Interview faite par Byclown à Paris.

Salut Tony, il s’agit de ta première interview pour ce webzine. Tu es l’organisateur du PPM Fest, un des plus gros festivals indoor de metal qui se déroule à Mons en Belgique. Première chose, dis-moi quand, exactement, est né ce festival et pourquoi tu as eu envie de le créer. Je sais que c’est une vaste question mais n’hésite pas.
Tony : C’est venu bêtement en 2010 ou plutôt devrais-je dire en 2009 car j’avais découvert un groupe qui s’appelle Degem et donc je suis allé les voir jouer à Rome. Au fil de nos discussions je leur ai proposé de les faire jour en Belgique, dans une arrière petite salle, et de fil en aiguille ça a débouché  sur un festival avec Scorpions en tête d’affiche. Entre cette idée et le moment où j’ai monté le festival il s’est passé 8 mois.

Avant ce festival, avais-tu travaillé sur d’autres festivals de musique ?
Non mais je suis dans le milieu de la musique depuis très longtemps étant musicien moi-même. Ca a été donc plus facile pour monter ce festival, sachant ce que les musiciens veulent, comment ils aiment être traités, les choses à faire ou ne pas faire. Savoir également comment est composé une scène, le coût du matériel, la gestion de l’espace, etc… Mon passif de musicien m’a beaucoup aidé pour ne pas me planter lors de l’organisation de ce festival et je dois dire que, jusqu’alors, et depuis la première édition, on n’a pas eu de vrais gros soucis techniques, de gros retards à assumer etc… Tout a toujours été très très carré !

Ça doit être ton côté allemand il faut croire !
Oui c’est ça ! D’ailleurs pour la petite anecdote, je vais te raconter quelque chose qui s’est passé avec Scorpions la première année. Le manager du groupe m’avait déjà pas mal pris la tête et, 4 semaines avant la date du festival, alors que tout était carré, mis en place, avec le running order fini, il m’envoie un mail en me disant que le groupe ne voulait pas jouer après 22h30… Du coup, ayant déjà payé, je suis obligé de retourner tout le running order, en envoyant des mails à tous les groupes pour savoir s’ils étaient ok pour changer leur créneau horaire… Bref, le jour du concert arrivé, le plateau de Scorpions était libre 3 minutes exactement avant l’heure prévue. Ils ont donc voulu monter sur scène 3 minutes avant et j’ai pris un malin plaisir à les arrêter et à leur dire que "l’heure c’est l’heure, vous monterez dans 3 minutes".

La programmation de ce festival est-elle faite selon tes goûts perso ?
Nous ne sommes que deux à nous occuper de cette tâche : Greg et moi. Greg s’occupe plutôt des gros groupes et moi des découvertes. A mon sens, les groupes "découverte" de cette année sont Borralis et Persefone. Persefone c’est monstrueux et c’est peu connu, ça nous vient d’Andorre, lieu plus connu pour sa fiscalité avantageuse que pour ses groupes de metal. Dragonland aussi, groupe très rare !! Pour le fan de power metal, c’est le saint Graal ! Leur dernier concert remonte à 5 ou 6 ans, en Suède, et c’est justement un groupe suédois, c’est dire s'ils tournent plus du tout.

A ce propos, quels sont tes goûts musicaux ?
Moi je suis prog à mort !! Je crois que ça se ressent assez sur l’affiche ! Dragonland, Sunburst, Fates Warning, Borealis, Pagan’s Mind.

Il n’est donc pas impossible de voir un jour au PPM, Dream Theater.
Eux, ils sont prévus depuis longtemps ! Ce qui nous a empêché de le faire jusqu’à présent, c’est leur emploi du temps. En Avril, les groupes américains sont dans leurs tournées d’Amérique du Sud, et c’est vraiment trop cher et trop compliqué de les faire venir en France pour un one shot. On avait eu le même souci avec Airbourne qui, sur le principe était ok, financièrement parlant aussi, mais voilà, 18h00 d’avion pour un concert, ce n’était pas jouable pour eux.

Est-ce difficile, à l’heure actuelle, d’organiser un festival de musique ? Je parle au niveau de l’administratif, des autorisations, du budget, etc…
C’est de plus en plus compliqué parce que le gouvernement pond des lois tous les jours, surtout en Belgique, bien plus dur qu’en France, à cause des soucis politiques. Contrairement en France où le festival bénéficie de soutiens politiques, en Belgique ce n’est pas du tout le cas et tout notre argent provient de fonds privés. On a bien la loterie nationale qui nous soutient, mais c’est quasi rien par rapport au budget total ! On n’a même pas d’association qui nous soutient, on ne peut compter que sur nous-mêmes.

D’ailleurs, quel est l’aspect le plus contraignant dans l’organisation d’un festival ?
Le côté financier. Tout est payant et doit être sorti avant. C’est frustrant car lorsque tu veux faire un truc de nouveau, tu sais que tu vas aller dans le mur financièrement parlant. Faut déjà essayer de faire un truc carré, réaliste, qui tienne la route, que ce soit sur les cachets, la sono, l’infrastructure, etc… Il faut que tout rentre dans le budget.

Comme tu le sais certainement, en France, le Hellfest a été la cible de bon nombres d’associations anti-metal, catholiques extrémistes, de reportages télé calomnieux etc… En est-il de même en Belgique ou les gens sont-ils plus relax ?
Il est vrai qu’en Belgique, on n’a pas du tout ce genre de soucis, ce qui est dommage dans un sens car ça nous aurait fait de la promo gratuite (rires). Le seul réel souci qu’on a est le manque flagrant d’égard pour nous de la part de nos politiques. Les métalleux, les longs cheveux, ça intéresse personne chez nous. Apres, c’est la cinquième édition et force est de constater qu’on n'a jamais eu le moindre souci, pas la moindre bagarre, pas de bousculade... Les autorités, la police, se rendent compte que le métalleux est un mec discipliné, il ne pose pas de soucis. L’année dernière, à titre d’exemple, on a eu un petit souci de PC, et du coup, les gens ne pouvaient pas retirer leurs pass pendant 30 minutes. Résultat les gens ont fait des files d’attente d’eux-mêmes, les uns derrière les autres, et ont attendu que ça se passe sans protestations aucune. Tu vois des mecs qui ressemblent plus à des bêtes qu’autre chose, genre manteau en cuir, long cheveux, grosse barbe, des patchs, des bottes à clous, et en fait les gars sont sages, s'ils bousculent quelqu’un c’est tout de suite "Ah pardon, excusez-moi", c’est marrant et je suis pas sûr qu’il y ait ce même genre de discipline dans des festivals d’autres genres musicaux.



Depuis que ce festival existe, de combien a été la croissance de la fréquentation des festivaliers ?
Je dirais entre 20% et 30% de gens qui viennent en plus d’année en année. Apres c’est vrai qu’on a changé la formule car la première année c’était sur une journée et après on est passé sur la formule classique de 3 jours. Ce qui joue en notre faveur c’est d’abord le fait que tout se passe toujours bien, tout est carré, il n’y a pas de mauvaise surprise. Ensuite, on fait attention à la programmation, en programmant autant que possible, des groupes rares. Regarde In Extremo, ça fait 7 ans qu’ils ne sont pas venus jouer en Belgique ! Du coup maintenant les gens nous font confiance et ceux qui viennent une fois reprennent leur billet pour l’année d’après sans même connaitre la programmation car ils savent que ça va être bien. Avoir Epysode avec le line-up qui a enregistré l’album (au total 10 musiciens dont le chanteur de Evergrey) sur scène, c’est quasiment une première mondiale car c’est impossible pour les projets comme ça (exemple : Avantasia au dernier Hellfest). Pareil pour Dragonland.

Dans le même état d’esprit, combien de personnes travaillent sur le festival ? S’agit-il quasi exclusivement de bénévoles ?
Nous sommes 200 bénévoles, on n’a pas de salariés, plus les externes comme les ingé sons, la sécurité… La sécurité est peu présente au festival. Les gars sont là et ils attendent qu’on les appelle, ils ont plus un rôle préventif, genre "On est là, on vous fait pas chier, mais si il y a un souci on intervient" .On gère la plupart des choses, comme la billetterie et l’entrée au festival avec nos propres bénévoles. Je n’ai pas envie, quand j’arrive à un festival, qu’une espèce de molosse qui se la raconte à la Van Damme vienne me fouiller, je préfère que ce soit un "bête gars" comme moi, sympa et passionné de metal, qui veille à ce que je fasse ma petite vie tranquillement. Sur les forums, ce sont vraiment le genre de commentaires positifs qui transparaissent et c’est dans cette optique qu’on a envie de continuer.

Cette année, pas mal d’excellents groupes sont présents à l’affiche ! Quels sont ceux dont tu es le plus fier ?
Borealis et Sunburst. Sunburst c’est un groupe grec, personne n’en parle mais ils sont voués à percer !! Dragonland et In Extremo aussi.

Depuis 2010, quels sont ceux qui ont été les plus difficiles à faire venir ?
Quand tu as l’argent tu fais ce que tu veux, donc le souci ce n’est pas de les faire venir, c’est juste de les payer (rires).

Quels sont les groupes dont tu rêves pour ce festival ?
Maiden, ou Metallica, comme tout le monde en vérité, mais je ne pense pas que ça collerait avec l’ambiance du festival, car il faut que ça reste à taille humaine. Pour ce genre d’énorme groupe, il a déjà pas mal de festivals qui font ça très bien. Ou alors un Metallica non annoncé, genre "groupe surprise", ça serait fun. Cet année on a discuté pendant presque 3 mois avec un groupe assez exceptionnel qui s’appelle Kings Of Chaos. C’est un groupe dans lequel il y a Joe Elliot, de Def Leppard, tous les Guns And Roses, Slash y compris, mais sans Axel Rose, tu as Glenn Hugues… C’est LE groupe ! Ça ne s’est pas fait, question de calendrier, mais eux étaient partants et nous on avait les fonds.

Pour les années futures, à quoi peut-on s’attendre si augmentation de festivaliers il y a ? Penses-tu rester toujours au même endroit ou partir sur une structure plus grosse ou carrément faire un festival en plein air ?
L’open air ce n’est pas notre but. On compte déjà changer d’endroit car on a vraiment aucun soutien de la ville, c’est triste. On cherche une structure qui est un peu comme celle qu’on a, mais de là à agrandir la salle… Là déjà on a 10 000 m² donc tu peux mettre jusqu’à 15 ou 18 000 personnes. Sur la dernière édition nous étions à 15 000 personnes.

Donc vous n’êtes pas loin de la grosse foule…
Oui et non. Oui car, de la manière dont on gère la chose, on bouffe de la place. On a deux scènes l’une en face de l’autre (comme au Sonisphere) qui jouent en alternance, de fait, lors des changements de plateaux, il faut que les gens puissent se retourner et migrer vers l’autre scène qui va jouer, sans être impacté par le sound check du groupe qui jouera après. Apres on préfère faire un sold out, pour dire qu’on a réussi à le faire, sans forcément augmenter la contenance de la salle ou le prix du billet. Comme je t’ai dit précédemment, la plupart des gens qui viennent au festival reviennent l’année d’après donc on ne fait qu’augmenter d’année en année.

Quels sont tes coups de cœur musicaux du moment ?
Borealis ! Edjent, Eumeria, Leprous qui était prévu mais ils ont eu une confirmation au Japon et donc ils n’ont pas pu venir. C’est un petit groupe qui va devenir grand ! En France ce genre de groupe joue dans des salles de 400 personnes et encore on va dire que c’est bien… Je prends l’exemple d’Andromeda, avec qui j’ai joué il y a des années devant 50 personnes et là ils sont partis faire la tête d’affiche d’un festival au Vietnam devant 20 000 personnes ! L’Asie est très branchée prog, c’est curieux.

Raconte-moi ta plus grosse galère au PPM en tant qu’organisateur.
Scorpions, ce que je t’ai raconté avant. Très compliqué ! La chance se paye avec de l’argent. Scorpions m’a coûté autant en frais qu’en cachet. Le manager s’est dit "Tiens, celui-là il débarque, on va lui apprendre le métier", et bah, il m’a appris le métier c’est clair ! (rires)


Le site officiel : www.powerprogandmetal.com