Tout d’abord bonjour et bienvenue sur French Metal. Ravie de pouvoir m’entretenir avec vous pour ma première interview. Bien, commençons. Présentez-vous brièvement pour les lecteurs de French Metal qui ne vous connaitraient pas encore…
Anna (vielle à roue, chant, flûte) : Salut ! Je m’appelle Anna Murphy, je joue du hurdy gurdy et chante sur certains titres dans le groupe ELUVEITIE, créé par notre maître à penser Chrigel Glanzmann. En fait, tout est parti d’un simple projet studio qui n’était pas censé devenir un vrai groupe qui fait des concerts, des tournées etc. Après que la première production "Ven" (sortie en Octobre 2003) ait été vivement reçue par la scène et la presse, Chrigel et certains musiciens du line-up studio (parmi lesquels Meri et Sevan, notre ex-flûtiste) ont décidé de former un "vrai" groupe. Il y a eu pas mal de changements de line-up, je l’ai intégré après que "Spirit" soit sorti et je dirais que maintenant nous sommes plus ou moins stables. Depuis "Spirit", nous avons fait des tonnes de tournées, et sorti 3 autres albums dont un acoustique.

Votre nouvel album "Helvetios" sort le 10 Février prochain en Europe, deux ans après "Everything Remains (As It Never Was)". Quelles sont vos impressions à un mois de sa sortie, êtes vous satisfaits du résultat final ?
Oui ! Cet album a dépassé toutes nos espérances et nous en sommes tous très contents.

Parlez nous un peu de ce nouvel opus. Comment cela s’est il passé concernant son écriture et sa composition, comment vous êtes-vous répartis le travail, qui a fait quoi ? Qu’apporte-il de différent à la discographie du groupe ?
Eh bien, beaucoup de personnes nous imaginent assis en rond à écrire les chansons ensemble. Ce n’est pas le cas, ça ne fonctionnerait pas. Chrigel est le cerveau d’ELUVEITIE et l’auteur-compositeur principal qui fait à peu près tout. Sur "Helvetios", Ivo a commencé à devenir plus impliqué et a écrit lui-même deux ou trois titres et quelques uns avec Chrigel. Meri et moi nous occupons de certaines parties vocales, Chrigel nous envoie ensuite les structures basiques des morceaux et nous complétons son travail. Les riffs et les morceaux sur "Helvetios" sont en grande partie techniquement plus difficiles à jouer que notre répertoire passé, même si ça n’a pas été intentionnel. Nous avons vraiment évolué en tant que musiciens simplement en s‘entraînant sur ces nouveaux morceaux, ce qui nous a fait mal aux doigts !

"Helvetios" est un album-concept traitant de la Guerre des Gaules. Dites nous en plus à ce sujet… D’où vient cette idée d’un album conceptuel ? Pourquoi ce sujet en particulier ?
"Helvetios" raconte la chronique tourmentée de la Guerre des Gaules. Mais ce n’est pas juste un simple compte-rendu chronologique de cette terrible guerre, cet album raconte l’histoire du point de vue des Helvètes, une tribu celtique. Ce n’était pas une tâche facile, puisque l’histoire a été principalement écrite par ceux qui ont triomphé de la guerre, qui dans ce cas là était l’Empire Romain, Caius Julius Caesar pour être précise. La plupart de ce que nous savons sur la Guerre des Gaules de nos jours provient des transcriptions de César et il est évident que celles-ci ne transmettent pas l’entière vérité, cela a aussi été confirmé par les historiens. Son écriture sainte "De Bello Gallico" est en grande partie de la propagande politique à son avantage dans laquelle les maisons et familles défendant les Gaules sont devenues des "barbares belliqueux" et le génocide pur sur les tribus gauloises s’est transformé en "batailles glorieuses" combattues par les légions de César "héroïquement pour protéger le peuple Romain".
Donc comme tu peux le voir, ce n’est pas un engagement facile que de dépeindre la Guerre des Gaules telle que les Helvètes (Gaulois) l’auraient fait. Nous avons quand même essayé et collaboré avec des scientifiques pour contester l’historiographie et laisser les découvertes historiques et archéologiques nous influencer dans l’écriture de l’album. Mais nous avons également juste laissé de simples émotions et sentiments parler en imaginant ce à quoi cela aurait vraiment pu ressembler à l’époque.

J’ai eu la chance de pouvoir écouter l’album en avant-première. A la première écoute, je l’ai trouvé assez différent des précédents albums et notamment de "Spirit". La présence d’éléments folk et sonorités celtiques m’a semblée au prime abord moins importante par rapport à ce que vous aviez fait auparavant, principalement sur les morceaux acoustiques, j’ai même cru reconnaître quelques sonorités un peu "pop / rock" au titre "A Rose For Epona". Ne craignez-vous pas de risquer de trop vous éloigner de votre style originel, comme c’est parfois le cas pour certains groupes dont le style évolue de manière significative et différente au bout d’un certain temps ?
Les éléments folk ne sont, à notre avis, pas moins importants, le mixage est juste très différent. Ce que nous apprécions, c’est que les éléments folk ne sont pas aussi forts que ça dans cette production, cela donne un meilleur équilibre au son général. Mais c’est bien sûr toujours une question de goûts. Si l’on considère les nouveaux styles et éléments de notre musique ; On ne se soucie pas vraiment de ce que les gens peuvent penser puisqu’au final nous faisons juste ce que nous avons envie de faire. C’est la chose la plus importante quand on créé de l’art. Pour nous, "A Rose For Epona" n’est en fait pas si différente que ça de "Slania’s Song", mais pour certaines personnes, elle a l’air de l‘être. C’est la magie de la perception, si tout le monde pensait pareil, la vie ne serait pas intéressante ! Et ELUVEITIE n’est pas le genre de groupe à toujours sortir le même album, sinon nous nous appellerions AC/DC (ne me méprends pas, j’aime ce groupe, mais ils se doivent de toujours sonner de la même manière (rires)).

Suite aux deux premiers titres mis en écoute sur votre Facebook, "Meet The Enemy" et "A Rose For Epona", l’avis des fans semble plutôt mitigé quant à ce nouvel album, titres jugés par certains plutôt bons, et par d’autres décevants, s’éloignant de ce qui a fait la renommée d’Eluveitie. Finalement, après plusieurs écoutes de l’ensemble de l’album, je trouve que "Helvetios" se révèle en fait être vraiment un bon album, j’ai un intérêt tout particulier pour "A Rose For Epona", "Luxtos", "The Siege" ou "Helvetios". Que souhaitez-vous répondre aux critiques des fans quant à la direction de cet album, comme évoqué plus haut ?
Si les gens ne l’aiment pas, alors on ne peut rien y faire, c’est aussi simple que cela. Pourquoi devrions nous "expliquer" pourquoi les nouvelles chansons sonnent de cette manière là ? Nous les avons écrites et nous les aimons, il n’y a rien de plus. Nous n’écrivons pas de chansons en nous demandant ce que les gens vont penser et qui aimera ou n’aimera pas.

On peut y entendre de nombreux passages narratifs dès le premier morceau introductif. Dites nous en plus sur ce qu’ils racontent… Quelle est leur place sur cet album, en quoi sont-il importants ?
Tu veux parler de "Meet The Enemy" ? Cette chanson parle des Gaulois qui ont été attaqués par les légions Romaines peu après avoir émigrer et quitter leurs maisons. C’était plus ou moins le début de la Guerre des Gaules. La chanson est censée apporter, en plus de toute cette atmosphère, un sentiment haineux et agressif.

La voix narrative sur "Helvetios" est celle de Alexander "Sandy" Morton. Qui est-il, et comment avez-vous pensé à lui pour les passages narrés ? Ensuite, comment s’est passé la collaboration avec lui sur cet album, étiez-vous déjà en contact avec lui avant ?
C’est un acteur Ecossais. Nous recherchions quelqu’un pour narrer ces passages depuis assez longtemps et nous avons eu quelques candidatures, mais rien ne nous convenait jusqu’à ce qu’on l’entende lui. Il a joué dans le film "Valhalla Rising" et il a une voix incroyable. Et il est vraiment arrivé à transmettre le sentiment du texte qu‘il déclame, ce qui est le plus important.

Le titre "Luxtos" s’inspire fortement de la mélodie de la chanson traditionnelle Bretonne "La Jument De Michao" au même titre que "Inis Mona" sur "Slania" avec le "Tri Martolod". Expliquez-nous ces choix ; que représentent ces chansons traditionnelles pour vous ?
Chrigel voulait utiliser cette chanson depuis "Slania" mais ça n’allait tout simplement jamais ou n’accrochait pas. Depuis ce moment là, nous avons finalement réussi ! Nous avons choisi de travailler avec des chansons traditionnelles car elles vont bien avec le metal comme tu as pu l’entendre. Et puis ça sonne bien et ajoute énormément au sentiment d’authenticité que nous souhaitons délivrer à travers notre musique.

Anna, j’ai été surprise à l’écoute des titres "A Rose For Epona" et "The Siege", ta progression vocale est flagrante et impressionnante !! As-tu suivi un travail particulier sur ta voix pour en arriver à un tel résultat ou cela s’est-il fait naturellement ?
Merci beaucoup ! J’ai un peu travaillé avec ma mère (c’est une chanteuse d’opéra) et Andy Portmann, un coach vocal. Mais malheureusement, je n’avais pas assez de temps à cause de toutes ces tournées pour avoir un entraînement approprié. Je n’ai toujours pas encore de vraie technique, ce qui est très important, donc j’ai encore beaucoup de travail à faire sur ma voix. Mais je pense que quand j’aurais le temps, ce sera vraiment cool.

Vous passez énormément de temps sur les routes, plus qu’en studio, et tournez beaucoup. Quels rapports entretenez-vous avec la scène, et avec votre public aux quatre coins du globe ? Comment occupez-vous votre temps lorsque vous partez en tournée ?
En fait, nous sommes plus ou moins un groupe assez tranquille et ne nous socialisons pas tant que ça. En tournée, nous avons soit nos propres petits projets sur lequels nous travaillons (soit du travail ou par rapport à la musique), nous allons visiter les villes ou passons notre temps à nous reposer d’être ennuyés. Ca dépend toujours, mais la plupart d’entre nous ne nous ennuyons pas en tournée et essayons de créer un planning journalier personnel. Et bien sûr, nous nous concentrons pour faire de bons concerts ce qui est toute l’essence de faire des tournées (rires).

Une tournée est prévue pour soutenir la sortie de "Helvetios" je suppose. On ne vous a pas vus en France depuis la tournée de "Everything Remains" en 2010, hormis dans le cadre du Neckbreakers’ Ball Tour. Des dates prévues en France prochainement ? Des chances de vous voir sur certains festivals cette année ?
Je suis quasiment sûre que nous allons présenter "Helvetios" lors de concerts à nos fans Français ! Je ne sais juste pas vraiment encore quand, mais nous allons tourner presque toute l’année alors il est obligatoire que nous passions par la France.

Le 30 Décembre dernier a eu lieu le "Eluveitie & Friends" à Zurich, en Suisse, qui s’est d’ailleurs révélé être sold out. Racontez-nous comment est né ce festival : qui en a eu l’initiative, en quel honneur a-t-il été mis en place et pourquoi un festival à votre nom ? Les groupes partageant l’affiche avec vous sont-ils exclusivement constitués d’amis ?
C’était notre idée, et nous avons travaillé là-dessus avec notre manager. Nous avons simplement pensé que ce serait une super idée et il s’est avéré que ce fut un succès ! Alors nous envisageons de faire cela tous les ans maintenant. La plupart des groupes qui ont joué étaient de véritables amis à nous, bien sûr.

D’autres éditions du "Eluveitie & Friends" festival seraient donc envisageables à l’avenir…
Oui, certainement, nous sommes déjà en train de préparer le prochain actuellement.

L’album "Evocation I : The Arcane Dominion" est sorti en 2009. Le côté folk et acoustique de votre musique y est particulièrement mis en avant puisqu’aucun instrument électrique n’y est présent. Y a-t-il une suite de prévue à cet album ? Un "Evocation II" est-il en projet pour le groupe, dans la continuité de cet album totalement acoustique ?
Il y aura un "Evocation II", mais nous n’avons encore rien planifié ni commencé à l’écrire. Ce sera peut-être le prochain album, peut-être pas. Donc en ce qui concerne cet album, seul l‘avenir nous le dira.

Une dernière question avant de terminer cette interview. Eluveitie va bientôt fêter ses dix ans d’existence. Quel regard portez vous aujourd’hui sur l’ensemble de la carrière du groupe, quel bilan tirez-vous de ces dix dernières années ?
Nous avons sans doute fait trop de tournées, nous sommes tous brisés et nous sentons plus vieux que nous ne le sommes. (rires) Non, pour être honnête, je n’en ai aucune idée. Je ne pense pas au passé ou au futur, seulement à ce que nous faisons maintenant. Planifier chaque étape aussi bien qu‘évoquer celles du passé ne représente rien pour moi.

Merci de nous avoir consacré un peu de votre temps pour répondre à ces quelques questions. Je vous laisse le mot de la fin, si vous avez quelque chose à ajouter, ou souhaitez revenir sur un sujet non abordé ici, c’est à vous…
Merci pour cette interview ! Beau travail sachant que c’est ta première, j’ai passé un bon moment. A bientôt !

Le site officiel : www.eluveitie.ch