Interview faite par mail par Lenore

Bonjour Lysart, pouvez-vous brièvement vous présenter ?
Nous sommes un groupe de rock industriel frappé de dissidence idéologique chronique.

Vous avez créé Lysart en 2000, après la formation du groupe 7° Lune, pouvez vous nous parler de ce changement et de l’évolution entre les deux combos ?
En fait dans 7° Lune les morceaux étaient composés à la guitare, et je voulais aller de plus en plus vers des bases de séquences, d’où l’achat de séquenceurs qui m’ont amenés à pouvoir aller dans d’autres directions… et finalement le nom LYSART s’est posé sur ces morceaux… Nous venions d’effectuer d’énièmes changements de line-up, j’avais envie de poser la guitare pour le live et de chanter principalement en anglais, et donc 7° Lune s’est mis en stand-by voir en coma irréversible l’avenir nous le dira, et LYSART a pris la suite, avec d’ailleurs quelques morceaux qui sont des ré-interprétations plus ou moins fidèles de 7° Lune… Nous sommes entre 4 et 5… Sha-, batteur pour qui LYSART est une expérience différente et parfois contraignante par rapport à ce qu’il a pu faire avant. Contraignante parce que la synchronisation avec les machines peut être bridante, mais les aspects plus grooves ou puissants qu’il nous apporte sont essentiels… Si LYSART était au début exclusivement electro c’était parce qu’on avait pas trouvé le batteur voir même les musiciens adéquats… On en a essayé pourtant, m’enfin… L’aspect humain étant primordial pour nous, et cet aspect étant une variable si inconstante, il a été difficile en fait d’en arriver au line-up actuel… Nemo étant le plus ancien guitariste, depuis pratiquement le début du projet en fait… D’abord à la rythmique, puis aux riffs… Si on l’écoutait d’ailleurs il repartirait à la rythmique qu’il a étonnamment puissante, surtout quand on le connaît au quotidien… Ce qui serait dommage vu l’ambiance qu’il nous apporte… Nous ne cherchons pas dans les riffs la performance technique, mais la fusion des sons et des mélodies avec les séquenceurs… Et Nemo est aussi l’illustrateur du groupe, de la tenture en concert à tous les aspects visuels peints ou dessinés… C’est malgré tout un des aspects les plus démocratiques du groupe où l’on décide ensemble des thèmes à aborder… on attends… et alors Nemo nous sort de ses doigts un univers qui nous convient parfaitement, notre idéal étant d’aller vers un univers global en live avec des tentures des projections de textures dessinées, des vidéos (nous travaillons actuellement sur les montages… ce ne seront pas des arlésiennes…), qui se mêleraient au mieux avec nos textures musicales… Puis enfin Sarg, sudiste parmi les nordistes (chez lui dirait-il…). Guitare rythmique principalement, essentiel par son aisance scénique et la puissance qu’il nous apporte…

Vous venez de sortir votre premier album "Human Shame", dans les tons plutôt indus / cold, pouvez-vous nous parler de vos influences pour ce CD ?
L’influence principale c’est donc 7° Lune… Pour le reste plutôt que parler d’influences, nous préférons aborder plutôt des groupes ou album écoutés depuis des années… Dans le désordre NIN (surtout "Downward Spiral" et "Fragile", et surtout pas trop les expérimentions un gros chouia bipesques et nombrilistes de ces mois à quelques heureuses exceptions prêts), The Cure (excepté l’aspect malheureusement trop souvent pop mielleux à pleurer sur de trop nombreux titres…), les Pink Floyd dans les ambiances planantes, le groove on sait pas trop d’où ça vient, sûrement de dub qui est rentré dans nos oreilles subliminalement… ou via des soirées trop enfumées… The Jesus And Mary Chain, certains Paradise Lost, Rammstein en général, certains Korn notamment les deux derniers… Joy Division aussi, mais peut-être pas tant que ça sinon je l’espère tant dans certains frissons d’intensité en live… Du Das Ich dans les machines ainsi que Depeche Mode… Dans le camp Français on pourrait citer en vrac Tétines Noires / Ltno, Noir Désir, certains Bashung et même AngeMorthem Vlade Art aussi…

On retrouve dans cet album des instrumentaux parfois loin des simples machines ou synthé pratiqué dans les autres combos indus : sur des titres comme "Eat The Liar", vous utilisez des instruments plus recherchés, pouvez-vous nous en dire plus sur la composition musicale de vos morceaux ?
Les morceaux sont composés au séquenceur intégralement la nuit tout seul dans le respect de la règle du 20 Juin… Ensuite vient le moment de structurer toute cette matière et de fusionner les textures guitares avec les machines, et la rythmique pour appuyer et gratter tout cela par moment…

Et pour rentrer dans le vif du sujet, pouvez-vous nous parler de l’écriture de vos morceaux, des thèmes que vous avez voulu aborder dans "Human Shame" ?
A l’exception de "Get Out" dont le texte est un poème inutilisé de Ian Curtis (Joy Division), les textes de LYSART sont introspectifs et traitent souvent de l’instant T, ce laps de temps où nous nous retrouvons à avoir à faire un choix, plusieurs possibilités s’offrent à nous et souvent aucune ne semble être la bonne. Choisir entre le pire et le pire… rester les bras croisés et assister à notre chute ou bien passer à l’acte… dans les deux cas il y aura une issue que nous connaissons tous, des victimes. Au quotidien nous sommes constamment appelés à prendre une décision (quelque soit le contexte et pour diverses raisons), soit j’assume ou bien je subis. Si l’humanité est dans le merdier que l’on connaît c’est parce que les masses n’ont que trop tendance à abdiquer et fuir face à l’oppression. Pourtant l’union fait la force… mais bien souvent les choix personnels vont à l’encontre du bien commun… L’humain est coincé entre l’interdépendance des fourmis et l’individualisme forcené du rat…

Qu’avez-vous voulu donc condamner en bref dans cet album ?
Nous condamnons le ridicule des croyances en chacun de ces symboles et l’ hypocrisie de nos démocraties dites "modernes" qui entretiennent ces mensonges à des fins politiques. Diviser l’électorat pour mieux régner…



A la vue de l’artwork de votre CD, on ne reste pas insensible aux thèmes avec lesquels vous jouez : pourquoi cet artwork assez brut puisque fait à la main, représentant, je le rappelle, des signes religieux et politique les plus extrêmes dont certains encore présents dans notre société actuelle ?
Tous ces symboles sont encore d’actualité et belligérants. L’ Humain et le bien-être commun ne sont en aucun cas une préoccupation pour ces "machines" économiques, politiques et religieuses. Ils aspirent tous sans exception au pouvoir, à la domination et l’ asservissement des masses. Quand l’inoculation mentale via la scolarité (principal chaînon de la désinformation) et les manipulations médiatiques ne suffisent plus, ils éliminent leur opposants, tout simplement, afin que leurs élites puissent garantir la survie de leur idéologie.

Ainsi, lorsque l’on parcours votre dossier promo et la biographie de Lysart, on en apprend un peu plus sur les déboires que vous avez eu liés à vos affiches et à la pochette de "Human Shame", pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vos détracteurs ?
Nous n’en parlerons pas dans la mesure où ces gens ne pèsent rien. Quand on tape sur, il faut s’attendre à une réplique de, c’est la règle du jeu. Ce qui nous afflige par contre c’est de constater qu’un certain nombre d’acteurs de divers milieux underground, associatifs, presses, programmateurs etc… se disant défenseurs des arts et des cultures ne sont en réalité qu’un vaste ramassis de sbires du système formatés jusqu’à la moelle. Ils n’ont pas plus développé leur oreille musicale que la faculté de penser par eux-mêmes. La procuration et l’autocensure sont un véritable leitmotiv chez ces gens là et on peut aisément parler d’un lobby culturel de basse échelle. Tout fonctionne par contacts, copineries… ce qui nous amène à dire que si tu veux tourner dans ce foutu pays, il faut être mauvais ou bien pas dérangeant pour les convictions de tout un chacun (nous nous excusons d’avoir pu heurter la sensibilité d’une organisatrice d’évènements juive...). Pourtant l’art se refuse à toute forme de compromis sinon on conditionne sa propre liberté, on forge ses propres chaînes. Or que l’industrie musicale veuille définir des tendances car ils en va de leurs investissements c’est à vomir, mais ça peut se comprendre, c’est le capitalisme après tout. Mais que les salles ou organisations subventionnées par l’argent public programment du binaire réchauffé en série et bien poli, ça nous dérange...

Au final, votre album a été plutôt bien reçu des critiques et des amateurs de gothic et indus, faites-vous beaucoup de scène ?
En effet, les critiques sont globalement positives et je l’espère objectives en ce qui nous concerne. Nous avons réalisé cet album avec la plus grande attention possible et en fonction d’un budget dérisoire (doux euphémisme). C’est ce qui nous permet de le vendre à un tarif équitable, un geste apprécié de la population goth et indus mais pas seulement. On a de bons retours d’un segment plus metal et aussi du milieu rock. Sur le plan éthique on s’est vu recevoir du soutien par des rastas car nous prenons position en faveur de l’annulation de la dette Africaine et de la décolonisation économique de ce continent depuis trop longtemps pillé par l’homme blanc et plus récemment les Asiatiques. En fait, "Human Shame" est à la croisée de plusieurs chemins et parle aux gens ouverts à différentes cultures, c’ est une expérience, une alternative mentale en période de crise… Quant à nos apparitions scéniques elles sont devenues anecdotiques pour les raisons sus-citées, mais d’autant plus intenses aussi…

Envisagez-vous pour la suite un deuxième album dans l’esprit de celui-ci ou avez-vous bien d’autres idées à développer pour un second opus ?
Nous n’ envisageons pas de produire un nouvel album. Sans doute LYSART n’aura été qu’ un prétexte pour donner naissance à "Human Shame". Nous ne manquons pas d’idées, mais de visibilité. Mais nous, nous ne sommes pas aveugles.

Au final, pour parler de Lysart, vous aimeriez que l’on parle de vous comme d’un groupe engagé ou qu’on vous assimile à ces artistes controversés et rester justement dans ce qui vous a fait connaître, c'est-à-dire laisser le trouble autour de vos créations ?
Nous souffrons en quelque sorte du syndrome de Brian Johnstone Massacre. Nous sommes chaotiques. Nous ne calculons rien et ne cherchons pas non plus à nous ranger dans tel ou tel tiroir. Simplement nous usons et abusons de rares moments de liberté afin d’ exprimer nos différentes perceptions du monde sensible et aliénant au possible. Aux gens de nous mettre dans des cases si ça peut leur faire plaisir mais c’est du temps de perdu pour rien. La vrai question est de savoir comment ils font pour vivre dans le silence et la collaboration à la veille d’une catastrophe écologique mondiale ? Sont-ils aveugles au point de ne pas reconnaître leur ennemi ? Certes de nos jours celui-ci est invisible. Les symboles matérialisés sur "Human Shame" ne sont qu’une vitrine, la partie émergée de l’iceberg. Le véritable ennemi est au-delà, nuageux, éthéré, non-palpable mais tellement omniscient. Il est l’œil de nos démocraties, républiques où il ne règne pas plus de justice, de liberté et d’égalité que sous l’absolutisme monarchique. Toutes les révolutions n’ont jamais réussi qu’à rendre la machine plus parfaite. L’Etat, impersonnel par définition, est le cadeau offert au vainqueur des partis politiques et/ou religieux en lutte pour le pouvoir. "Human Shame".

Je vous laisse donc conclure sur cette première interview, si vous avez des choses à rajouter, des remerciements, n’hésitez pas…
Remerciements à French Metal, Art For Rats, Necrocosm Productions, les personnes et les groupes qui nous soutiennent…


Le site officiel : www.myspace.com/lysartliesart