Interview faite par mail par Man Of Shadows

Bonjour les Necroblaspheme ! Merci de répondre à ces questions. C'est un honneur de faire cette interview. Comment se porte le groupe alors que "Belleville" sort enfin ?
Charly (guitare) : Salut  ! Ecoute, les choses vont bon train. "Belleville" est enfin sorti, depuis presque 2 mois maintenant. Une sortie d’album c’est toujours très stressant et excitant, mais c’est pour nous un aboutissement énorme avant tout. On est vraiment contents d’en voir le jour, cela fait plusieurs mois que l’on sue sang et eau sur cet album, sa préparation, son enregistrement, etc. Avoir aujourd’hui les retours du public et de la presse sur tout ce travail est très enrichissant.

Quatre années se sont écoulées depuis votre dernière sortie discographique. Comment expliquer ce long délai ? Vous êtes des acharnés de l'écriture et ne sortez un disque que lorsqu'il correspond exactement à ce que vous souhaitiez ou d'autres impératifs ont-ils occupés votre temps ?
Tout va si vite… Disons que nous prenons notre temps, et que le processus de composition est assez lent chez nous. En parallèle de ça, nous avons dû gérer plusieurs problèmes de line-up depuis la sortie de "XXVI". Zoupa (batterie) avait dû se mettre en standby pendant plusieurs mois pour des raisons perso. On a donc dû recruter un nouveau batteur. Nous avions trouvé la perle rare avec Arnaud Vansteenkiste (Humanitas Error Est, ex-Enthroned, ex-Leng Tch’e). Le seul hic, il habite en Allemagne… Donc compliquer pour composer, enregistrer et bien sûr répéter régulièrement avec lui. On a donc dû nous dire au revoir après avoir quand même tourné avec lui plusieurs mois. Zoupa a finalement pu réintégrer le groupe quelques mois avant l’entrée en studio pour "Belleville". Suite à l’enregistrement, c’était au tour du bassiste Xavier de raccrocher les gants. Tu imagines bien que tout cela n’a pas vraiment permis d’avancer aussi rapidement que ce qu’on l’on souhaitait et sortir cet album plus tôt.

Est-ce que l'appartenance de certains des membres du groupe à Glaciation a t-elle ralentie le travail d'écriture de l'album et plus généralement la marche en avant de Necro ?
Pas du tout. En ce qui me concerne, je n’étais que guitariste cession pour Glaciation, et l’activité live assez réduite du groupe n’a aucunement entravé les projets de Necro. Et pour ces mêmes raisons, Hugo, qui lui est à la base du projet Glaciation avec François (qui est au passage aussi notre ingé-light), n’a pas été gêné non plus dans son implication dans Necro.

Je trouve dommage, et je pense que beaucoup de monde le pense, que ne soyez pas plus présents sur la scène car vous possédez un potentiel énorme. Vous n'avez jamais fait de grosse tournée en Europe ou des premières parties de grands groupes. Votre relative discrétion médiatique et scénique découle-t-elle d'un choix ou est-elle due à un manque de soutien logistique, à la malchance peut-être ?
C’est une combinaison de plusieurs facteurs je pense. Le fait d’avoir choisi d’être indépendant en est certainement un. Être indé comme nous le sommes, ça veut dire être sans structure professionnelle derrière nous pour soutenir et pousser le projet. Cela implique qu’il faut nous redoubler de disponibilité et d’efforts pour pouvoir émerger dans une scène qui fourmille déjà de plein de groupes. Il faut donc du temps. Beaucoup de temps. Et énormément d’énergie aussi. Comme tu t’en doutes, et comme la grande majorité des groupes de la scène, on ne vit pas de notre musique. Comme tout le monde, on a tous un taf en parallèle, plus ou moins prenant. Nous ne sommes pas des zicos pros, ça se voit ou s’entend sûrement. Nous faisons donc les choses à notre rythme, mais en y mettant tout le cœur et toute l’énergie possible pour que cela fonctionne à peu près. Du coup, ça marche beaucoup par phase. Quand on a de l’actu, qu’on sort des nouveaux titres, on réapparait sur la scène, on réactive notre réseau et on recommence à tourner un peu. Mais dès qu’on décroche parce qu’on est pris par autre chose, nos boulots ou autre, il faut quasiment tout recommencer. Cette relative discrétion dans le paysage metal n’est donc pas un coup de malchance. C’est tout simplement dû au fait que nous sommes seuls dans notre coin à bricoler avec notre musique. Mais ça nous va très bien, on ne dira jamais qu’on mérite mieux, ça serait extrêmement prétentieux, et c’est le public qui décide finalement.

Avant de parler de "Belleville", j'aimerais revenir un peu dans le passé du groupe. "Destination Nulle Part" est l'album qui vous a présentés à une plus large audience, en France notamment. Il vous a révélés. Est-il toujours aussi important pour vous aujourd'hui ?
Oui, il est important pour nous car c’est quelque part notre premier vrai album. C’est celui qui nous a permis de nous faire connaître, de nous construire un nom, et de nous crédibiliser dans la scène metal. On avait fait pas mal de concerts à la sortie de cet album d’ailleurs, on jouait quasi tous les week-ends. C’était peut-être aussi dû au fait de l’avoir sorti sur le label polonais Agonia Records. Cela a donné une certaine envergure à l’album, voire même un certain rayonnement à l’étranger que nous n’avions absolument pas avant lui. Aujourd’hui, il nous semble assez loin cet album finalement. Le groupe a quand même pas mal évolué depuis sa sortie en 2009, 2 membres ont changé, notamment celui à la base de l’essentiel des compos de DNP. Après on joue encore quelques titres, ils sont bien bourrins et fonctionnent toujours bien en live, mais ils sont devenus difficiles à caser parmi les morceaux de "Belleville" et de l’EP pour avoir un set cohérent.



J'aimerais revenir un peu sur l'EP "XXVI: The Deeper, the Better". Vous changez de style graphique pour un résultat flashy et très années 70 mais à la représentation très intrigante. Pourquoi ce choix esthétique ?
Nous n’avons pas forcement cherché à faire quelque chose d’original. L’idée était cependant de nous détacher le plus possible des codes déjà archi-éprouvés du genre. Nous avons la chance d’être entourés de pleins d’amis plus talentueux les uns que les autres dans le domaine du graphisme, du dessin et de l’illustration. Nous avons donc demandé à un pote illustrateur qui nous connaissait bien de réfléchir à un concept qu’on lui avait soumis. Il (Bruno Mangyoku) était déjà très éloigné de l’univers metal et tous ces codes graphiques, et en plus, c’était sa première pochette de disque. Il a proposé un premier jet, très proche du résultat final de la cover définitive. Il avait saisi du premier coup ce qu’on voulait exprimer et a parfaitement su le mettre en image.

Cet EP était dédié à un de vos amis. Est-ce lui qui est représenté sur la pochette ?
A la base, cela représente une vision très personnelle, mais c’est une illustration très métaphorique et allégorique, chacun y projette ce qu’il veut, c’est un peu sa force.

Désolé d'être si indiscret et, si c'est le cas, d'être aussi irrespectueux avec cette prochaine question. Aussi, ne répondez que si vous le souhaitez. Je me suis toujours demandé si le titre faisait directement référence à cette personne, à son âge et à son caractère. Est-ce le cas ? Les paroles sont-elles un hommage direct ?
Tout à fait.

Venons-en à ce troisième opus. La première chose qui m'est venue à l'esprit en l'écoutant est une ressemblance musicale avec un groupe comme Svart Crown. Vous n'êtes plus un groupe de death pur, vous évoluez désormais dans un registre plus friable, entre black et death. Cette évolution est-elle consciente ou non ?
On ne se pose pas vraiment cette question. Je pense que cela s’est fait naturellement avec le temps. On écoute toujours beaucoup de death dans le groupe (enfin pour la majorité d’entre nous), et plutôt du old school à la "old" Deicide, Angelcorpse, Entombed, ou Bolzer pour t’en citer un plus récent. Ça reste donc une très forte influence pour nous. Le côté black, ou atmo, ou sludge, ou melo, comme on voudra, c’est venu avec le temps. On a tous toujours écouté beaucoup de black metal cependant, c’était là depuis le début. Personnellement, j’écoute quasiment que ça, et étant donné que c’est aujourd’hui moi qui suis à la base des compos, c’est assez normal qu’on en retrouve de plus en plus dans les morceaux. Après, sur la prod', cela n’est pas étonnant que cela t’ait évoqué Svart Crown, ils ont également produit leur denier (et non moins excellent) album chez Francis Caste au Studio Sainte-Marthe. Il a une touche tout à fait singulière dans ses prods, toujours très naturelles et organiques, elles sont assez facilement identifiables du coup.

Croyez-vous que le rapprochement avec Glaciation ait pu influencer l'écriture de "Belleville" ?
C’est certain ! D’une part parce qu’Hugo a composé les interludes et les transitions entre les titres de l’album, et d’autre part parce qu’ils ont été ensuite arrangés avec François, lui aussi dans Glaciation.

Il y a des éléments nouveaux pour du Necroblaspheme sur cet album. Des guitares claires, du chant clair sur "Waiting to Exhale" et des chœurs célestes sur "Such A Lot". Vous élargissez vos horizons musicaux et le rendu est très réussi. Mais n'avez-vous pas peur de déboussoler un peu votre auditoire ?
Je pense qu’après l’EP ("XXVI"), qui était très dense, très rapide, les gens s’attendaient à ce qu’on pousse encore plus loin dans la brutalité et la violence. C’est vrai que ce sont les principales critiques négatives que l’on remonte sur l’album jusqu’à maintenant. Mais ce n’était pas du tout notre but pour cet album. C’était même peut être tout l’inverse… Cela dit, je trouve qu’on retrouve une certaine brutalité dans pas mal de titres de l’album, je pense à des morceaux comme "Le Discours Du Bitume" ou à "Gouffre", au tempo très rapide et avec des structures très death. Je dirais que cette violence est mieux exploitée, plus canalisée. Et du coup, les passages plus lents, plus mélodiques ou plus atmos apportent beaucoup plus de contrastes et de nuances. Le fan de gros death basique a certainement dû être un peu paumé en effet, mais on s’y attendait un peu à vrai dire…

La pochette diffère elle aussi de ce vous proposiez par le passé. Cette armoirie renvoie un feeling médiéval, ce qui, du coup, est plus cohérent avec une musique se rapprochant du back. Mais votre son étant très moderne, cela crée encore un clivage. Pouvez-vous nous expliquer ce que représente cette pochette chargée de curieux symboles (lampadaires, double lune, pinceau, bestiaire) ?
On a justement voulu marquer une différence nette avec l’EP. Cela faisait sens avec la musique. Cette cover est très évocatrice pour nous, tout comme l’est le titre de l’album d’ailleurs. C’est une armoirie composée de symboles et d’icônes forts, tout n’est que références à notre histoire, à la vie du groupe et celles de ses membres, aux paroles et à nos albums précédents. C’est notre ami Dehn Sora qui s’est chargé de sa réalisation. La aussi, il est parti d’un brief simple qu’on lui avait fait, et nous connaissant très bien, il a tout de suite su comment représenter le message et la symbolique que l’on voulait faire passer sur cette cover.



Vos titres d'albums et de chansons ("All In Vain / All In Veins", "Seated At The Left Of The Sick", "Human vs Humans : Last Exit", "Le Discours Du Bitume" etc...) sont toujours très évocateurs et laissent parler l'imagination, ce que j'aime beaucoup. Là aussi, on retrouve votre indirect, plus subtil. Tout cela fait-il partie d'un tout ?
Oui tout à fait, les titres des morceaux sont à l’image des lyrics, toujours assez métaphoriques, voire même plutôt abstraits pour certains. Pour ce qui est du "Discours Du Bitume" que l’on retrouve sur "Belleville", il s’agit d’un poème d'Emile Goudeau, dont le texte très évocateur collait parfaitement à la thématique de l’album. C’est un texte que Yann avait sous le coude depuis un moment, on attendait juste d’avoir un titre et un contexte qui collait pour l’exploiter.

Comme toujours, la production est superbe et soignée. Le son de batterie est puissant, ample et sonne de façon très propre et naturelle, c'est vraiment réussi. Comment parvenez-vous à ce résultat avec Francis Caste ?
On travaille avec lui depuis nos débuts, ça fait déjà plus de 15 ans qu’on se connaît… Ça va donc bien au-delà d’une simple collaboration. Bien plus qu’un simple ingé son, il a incarné un vrai rôle de producteur sur l’album, n’hésitant pas à donner son avis sur tel ou tel riff, à proposer des idées, des arrangements, etc. Et c’est vraiment ce qu’on attendait de lui. Sur la prod' en elle-même, on lui a fait confiance à 100%. Il savait ce qu’on voulait, à savoir un truc un peu plus digeste que sur l’EP, tout en gardant ce côté très naturel, notamment sur la batterie comme tu le soulignes justement. Pour les guitares, la basse comme pour la batterie, le mot d’ordre était de rester sur un son naturel. On a donc éliminé l’usage des triggers par exemple, ou choisi de jouer sur des vieux amplis de grattes (un viel ampli guitare Ampeg, des années 70 et une vieille tête custom shop par exemple) et pas des sons de simulateur d’amplis hyper communs comme on en retrouve partout dans les prods actuelles. Cela donne une vraie couleur à l’album, certes pas très mainstream, mais qui colle parfaitement aux morceaux.

Ce nouveau rejeton sonore sera t-il défendu sur scène de façon intensive via une tournée française ou européenne ?
Quelques concerts sont à venir en effet, on annoncera tout cela en temps et en heure. Par contre, on a tous hâte de balancer les morceaux sur scène. La plupart n’ont encore jamais été joués en live. Pas de tournée prévue pour le moment non, mais ça serait bien ! Messieurs les tourneurs, si vous nous regardez…

Qu'écouter-vous comme artistes en ce moment ? Qu'est-ce qui vous a marqués dernièrement ?
La dernière claque, je dirais l’album des Hangman’s Chair, "This Is Not Suppose To Be Positive"… Ce groupe est énorme, en live comme sur album. Ceux qui ne connaissent pas encore, foncez là-dessus direct. En plus, ça sort de chez Caste aussi donc bon, ça peut que être mortel ! Sinon, dans la playlist du moment, il y a l’album "When Life Comes To Death" de Young And In The Way, le dernier Faith No More, du Tigran Hamasyan, du Action Bronson, le Eros/Anteros de Oathbreaker , l’EP de Bolzer, le dernier Mgla (démerdez-vous pour la prononciation), et je vais me faire cracher dessus mais j’aime beaucoup le dernier Deafheaven, "New Bermuda"…


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