Interview faite par mail par Braindead

Pour commencer, il me semble nécessaire de rappeler les fondamentaux et n’étant pas adepte de l’étiquetage des artistes, pouvez-vous me définir ce qu’est le "son" Markize ?
Alina (chant) : C'est une base electro / ambient / trip hop, avec des guitares rock, et des mélodies pop. Quoiqu'il arrive on ne s'enferme pas dans un style, on compose comme on le ressent et ce qui nous fait envie sur le moment. On évolue artistiquement, c'est une nécessité pour nous.

Votre musique est résolument moderne, à l’image d’un Superbus mais en beaucoup plus électrique ; pouvez-vous me décrire votre processus de création ? Comment vous répartissez-vous vous la composition d’un titre ? Comment définissez-vous la ligne directrice d’un album, les thèmes abordés ? Vous êtes plutôt brainstorming ou réflexion individuelle ?
Notre processus de création est des plus intuitifs et spontanés. Pas de délimitation comme "Tu fais ça, moi je fais ça". Chacun compose de son côté et propose aux autres, puis on travaille ensemble pour fignoler et arranger la composition. L'album se dessine tout aussi naturellement, autour des textes en général qui créent la ligne directrice. Pour "A Perfect Lie" ce sont eux qui lient les chansons les unes aux autres, les musiques en elle-mêmes sont variées, passant du rock / metal à la pop, et c'est ce que nous voulons de toute façon, que notre musique soit au service de l'émotion d'un texte et donc variée selon les thèmes abordés.

Même si votre réputation m’est revenue aux oreilles depuis un moment, je vous ai réellement découverts au Zèbre de Belleville ; votre son est plus rock electro que les formations dont vous avez assuré les premières partie ou partagé l’affiche ; comment expliquez-vous cette affiliation au genre metal ? J’ai l’impression que beaucoup ont confondu votre artwork, vos tenues avec du gothisme alors qu’elles tendent plus à mon sens vers le néo dandysme.
On nous a longtemps assimilés à du metal gothique il est vrai, car lorsque nous avons commencé à nous diffuser sur la toile, avec la démo "Poussières de vie" en 2004, l'image était plus sombre, et nous avions été soutenus par les acteurs de cette scène. Depuis nous avons énormément évolué et il est, je trouve, difficile de nous étiquetter encore "gothic metal" aujourd'hui. Il en va de même pour les tenues. Il est dommage que la vue d'un corset renvoie, dans l'esprit des gens, au "gothique" forcément. Il y a toutes sortes de corsets et c'est avant tout un "vêtement" qui valorise la silhouette féminine quelque soit son style. Je suis une ferrue de mode, de haute couture, et je m'en inspire beaucoup dans mes tenues de scène, et notamment dans mes corsets, qui sont des pièces uniques, plutôt emprunts de futurisme. Je ne recherche pas le "gothique", mais l'originalité et une forme de "féerie", à travers la silhouette d'un personnage scénique hors du temps et des tenues qui sortent de l'ordinaire. Personnellement je suis fan de Tim Burton, de son imagerie baroque et sombre, et de ses ambiances musicales du même accabi, je pense que certaines ambiances electro pop, comme l"intro "A Perfect Lie", peuvent faire penser à du "gothique" dans le sens ou cela renvoie à une atmosphère emprunte d'un certain romantisme noir. Mais au delà de cela, si l'on compare notre style actuel (musical, vestimentaire, etc) à des groupes dits "gothic metal", je pense que nous sommes très éloignés. Il n'en est pas moins que nous respectons ce mouvement.

Est-ce que cette affiliation vous a finalement plus aidés que nuis ?
Aidés bien sûr, beaucoup de soutien de la part du public de cette scène, mais également de la presse spécialisée. Le plus dur aujourd'hui c'est de faire comprendre et faire accepter notre évolution sans perdre le soutien de ceux qui ont cru en nous à nos débuts. Mais notre but n'était pas de "renier" cette appartenance, mais une envie de nous montrer tels que nous sommes aujourd'hui, avec nos differentes facettes, plus complets et aboutis. Nous prônons l'ouverture d'esprit, dans la musique et ailleurs, et nous savons que les gens qui nous suivent ont cette qualité, et nous en sommes fiers.

Vous avez su garder cette fraîcheur et cette simplicité qui font défaut à de nombreuses formations hexagonales. Vous avez cette volonté de rencontrer votre public, de par une série de concerts internationaux. Il me semble plus facile de croire en vous, en votre potentiel de carrière qu’à tous ces jeunes groupes adeptes d’une certaine "fake attitude" basé sur le paraître, plus enclin à acquérir une "e-réputation" sur les réseaux sociaux en s’inventant une carrière que de passer du temps en studio à se professionnaliser. Quand pensez-vous ?
Merci ! Disons qu'internet a permis de déployer une nouvelle stratégie de communication qui s'appuie effectivement plus sur l'image que sur le son, qui est pourtant l'essence même d'un groupe. Mais il y a aussi d'autres facteurs de popularité qui n'engagent en rien la qualité musicale réelle, comme le fait de "copiner" avec son public pour se faire aimer et suivre, les réseaux sociaux ont beaucoup aidé à cela bien sûr, ainsi que les forums. Maintenant, le tout c'est de savoir faire la difference entre une com' au poil et une façade avenante mais un univers artistique creux, et l'inverse. C'est le public qui choisit ce qu'il écoute après tout. De notre côté, on ne prétend rien, on fait ce qui sort de nos tripes et de notre coeur, et c'est ainsi que l'on ne regrette rien car pour nous ce qui prime dans la musique c'est l'authenticité.

Justement, je vous sens intemporels, à contre-courant de ce qui se fait, et à l’instar de formations genre trip hop, Massive Attack par exemple, j’ai le sentiment que votre son évolue, change sciemment. "A Perfect Lie" est plus pop, avec moins de sonorités indus, synthétiques.Markize est-il appelé à évoluer en expérimentant d’autres genres, d’autres styles, construisant album après album, une œuvre complète et finalement indissociable ?
Oui, nous évoluons en permanence, et en dépit de l'air du temps. C'est le propre de l'être humain non ? (sourire) Nous écoutons ce qui se fait autour, mais nous composons au gré de nos inspirations et envies, la musique ne devrait pas se créer autrement selon moi. Entre "Transparence" et " A Perfect Lie" l'évolution est assez nette, même si les ambiances éthérées et déjà légerement electro du premier album sont sauvegardées, même plus approfondies dans le dernier. La mutation musicale est perpetuelle, à l'image de notre évolution personnelle, et elle ne peut que continuer ainsi. L'experimentation de nouveaux genres oui pourquoi pas, encore une fois, ce sera une création spontanée et ne relèvera pas d'un calcul au préalable. La musique est pour moi un cri du coeur, c'est donc notre coeur qui nous dictera la suite.

Une frange du public semble déstabilisée à l’idée d’entendre plusieurs langues cohabiter sur votre album, alors qu’interpréter une compo dans la langue du thème abordé est signe d’intégrité.
Ah oui ? J'avoue que nous n'avons personnellement jamais eu d'échos negatifs au sujet du multi-linguisme de nos albums, au contraire. Je suis d'ailleurs ravie que le Russe plaise autant, et soit même souvent sollicité. On m'a souvent dit que le Russe chanté avait des sonorités italiennes, très mélodiques. En tout cas, étant ma langue maternelle, il m'était important d'apporter ma culture dans notre musique comme un bout d'"intimité" supplémentaire.



Comment arrivez-vous à convaincre l’auditoire de laisser une chance à cette cohabitation qui pourtant est très réussie ?
A vrai dire, nous n'avons pas eu à "convaincre", nous jouons nos chansons, autant celles en Français, qu'en Anglais et qu'en Russe, et la réaction du public est à chaque fois très positive. Durant la tournée de Mai, à chaque fois on me criait "vodka" lorsque je disais que le prochain titre était en russe, c'était assez fun. Je pense que les gens sont curieux et ravis d'entendre une langue plutôt encore rare en France, surtout en musique.

Vos compos sont différentes en live, peut-être est-ce dû aux arrangements. Est-ce une volonté de votre part, de faire redécouvrir votre œuvre ?
Outre le fait que les chansons sonnent plus rock en live, nous avons effectivement réarrangé les titres pour la scène spécifiquement. Nous ne voulions pas que le public écoute un "copier-coller" de l'album mais redécouvre véritablement un univers vivant, sinon quel interêt d'aller voir un concert ? Autant mettre l'album dans sa chambre et c'est parti. Toute la magie réside dans la redécouverte d'un album aux multiples facettes explorées encore differemment en live.

Votre artwork est riche et me fait penser à une artiste très complète que je respecte énormément, Emilie Autumn. Comme elle (elle a signé la B.O de "Saw 3", écrit des livres…), ou Manson pour la peinture, Lordi et Zombie pour le cinéma, avez-vous déjà eu envie de pratiquer d’autres arts (graphisme, littérature, B.O…) ?
Pour ce visuel nous avons travaillé avec Axelle Migé, directrice artistique et créatrice de mode. Nous avions envie justement d'explorer d'autres facettes que la musique à proprement parler, et offrir un écrin plus mode et Haute Couture à notre album, domaines que j'affectionne particulièrement. La recherche du visuel a été faite autour du "concept" de l'album, de son thème en tout cas et de la symbolique de "A Perfect Lie" et nous nous sommes inspirés pour ça de la poupée de Hans Bellmer, artiste plasticien surréaliste et touche à tout. Bien sur, nous adorerions composer pour une BO de film ! Certains titres de "Transparence" ont d'ailleurs déjà été utilisés dans des courts métrages. Pour ma part, j'ai touché à differentes formes d'Art mis à part la musique (danse pendant 10 ans, peinture, écriture, couture / design) et je considère que toutes ces formes d'expression artistiques sont complémentaires et s'enrichissent les unes les unes lorsqu'elles sont couplées.

Vous tournez actuellement en France pour défendre "A Perfect Lie". Des concerts en dehors de notre hexagone sont-ils prévus, notamment dans les pays de L’Est où vous semblez avoir de nombreux fans ?
Nous sommes rentrés d'une tournée en France effectivement. Pas de concerts à l'étranger de prévus pour le moment, mais l'envie est là. C'est vrai que la Russie nous a laissé une souvenir imperissable de chaleur humaine et de soutien. La Pologne également. Nous avons très envie de revenir jouer là bas avec le deuxième album.

N’est-ce pas trop dur de retrouver de petites scènes après une tournée européenne ? Vous préférez peut-être la proximité d’une petite salle aux grandes salles impersonnelles mais qui permettent de toucher davantage de monde ?
Ce n'est pas la même approche, mais non ce n'est pas plus dur, c'est un plaisir different, mais un plaisir de la scène et du partage avec le public quand même et surtout toujours. Les grandes salles que l'on a faites de 2010 à 2012 ont été une experience juste énorme à tous les niveaux. Rentrer sur scène et se faire accueillir par des cris de soutien d'une salle de 3000 personnes c'est une sensation indescriptible pour un artiste, il faut la vivre... Les salles plus petites offrent, si ce n'est l'adrénaline d'un stade, une intimité avec le public qui est extrêmement touchante et qui laisse autant de place à une communication plus intimiste et "humaine".

Avec quels autres groupes, souhaiteriez-vous faire une tournée ou partager la scène ?
Muse sans hésitation serait, je pense, le rêve de tous les membres de MARKIZE, mais aussi Linkin Park, Paramore ou Maroon 5 en plus pop.

J’avoue être écœuré par ce que devient l’industrie musicale, qui se cache derrière sa crise pour excuser cet attrait pour le mainstream bankable, quitte à ce que l’intérêt artistique soit absent. Une réalité qui touche des genres autrefois habités et intègres, comme le rock et le metal. Qu’en pensez-vous ? Je vous imagine dans la peau d’un petit restaurateur de quartier privilégiant une cuisine de valeur mais devant faire face à une clientèle qui tend à manger McDo.
La comparaison est édifiante ! (sourire) Je pense que l'industrie musicale est à l'image de ce qu'est le monde aujourd'hui : faire de plus en plus de bénéfices tout en prenant le moins de risques possible. Cela a entraîné la création musicale vers quelque chose de calculé et de formaté pour répondre au "plus grand nombre" habilement éduqué à ce formatage également. Nous ne pouvons pas grand chose à cela, si ce n'est en prendre conscience et ouvrir notre esprit à des artistes indépendants, éveiller notre curiosité, même pour ce qui ne passe pas necessairement à la TV ou à la radio, et ne pas hésiter à chercher à faire des découvertes. Internet aide beaucoup à cela aujourd'hui. Mais je pense aussi que malgré l'aspect marketting qui est aujourd'hui également au centre de l'art, il y a toujours des artistes, même parmi ceux extrêmement médiatisés, qui restent intègres et un tant soit peu authentiques. Et heureusement. Maintenant, il faut faire la difference entre l'industrie musicale qui "fabrique" des artistes "prêts à l'emploi" parfois (souvent ?) dénués d'intégrité et d'intêret artistique, et des artistes désireux de vivre de leur musique qui tentent de devenir du coup plus accessibles pour atteindre leur rêve. Il ne faut pas oublier que ce qui fait vivre tout ça c'est le public, ceux qui achètent les CDs, vont aux concerts, ce sont eux qui indirectement aussi orientent les choses dans cette industrie en acquiesçant ou non aux choix marketing. En soutenant en masse des artistes peu médiatisés, ils peuvent changer les choses, c'est ma profonde conviction.

Pour le moment vous défendez votre dernier album, est ce que vous avez tout de même des idées de compos pour l’avenir ? Où un break est nécessaire pour faire place net à de nouvelles idées ?
Je pense qu'un break sera necessaire pour se recentrer sur la composition et voir venir les nouvelles inspirations. Nous sommes actuellement dans une periode "live" surtout.

Nous connaissons vos projets à court terme mais pouvez-vous évoquer vos intentions sur le long terme ?
Des envies de tournage de nouveaux clips pour "A Perfect Lie", un nouvel album très certainement, mais surtout des concerts et la rencontre avec notre public. C'est le point essentiel de notre activité.


Le site officiel : www.markize.com