Interview faite par Skype par Zemurion

Bonjour les gars et merci de nous accorder cette entrevue. Aujourd'hui nous allons essentiellement parler de la sortie de votre troisième album, "Shores Of The Abstract Line". Pour commencer, d'où vient le titre de cet album ?
Manu (chant et guitare) : On a essayé de créer une cartographie imaginaire dans laquelle on a fait se balader le personnage qu'on avait suivi dans le précédent album. Comme s'il était dans une île d'où on ne pourrait pas s'échapper. On traverse cinq différentes rives qui représentent des étapes de la mémoire de ce personnage. La ligne abstraite, c'est l'espèce de ligne qui relie intérieurement ces différentes rives entre elles. Celle qu'emprunte le personnage pour voyager de rive en rive.

Cet album s'inscrit donc dans la continuité du précédent ?
Manu : Je pense que les gens qui ont écouté les précédents albums vont retrouver la couleur du groupe et la façon de structurer les morceaux. Après on a essayé de pousser plus dans les deux extrêmes ; dans les parties calmes et ambiantes développer encore plus, aller encore plus loin, les allonger encore plus, les dénuder plus... et les parties violentes les rendre plus extrêmes, plus forgées pour la scène. On a voulu creuser encore plus les contrastes que dans le précédent album. Sinon, on continue de faire dialoguer des samples de films et d'interview entre eux. La façon de construire notre musique est restée la même mais on a essayé d'y apporter de nouvelles touches avec, notamment, le morceau central "Tio" qui est complètement différent de ce qu'on a pu faire sur les deux précédents albums.

Justement, est-ce que vous pouvez nous parler plus de ce morceau entièrement en espagnol et sans samples ?
Manu : C'est un morceau qui a été composé avant tout le reste de ce nouvel album. On avait enregistré une première version avec l'ancien batteur du groupe. Il a été écrit en espagnol car pour moi il est intimement lié au film que j'ai réalisé l'année dernière. C'est un film qui a été tourné en Bolivie où on suit les traces d'un personnage qui revient dans un pays qu'il a quitté il y a longtemps. Ce morceau a donc été imaginé autour de cette histoire là. Il est lié à ce pays dans lequel j'ai vécu pendant sept ans et qui est toujours présent dans les morceaux que j'écris, notamment dans "Gehenne" où on parlait déjà de la Bolivie. Tio c'est en fait une espèce de divinité gardienne des enfers, une espèce de Cerbère bolivien. C'est une lettre qu'on adresse à cet être-là.

D'où proviennent les samples utilisés dans cet album ?
Gredin (basse et chant) : Il y a beaucoup de Bukowski, du Celine...
Manu : Toujours des habitués aussi, comme Artaud. Mais c'est vrai qu'il y a plus de littérature américaine dans celui-ci : Ginsberg, Bukowski... Il y a aussi des samples issus du film que j'ai réalisé ; tirés du texte qui a été écrit pour le film et lu par des comédiens, ce qu'on avait pas fait pour les précédents albums.

Tu peux nous donner le nom de ce film ?
Manu : Il s'appelle "El Alba, les ombres errantes". Il est pas encore sorti, il est en cours de montage.

Est-ce que les samples servent de base à la composition des morceaux ou est-ce qu'ils arrivent dans un deuxième temps ?
Gredin : Pendant la composition. Ça aide beaucoup à structurer les morceaux, à rebondir... Justement, quand on a besoin d'une atmosphère spéciale, on enchaîne avec un sample.
Manu : Ça permet de créer du relief, de donner une âme avant même que les paroles soient écrites pour la musique. Ça dicte un peu l'atmosphère qu'on va développer pour la suite ou alors ils nous servent de ruptures entre deux univers musicaux différents. Ils servent souvent à développer des structures dans l'emboîtement des riffs qu'on a. Car les morceaux sont construits comme de gros puzzles. Aucun morceau n'arrive en studio constitué de A à Z. Ce ne sont que des riffs qui durent trente, quarante ou dix secondes et qu'on met ensemble. Et les samples servent souvent un peu de collage. Ils permettent aussi de développer un trame qui va faire évoluer l'album dans un sens ou dans l'autre.



Est-ce que vous avez une liste de samples prédéfinis avant de commencer l'album ou est-ce que vous les choisissez au fur et à mesure ?
Gredin : Durant toute l'année on écoute, on regarde des interviews, des reportages, des films... et petit à petit on se crée une banque de données. Puis on va piocher dedans selon l'inspiration.
Manu : Au moment du studio on a des samples qu'on a récoltés pendant plusieurs mois. En général, la recherche se fait peu, sauf si on a besoin de quelque chose de très précis auquel on pense en studio. Mais, en général, c'est comme pour les riffs, on arrive avec des dossiers. On sait déjà ce qu'on a en stock.
Gredin : Le plus dur après c'est de les "nettoyer" pour avoir un son acceptable. C'est pour ça que là, prendre des samples du film, ça a été plus simple.

Parce qu'ils n'ont pas encore été mixés ?
Manu : Oui. Souvent on a eu recours à des vieux films ou des interviews radiophoniques assez anciens pour lesquels les ingés son galèrent un peu.
Gredin : On entend parfois le bruit du vinyle derrière...

Tant qu'on parle du son, j'ai lu dans d'autres interviews que le mixage de cet album a été très long. Vous avez dû le reprendre entièrement à plusieurs reprises. Pourquoi ?
Manu : Ça a été assez chaotique pour cet album. Il a été fini de composer assez vite mais, ce qui a été compliqué, c'est qu'on a eu une campagne de financement qui a bien marché et qui nous a amenée à vouloir tester de faire produire l'album par quelqu'un d'autre que nous-mêmes. En général on faisait nous-même l'enregistrement et le mix et, cette fois, on a voulu enregistrer la batterie dans un studio et faire faire le mix là-bas. Ça a été une grosse erreur parce que la personne en question nous a "mis dedans" environ un an.
Gredin : Disons qu'on est pas fait pour travailler ensemble.
Manu : Oui, il a pas du tout tenu ses engagements. Ça a été un peu bizarre. A un moment donné, pendant deux ou trois mois, on n'avait plus du tout accès à notre mix. On savait pas où était notre musique. Il ne répondait plus aux mails. Quand on a enfin réussi à récupérer les enregistrements, on a dû recommencer tout à zéro. On a même dû refaire quelques prises guitare et batterie puis on a refait le mix nous-même. Comme on faisait avant, au final. On a quand même perdu un an et demi à cause de ça. Maintenant on est contents d'être arrivés au résultat qu'on cherchait. Le temps que ça nous a pris nous a peut-être, finalement, offert un recul qu'on aurait pas eu autrement. C'était peut-être un mal pour un bien.

A la base, qu'est-ce qui a motivé cette envie de faire faire produire votre album par quelqu'un d'autre ? Vous pensiez pouvoir obtenir un meilleur résultat que ce que vous faisiez jusqu'à présent ?
Manu : Non, c'était plutôt pour ne pas s'encombrer de plusieurs mois de travail.
Gredin : C'était pour gagner du temps en fait ! (rires)
Manu : Et pour donner une couleur un peu différente au groupe aussi, avec une oreille un peu extérieure au projet. Pour apporter quelque chose d'un peu différent au son. Finalement, on a eu des tentatives de mix qui ne correspondaient pas du tout à ce qu'on recherchait. Clairement, pour une musique comme ça, ou il faut assister au mix de A à Z avec le gars, ou alors il faut le faire nous-mêmes. En tous cas, là, en l’occurrence, ça n'a pas fonctionné.

Est-ce que c'était juste pas la bonne personne ou est-ce que c'est quelque chose qui, au final, s'avère être trop personnel pour que ce soit fait par quelqu'un d'autre que vous-même ?
Manu : Peut-être que ça aurait très bien pu se passer si ça avait été quelqu'un d'autre et que je n'aurais pas le même avis là-dessus.
Gredin : On avait pas la même façon de travailler et on avait pas non plus les mêmes buts.
Manu : On est pas le seul groupe avec lequel il a eu des problèmes. Mais j'avoue que c'est difficile de donner trop de libertés à quelqu'un qui est extérieur au groupe. Sauf si c'est quelqu'un qui est vraiment intéressé par la musique, qui a quelque chose à lui apporter. Mais à quelqu'un qui fait ça comme un service, sans engagement personnel, j'aurais du mal à lui délaisser le travail à l'avenir.



Le groupe se qualifie comme metal cinématographique. Pourtant vous avez pour le moment réalisé plus de vidéos live que de clips scénarisés. Est-ce que c'est quelque chose de voulu ?
Manu : Non, c'est pas vraiment un choix. Le terme "metal cinématographique" c'est vraiment pour désigner la musique telle qu'on la conçoit ; une sorte de scénario musical, un film qui s'entend. Après, la part d'image a toujours eu une grande place chez nous. En tous cas au début. On l'a un peu délaissée sur Acid Mist où on n'avait pas intégré de vidéos en live comme pour la tournée du premier album pour des raisons essentiellement techniques. On voulait faire quelque chose qu'on n'avait pas encore les moyens de faire. Mais ça revient beaucoup à l'ordre du jour pour cet album-là. Et pour ce qui est des clips - hors clips live - on aimerait que ça reprenne une place centrale sur cet album. On cherche, en tous cas, à produire un maximum de clips plutôt scénarisés.
Gredin : On devrait en sortir un en Février normalement.
Manu : Plutôt Mars. Et normalement un deuxième clip avant l'été.

Est-ce qu'un quatrième album est en cours d'écriture ?
Manu : On a plusieurs projets. Dont un projet qui va venir prendre place, si tout se passe bien, entre le troisième et le quatrième album. C'est un projet qui nous tient à cœur depuis un moment mais qu'on a pas eu le temps de mener à terme jusqu'à présent. Ce sera du HYPNO5E mais avec une couleur vraiment différente qui précédera le quatrième album sur lequel on a déjà des idées. On a beaucoup de matières qu'on n'a pas utilisées sur le troisième album et on a aussi l'envie de ne plus espacer autant les sorties d'album comme on a pu le faire sur les deux précédents. En tous cas, ne pas attendre encore cinq ans pour sortir le quatrième. On n'est pas encore en composition mais on y pense déjà, oui.

Et ce projet à part entre les deux albums, ce sera aussi sous le nom d'Hypno5e ?
Manu : Oui, ce sera sous le nom d'HYPNO5E.

On arrive vers la fin de cette entrevue, merci pour le temps que vous nous avez consacré. Qu'est-ce que vous aimeriez qu'on vous souhaite pour la suite ?
Gredin : Une bonne tournée ! Parce que là on est vraiment en train de préparer ça bien. Ces jours-ci on se concentre vraiment sur le son pour le sculpter et en faire quelque chose de vraiment bien sur scène. La semaine prochaine on se concentre sur les images qu'il y aura sur scène. Normalement ce sera un gros show.
Manu : Oui, on souhaite pouvoir tourner sur cet album-là le plus de temps possible, pendant un an / un an et demi en visitant le maximum de villes. Et puis on espère que l'album trouvera écho chez les gens qui connaissent déjà HYPNO5E, mais aussi au-delà. On espère que cet album vous convaincra autant qu'Acid Mist avait convaincu les gens.


Le site officiel : www.hypno5e.com