Interview faite par Matthieu à Paris.

Avant leur concert parisien, et dans le but d’en savoir plus sur leurs habitudes de tournée, leurs inspirations et leur univers en général, je rencontre Miguel Gaspar, batteur de Moonspell. C’est en effet lui qui se charge des interviews, Fernando Ribeiro étant un peu souffrant et nécessitant plus de repos que nécessaire avant de jouer.

Premièrement, merci beaucoup pour ton temps et pour avoir l’opportunité de parler avec toi. J’ai découvert le groupe avec le morceau "Luna" en 2010. Pourrais-tu expliquer avec tes mots à quelqu’un qui n’aurait jamais entendu parler du groupe l’univers de Moonspell ?

Miguel Gaspar (batterie) : Eh bien nous avons toujours été très connectés à tout ce qui touche au théâtre, ainsi qu’à la poésie et tout aspect artistique qu’il est possible d’explorer. Le nom "Moonspell" est très explicite également, tu peux y voir cet aspect poétique exposé à la réalité, et nous avons exploré pas mal de genres à mon avis. Mais je pense que "Luna" vient d’une époque un peu spéciale. C’est une vidéo à propos du suicide, un sujet très difficile, et à ce moment ça nous a affecté. Le sujet d’en finir avec sa vie, et comment notre entourage doit gérer ça, peu importe ce qu’il arrive. Une famille qui perd un proche, et qui parle de cette situation extrême, et de que faire après, comment gérer la chose, comment ne pas se sentir seul, et comment tu peux te sentir quand tu penses que personne ne peut t’aider, il faut garder en tête que beaucoup de gens pensent comme toi. Il y a ici cette possibilité de prendre la parole à ce propos.

Depuis vos débuts dans le black metal, jusqu’à maintenant votre univers gothique, il y a eu beaucoup de changements au sein du groupe, mais quels sont ceux que tu as le plus remarqués ?
Miguel : Eh bien au début évidemment l’une de nos plus grosses influences était Bathory, alors on s’orientait sur du black metal. On aimait également Celtic Frost ou Venom. Nous étions vraiment fans de le mouvement black metal en général. Evidemment, nous aimions aussi Type O Negative ou Tiamat, avec tous ces claviers… Paradise Lost également, My Dying Bride et leur violon ! On aimait ces grands classiques, avec leurs combinaisons. Mais nous venons du Portugal, donc notre son est évidemment influencé par nos racines. Nous avons plus de connexions avec l’Afrique, le Brésil ou même l’Inde, tous ces lieux exotiques. Quelque chose qui pour moi nous a fait devenir originaux, ou honnêtes avec nous mêmes, est de mêler toutes ces influences ensembles. Et c’est quelque chose que tout ne le monde ne peut pas faire, on est un peu fous (rires). Mais dans l’album "1755", nous avons essayé de créer un autre type de son, nous avons essayé de recréer les sensations de cette époque. Et je pense que c’est dans ce type de musique que MOONSPELL est très bon, et nous avons eu de bons retours (rires) !

"1755" justement, votre dernier album, il est sorti il y a deux ans, et si je ne me trompe pas, c’est un album concept en portugais qui parle de la tragédie qui est arrivée au Portugal en cette année 1755. Est-ce que c’est important pour vous de parler de cette partie de l’histoire de votre pays ?
Miguel : Oui, en réalité Fernando (Ndlr : Fernando Ribeiro , chanteur du groupe) a fait énormément de recherches à ce sujet, c’est quelque chose qu’il connaît très bien. Il adore l’histoire portugaise. Donc c’était important pour nous de raconter cette histoire au monde, car chaque groupe de Metal possède un sujet qui lui est propre, comme les vikings pour les anciens groupes de Black Metal norvégiens. Et nous aussi nous avons notre propre histoire, elle est superbe et ça fait beaucoup réfléchir. De nos jours, les gens pensent peu à l’histoire, et nous voulions que les gens sachent ce qui s’est passé en ces temps, ces temps réellement tragiques. Du tremblement de terre au tsunami et à l’incendie qui est survenu après car il y avait énormément de bougies dans les églises. Pour le peuple… c’était impressionnant car ils pensaient à leur Dieu, alors ils se sont mis à penser différemment et ils se sont mis à s’intéresser à la science. Et en réalité ils ont beaucoup progressé. Donc si ce tremblement de terre était arrivé à notre époque, ils n’auraient eu aucune raison de dire “c’est la volonté de Dieu!”, il y a des raisons logiques d’expliquer ceci.



Le concept est différent de vos autres albums, qui étaient plus orientés sur un univers sombre, le mysticisme… Pensez-vous faire un autre album concept dans le futur ?
Miguel : A ce moment là, on ne pensait pas vraiment revenir sur nos précédents thèmes, comme l’album "Extinct" ou les choses plus anciennes. On adore nos influences premières. Et on veut en garder des traces dans notre musique, mais on veut également évoluer. Donc nous sommes ouverts à de nouvelles choses. Comme ce mysticisme que nous aimons, une voix sombre pour créer… des parties plus lourdes, ou même plus rapides (rires). Mais nous aimons également utiliser autant que possible les orchestrations dans notre musique. Dans le passé, on parlait presque de bande-son de films. C’est la raison pour laquelle MOONSPELL a évolué, nous souhaitions créer des atmosphères pour le public.

Et qu’est ce qui vous inspire habituellement pour créer votre musique ou vos paroles ?
Miguel : Dans le groupe, tout le monde a ses propres influences. Mais je pense que pour chacun d’entre nous, le Portugal est une grosse influence. Parce qu’on est un des rares groupes portugais à tourner à travers le monde, donc c’est une culture très différente que nous apportons avec nous. Nous avons énormément de fans qui aiment ça, découvrir notre culture. Ils aiment tellement le groupe, et quand nous sommes en tournée, nous parlons avec eux, nous aimons socialiser un peu. Je pense que les fans font vraiment partie de cette grande famille. C’est comme ça qu’on se sent le mieux, et la vie est plutôt simple en réalité, on aime les choses simples.

La dernière fois que j’ai vu le groupe, c’était au Hellfest cette année, est-ce que vous avez une sorte de rituel avant les concerts ?
Miguel : Nous ? Non (rires) !

Je ne parle évidemment pas de sacrifices ou autres (rires).
Miguel : Non, on s’échauffe juste chacun dans son coin. Mais on a pas vraiment de rituel comme tous les autres groupes qui se font des accolades, prennent un shot ensemble… il y a beaucoup de groupes qui font ça. On se pointe juste à l’heure prévue depuis notre coin et on se prépare à jouer. C’est un peu étrange, parce qu’on passe tellement de temps ensemble à répéter ou en studio, donc on se voit presque tous les jours. On joue énormément, donc c’est quelque chose de très naturel. On monte juste sur scène (rires).

On entend très peu parler de groupes venant du Portugal, comment est la scène metal portugaise ?
Miguel : Elle n’est pas très grosse malheureusement. On peut la comparer à la scène française dans pas mal de genres. Les salles ne sont pas très grosses, mais il y en a qui sont vraiment géniales, on essaye de jouer dans de nouvelles salles dès qu’on le peut (rires). Certaines salles sont très ouvertes aux groupes extrêmes, donc il y a de nouvelles opportunités pour jouer encore plus. Et la mentalité des gens a changé aussi, maintenant ils soutiennent les groupes. Comme les médias qui disaient “Moonspell sont foutus depuis des années”. Mais on a toujours eu de super fans au Portugal. Puis on a vu arriver d’autres groupes, avec d’autres influences, de grosses carrières derrière eux… Mais tous les journalistes me demandent “Pourquoi vous êtes les seuls Portugais ?” (rires). Alors c’est un peu compliqué d’expliquer ça. C’est un peu notre faute, le marché est trop gros ! Il y a toujours eu des exemples de par le passé de personnes qui voulaient jouer de la musique, mais qui ont eu des difficultés. Mais comme je l’ai dit avant, c’est un pays magnifique (rires).

Moonspell est en activité depuis 1992, ou même 1989 si on considère l’existence de Morbid God, comment les changements de line-up ont affecté le travail du groupe ?
Miguel : Le seul membre qui était présent à l’époque de Morbid God est Fernando. Pedro (Ndlr : Pedro Paixão , clavieriste / guitariste) est arrivé après, Ricardo (Ndlr: Ricardo Amorim, guitariste) ensuite (rires). Et quand notre bassiste est parti en 2003, on a rencontré Aires (Ndlr : Aires Pereira, bassiste), donc il n’est avec nous que depuis seize ans, c’est lui le “nouveau membre” (rires). Donc ça nous a pas mal affecté au début, bien évidemment, mais nous avons eu quelques membres et on ne savait pas de quoi serait fait le futur. On rentrait juste de notre première tournée avec Morbid Angel, et Ricardo avait été capable de remplacer deux guitaristes alors… on l’a gardé (rires).



Fernando utilise des accessoires sur scène, comme sa tenue, un masque de médecin de la peste, une croix lumineuse… penses-tu que ça joue sur la performance scénique ?
Miguel : Bien sûr ! C’est toujours sympa de voir un peu d’action sur scène. C’est pourquoi beaucoup de groupes ont des accessoires. Je pense par exemple à Behemoth, ou même tous les groupes qui utilisent du corpse paint. Et on a utilisé du corpse paint quand on était jeunes, mais quand notre musique a changé… ça n’avait plus de sens. Il y a une connexion entre ce que tu vois et ce que tu écoutes, on essaye de recréer cette connexion sur scène. Entre ce que tu entends sur l’album, et ce qui se passe en live. C’est important pour nous, un peu comme au théâtre. On a joué dans des théâtres au Portugal il y a quelques années, avec un orchestre et tout. C’est notre boulot de faire en sorte que le public accroche, de mettre ces émotions et cette noirceur dans la voix, la musique, et dans l’univers visuel. Il ne s’agit pas de juste tenir un micro et crier. On ne peut pas en faire plus parce qu’on a pas un très gros budget, mais si on pouvait… on adorerait en faire plus !

On arrive sur la fin du temps, est-ce que tu voudrais ajouter quelque chose ?
Miguel : C’est toujours cool pour nous de faire des interviews, parler à nos fans en France. On est venus jouer en France pour la première fois en 1995… et c’est une bonne opportunité pour devenir plus gros, avoir de meilleures expériences parce qu’on fait beaucoup de shows ici. On aime faire des tournées, jouer autant que possible. Rien que sur cette tournée, on a cinq concerts en France ! J’ai vu la scène française grandir, avec principalement Gojira et Dagoba… ils sont vraiment géniaux et on en parle jamais alors c’est le moment (rires) !

Dernière question, imagines que tu es tour manager et que tu peux créer une tournée avec trois autres groupes. Qui choisirais-tu ?
Miguel : On doit choisir trois groupes ? Waow… l’un des premiers qui me vient à l’esprit c’est Mötley Crüe mais ils ont arrêté alors bon…

Tu peux les choisir quand même !
Miguel : Bon alors le show de réunion de Mötley Crüe (rires), ce serait vraiment cool !
Pedro Paixão (claviers) : Clairement !
Miguel : On avait joué avec eux dans quelques festivals, aux côtés d’Iron Maiden et Metallica dans le temps… J’adorerais aussi jouer avec (rires) Bathory !

Là ça va être plus compliqué !
Miguel : Sinon on peut aussi citer… Judas Priest ! J’aimerais vraiment ouvrir pour Judas Priest !
Pedro : Iron Maiden c’est possible également… qui d’autre ?

En effet, c’est déjà plus simple que pour Bathory !
Miguel : Je blaguais (rires). Venom peut-être ? On avait joué avec eux, mais ce n’était pas la formation d’origine avec Cronos.
Pedro : Celtic Frost aussi. Et on l’a déjà fait, c’était en Grèce où on jouait dans le même festival.
Miguel : Ouais, mais maintenant que leur bassiste est décédé… En fait nous sommes un groupe chanceux, on a déjà réalisé la plupart de nos rêves (rires) !


Le site officiel : www.moonspell.com