Interview faite au téléphone par E.L.P

Salut Petri, et merci de nous avoir accordé ces quelques instants ! Avant toute chose, j’aimerais tous vous féliciter pour la récente annonce de votre entrée dans le hit parade finlandais ! Comment vous sentez-vous face à ces plus que brillants résultats pour ce meilleur lancement d’album de votre histoire ?
Petri Lindroos (chant / guitare) : Salut à toi et à tous vos lecteurs ! C’est effectivement le cas, oui, en première position d’ailleurs ! Nous ne pouvions rêver mieux pour une première entrée dans les classements musicaux par chez nous alors nous ne saurions être plus reconnaissants ! Nous étions avant tout très surpris en apprenant la nouvelle, d’autant qu’un grand groupe finlandais des années 90, avec bien plus d’expérience que nous, avait sorti son album de retour la même semaine que "One Man Army". Nous sortions de scène au moment où nous avons appris notre classement, donc nous n’avons nullement caché notre joie ou notre fierté ! (rires) Nous pouvons au moins en profiter pendant quelques jours et garder la tête dans les nuages avant que les prochains classements ne tombent ! (rires) Quoi qu’il en soit c’est vraiment un gros événement pour nous et nous en profitons au maximum...

Exactement ! (rires) En tout cas c’est définitivement mérité ! Bravo ! Pour rentrer un peu plus dans le contenu de ce nouvel opus, à présent. J’ai lu que vous aviez opté pour un mode d’enregistrement quasi intégralement analogique. Que pourrais-tu nous dire à ce sujet ? Était-ce une étape particulière à franchir pour vous en terme de travail ou de routine de composition / enregistrement ?
Oui, tout à fait, la quasi totalité de l’album a été enregistrée en analogique. Pour ce qui est de l’impact que ce choix a pu avoir, je dirais que ça n’a aucunement touché nos habitudes de composition, mais ça a clairement changé notre vision du travail à l’heure où tout se numérise chaque jour un peu plus... Nous avons appris à découvrir l’analogique. Ça nous a pris plus de temps, c’est vrai, mais le résultat est tellement plus fin et agressif à la fois tout en restant très détaillé que ça en valait la peine. Cette méthode a tellement plus de choses à offrir aussi bien aux musiciens qu’aux fans.

Plus d’intensité ?
Exactement ! Notre producteur, Anssi Kippo voulait aussi rendre le son plus humain, en restituer les nuances et les émotions, et ce mode d’enregistrement rend, par exemple, les parties de guitares plus fluides et naturelles, pour ne parler que de mes lignes.

Vous cherchiez donc une sensation plus organique ?
C’est précisément le mot que je cherchais, oui, voilà : organique ! (rires)

Cette volonté et cette recherche d’un son plus naturel vous a poussés, une fois encore, à utiliser des instruments traditionnels et folkloriques. Qu’espériez-vous "toucher" sur cet album, au travers de ces choix mélodiques et instrumentaux ?
Il n’y a, à vrai dire, pas eu de réelle nouveauté dans le choix de nos sonorités folkloriques, mais puisque c’est une composante essentielle de notre univers, il fallait à tout prix qu’elles puissent s’exprimer. Nous aimons beaucoup chacun de leurs sons, alors ça n’a pas été difficile de leur trouver leur place pour créer différentes ambiances ! Je ne pense pas que nous nous en séparions un jour, ils nous apportent vraiment une grande partie du dynamisme dont nous avons besoin, même s’ils ont été un peu plus mis en retrait sur cet album, ils aident à le faire vivre...

Il est vrai que ce ne sont pas les éléments les plus marquants de prime abord. Pour cela, il y a, dans votre évolution musicale, une toute nouvelle mise en avant des rythmiques, et notamment de vos lignes de batterie !
Oui, c’est ça, la définition rythmique de cet album est bien plus appuyée. Voilà encore un des avantages de l’enregistrement analogique, puisque la batterie de Janne n’a aucun effet. Pas de sample ni de trigger. C’était précisément la partie sur laquelle nous voulions porter le plus de soin, afin d’éviter de tomber dans les écueils des productions modernes faisant souvent sonner la batterie d’une façon très artificielle, d’autant que nous avons la chance de compter un batteur extrêmement talentueux parmi nous ! Il fallait qu’il puisse s’exprimer sans contraintes, de la façon la plus naturelle possible ! Nous avons d’ailleurs pris un peu plus d’une journée complète pour chercher et trouver le son que la batterie aurait ! (rires) C’est beaucoup de travail mais le résultat en vaut vraiment la peine !



Il faut bien admettre que des titres comme "Cry For The Earth Bounds" ou "One Man Army" sont clairement à la hauteur avec cet aspect plus incisif et groovy ! Parlons maintenant un petit peu plus de votre pochette et de votre éternel avatar guerrier. Occupe-t-il une place particulière, au-delà d’être une simple figure, dans votre histoire et dans cet album ?
Ça tombe bien, j’ai justement le CD à portée de main, alors, nous allons pouvoir regarder la pochette ! (rires) Alors, oui, le premier élément à remarquer, c’est que, sur cet opus, notre homme est passé à l’arrière-plan, il n’est plus au front mais prend plus la forme d’un Dieu, veillant sur notre guerrier. Beaucoup de choses ont changé avec cet album, entre le label et le reste. Il nous fallait donc prendre un nouveau départ, et sa figure métaphorique de protecteur compte beaucoup en ce sens !

Votre son a toujours été basé sur cette culture nordique, prenant appui sur son histoire et ses mythes. Pourquoi avoir décidé de prolonger, une fois encore, cette imagerie guerrière qui a toujours été la vôtre plutôt que de plonger dans des eaux plus mythologiques (différentes références plus cultuelles, le panthéon... etc) ?
Je pense que ce serait plus une question à poser à notre bassiste, qui est à l’origine des paroles de nos morceaux. Mais je pense que c’est avant tout pour faire référence à toutes ces petites (ou non) batailles que nous devons tous livrer au quotidien... D’ailleurs, si l’on observe le monde qui nous entoure on peut clairement constater qu’il n’y a pas tant de paix que ça en ce moment ! La guerre est un sujet principal de réflexion, elle a toujours été plus ou moins présente dans notre Histoire et dans les faits. Il y a cette raison mais également le fait que nous voulions revenir et frapper plus fort que jamais! Il était temps pour nous de monter au créneau puisque nous avons peut-être été un peu trop sur la réserve durant les 2 dernières années. Quand on doit se réveiller de la sorte, il faut déclarer la guerre !

Et, quelque part, vous mettre en danger ?
Voilà ! (rires) Être sur scène avec un groupe et sortir un album sont, en soi, de gros risques, beaucoup de questionnements une fois que le produit est fin prêt... Se demander si les intentions seront claires, si le public sera au rendez-vous, tous ces éléments sont assez délicats à gérer également. Pour l’instant, tout se passe merveilleusement bien, mais nous allons nous battre pour que ça continue !

Quoi qu’il en soit, vous avez de quoi mener un beau combat, c’est certain ! Dans cette logique de prise de risque, vous avez décidé de nous revenir avec 2 morceaux bien particuliers se détachant du reste de vos sonorités habituelles : "Two Of Spades" et "Neito Pohjolan". Que pourrais-tu nous raconter à leur propos ?
Eh bien, nous allons peut-être commencer par "Two Of Spades" puisqu’elle est, disons plus accessible. Nous voulions mettre en forme une sorte de chanson à boire, il fallait qu’elle sente la bière ! (rires) Il y a quelques temps nous avions déjà fait "Twilight Tavern" ou encore "One More Magic Potion" et nous voulions renouveler l’expérience. J’imagine que tu te poses aussi quelques questions à propos de la partie disco ?

Oui, exactement, c’était très inattendu !
À vrai dire, la façon dont tout s’est passé était à la fois curieuse et géniale, et de voir à quel point les gens ont été réceptifs est véritablement une surprise ! Nous venions de terminer la composition globale du titre, mais il nous manquait un petit plus en milieu de morceau, un pont ou je ne sais quoi, et quelqu’un a lancé l’idée, pendant une répétion, de la disco ! (rires) Alors nous avons commencé à chercher des références disco 70’s et lorsque nous en sommes venus à bout, nous avions tellement pris de plaisir à les travailler en studio que nous étions presque prêts à composer un album entier ! (rires) Quant à "Neito Pohjolan", l’idée était de composer une musique traditionnelle de chez nous : un Humppa. C’est quelque chose de très populaire chez nous mais, les Suédois par exemple n’aiment pas vraiment ce genre ! (rires) Nous voulions également rendre un certain hommage à la carrière d’un artiste finlandais : Kari Tapio, une figure finlandaise très populaire, Markus est arrivé avec cette idée, et nous avons tous été emballés au point de la travailler et de l’intégrer à l’album.

Je ne suis certainement pas le premier à t’en parler, mais ça m’a beaucoup fait penser à la reprise de "Rasputin" par vos collègues de Turisas !
C’est vrai que l’on peut difficilement passer à côté de celle-ci ! (rires) Ce sont de très bons amis et nous n’avions pas pu nous empêcher de rire et de trouver l’idée de "Rasputin" vraiment sympa à l’époque, ça leur va très bien.

Peut-être aurons-nous la chance de vous entendre la jouer sur scène avec toujours le même entrain et, pourquoi pas, quelques petits artifices comme pour votre reprise de "Bamboleo" durant laquelle vous portiez, en 2013, des sombreros géants ! (rires)
Je ne sais pas si nous aurons ce genre d’"effets" si je puis dire (rires), mais en tout cas nous avons beaucoup réfléchi au rendu qu’elle pourrait avoir, d’autant que nous n’avons par exemple, volontairement pas mis de choeurs pour la laisser la plus expressive possible ! Et puis, tu sais, l’espace est tellement restreint en tournée que nous devons réfléchir au moindre accessoire, surtout pour des sombreros géants ! (rires)

Je suis sûr que vous allez nous trouver quelque chose de grandiose pour aller avec "Neito Pohjolan" ! (rires)
C’est fort possible oui, après, le fait d’être encore dans une forme de rodage de l’album ne permet pas autant de liberté que si nous l’avions dans les doigts depuis plusieurs mois. Nous sommes encore très excités et très concentrés lorsqu’il s’agit des nouvelles compositions, les petits papillons dans le ventre... etc donc ça prend quelque semaines pour être vraiment à l’aise et pouvoir enfin faire les choses les plus inattendues ! (rires) D’ici la tournée européenne nous serons prêts à 110% !

Nous parlions plus tôt, d’hommage et de reprise, et il se trouve que vous avez récemment sorti un EP : "Suomi Warmetal".
Alors, oui, cet EP est effectivement sorti, mais ce n’était pas exactement "notre" EP. Il a été édité par Legacy Magazine. Ils voulaient réaliser un dossier sur nous incluant une série de reprises, mais nous n’avions pas le temps de retourner en studio pour ça donc ils ont fini par mettre la main sur certaines reprises passées.

Ah, vraiment ? Je l’ignorais ! Et que pourrais-tu nous dire des choix des 4 titres ?
Alors, si ma mémoire est bonne, il y a un titre de Judas Priest avec "Breaking The Law", "Lady In Black" de Uriah Heep, "Wrathchild" d’Iron Maiden et... Je crois que j’ai oublié le dernier ! (rires)

Ah, vraiment ? Je l’ignorais ! "Warmetal" de Barathrum si je ne m’abuse !
Oui, voilà, c’est ça ! Certains des titres n’ont jamais été édités si ce n’est dans une édition japonaise ou alors des éditions spéciales par le passé comme "Wrathchild" enregistrée en même temps qu’"Unsung Heroes" ou "Warmetal" en bonus sur "One Man Army".

Était-ce un moyen de témoigner votre respect envers certains des groupes que vous appréciez particulièrement ?
Oui, surtout pour Iron Maiden ! Ils ont eu un impact sur nous dès nos débuts en 1995 ! Tout comme Judas Priest. Pour "Lady In Black", c’était vraiment très agréable de la retravailler pour lui donner des traits folkloriques.

Comme un défi ?
Tout à fait, ce n’est pas toujours simple d’arriver à ré-arranger et retravailler un morceau pour lui donner une nouvelle dimension tout en lui laissant sa nature propre, nous avons été très minutieux à ce sujet pour éviter de les dénaturer !

Tu as parlé de vos premiers pas, en 1995. Que de chemin parcouru depuis ! Comment vous sentez-vous, aujourd’hui, face a une telle reconnaissance entre vos tournées, vos passages en tête d’affiche ou sur les principales scènes de gros festivals ?
C’est vraiment incroyable de se retourner et de mesurer tout le chemin parcouru ! L’année passée nous étions très concentrés sur l’album donc nous n’avons pas énormément tourné, mais nous avons vraiment hâte de retrouver notre public maintenant que tout est terminé ! Nous sommes très excités à l’idée de partager ces semaines avec nos amis d’Insomnium et d’Omnium Gatherum que nous connaissons depuis plus de 10 ans donc ça promet d’être incroyable !

La mafia finlandaise sur les routes !
Exact ! (rires) Une grande famille, une mafia ! (rires)



Quelle est, justement, la relation que vous entretenez avec vos fans ?
Nous essayons de garder une approche très personnelle de la chose, assez old school finalement. Nous essayons de rester les plus transparents et proches possibles, c’est très important pour un groupe ou plus simplement, en tant qu’être humain, même si nous ne sommes pas forcément très à l’aise avec Facebook et tous ces réseaux modernes ! Ce contact est extrêmement gratifiant lorsque nous sommes en concert. Pouvoir sortir un peu de cette "bulle" et nous faire du bien en échangeant directement avec le public, face à face !

C’est ce que j’ai pu constater après votre passage à Jarny pour lequel vous avez été très attentifs pendant et après, vis à vis des fans et, dans mon cas, des photographes en remerciant nos présences et travaux !
C’est la moindre des choses, il faut avant tout rester humains !

Pour en revenir à l’album, à présent, nous parlions tout à l’heure de renouvellement et de réaffirmation de votre son. Quelles idées aviez-vous suivies pour les voix, en plus du travail rythmique, aussi bien pour la tienne que pour les choeurs ?
Tout va surtout dépendre du thème, des paroles de ce que je vais chanter.

Pour "Axe Of Judgement" par exemple ?
Ah ! Celle-ci ! Alors, pour le coup, le thème impose d’être très énergique, plus cru et dynamique, puisque l’on ne peut pas parler de guerre en étant mièvre... Notre producteur étant quelqu’un d'extrêmement exigent, il était prêt à nous botter le train si il n’était pas satisfait. J’ai passé beaucoup d’heures devant le micro à prendre et reprendre mes lignes pour que nous en soyons tous pleinement satisfaits. C’est le meilleur moyen d’avancer, son aide nous a été précieuse, nous avons tout donné !

110% ?
Oui, même 125% !

J’en jugerai à votre passage parisien ! (rires)
Oh mais tu verras ! (rires)

Vous avez beaucoup utilisé des choeurs sur cet album. Était-ce une idée que vous aviez gardé à l’esprit depuis "Unsung Heroes" ? Ou alors est-ce venu naturellement au fil de la composition ?
Je dirais que c’est venu pendant la composition. Tout va dépendre du dynamisme de ce que nous composons... Si les titres réclament des choeurs, alors ils en auront. C’est assez simple sur ce point en définitive, la question ne s’est pas posée. Nous les utilisons depuis maintenant 2 albums, et la personne qui prend en charge l’orchestration et l’enregistrement desdits choeurs s’est surpassée sur celui-ci !

Cette personne est-elle à l’origine de titres comme "Burden Of The Fallen" ?
Non, celle-ci est une idée de Markus. Il a certainement eu son rôle à jouer sur certaines orchestrations mais c’est avant tout celle de notre guitariste.

Ce morceau était-il destiné à suivre la ligne tracée par des titres comme "Tumman Virran Taa" ?
Oui, à peu de choses près. C’est une sorte d’interlude introduisant "Warrior Without A War". Elles ont la même structure mais n’ont pas la même émotion. Nous n’avons vraiment eu aucun droit sur ce titre, nous l’avons laissé à Markus qui a également pris le micro pour l’occasion et le reste s’est joué en studio. Il voulait rester proche de son idée, donc il faudra lui demander ce qu’il avait derrière la tête ! (rires)

Puisque nous en sommes à parler de Markus, pourrais-tu nous en dire un peu plus au sujet des rôles détenus par chacun dans la formation, puisque Sami et lui semblent occuper un place très importante aussi bien sur scène qu’au travers de vos morceaux ?
Tu sais, Markus est le seul membre d’origine à être encore actif au sein du groupe, c’est donc véritablement son projet, son bébé si je puis dire. À nous de l’aider à le défendre aussi bien sur scène qu’en studio désormais. Il soutient, protège et pousse le groupe de tout son être, sans lui, je doute qu’il y ait encore ENSIFERUM !

Vous semblez calibrés pour la scène, du moins bien plus que pour le studio. Votre énergie s’en ressent d’ailleurs au travers du charisme de Markus mais également de celui de Sami et du tien.
Nous sommes tellement reconnaissants de pouvoir nous exprimer sur scène, d’avoir la chance de jouer... C’est d’ailleurs la plus belle chose, à mes yeux, dans la musique: le partage ! Tout le reste n’est que stress, délais à respecter... etc. Ce n’est jamais évident de se retrouver sur la route à manquer de sommeil et à mal manger, mais une fois sur scène tout est oublié !

C’est vrai que ça doit être assez physique vu vos performances !
Si tu savais à quel point nous avons envie de nous doucher après chaque concert ! (rires)

Voilà, je crois que tout est dit ! Notre entrevue arrive à présent à son terme. Un grand merci à toi pour ce temps que tu m’as accordé, mais surtout, à vous tous pour avoir eu l’audace de faire renaître l’ancien Ensiferum ! J’ai vraiment pris du plaisir à vous redécouvrir avec tous ces petits "plus", vous semblez fin prêts à venir nous botter le train !
Et nous le ferons, tu peux en être sûr ! (rires)

Je te laisse maintenant la parole pour clore cette interview avec toute la sagesse qui te caractérise ! (rires)
Oh ! (rires) Mes chers français ! N’hésitez pas à acheter "One Man Army" ou à venir nous retrouver sur scène, que ce soit chez vous ou sur d’autres dates européennes ! Rendez-vous sur la route et merci à toi pour cette belle interview !

J’espère vous retrouver plus en forme que jamais pour défendre ce nouveau né !
Oh que oui ! (rires) Comme le disent nos amis de Turisas : "We will stand up and fight !" (Ndlr : "Stand Up And Fight" - Turisas) !


Le site officiel : www.ensiferum.com