Interview faite par Jenna Williams et traduite par Marion

"Night Is The New Day", votre album le plus récent, est sorti il y a environ deux ans... Est-ce que vous travaillez sur quelque chose de nouveau, en ce moment ?
Jonas Renkse (chant) : En fait, c'est exact oui. On était censé avoir fini la composition plus ou moins maintenant, mais on a fait cette tournée (Opeth's 2011 Heritage USA Tour), donc tout est un petit peu retardé, mais dès qu'on rentre chez nous, on continuera de composer et avec un peu de chance on sera en studio en hiver.

Comment penses-tu que vous allez plus accrocher avec cet album qu'avec "Night Is the New Day" ?
Je sais pas, on a pas de schéma directeur. Ce qu'on fait... Je pense toujours que je veux écrire de bonnes chansons et c'est tout, tu vois ? Que ce soit différent, ou dans le même style, je m'en fiche, tu vois, tant que les chansons sont supers. C'est mon plus grand espoir.

Vos morceaux sont plein d'une certaine énergie. Quand vous composez, comment traduisez-vous les visions qui peuplent votre esprit sur papier ou sur chanson ?
Hum... Je sais pas, je pense que c'est juste quelque chose qui me vient quand je compose. Genre, si je commence avec seulement un accord sur la guitare ou du style... Y'a juste une espèce de vision qui me vient et j'obtiens (pause) une vision de ce à quoi la chanson doit ressembler. Peut-être pas juste un accord, mais quelques accords qui peuvent me donner une espèce d'indice, et on parle beaucoup en terme de visions, quand on écrit ensemble, comme moi et Anders (Nystrom, guitariste). Comme des couleurs et (pause) aussi des humeurs, et des environnements qu'on a vus. On est en particulier fasciné par un groupe ou un truc du genre. Donc c'est quelque chose dont on parle quand on crée des chansons ce qui est, je suppose, un peu bizarre, mais ça marche.

Tu as dit que ça venait naturellement, mais y-a-t-il une manière dont tout se matérialise à l'intérieur de ton esprit ?
Eh bien, parfois ça concerne juste le travail, et le travail pendant plusieurs jours avant que quelque chose n'arrive, et parfois je peux avoir une idée juste en marchant le matin, tu vois ? Donc c'est entièrement différent de chanson en chanson et d'idée en idée. Tu ne sais jamais à quoi t'attendre, et ça c'est fun.

Et ça fait longtemps que vous faites ça...
Ouais, ouais... trop longtemps ! (rires)

Non ! C'est jamais trop long quand c'est pour la musique, non ?
Je veux dire, tant qu'on a quelque chose d'intéressant à donner, je pense que tout va bien, mais je pense pas qu'on soit le type de groupe qui continue à faire des tournées juste pour jouer ses chansons préférées aux gens. Faire des tournées c'est pas (comme) ça. (rires)



Puisque ça fait longtemps que vous faites ça, vingt ans... Quand vous avez commencé, aviez-vous imaginé tout ce qui se passerait maintenant ? Ou qu'imaginiez-vous que Katatonia allait être ? Et cette vision a-t-elle changé ne serait-ce qu'un peu, tout au long de ces vingt années ?
Non, je ne pense pas que cette vision n'ait pas changé parce que... On est des gens du genre humble. Et notre but quand on a commencé, c'était juste d'avoir un groupe, tu vois ? Parce qu'on écoutait de la musique et on voulait avoir un groupe à nous, ce qui je pense est quelque chose de très courant. Et ensuite le but a été d'écrire quelques chansons et d'avoir une démo sur cassette, et avec toutes les petites étapes franchies, on a une prochaine cible parce qu'on ne vise rien de trop grand, tu vois ? On y va pas à pas, et c'est a toujours été comme ça, donc on s'attend pas à être un groupe qui fait sensation du jour au lendemain. Ça fait si longtemps qu'on fait ça et je pense qu'on s'est construit un public de fans lentement mais sûrement, et c'est ça que j'aime. Et aussi, je pense que c'est bien parce qu'un jour, quand ces choses n'auront plus lieu, le groupe se séparera peut être ou du genre, je pense que je pourrais être très heureux de ce qu'on a fait. J'aurais pas le sentiment qu'on m'enlève quelque chose parce que j'ai été là à chaque pas du groupe, et j'en suis heureux. (rires)

Comment exprimes-tu ta passion à travers la musique ?
En écrivant de la musique qui soit aussi bonne que possible, et des paroles. Je veux dire, en étant aussi personnel que possible. Ne pas écrire juste pour écrire, juste pour sortir un nouvel album, des trucs du genre, plutôt que juste... Je veux dire, la musique est une chose si sérieuse pour moi, que je ne ferai jamais rien à contre coeur.

Dirais-tu que la musique que tu composes symbolise qui tu es en tant que personne ?
Ouais, ça le fait beaucoup, parce que ce que tu entends et ce que tu lis, comme les paroles, et la musique elle-même, c'est... qui je suis. C'est facile à voir, parce que la musique est plutôt sombre et mélancolique, et je suppose que c'est le genre de personne que j'ai toujours été. C'est pas juste une image, mais j'en suis satisfait. Je suis content d'avoir trouvé la musique, parce que j'ai trouvé un moyen de m'exprimer et aussi de m'aider.

En quoi dirais-tu que la musique te donne un échappatoire ?
C'est le cas, enfin pas juste ma propre musique, mais aussi l'écoute de mes artistes préférés et ça a toujours été là pour me réconforter. La vie est parfois une lutte et je pense que la musique a probablement été le meilleur fondement pour essayer de revenir dans un état d'esprit normal.

Sur les vingt dernières années, qu'es-ce qui a eu un véritable impact sur toi, qui a vraiment eu une incidence sur la musique que tu composes ?
Hum, c'est dur à dire. Enfin, comme j'ai dit avant, on y va pas à pas, donc on a plein de petites étapes dont on est très satisfait, comme l'obtention du premier contrat pour un disque, l'obtention du contrat avec Peaceville (Records), qui est un label sur lequel sortait une grosse partie de notre musique préférée quand on était jeunes, comme Darkthrone et Autopsy, des trucs du genre.

Darkthrone !! Tu es donc un fan de black metal ?
Ouais, ouais, j'aime bien. Avant, j'étais un très, très gros fan.

Dead (ancien chanteur de Mayhem, qui est décédé) ou Maniac (ancien chanteur de Mayhem), qui préfères-tu ?
Hum... (pause). C'est dur... Attila. (rires)

Wahou... Je ne m'attendais pas à ça.
Non, mais je trouve que leur musique est affreuse, ce qui est bon pour ce genre de musique, tu vois ?

(rires) C'est vrai... Ok. Vous avez sorti 8 ou 9 albums, ainsi que plusieurs EPs. Quand penses-tu que vous avez vraiment trouver votre son, ou sur quel album penses-tu que ça c'est produit ?
Je dirais que deux albums nous ont donné le son sur lequel on travaille toujours, et le premier est notre deuxième album, "Brave Murder Day". On a commencé à expérimenter des arrangements plus simplistes et des éléments plus monotones, dépressifs que juste des mélodies. Et ensuite l'album qui a suivi, "Discouraged Ones", sur lequel j'ai commencé à faire du chant clair au lieu du cri, ce qui a aussi été une grande étape. Donc ces deux albums sont les fondements de ce qu'on fait aujourd'hui, mais je pense qu'avec chaque album, bien sûr, on essaie de se réinventer un petit peu et, comme j'ai dit, on essaie d'écrire les meilleures chansons possibles.

Au fil des années, comment penses-tu que vos rapports avec les fans ont changé ou évolué avec chaque album sorti ?
Je pense qu'on dirait qu'il devient plus fort avec chaque album, plus ou moins, et ça me plait parce que je pense que c'est une des choses les plus importantes... de sentir qu'on ne fait qu'un avec le public, qu'ils nous font confiance dans notre art, dans ce qu'on fait, tu vois ? Je n'écris pas pour satisfaire qui que ce soit d'autre que moi-même et les mecs du groupes, mais quand des gens aiment vraiment notre musique, je pense que c'est la plus belle des réussites.

Que penses-tu qu'il y ait de si spécial chez vous, pour vos fans ?
(Pause) Je pense que les gens apprécient notre honnêteté. Nous ne sommes pas un groupe d'une image. On ne crée pas un spectacle sur scène, on a pas de feux d'artifices. Tout ce qu'on fait c'est jouer et chanter tout ce qu'on a sur le cœur, et c'est tout. C'est la seule chose qu'on puisse faire. On s'habille pas avec des chemises à froufrous, tu vois ? (rires) Donc je pense que l'honnêteté est quelque chose que les gens aiment chez nous. On essaye d'être disponibles pour les fans et de parler aux gens quand on en a l'occasion tu vois ? Des trucs du genre. Je pense qu'il est important d'avoir ce type de relation, parce que ceux sont eux qui nous permettent de continuer.

Quand tu enregistres, comment fais-tu pour, ou essaies-tu de, traduire ton énergie live dans l'enregistrement ?
Absolument... J'essaie, tu vois, des petits détails tout simples, comme le fait d'éteindre les lumières, simplement pour essayer de me sentir aussi à l'aise que possible avec ce à propos de quoi je chante et de voir ce que la chanson réclame, et simplement... Je sais pas, je me concentre juste tellement sur les paroles et les mots, leur signification pour moi. J'essaie simplement d'avoir un (inaudible) environnement dans le studio.

Tu viens de dire quelque chose de très intéressant... Quelque chose du genre, la chanson te parle ? Qu'entends-tu par ça ?
Quand j'écris des paroles et de la musique, mais principalement des paroles, je suis pas toujours sûr de ce que ça veut dire pour moi jusqu'à ce que ce soit fini, et quand il est temps de le chanter, genre je me rends compte que ''Wow, c'est à ça que je pensais,'' mais je l'ignorais quand je l'ai écrit. Donc c'est ça que je veux dire, que ça me parle d'une façon dont je n'étais pas forcément sûr quand je les ai écrit, parce que je change les paroles tout le temps jusqu'à ce qu'il soit temps de les chanter pour de bon, donc quand c'est l'heure je sais que c'est ça et que je dois vraiment faire face aux paroles et voir de quoi elles parlent.



Est-ce que c'est pas un peu effrayant, parfois ?
Ouais, ça peut l'être. Mais c'est aussi plus intéressant qu'effrayant. Donc j'essaye juste de le faire de la meilleure façon possible.

Est-ce qu'il t'arrive de te sentir plutôt vulnérable avec autant de gens qui lisent tes paroles et qui entendent tes chansons ?
Oui, complètement, mais je pense que j'ai appris à accepter cela parce que j'écris toujours sur moi-même, en premier lieu. Certains passages sont de la fiction bien sûr, mais la plupart vient de mes propres expériences et tout. Bien sûr, au début, on se sent comme nu, d'une certaine façon, parce que les gens qui choisissent notre musique sont sûrement – ils ressentent ce que je fais. Donc c'est pas genre, je chante pas ces trucs à La Nouvelle Star. C'est plus pour les gens qui savent de quoi je parle.

Que penses-tu que l'auditeur recherche quand il écoute votre musique ?
Je dirais une sorte de confort, mais aussi, je pense que ça peut amener un peu de pouvoir dans la vie des gens. C'est comme leur donner le sentiment qu'il ne sont pas seuls dans ce qu'ils ressentent ; de ressentir un peu de force. Le confort, la force, l'atmosphère ; pour aider à amener une atmosphère que j'aime et que les autres gens aiment aussi, j'espère. Quand je dis atmosphère, je veux dire que j'aime écouter ce genre de musique, genre, quand je roule en voiture au milieu de la nuit, ce genre de truc... on fait un album très atmosphérique. Ça rend la balade en voiture bien plus apaisante. Je pense que c'est aussi quelque chose qu'on trouve dans notre musique. C'est bien de faire ça dans certaines situations.

Quand on est sur scène, y'a ce sentiment, ce sentiment submergeant. Comment décrirais-tu ce sentiment quand t'es sur scène ? Certains artistes le décrivent comme étant ''chaud bouillant.'' Dirais-tu que c'est ''chaud bouillant'' ?
Je dirais pas chaud bouillant, pas pour moi personnellement, mais quand je monte sur scène, je m'attends juste à chanter de tout mon cœur et rien d'autre, tu vois ? C'est quelque chose de simple. Je suis pas un comédien, je suis pas un comique. Je suis juste un chanteur et c'est ce que je fais, tu vois ? Je chante mes chansons et mes paroles. J'espère que les gens en sont satisfaits. C'est un moment de concentration, absolument.

Avec cette longue histoire que ton groupe a, comment dirais-tu que vous êtes devenus plus forts avec les différents changements de line-up au fil des années ?
Je pense qu'on devient plus fort avec chaque petite chose que l'on fait, comme une tournée. Ça consolide le groupe. Je veux dire, on doit voyager ensemble pendant sept semaines, comme sur cette tournée... Et dans un espace minuscule, et je pense que ça me donne des aspects différents du respect que j'aurais montré normalement, si j'étais resté chez moi à avoir un boulot normal. Faire ce genre de trucs, ça t'aide à en savoir plus sur les gens, à apprendre comment bosser ensemble en tant qu'équipe, des trucs du genre. Pas forcément juste le transport des trucs, mais plutôt, savoir quand ne pas s'approcher et savoir quand tu veux être là pour quelqu'un, des trucs du genre ; plus le côté humain.

Quand tu écris ou enregistres, que veux-tu que les gens ressentent dans ta musique à part le calme ou la tranquillité ou les autres choses dont tu viens de parler ? Y a-t-il autre chose dedans que tu veux que les gens ressentent, ou que tu crois qu'ils ressentent déjà ?
Je pense qu'ils ont déjà cette approche. Si t'es un fan de notre groupe, tu sais à quoi t'attendre et tu sais probablement ce qu'on aime, le genre de situations ou d'environnements qu'on aime. Donc ouais, c'est pas facile à expliquer, mais c'est quelque chose qui est présent.

Qu'est-ce qui a déclenché initialement ta passion de jouer ce genre de musique ? Qu'est-ce que c'est qui a vraiment déclenché la façon dont tu aimes la musique ?
Je sais que, pour moi et Anders, je pense que c'était l'occasion d'exprimer quelque chose qu'on ressentait tout les deux. Le genre de... le côté plus sombre de la musique métal au début ; on entendait des groupes qui pouvaient faire quelque chose qu'on aime, mais nous aussi on pouvait le faire et faire que ce soit encore plus notre truc à nous. Donc je pense que la réponse est... Qu'on a vraiment eu la chance d'exprimer quelque chose qui était déjà à l'intérieur de nous, depuis l'adolescence. C'est la raison pour laquelle on a commencé le groupe. Donc tu vois, c'est plein de petits trucs qui créent la situation globale.

Au travers de la musique, t'es sur un chemin illuminé par la flamme brûlante de la passion et du désir... Au fil des années, quels ont été les moments les plus spéciaux qui ont faire que cette flamme brûlait plus fort au cours du voyage le long de ce chemin ?
Je pense que l'écriture d'une chanson dont on est très satisfait est une étincelle qui... (pause) C'est très dur de rivaliser avec ça. Et aussi quelques-uns des concerts sont comme des monuments dans mon histoire et dans celle du groupe, tu vois ? Pour certains concerts, quand tu sens que tout est juste parfait, que le public est génial, et tu sens que ce soir ''J'ai donné tout ce que j'avais'' et ça se voyait... C'est juste parfait.

Interview publiée avec l'aimable autorisation de thescreamqueen.com.


Le site officiel : www.katatonia.com