué que nous avons toujours été montré du doigt comme étant un groupuscule d'une violence extrême alors que le metal est un style de musique qui présente une brutalité certaine en terme de composition, mais dans le même temps il existe une complicité, une authenticité et une réelle camaraderie lors des différents évènements. Il n'a jamais été constaté d'agression de grands-mères ou de dégradations volontaires d'infrastructures citadines après nos concerts. Pourtant nous n'avons toujours pas notre place dans les médias "classiques" alors que ces derniers cèdent la part belle à d'autres styles potentiellement beaucoup plus destructeurs que nous. Alors je garderai cette authenticité d'écriture et j'attends des journalistes qu'ils m'offrent autant d'honnêteté intellectuelle, car voici plus de 30 ans que nous vivons sans eux et il serait temps que cela change.

Vingt quatre années d’existence, neuf albums au compteur, sortis régulièrement durant ces deux décennies ; ce n’est plus de l’amour pour le genre mais de la rage… une leçon pour les jeunes cons qui débutent et font déjà leurs divas. Quelles sont selon vous, les raisons d’une telle longévité ?
Comme je l'ai dit plus haut il y a plusieurs explications à cette longévité. Dans un premier temps on se doit de ne parler que d'Al1, car je le répète c'est bien lui qui mène cette barque dans les méandres métalliques depuis désormais 24 années. Sa passion et sa sincérité sont indéfectibles et ne sont qu'à la hauteur de son dévouement pour la cause thrash-death. Aucun autre groupe français ne peut prétendre à une telle durée dans le sens où, malgré les embuches et les écueils, Al1 n'a jamais pris la moindre pause et n'a jamais quitté le vaisseau, contrairement à un certain capitaine italien qui aurait mieux fait de s'inspirer de son courage et sa ténacité. Les différents raz-de-marée qui secouent le monde musical comme le grunge ou le téléchargement n'ont jamais entamé la motivation de la formation. Pourtant nous n'échappons pas aux critiques acerbes et aux tentatives de destructions médiatiques, mais rien n'y changera nous sommes passionnés par ce que nous faisons et nous avons la peau et la dent dures.

En parlant justement de ces jeunes cons sans âme, qui calculent leur succès sur le nombre de "like" de leurs pages Facebook, passant plus de temps sur une home made promo prétentieuse, multipliant les références dans une absence totale de personnalité. Comment jugez-vous cette nouvelle scène qui n’offre plus autant de nouveauté, d’authenticité, voire de projets couillus comme les générations passées ?
Dans un premier temps j'aimerais dire que nous ne sommes en guerre avec personne, NO RETURN s'est forgé à la force des poignets de ses différents membres sans jamais critiquer ni regarder les autres. Il en est de même aujourd'hui, même s'il est vrai que nous constatons également la montée d'une génération Internet sans véritable âme. De nos jours nous sommes dans la consommation "sandwich" de la musique, un album n'est pas encore sorti qu'il est déjà téléchargeable illégalement, des groupes apparaissent tels des phénix pour mieux disparaître à la sortie de leur deuxième album sans qu'il y est de réelle explication. Je vais prendre un exemple qui peut paraître surprenant mais qui, pour moi, est l'image parfaite de ce qui se trame aujourd'hui, soit Tokio Hotel. Ils ont purement et tout simplement tout détruit sur leurs passages pendant deux ans et sont retournés dans l'anonymat aussi rapidement qu'ils étaient arrivés. Alors oui, je te rejoints sur le fait que beaucoup de formations n'auront pas de futur. Facebook est malheureusement devenu la jauge de popularité d'un groupe et nous voyons de plus en plus de musiciens squatter des doubles pages de journaux spécialisés nationaux sans avoir sortir le moindre album. Mais nous avons déjà connu cela dans le passé, la vague du grunge semblait devoir tout annihiler et pourtant elle est morte et enterrée depuis belle lurette alors que nous sommes toujours là. Les phénomènes de mode ont toujours été présents tout au long de l'histoire musicale, mais seuls les meilleurs resteront.



Quel regard posez-vous sur l’industrie musicale actuelle, les évolutions majeures (positives et négatives), les crises traversées et selon vous, quel avenir pour le metal au sein de cette industrie qui se cannibalise de manière générale (voir l’affaire Roadrunner) ? Quelles sont les solutions ? Privilégier le live ?
Nous serions bien prétentieux de dire quelles sont les solutions réalistes dans cette crise. Malgré tout il nous semble que la politique prônée par notre label n'est pas démunie de sens. Les CDs sont aujourd'hui bien trop chers et le fait de les proposer en deçà de 15€ paraît être un début de solution. Pour le reste dire qu'un groupe ne peut plus vivre désormais de la vente de ses CDs n'est plus un sujet tabou. Seuls les produits dérivés et le live font encore rentrer recettes dans les caisses des musiciens. Les prestations et les t-shirts resteront nos seules ressources tant que personne n'aura trouvé un moyen de les mettre en téléchargement, bien que les rois de la contrefaçon continuent à nous pourrir la vie en proposant de faux produits à de vrais fans.

Chuck est un fervent opposant au téléchargement illégal, mais de manière globale, n’est ce pas ce mode de pensée nommé Internet qui contribue à cette asphyxie d’informations, rendant la plupart des formations invisibles ? Au final, la solution communication pour tous n’a fait que de conforter les formations labélisées les plus connues au détriment des groupes émergeants ; ceux-ci étant obligés le plus souvent de présenter un premier album en téléchargement libre comme vitrine. Quel est votre point de vu à ce sujet ? Votre exemple prouve la nécessité de revenir à des fondamentaux en ayant recourt à des petites structures carrées et pointues.
Le téléchargement est la gangrène de l'art. Et les différents textes de loi comme HADOPI ne sont qu'un emplâtre sur une jambe de bois. Si un pays aussi démocratique que la Chine arrive à régler définitivement le problème en interdisant purement et simplement le référencement des sites pirates je ne vois pas comment la France à la pointe technologique ne pourrait s'offrir ce type de bouclier. Mais il n'y a aucune volonté politique et on ose me traiter de liberticide lorsque je prône une telle intolérance vis à vis de nos assassins. Seuls nos élus ont la solution, désormais la consommation gratuite de la musique est à mon sens trop ancrée dans les mœurs pour que les artistes s'en sortent seuls. Pourtant il me semble entrevoir un espoir dans ces jours sombres. L'entraide entre les groupes revient en force à l'image de ce qui se faisait dans les années 90. La fraternité entre les différentes formations permet à certains dont le patronyme possède une certaines résonance de mettre en avant d'autres qui possède moins de projection médiatique. Et oui nous assumons complètement notre choix d'avoir signé un partenariat avec une "petite" structure. Avant toute chose, les labels comme Great Dane Records sont formés par des êtres humains passionnés et passionnants. Pas de chichi pas de faux semblants, la vérité, toute la vérité et dites je le jure. J'ai une confiance aveugle en Raph et Geoff et cela ne m'était pas arrivé depuis de trop longues années. Est ce LA solution, je n'en sais rien, mais c'est la nôtre.

J’ai finalement le sentiment que No Return ne s’arrêtera jamais, Chuck étant connu pour ses textes accrocheurs et engagés vis-à-vis de la décadence humaine sous toutes ses formes et l’époque regorgeant de sujets potentiels, synonyme de carburant. Votre opinion ?
Il serait prétentieux de dire jamais ! Mais tant que la passion est présente et que la créativité l'accompagne je ne vois aucune raison de penser à la retraite. Rendez-vous en 2014 pour un début de réponse.

A ce titre, j’ai évoqué une actualité chargée pour vous vous en ce début d’année. Pouvez-vous nous en dire plus sur les activités du groupe pour 2013 ? Vous venez de participer au PMFF dernier du nom au côté de ceux qui ont ouvert les portes et essuyé les plâtres ; on s’aperçoit en lisant les bios de Loudblast, Agressor et vous-mêmes, que vous avez beaucoup vécu, créée, enregistré et joué dans pas mal de pays contrairement aux jeunes formations qui font leurs petits concerts, se rassurent en remplissant le pit avec des amis de longue date, et finissent par rentrer chez Papa/Maman ; n’est ce pas la raison pour laquelle ils n’auront probablement pas une carrière aussi longue et intense, que la vôtre ?
2013 verra la sortie d'une ré-édition des premières œuvres de NO RETURN et au delà de la série de concerts que nous continuons à effectuer pour soutenir la sortie d'"Inner Madness" nous en remettrons un couche pour la défense de ce coffret. Désormais peu de gens prennent de risques et seuls les groupes misent sur leur propre musique. Auto-production, autofinancement mais manque probable d'auto-dérision et nous verrons bien ce que l'avenir nous dira pour la carrière de chacun. Je suis finalement un assez mauvais visionnaire car si un jour l'on m'avais dit que Volbeat ou Audrey Horne seraient en couverture de magazines je n'y aurais simplement pas cru. Alors de là à me projeter sur la carrière des autres il y a un pas que je ne franchirai pas. Je préfère me concentrer sur l'avenir de NO RETURN et notre propre carrière. Nous nous devons de nous exporter à nouveau et reconquérir des territoires qui nous étaient très favorables. Je crois plus que tout à cette formation et à sa musique, j'aime énormément son passé, mais je crois plus que tout en son avenir.

Votre setlist semble constamment varier suivant les shows, intégrant les anciennes compos à celle du nouvel album. Chuck, comment as-tu travaillé ces anciens morceaux ? As-tu procédé à plusieurs écoutes, tenté une analyse ou au contraire, t’es-tu totalement détaché de ce qui a été fait pour y insuffler ta patte ?
Je connais chaque album de NO RETURN et dans un premier temps j'ai tenté de respecter et de restituer parfaitement les interprétations de mes prédécesseurs. Désormais après trois ans je suis la voix de NO RETURN, alors même si je révère tous ceux qui sont passés derrière le micro je m'approprie les morceaux et en délivre ma propre réalisation. Cette méthodologie m'a permis d'offrir au public, qui connaît ces morceaux, un rendu reconnaissable tout y laissant une griffe personnelle. De plus, le fait d'adapter continuellement nos setlists nous permet plusieurs choses. Il n'y a pas de rupture stylistique chez NO RETURN et nous le démontrons en mélangeant dernières productions et genèse. Personne ne pourra dire qu'il a vu deux fois le même concert. Personne ne sait non plus à quoi s'attendre en venant nous voir, car il n'y pas non plus d'impasse discographique dans nos prestations.

Dernière question et la treizième… superstitieux ?
Nous en reparlerons à la sortie du treizième album !


Le site officiel : www.myspace.com/noreturnthrash