Interview faite par mail par Mister Thi

Salut Pierre, tout d'abord bravo pour cette dernière galette ! Merci d'avoir trouvé du temps pour French Metal !
Pierre Le Pape (piano / composition) : Merci beaucoup ! Ca me fait bien plaisir, d'autant que French Metal a toujours été un soutien très présent dans l'histoire de MELTED SPACE !

On ne va pas recommencer avec la traditionnelle question des présentations (les précédentes interviews sont disponibles sur le site) par contre on va parler du nom "Melted Space". Pourquoi ce nom ?
Eh bien c'est un nom qui évoque le mélange et c'est la parfaite définition de ce que MELTED SPACE représente pour moi : le mélange. Le mélange des styles, des voix, des ambiances, des influences... Je n'ai jamais aimé n'être cantonné qu'à un seul style ou une seule étiquette et comme beaucoup de musiciens, je pense que nous avons tous beaucoup d'influences qui composent ce que nous sommes sur le plan artistique, humain donc pourquoi n'en exploiter qu'une partie ? Or, j'ai créé MELTED SPACE dans cet esprit, pouvoir exploiter n'importe laquelle de mes influences quand j'en ai envie et surtout quand l'histoire que je raconte le nécessite. J'aurais beaucoup de mal à exprimer certaines émotions si je ne devais utiliser qu'un seul style. J'aime l'expérimentation, ce qui me permet des fois de prendre le contre-pied de ce qu'on pourrait attendre mais c'est justement grâce à cette "non-limite" que je m'autorise que je peux évoluer comme bon me semble.

Quand j'ai écouté le dernier album, la première chose qui m'est venue à l'esprit c'est "Mais il a dû mettre 10 ans pour aboutir à un truc comme ça !". Alors ?
Hahaha, en fait non, j'ai mis 1 an simplement. Je suis un boulimique de travail par contre (et un peu monomaniaque sur les bords) donc je n'ai fait que ça durant toute cette période, je me couchais très tard, me levais très tôt et j'étais à 200% sur ce que je faisais. Ce qui m'a beaucoup aidé c'est que j'avais écrit l'histoire en amont, donc elle avait eu le temps de mûrir dans mon esprit ce qui fait que je suis allé très vite dans la composition et l'écriture (3 mois), que les démos ont été enregistrées très rapidement également (1 mois) et j'ai pu mettre en place les enregistrements qui se sont étalés sur 2 mois. Cette période a été un petit peu longue pour pouvoir jongler entre les emplois du temps de tout le monde mais on y est arrivé et je suis très fier d'avoir pu mener cette vaste entreprise à bien, cela a été une expérience très enrichissante humainement, professionnellement. Un jour tu vas chercher Attila à l'aéroport, le lendemain tu vas chercher Ailyn ou Mariangela et cela crée des rencontres inattendues au studio, dans le hall de l'hôtel ou à table ! Je crois que c'est une dynamique unique que je suis vraiment très content d'avoir pu vivre.

Peux-tu nous donner la trame de cet opera-metal "The Great Lie" ?
Oui, en fait elle est assez simple : 2 jeunes gens, un frère et une sœur font le même rêve, une belle dame les appelait "mon enfant" et leur demandait leur aide. Du coup ils partent à sa recherche et vont rencontrer plusieurs personnages qui vont soit les aider, soit les empêcher d'accomplir leur quête. C'est une sorte de voyage initiatique comme on en voit souvent dans les films américains. Cela correspond à ma volonté de faire un film sans images, raconter une histoire. En fermant les yeux on peut se laisser porter par la musique et l'imagination de chacun peut faire le reste. Il y a beaucoup de codes de l'opéra classique mais aussi des blockbusters moderne que j'affectionne particulièrement : "Seigneur des Anneaux", films de super-héros, jeux vidéo divers... Cela se veut presque comme un aspect peu exploité de "l'entertainment" : passer un bon moment dans un monde imaginaire par le biais d'une immersion complète. Je pense que par les temps assez durs que nous vivons c'est une chose essentielle d'aller trouver un peu de rêve quelque part. Que ce soit au cinéma, dans son salon, dans une salle de concert...

C'est donc une histoire qui démarre avec "Listen To The Song Of Despair" pour se terminer avec "Listen Souls From The Other Side". As-tu composé d'autres titres que tu n'as pas insérés ?
Aucun à vrai dire. Mais cela est le résultat d'une réflexion assez poussée sur le découpage des différents moments de l'histoire que je voulais mettre en musique et qui me semblaient intéressants justement dans la philosophie que j'évoquais juste avant. Il y a donc des petits passages de l'histoire qui sont sous-entendus dans les paroles (qui ont donc leur importance) et seuls les moments qui me semblaient « clés » sont mis en scène et en musique. Cela est très difficile de trouver le bon rythme, trouver le bon angle de vue qui va permettre une interaction complète entre tous les personnages. Tu me demandais combien de temps j'avais mis à faire l'album, mais au final le temps de réflexion est bien plus important que le temps d'écriture musicale. C'est là que je pense à tout ça et que j'essaie de me figurer quel chanteur va pouvoir interpréter au mieux les personnages suivant les traits de caractères que j'ai envie de mettre en avant. Cela m’a facilité beaucoup le travail de composition par la suite.



Du coup comment s'est passée la phase de composition ?
Assez simplement finalement. J'ai écrit dans l'ordre chronologique de l'histoire car j'avais déjà balisé les ambiances que je voulais. Je passe principalement par 2 modes d'écriture : je joue au piano ou je chante. D'ailleurs en général je chante d'abord et je ne joue au piano que plusieurs jours après quand la mélodie est suffisamment forte pour qu'elle me reste en tête. Cela arrive donc très fréquemment que j'ai une idée que je trouve très bonne sur le moment et que j'ai oublié le lendemain. Pour moi c'est qu'elle n'était pas assez bonne. C'est une méthode que j'applique depuis "From The Past" et avec laquelle j'ai appris à travailler. Je ne note donc que très peu de choses au final. Ce que j'enregistre en le jouant est souvent à 95% une idée définitive. C'est aussi ce qui me permet d'aller finalement très vite dans la composition.

Peux- tu nous citer les musiciens (on parlera des guests ensuite) qui ont collaboré à cet album et ont-ils participé à la composition des morceaux ?
Eh bien sensiblement les mêmes que sur "Between" : Adrien Grousset (Hacride) à la guitare, Mike Saccoman (ex-Kronos) à la batterie et Brice Guillon à la basse. Comme ce n'est pas la première fois qu'on travaille ensemble ils savent maintenant exactement ce que j'ai en tête et où je veux aller et mener le projet donc cela est vraiment très facile de travailler avec eux. En plus ils se connaissent, Mike et Brice jouent ensemble dans un groupe de rock (The Newtons), il y a donc une connivence dans le jeu qui s'est retranscrite dans les enregistrements. Adrian Martinot a quant à lui enregistré 2 soli de guitare. C'est le guitariste live de MELTED SPACE, je trouvais donc normal de le mettre à l'honneur d'autant que c'est un musicien extraordinaire. Lui aussi a son propre groupe (Disconnected) et c'est quelqu'un à qui je prédis une belle carrière. Finalement, maintenant, c'est presque une histoire de famille et c'est quelque chose dont je suis particulièrement fier car quand l'humain a une part aussi importante, la musique s'en ressent et c'est souvent une valeur ajoutée qui peut manquer parfois dans ce style de projets.

Mais sur la partie uniquement composition musicale : instruments (on parlera de l’orchestre plus bas) et chant ?
Tout est de moi après, évidemment, chacun peut amener ses idées et faire des propositions que je garde ou pas. C'est d'ailleurs pour les chanteurs l'objet des discussions préparatoires que je mentionne. N'étant ni batteur ni guitariste ni bassiste je reste très ouvert aux propositions des autres que j'étudie en pensant à l'oeuvre globale.

De qui est composée la formation live ?
Cela dépend un peu du contexte car suivant les emplois du temps de chacun cela peut légèrement changer mais l'équipe de la dernière tournée était composée de Clémentine Delauney (chant), Black Messiah (chant), Florent Charlet (chant), Lucie Blatrier (chant), Mike Saccoman (batterie), Brice Guillon (basse), Adrian Martinot (guitare) et moi-même. Cela s'est vraiment très bien passé, c'était une équipe avec des habitués mais aussi des petits nouveaux par rapport aux formations précédentes. C'est vraiment très agréable de pouvoir tourner avec des gens aussi compétents et impliqués. Ce n'est pas un projet facile à mettre sur scène et il est donc très important pour moi de savoir que je peux compter sur chacun pour donner le meilleur et retranscrire toutes les subtilités des albums sur scène. Je pense que maintenant, avec le retour d'expérience que nous avons suite aux tournées, répèt', concerts isolés que nous avons faits, la scène est aussi un excellent moyen de découvrir MELTED SPACE et ce grâce à cette équipe exceptionnelle qui m'accompagne !

En ce qui concerne les guests, il y en a une multitude. Peux-tu citer quelques noms et dis nous  comment ça s'est passé ? As-tu eu l'occasion de tous les rencontrer ? certains ont-ils refusé ?
Alors on trouve David Vincent, Attila Csihar, Mikael Stanne, Arjen Lucassen, Sylvain Coudret, Ailyn Giménez, Mariangela Demurtas, Niklas Kvarforth, Kobi Farhi... Ca s'est vraiment très bien passé avec tout le monde. Sans faire de langue de bois ! Tout le monde s'est vraiment mis au service du projet et s'est beaucoup investit dans l'interprétation de son personnage. J'ai eu de longues conversations avec chacun que ce soit sur Skype, par mail, sur Facebook ou au téléphone et même en direct le jour de l'enregistrement. C'était d'ailleurs assez impressionnant de voir tous ces artistes qui n'ont plus rien à prouver à personne s'investir à ce point. Je me souviendrai toujours quand David Vincent m'a appelé directement sur mon téléphone pour discuter de la psychologie de son personnage... C'était irréel pour le fan que je suis ! Inutile de préciser que tous ont été d'une efficacité en studio assez folle ! J'ai eu la chance de presque tous les rencontrer lors des enregistrements car nous avions prévu cela en amont. Donc soit nous sommes allé les enregistrer dans leur pays avec François-Maxime Boutault, le réalisateur de l'album), soit ils sont venus à Paris. Seuls quelques uns n'ont pas pu être présents pour des raisons de planning ou géographiques (je pense notamment aux Américains). Néanmoins à part Christine Rhoades, j'ai eu la chance de tous les rencontrer à posteriori, voire d'en revoir certains par la suite. Comme je le disais, le côté humain a une grande part dans ce projet.

Et puis l'Orchestre Philharmonique de Prague !!! As-tu eu l'occasion d'aller là bas superviser tout ça ?
Tout à fait ! Comme tu peux imaginer, cela a été une expérience très forte pour moi en tant que compositeur. Nous avons été très bien reçus par l'équipe de production sur place et tout s'est déroulé de la meilleure façon possible. J'avais fourni un gros travail en amont en collaboration avec le chef donc nous ne nous sommes concentrés que sur l'aspect artistique et il faut dire qu'ils y connaissent un rayon ! Ils ont travaillé avec Within Temptation ou Dimmu Borgir qui sont pour moi des références très fortes je m'y suis donc trouvé comme un poisson dans l'eau. Cela a été une sensation assez "violente" et très positive d'entendre la musique que j'avais en tête depuis des mois jouer en vrai et avec le son dont j'avais toujours rêvé. Cela m'a énormément aidé à y voir plus clair dans ma propre musique et dans cet univers que j'ai créé. Avoir eu la chance de vivre cette expérience aura probablement des répercutions sur ce que je ferai par la suite.



Et as-tu écrit toutes les partitions pour les instruments qui composent l'orchestre aussi ?
Tout à fait. Ayant fait des études de composition de musique de film, je sais exactement comment on fait et ce qu'il faut fournir. C'est justement ce travail dont je parlais et qui a été fait en amont de façon à ce que le jour J tout se passe sans aucun problème. J'avais déjà eu l'occasion de travailler avec un orchestre durant mes études ce n'était donc pas la première fois que je me frottais à l'exercice. C'est juste que la durée de l'album a fait que cela m'a demandé un travail titanesque pendant 1 mois et demi à raison de 10 à 12h par jour juste sur cet aspect, le tout en ayant les autres aspects de la préparation de l'enregistrement à gérer en même temps. J'ai donc été très content quand tout est parti pour le mixage ! J'ai enfin pu me reposer un peu.

Tu reviens d'une belle tournée avec Leave's Eyes. Comment ça s'est passé ? 
Oh très bien écoute. Cela nous a permis de faire beaucoup de rencontres, de présenter la musique de MELTED SPACE à un public beaucoup plus large et cela a énormément soudé l'équipe... Le bilan de cette tournée est des plus bénéfiques sur tous les plans. Après comme dans chaque tournée, il y a des moments très forts et très bons comme la date à Paris au Glaz'art où le public (très réceptif) était là avant l'ouverture des portes pour nous voir jouer et où nous avons été extrêmement bien reçus par l'équipe de Base Prod, et il y a des moments un peu plus difficiles, mais je dirai que cela fait aussi partie du jeu. De notre côté, cela a toujours été source de motivation pour tout donner sur scène. Il faut transformer cela en énergie positive qui te permet d'aller de l'avant et te dépasser pour les gens qui sont venus te voir ! Donc une excellente tournée qui nous a bien mis en jambe pour la suivante !

D'ailleurs, depuis, une nouvelle annonce est tombée concernant la participation du groupe à la tournée de Symphony X. C'est le résultat de la précédente tournée ? C'est le label qui gère tout ça ou c'est toi ? C'est un investissement tout ça !
Oui c'est donc la suivante, la tournée européenne avec Symphony X et nos amis de Myrath. Je trouve que l'affiche est vraiment cool et variée pour les gens qui viendront nous voir et nous sommes évidemment très contents de pouvoir y participer ! Ce n'est pas le label qui gère tout ça, même s'ils sont très impliqué dans le développement du groupe. Là, il faut rendre à César ce qui lui appartient, nous sommes très bien entourés depuis des années notamment par Nicolas Ramaget qui est notre manager et qui s'investit vraiment énormément dans l'évolution du projet, tant sur ce qui touche au studio qu'au live. Il est présent dans toutes les décisions qui sont prises et je dois dire que pour moi, c'est un véritable repère ! Nous avons construit une véritable relation de confiance dans le travail qui s'est avérée très payante pour le moment. De plus avec l'arrivée de Sensory Records, nous sommes maintenant en relation quasi permanente avec les divers attachés presse qui eux aussi soutiennent le projet et font vraiment un travail exceptionnel dans les autres pays. Cela représente évidemment un investissement conséquent mais comme je le disais, nous avons la chance d'être très bien entourés avec des gens qui croient beaucoup dans le projet donc cela représente autant d'appuis solides sur lesquels on peut compter pour essayer de continuer à avancer dans cette direction. Au final, c'est un véritable travail d'équipe et que ce soit les musiciens, les différents chanteurs et guests, manager, attachés presse, label... Je peux vraiment dire que je suis chanceux d'avoir une équipe pareille !

Des projets avant ou après cette tournée ?
Avant, probablement beaucoup de travail pour préparer la nouvelle tournée au mieux. J'ai eu en effet quelques propositions très intéressantes pour des projets qui verront le jour après la tournée avec Symphony X et dans lesquels j'ai vraiment envie de m'investir mais je ne peux malheureusement pas en dire davantage pour le moment. Et qui sait pourquoi pas une autre tournée ou quelques festivals. Là je n'en sais malheureusement pas plus pour l'instant, nous verrons mais ce serait vraiment l'occasion de faire venir un ou plusieurs chanteurs de l'album à venir nous rejoindre sur scène. J'ai déjà eu l'occasion d'en parler avec eux et je sais que si on se retrouve à l'affiche du même festival, ils seront très contents de pouvoir venir chanter avec nous... Je croise donc les doigts pour que cela puisse arriver prochainement.

Merci pour tes réponses. Je te laisse terminer cette entrevue comme bon te semble...
Merci à toi ! J'espère que cela aura donné envie aux lecteurs de venir découvrir MELTED SPACE sur album ou sur scène. En tout cas, nous serons ravis de pouvoir vous rencontrer très bientôt ! Et longue vie à French Metal !


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