Interview faite par ePo à Paris.

Si on résume la chose : le groupe s’est séparé en 2005, et en 2009, vous vous êtes reformés, cette année, vous avez sorti un nouvel album intitulé "Bel Air" et vous faites la première partie de la tournée de Scorpions en France. Comment cela est arrivé ?
Henning (guitare) : (rires) c’est arrivé comme un claquement de doigts ! En fait, c’est le bassiste qui un jour m’a appelé en me disant qu’il voulait reformer le groupe. Et je lui ai répondu "D’accord, bonne chance alors" (rires). Mais il a finalement réussi à nous réunir autour d’une table, et nous avons commencé à parler, de façon sensible, parce que c’était très délicat, et on a réussi à parler de choses qu’on avait pas abordées par le passé.

Ça veut dire quoi ? Que vous n’étiez plus potes ?
Non pas du tout, on l’était toujours ! Mais on était tous très occupés. Je bossais sur un projet avec Stefan et Dennis. Sandra bossait sur son album solo. Chacun suivait son petit bonhomme de chemin. C’est ce que tout le monde désirait, ça s’est imposé de la sorte en 2005, il fallait qu’on fasse une pause. Parce qu’on avait perdu la flamme d’être tous ensemble sur scène et de composer notre musique. Ça ne rimait plus à rien qu’on reste ensemble à ce moment. Bien que ce fut difficile tout de même. Puis donc, on a commencé à reparler du passé, à rejouer nos vieux morceaux, et ça nous a fait rire parce que c’était drôle de rejouer tous ces vieux trucs. On s’est rendu compte de toute l’énergie contenue dans ces morceaux. C’était Dennis qui avait eu l’idée de se reformer, et quand il a joué, il a cassé plusieurs baguettes (rires), au moins trois paires, parce qu’il s’était vraiment donné à fond.

Votre nouvel album, "Bel Air", est complètement différent de ce que vous avez fait par le passé.
Ah bon, tu penses vraiment ça ?

Oui je pense. Enfin, je dois avouer que je ne connais pas vraiment toute votre discographie. Pour moi, la chanson qui vous caractérise c’est "Open Your Eyes". Donc j’avais l’impression que votre musique tirait plus vers la fusion.
Oui, en effet, c’était ça pour notre premier album.

Donc je me demandais comment vous en étiez venus à une musique plus douce.
Je pense que ça s’est fait naturellement. Pour un groupe, il faut considérer la musique comme un voyage. Tu commences d’un point A et t’arrives à un point B, et il y a tout un tas de choses qui se passent entre ces deux points. Si tu écoutes notre album pour la première fois, tu te rends compte que ça n’a pas tant changé que ça. On a des tas de fans absolus qui ont aimé ce nouvel album, ceux qui nous suivent depuis des années même s’ils se plaignaient qu’il n’y ait pas de chansons comme "Open Your Eyes". Cela parce qu’on l’a fait. Donc on ne voit pas pourquoi on devrait refaire la même chose, les mêmes chansons. On ne veut pas être répétitif. On voulait, on se devait de faire quelque chose de nouveau. Et quand ces gens nous ont vus en live jouer les nouveaux morceaux, ils se sont rendus compte de leur énergie, que nos nouveaux morceaux étaient un tout. Parce qu’après tout, ça faisait 8 ans qu’on n’avait pas sorti d’album. On a fait cette transition naturellement, et c’est vrai que pour les fan, c’était peut-être difficile dans le sens où ils ne se sont pas rendus compte de ce qui s’était passé pendant ces 8 ans. C’est normal, ils s’étaient arrêtés à notre dernier album, et pour eux, c’était ça l’identité du groupe. Donc quand "Bel Air" est sorti, c’était comme un coup reçu dans la tête.

Donc tu penses tout de même que vos fan pouvaient s’attendre à un tel album ?
Non, je ne pense pas. C’est un peu égoïste de le dire, mais nous devions faire la musique pour nous avant de penser aux fans. On ne pouvait pas se poser et dire "Bon, alors, qu’est-ce que nos fans attendent ?".

Oui, tu as raison. Mais ce n’est pas ça que je voulais dire. Ce que j’entendais par ma question, c’était de savoir si les fans qui vous connaissent depuis le début pouvaient s’attendre à un tel changement, à une telle transition.
Ah, dans ce sens. Je dirais sûrement. Parce qu’ils se seraient rendus compte que le groupe était ouvert à tout, à de nouvelles influences. Tout pouvait arriver, on a fait des chansons en français, on a fait des reprises, avec des comédiens, des chansons drôles, des chansons plutôt tristes. Donc peut-être que oui, ils auraient pu s’attendre à un tel changement. Et les influences qu’on a eues pour cet album ne sont pas si éloignées de celles des précédents. On a tiré nos influences des diverses expériences qu’on a vécues.

Et donc, quelles sont ces nouvelles influences ? Quelle vision portes-tu sur votre évolution ?
Très bonne question. Et c’est un peu dure d’y répondre. Après notre séparation, Sandra s’est rendue à Berlin, elle a travaillé sur son album solo, où elle a dû tout faire toute seule. Puis elle a été largement influencée par la scène electro des années 80. L’esprit de Berlin. Stefan et moi, on bossait sur autre chose. Puis on s’est réuni, avec toutes nos expériences, tout ce qu’on avait vécu séparément, on a mis en commun toutes les idées qu’on avait. On les a comme posées à plat sur une table, choisissant celles qui nous plaisaient, jetant celles qui ne nous plaisaient pas, décidant d’en combiner d’autres ensemble etc. On voulait vraiment faire un album qui nous correspondait, un album qu’on aime écouter et réécouter. On l’a alors composé assez rapidement, et ce qui est marrant, c’est qu’une fois enregistré, on avait déjà des idées pour des autres morceaux pour un prochain album (rires). On a eu plein d’idées justement quand avec Sandra on a en fait la promotion. L’album est sorti en Avril, mais on l’avait fini en Janvier, donc ça laissait le temps de penser à d’autres arrangements.



Tu vas peut-être trouver mon raccourci stupide, mais justement, j’ai écouté le dernier Limp Bizkit, et j’avais vraiment l’impression d’être de nouveau en 1999.
(rires) Peut-être qu’en fait, ils ont fait ce que nous on n’a pas eu envie de faire. On n’a pas vraiment parlé du nouvel album et de la direction qu’on voulait qu’il prenne. On l’a juste composé, et les morceaux sont venus tels quels. Quand on a recommencé à répéter en 2009, on n’a pas du tout parlé de l’album, on voulait juste jouer les anciens morceaux, et on ne voulait pas les réarranger. On voulait juste faire de nouvelles chansons ensuite. On cherchait juste une nouvelle façon de faire des morceaux. Et je pense que c’est très important, parce que justement, ça montre qu’on a encore des choses à faire et à montre, musicalement parlant. L’alchimie marche toujours entre nous. Mais en résumé, on ne voulait vraiment pas refaire ce qu’on avait déjà fait. Et je pense par contre, que c’est exactement ce que Limp Bizkit a fait : recomposer les morceaux qui les ont fait connaître. Et je ne sais pas si c’est une bonne chose pour un groupe. Je ne pense pas que tu puisses mener une carrière à bien si tu n’évolues pas. Au bout d’un moment, il faut savoir être créatif et ne pas se reposer sur ses lauriers. Il faut aller de l’avant. D’ailleurs, tu sais s’ils sont en concert ? S’ils font une tournée pour la promotion du dernier album ?

Ah j’avoue que je n’en sais rien du tout. Je pense qu’ils devraient, mais je n’ai rien entendu dire.
C’est bizarre, parce qu’on a vu tant de reformations de groupes, comme RATM. Et Limp Bizkit, je pense qu’ils ont peur de se laisser aller à la créativité. Mais je pense qu’il faut vraiment faire un pas en avant, sinon ça ne sert à rien. Et je pense que justement, nous, on a été courageux de faire ce pas en avant. Et j’ai rencontré des gens qui nous ont connus par "Bel Air", qui ne connaissaient pas nos vieux morceaux, et qui du coup ont envie d’écouter ce qu’on faisait avant.

Sinon, aucun rapport, mais tu sais pourquoi vous avez été choisis pour faire la première partie de Scorpions en France ? Est-ce que c’est parce que vous êtes Allemands aussi ?
En fait, ils nous ont invités pour cette tournée. Notre manager a aussi travaillé avec le management de Scorpions, avec Sony, et donc on peut dire qu’on était des potes de label. Et un jour ils sont venus nous dire qu’ils avaient besoin d’une première partie pour la France, mais qu’ils voulaient essayer quelque chose de nouveau. Donc on a dit oui, pourquoi pas. On se connaissait de par des remises de prix ou des émissions qu’on avait faites ensemble, mais on n’était pas proches. Et je pense que ça a bien marché. Le public était vraiment sympa avec nous, on a eu un bon retour de nos concerts.

Et est-ce que jouer dans de grandes salles, c’était nouveau pour vous ?
Il y a quelques années, on avait fait la première partie de Creed aux Etats-Unis. Et on a donc joué dans des stades presque tous les soirs. Je ne vais pas dire qu’on était habitué à de grosses salles, mais juste qu’on l’avait déjà fait. Et on avait aussi joué dans de gros festivals. Mais en tout cas, jouer à Paris-Bercy hier était assez spécial. L’atmosphère était très différente de ce qu’on avait connu. Le public était impatient de voir Scorpions.

Est-ce que tu dirais que tu as de nouveaux buts avec le groupe ?
Hum, on n’a pas vraiment réfléchi à ça quand on a composé l’album. C’est triste de le dire, mais maintenant, faire des albums, c’est surtout pour promouvoir nos concerts. La musique a évolué, il y a le téléchargement, on préfère que les gens viennent nous voir en concert. Bien sûr, s’ils aiment notre musique, ils vont acheter ce qu’on fait, mais on table vraiment tout sur les concerts. La musique maintenant n’est plus la même qu’il y a 15 ans. Et malgré ce changement, tu ne peux pas télécharger une ambiance, une émotion, ce que tu as vécu lors d’un concert. Tu ne peux pas télécharger tes frissons. Donc les gens veulent aller au concert et veulent passer du temps avec nous. Et on aime beaucoup, c’est pour ça qu’on essaye de jouer partout à travers le monde.

Et où allez-vous jouer ensuite ?
Il me semble qu’on a commencé par l’Espagne, on va ensuite aller en Italie, Allemangne, Portugal, Luxembourg, Pays-Bas, et France encore.

Juste l’Europe ?
Oui, on n’a pas encore pensé à d’autres dates ailleurs pour l’instant. On a beaucoup de choses à faire en Europe, donc on n’a pas pensé à ça. Même si on a envie d’aller jouer ailleurs qu’en Europe. Ça nous est arrivé une fois d’aller en Russie, à Novossibirsk, c’était exceptionnel. Tu es là, à plus de 5000km de ton pays, et le public connaît tes chansons par cœur, t’en viens à te demander comment c’est possible. En plus, y avait presque 2 000 personnes ! C’était incroyable.

Quelque chose à rajouter ?
Je vais juste dire qu’on a eu 10 jours fantastique pendant cette tournée Française, et qu’on va sûrement revenir. Et "Merci".


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