Interview faite par Matthieu à la Machine Du Moulin Rouge à Paris.

Enchanté Sami ! Ensiferum est l’un des plus célèbres groupes au monde, mais comment le décrirais-tu aux nouveaux venus dans le monde du metal ?
Sami Hinkka (basse / chant) : Je dirais qu’ENSIFERUM c’est… tout vient des mélodies qui sont influencées par la musique folklorique nordique, et aussi peut-être irlandaise. Quand on combine ça à la puissance du metal, c’est ce qu’on obtient. Mais d’un autre côté, ENSIFERUM c’est aussi du folk expérimental. Il peut y avoir quelques surprises qui arrivent d’un coup. Je dirais que personnellement j’aime notre musique, mais je pense que j’ai simplement cette ouverture d’esprit musicale. Pas comme sur du hardcore, là je dirais “Ok, mais...” (rires). C’est de la bonne musique.

Ensiferum vient juste de sortir son septième album, comment tu te sens à propos de cette sortie ? Est-ce qu’il y avait un peu de stress ou d’angoisse ?
Non, je me sens très bien, on est fiers de l’album. On aime la manière dont il sonne. On l’a enregistré autant que possible en analogique. C’est naturel, et tout le monde aime ça alors… Ce n’est pas un culte ou une religion, on ne vous force pas à faire quelque chose. Je l’aime beaucoup, on a eu un excellent retour, il semble super bien marcher à travers le monde. En Allemagne, on est dans le Top 10, c’est fou pour du metal. Il n’y a pas beaucoup de groupes de metal qui l’ont fait. Les retours étaient cool, mais le meilleur des retours c’est quand tu le joues sur scène, que les gens s’amusent, et qu’ils brandissent leurs poings en l’air. Ils passent un bon moment, ils chantent dessus… C’est le meilleur retour que tu puisses avoir.

Vous avez décidé de faire de Netta Skog un membre à part entière du groupe l’an passé, mais comment le processus de création musical fonctionne avec elle ?
Ca se fait vraiment naturellement. Elle est avec nous depuis quelques années en tant que membre de tournée, parce que notre ancienne claviériste avait des soucis d’emploi du temps, alors elle a préféré arrêter le groupe parce qu’elle n’était pas tout le temps disponible. C’était vraiment naturel de faire équipe avec Netta et on la connaît depuis 2009 en tournée, elle était avec son ancien groupe Turisas. Donc c’était assez naturel de lui demander si elle voulait être membre à plein temps, et bien entendu ça demande plus d’engagement que juste se pointer aux concerts, et on était contents de bosser avec elle sur les nouveaux titres. C’est un chemin continu. Elle a apporté ses propres idées, même si c’était juste fun, on continue à bosser dessus ! C’est une musicienne très talentueuse, qui a joué pas mal de styles de musique. Donc c’est un bon avantage quand tu connais des styles différents. Tu peux t’en inspirer.

Tu peux être ouvert d’esprit.
Exactement ! C’est ce que je voulais vraiment en l’”exploitant” (rires). Professionnellement parlant évidemment (rires). Elle sait comment apporter ses idées, les expliquer, elle a beaucoup bossé sur le nouvel album, donc je suis assez fier de bosser avec elle.

Il y a plus de voix claire sur le dernier album, "Two Paths". Tu as ressenti un changement entre cet album et ton premier avec le groupe ?
Personnellement je ne trouve pas… Il y a toujours du chant saturé, parce qu’on est un groupe de metal, donc… Mais il y a toujours un peu de voix claire, du chant féminin depuis le premier album, on a toujours voulu de la diversité au niveau de la section vocale. Ca dépend de la chanson. Quand tu écoutes le titre entier, tu sais quel type de chant est le meilleur pour ce titre, et pour cet album, comme sur "Feast With Valkyries", j’ai dit “Il faut que ce soit Netta”. On parle des valkyries, donc ce serait un peu bizarre qu’il y ait une voix masculine. Ce que j’essaye de dire, c’est que c’est un titre très rock, presque… je ne dirais pas pop, mais… Il y a des flûtes pop-rock dans la composition, alors on s’est dit “Il faut absolument que ce soit un chant clair là dessus”. C’était aussi un peu plus punk. Donc c’est naturel de mettre pas mal de styles de chant différents. Ce n’était pas notre intention de créer trois titres avec du chant clair, mais c’était plutôt fun en studio ! Ce n’était pas calculé ou autre. On a enregistré le chant clair et après on s’est dit “Eh, pourquoi pas des cris ? Tu veux essayer juste pour le fun ?”, et on a fait… deux prises et le titre était fait. Et ça marche. On ne voulait pas les sortir en tant que titres bonus juste pour le Japon, ou sur une édition limitée… Parce que personne ne pourrait les entendre, alors on s’est dit “On va en faire des versions alternatives !” et c’est ce qu’on a fait. Et c’est vraiment sympa ! Un bon service client !

C’est la quatrième année que je vais en festival, et j’ai remarqué qu’il y a de plus en plus de gens aux concerts de metal folk ou pagan. As-tu une explication, en tant que membre d’un groupe de folk ?
Eh bien… Les gens ont de bons goûts musicaux (rires) !



C’est la meilleure explication !
Je dois dire que c’est très drôle parce que quand on a commencé à tourner en tant que groupe de folk, on regardait l’itinéraire, parce que même maintenant nous n’avons pas notre mot à dire à propos des tournées, tout est fait par des agences de tourneurs. Il n’y avait jamais de concerts en France, on se disait “C’est un putain de grand pays, pourquoi on y joue pas ?” Et tout le monde nous disait toujours “Non, c’est pas un pays pour le metal, personne ne va en France…”. On les croyait, parce qu’on ne savait pas vraiment où on jouait. Et ensuite on a visité et joué à Paris, et c’était vraiment fou ! On s’est dit “On a attendu toutes ces années…”. On aime vraiment tourner en France. On y mange bien, les femmes sont superbes, et on s’éclate ! Et il fait plus chaud qu’en Finlande (rires).

Qu’est ce que tu penses de la foule ? Parce que pour moi, c’est une énorme fête avec des amateurs de vikings.
C’est ce que j’aime dans cette salle. J’aime vraiment les salles de cette taille. Pas trop grosses, pas trop petites. L’interaction est très importante, j’aime interagir, partager quelque chose avec le public. Ce n’est pas simplement le groupe, c’est aussi la foule. Tous ensemble. Ca sonne très hippie mais… (rires) ! On crée tous la soirée.

Comme une sorte de connexion ?
Ouais, exactement ! Tout le monde a son rôle à jouer, donc j’aime vraiment les gros festivals comme le Hellfest ! J’aime jouer la bas, il y a des tas de personnes qui chantent et s’amusent, mais les gens sont aussi loin. Donc j’aime les salles comme celle de ce soir, tu peux presque voir le visage de tout le monde. Personnellement, je préfère ce type de concerts.

Tu es plutôt accro au travail, ou plutôt travailleur à horaires réguliers ?
Tu ne peux pas savoir. Ca peut être… c’est vraiment rare d’aller en répèt' en se disant “Allez, fais quelque chose !”, tu dois garder tes idées brutes en tête. Ca peut arriver n’importe quand. Sur le nouvel album, on a cette chanson, "King Of Storms". L’idée de base est arrivée en coulisses d’un festival. J’avais une guitare, j’improvisais quelque chose, je jammais. Et je me suis dis “Ouais, elle est sympa cette mélodie…” alors j’ai pris mon téléphone et je l’ai enregistrée. Elle était bien plus lente mais l’idée était la. Ensuite j’en ai fais une démo, je l’ai envoyée aux autres, ils l’ont aimée et c’est notre batteur qui a suggéré de l’accélérer, et c’est un peu le titre le plus rapide de l’album. Peut-être que je détruis des illusions, mais c’est vrai, c’est comme ça que ça se passe. Je bossais, c’était en… 2006… la mélodie du refrain de notre chanson "Victory Song" a été inventée dans la cour d’un jardin d’enfants. J’étais là, je regardais les enfants jouer et d’un coup “Putain, c’est une bonne mélodie !”. Je n’avais pas de smartphone, j’avais ma guitare, j’ai dis à mes collègues “Je dois aller à l’intérieur !”, alors je l’ai jouée dix fois parce que je devais m’en rappeler jusqu’à ce que je rentre à la maison, je l’ai fredonnée toute la journée et je l’ai enfin écrite sur mon ordinateur ! Tu ne peux pas savoir. C’est comme ça que je fonctionne pas mal. Si tu fredonnes simplement des mélodies, ça peut marcher ! J’improvise toujours quelque chose (rires).

Quelle est ton souvenir de tournée le plus drôle ?
Oh mon dieu… Il y en a pas mal que je ne peux pas raconter (rires) ! Il y a d’autres personnes qui sont impliquées dedans, alors… (rires) J’ai besoin de leur accord pour raconter ces histoires ! Il y en a une que je pourrais dire, on était en jour de repos, et tu sais que tu dois jouer le lendemain, alors on a eu notre temps où on buvait pas mal en tournée, mais on a plus dix-huit ans, et on doit être respectueux avec nos fans quand on monte sur scène. Tu ne peux pas avoir la gueule de bois et te donner à 100% sur scène, au niveau de l’interaction, au niveau de la musique. Je n’ai pas besoin d’alcool pour ça, je peux boire après le concert. Donc, sur une tournée plus longue, on avait des jours de repos, on pouvait boire un peu pendant ce temps. Mais bon, une histoire drôle… Qu’est-ce que je pourrais raconter ? On va dire que la plupart contiennent des gens nus alors… il vaudrait mieux que je n’en dise pas trop (rires) ! On aime être nus à côté des autres (rires) !

Quelle est ta principale inspiration, à la fois pour la musique et les paroles ?
Pour les paroles, c’est la vie. Toutes les paroles ont pour un un sens plus profond. Personnel ou… Toutes les paroles ne sont pas reliées à ma vie, ça peut être quelqu’un de proche, ou quelque chose que je lis dans le journal, ou autre. Quelque part, il y a un sens plus profond dans les paroles. Je lis beaucoup, j’aime les films, je pense qu’un peu de sous-culture peut apporter des idées. Pour la musique… je sais que Markus (Toivonen, le guitariste) aimes la musique folklorique. D’habitude, quand on va dans un autre pays, il achète des CDs de musique folklorique locale. J’admire vraiment cela. Personnellement c’est difficile à dire. Je suis un énorme fan d’Iron Maiden, et aussi Dark Tranquillity, Amorphis, mais d’un autre côté j’aime des groupes comme Prodigy et Björk, j’aime le vieux jazz.

Tu es vraiment ouvert d’esprit.
Oui, je pense que c’est important pour un musicien d’écouter pas mal de styles différents, pour apprécier tout type de musique. Quand j’étais adolescent, je jouais dans plein de groupes, ça pouvait être du metal, ça pouvait aussi être du funk, de la pop, de la pop finlandaise… J’avais même un groupe qui jouait des trucs down tempo chillout, on jouait dans des rave party et des après concerts, on jouait jusqu’à… 4 heures du matin ! Il y avait des trucs intéressants mais… Pas en continu. C’était une très bonne leçon pour moi, j’ai vraiment commencé à apprécier des choses très minimalistes dans la musique. Je suis vraiment reconnaissant d’avoir été capable de jouer avec des personnes aussi géniales. Bien sûr, ça demandait pas mal d’énergie et de temps, mais maintenant je suis toujours ouvert d’esprit sur tous types de projets. En tant que groupe, ça peut être vraiment difficile mais… sur cette tournée on a commencé un groupe de power avec notre technicien guitare. On va… en faire quelques fois.

Est-ce que tu préfères un solo épique ou plutôt une rythmique lourde ?
Ca dépend de la chanson. Mais je pense vraiment qu’avec ce que j’ai écouté dernièrement… je dirais le truc lourd. Des riffs lourds. Mais tu as besoin des deux.

Quel est la première chanson de metal que tu aies écoutée ?
Ca dépend de ce que tu appelles metal. Parce que j’ai deux grands frères, et ils m’ont initié au heavy metal très tôt, donc je ne me souviens pas quel a été le premier entre AC/DC, Black Sabbath, Iron Maiden... C’était quand j’étais enfant, alors… C’était bien avant quand j’avais… environ cinq ans. Black Sabbath est le meilleur groupe au monde. Et "Iron Man" est le premier album que j’ai appris à jouer à la basse. le deuxième c’était "Comfortably Numb" de Pink Floyd, puis "Stairway To Heaven" de Led Zeppelin.



Pourquoi as-tu choisi de jouer du metal en tant que professionnel ?
Je ne l’ai pas choisi. Je n’en ai jamais parlé. J’ai toujours su que la musique faisait partie de ma vie, de ma vie de famille, mais… Mon grand frère est guitariste, il m’a appris à jouer, et quand je le voyais jouer enfant, je me disais “Waaaaaah, c’est vraiment génial !”, on joue un peu des fois. Et ça n’a jamais été une décision d’être professionnel, je me souviens quand je jouais avec mon ancien groupe… On enregistrait des démos, on faisait quelques concerts et tout… Je me disais que mon but dans la vie c’était d’enregistrer un album dans un vrai studio. Et je voulais jouer un vrai show dans un vrai festival. On a joué dans des… sortes de foires, devant un dizaine de personnes, c’était un début…! Le début ! C’était fun, on était contents, c’était le début d’un rêve qui devient réalité. Je ne me suis jamais dis “Je veux devenir musicien pro”. Je pense simplement que nous sommes vraiment chanceux d’avoir le privilège d’être dans cette situation. Parce qu’il y a des millions de groupes qui adoreraient être à notre place. Ce n’est pas juste de la musique. Ca peut sembler triste, mais il faut vraiment être au bon endroit au bon moment pour le faire. Et il te faut les bonnes personnes. De nos jours, internet est un bon outil, mais il y a encore des millions d’autres titres et tu as juste à cliquer pour l’écouter. Énormément de choix. Donc tu as besoin des bonnes personnes. Et dans ce groupe, il n’y a que des bonnes personnes. Mais actuellement, on a un très bon management, un très bon label, une équipe incroyable avec qui bosser, ce sont les mêmes depuis presque dix ans. Il te faut un bon équipement, de la bonne musique. Je n’ai aucune idée de quelle était ta question à la base (rires) mais il faut que tu t’amuses et c’est de la que tout commence, c’est cool de jouer, c’est cool de le faire entre potes, parce que si tu vas sur scène pour devenir une star… Personnellement Je pense que c’est une mauvaise manière de percevoir la musique. Ca doit venir naturellement.

Imagine que tu es manager de tournée et que tu peux choisir trois groupes avec qui partir en tournée, qui est-ce que tu choisirais ?
C’est dur (rires) ! J’ai un rêve, mais tu n’as pas dit que ça devait être réaliste alors… Je choisis Iron Maiden, et… en fait on a déjà tourné avec eux, mais Dark Tranquillity. C’est le groupe qui m’a fait aimer le chant saturé dans le metal. Avec leur premier album, celui-là et "Tales From Thousand Lakes" d’Amorphis. Et "The Gallery" est pour moi l’un des meilleurs albums jamais réalisés. C’est violent, mais aussi mélodique… L’équilibre parfait. Je ne l’aurais jamais cru mais j’ai acheté "Skydancer" pour un pote qui fais de la techno et qui est DJ, et… il devait faire une soirée, je lui ai filé et je lui ai dit “On a les cheveux longs, tu mets ça” (rires) ! Il a aimé et je ne l’aurais jamais cru si quelqu’un m’avait dit “Ouais, tu vas faire une tournée avec ces mecs un jour”, j’aurais répondu “"Skydancer" est un disque énorme ! C’est un gros groupe !”. On a fait une tournée de festivals avec Dark Tranquillity, on était totalement bourrés, je pense que c’était un jour de repos (rires), et le chanteur de Dark Tranquillity s’est endormi avec la tête sur mon épaule. Je me suis dis “Je vis un rêve !” (rires). Ils sont vraiment vraiment cool ces mecs.

Et le troisième groupe du coup ?
Hmm… Ulver.

Ils sont en tournée le mois prochain !
Vraiment ? Je vais regarder ça !

Dernière question : quel est ton dernier coup de coeur musical ? Des groupes à nous recommander ?
(rires) Je dirais… peut-être Ghost ! Je les connais d’avant qu’ils ne deviennent connus, et j’ai un peu lâché. Mais je les ai vu grossir, et j’y suis revenu.

Je te laisse les derniers mots !
Eh bien si tu n’as pas déjà écouté le dernier album, "Two Paths", fais-le, et si tu l’as déjà fait, merci de ton soutien ! On voudrait vraiment revenir au printemps ! En attendant, profite de la vie ! Ouais, c’est l’idée.


Le site officiel : www.ensiferum.com