Interview faite par mail par Davidnonoise

Salut Darkenhöld, commençons par la classique bio du groupe pour les lecteurs de French Metal.
Aldébaran (guitare / basse / claviers / choeurs) : DARKENHÖLD a été fondé en 2008 par moi-même et Cervantes lorsque j’ai quitté successivement Artefact (groupe de black mélodique qui a enregistré 3 albums) et Etheryäl, un projet doom / death qui s’est éteint après sa première démo. Aboth, qui est un ami et talentueux batteur dans Continuum (metal progressif), a ensuite rejoint le projet. Enfin Anthony et Aleevok sont arrivés pour compléter le line-up. Le but est de jouer un black atmosphérique et épique de la manière la plus authentique et originale possible, DARKENHÖLD évoque des temps anciens et fantasmagoriques, mais l’idée n’est en aucun cas de stagner dans un bête hommage à la scène black du milieu des années 90 !

"Castellum" poursuit votre lancée dans le style medieval black metal, c’est une suite logique à "Echoes From The Stone Keeper", quelles sont les différences notable entre ces deux album ?
Cervantes (chant) : De mon point de vue, "Castellum" est un album plus majestueux et guerrier que ne l’était "Echoes Fom The Stone Keepers", dont les ambiances travaillaient davantage des univers souterrains, sylvestres ou nocturne. En termes de chant, un changement net s’est opéré puisque les textes se partagent entre anglais et français. Nous avions déjà eu recours au français dans le cadre de notre reprise – seulement accessible "en ligne" à ce jour – du "For All Tid" de Dimmu Borgir, que j’avais adaptée dans notre langue. Mais cette fois-ci, tous les morceaux incluent du français, et ce n’est pas sans effet sur le rendu du chant.

Les deux albums "Echoes..." et "Castellum" ont deux ans d’écart, vous êtes-vous attelés à la compositions de "Castellum" juste après la sortie d’"Echoes..." ou avez-vous composé ce dernier album en peu de temps ?
Aldébaran : Pas vraiment, il faut savoir qu’une fois la composition d’un album achevée il reste tout le processus d’enregistrement, de mix et de sortie d’album. Cette période est souvent l’occasion de trouver de nouvelles idées, ce qui laisse finalement le temps pour préparer un nouvel album, sans compter certains riffs que j’ai ressortis de quelques vieux fonds de tiroirs ! De ce fait j’avais déjà des pistes de compos pour "Castellum" lors du mix d’"Echoes", ce qui a laissé suffisamment de marge et de temps pour peaufiner son successeur.

Le mix final du dernier album est un peu meilleur que celui du précédent, sans être toutefois diamétralement opposé, est ce que ça veut dire que Darkenhöld a trouvé le son qui lui correspondait ? Comment décrirais-tu ce "son" Darkenhöld justement ?
Cervantes : Nous avons passé beaucoup de temps à travailler le mix, assuré par notre bassiste Aleevok. C’était son premier véritable mix, et nous sommes fiers de son travail et de l’écoute qu’il a réservé à nos attentes en matière de relief sonore. Darkenhöld a toujours souhaité envelopper sa musique d’une atmosphère d’authenticité, de naturel, sans recours aux artifices clinquant et aux effets abusifs, et les choix que nous avons donc assumés s’inscrivent dans cette logique. Pour "Castellum", il était impératif que nous conservions cette signature déjà repérable sur "Echoes", mais nous avions aussi besoin de plus d’espace, d’amplitude, et d’une certaine robustesse épique. Aleevok est bassiste, on ne sera donc pas surpris de retrouver son instrument en bonne place dans le mix (même si les parties de basse ont été enregistrées par Aldébaran), ce qui constitue déjà une forme d’originalité dans notre style et apporte un cachet rond et plus complet à notre tableau sonore. Le son est donc assez solide de notre point de vue, sans jamais basculer dans la tentation de ces grosses productions qui en mettent plein la vue mais répondent à une forme de consensus sonique. Nous voulions à tout prix éviter de sonner comme n’importe quelle production moderne léchée, aseptisée, triggée, et nous pensons être arrivés à un équilibre intéressant entre puissance, clarté, authenticité et valorisation de tous les instruments.



L’univers du groupe est résolument médiéval, de quoi traitent les textes dans leur ensemble ? Et qui compose principalement ?
Cervantes : Aldébaran compose toute la musique du groupe, même s’il sait aussi se montrer réceptif à certaines suggestions. Par exemple, c’est moi qui lui ai proposé de développer le pont médiéval du morceau "Le Souffle Des Vieilles Pierres", qui était plus épuré à l’origine. Mais il garde la main au final sur la musique. En revanche, j’écris tous les textes et les lignes de chant, même si je sais également écouter les remarques d’Aldébaran s’il n’est pas satisfait de ce que je propose. Ce fut le cas pour "Castellum" : chacun des huit textes de ce disque évoque un ou plusieurs châteaux fort français, et les textes que j’avais rédigés présentaient une dimension historique assez marquée et précise, garnie de noms, dates, etc. Aldébaran craignait que l’esprit de DARKENHÖLD, nourri avant tout d’imaginaire et d’onirisme, ne se dilue quelque peu dans cette approche plus descriptive. J’ai donc retravaillé les textes à sa demande pour en offrir une lecture fantasmagorique plus étoffée et ouverte sur l’interprétation, donnant aux textes la forme de petits récits prenant appui sur la réalité pour mieux en proposer une visite "fantastique". "Le Castellas Du Moine Brigand" et "Le Souffle Des Vieilles Pierres" ont toutefois conservé leur forme d’origine : les châteaux concernés étant des lieux très connectés à l’histoire de DARKENHÖLD, et plus particulièrement celle d’Aldébaran et la mienne, il nous semblait pertinent de leur maintenir cette visibilité spécifique.

Comment se passe ce travail de composition ? Tout vient de l’imagination ou y a-t-il une documentation importante avant de sortir des idées de paroles ?
Cervantes : Au moment de rédiger les textes de "Castellum" j’avais déjà certains châteaux en tête, d’autres se sont imposés au fil de mes recherches. Je me suis pas mal documenté, m’imprégnant de récits, de mythes, de photos, afin d’évoquer des atmosphères et construire des scènes. Comme je le disais tantôt, j’ai travaillé à camoufler quelque peu l’Histoire dans mes textes, mais je souhaitais que les amateurs puissent aussi s’employer à dénicher les lieux à partir des descriptions et petits indices glissés ici ou là, même si les mots se sont imprégnés, forcément, de mon propre imaginaire. Après, il faut dire que nous avons tant de châteaux magnifiques en France que l’inspiration pouvait surgir de n’importe où…

Si je ne m’abusen vous avez des textes en français sur cet album ? Pourquoi ce choix ?
Cervantes : En réalité, chaque texte comporte de l’anglais et du français. Les deux premiers albums de DARKENHÖLD étaient intégralement chantés en anglais, mais la reprise de Dimmu Borgir sus-mentionnée m’avait déjà permis de me frotter avec plaisir à l’utilisation de ma langue maternelle. Aussi, quand j’ai fixé le concept de textes consacrés à des châteaux forts français, il m’a semblé évident de recourir au chant dans cette langue ! J’avais même proposé à Aldébaran de ne chanter qu’en français sur cet album, mais nous avons finalement opté pour un partage équitable entre les deux langues. Cela génère une dynamique un peu atypique, mais l’expérience m’a plu et m’a permis d’ouvrir un peu le champ des sonorités.

Quel est ton avis sur la scène black metal médiévale française en général ? Il semble que le black traditionnel ait laissé place au medieval black, non ?
Cervantes : Pour être honnête, je ne crois pas que le black dit "médiéval" soit si répandu que ça, nous nous sentons même assez franchement en minorité ! Il y a bien eu les tout débuts de Godkiller et de Seth dans les 90’s, et des groupes comme Aorlhac aujourd’hui… mais si je devais dégager une tendance, je dirais que le black metal en France se situe plus dans une veine assez traditionnelle, plus brutale et obscure que la nôtre, ou dans des productions modernes travaillant des atmosphères lancinantes et très sombres, voire dans ces groupes de black tirant du côté de l’expérimental ou du post-black. Le black metal mélodique, atmosphérique et médiéval du milieu des années 90’s demeure une composante essentielle de notre son, mais tu peux aussi y percevoir des influences issues du heavy metal voire de certaines musiques ambiantes ou folk, ce qui suffit largement à certains pour nous conspuer. Ce qui ne nous importe guère : nous jouons la musique que nous aimons, qu’elle soit à la mode ou pas, sans nous préoccuper des l’orthodoxie et des codes.

Restons sur la scène française avec les concerts, en avez-vous en vue actuellement ?
Cervantes : Nous nous activons actuellement pour planifier des dates : nous voulons présenter et défendre "Castellum" sur scène et faire découvrir DARKENHÖLD mais c’est une tâche bien compliquée. Pour l’instant, nous avons une date de prévue : fin Novembre à Lyon, en tête d’affiche d’une soirée dévolue au black atmosphérique, et quelques dates se profilent pour nous en 2015. Nous serions très honorés d’apparaître aussi à l’affiche de festivals, c’est un objectif pour nous désormais, et nous espérons que "Castellum" nous aidera à attirer l’attention !



Allez-vous soutenir "Castellum" avec une "vidéo maison" comme c’est un peu la mode actuellement, vu le prix d’une video pro ?
Cervantes : Nous y réfléchissons effectivement à l’idée de tourner une vidéo, mais il est si facile de se rater et de finir dans les tops désopilants des gros fails black ! Et comme tu le soulignes, il y a un investissement financier non négligeable à intégrer dans cette histoire… à nous de nous montrer malins ! Mais pourquoi pas ?

Those Opposed Records existe depuis 2006, peux-tu m’en dire plus sur ce label ?
Cervantes : Je ne me sens pas qualifié pour en parler, mais ce que nous pouvons dire, c’est que Noël, le boss, a montré un véritable intérêt pour "Castellum" après avoir déjà sorti "Echoes…", et il tenait réellement à le frapper du sceau de Tor. Nous apprécions son soutien !

D’après toi, qu’est-ce qu’Internet apporte concrètement au groupe ? Ne penses-tu pas, à part les vidéos live et les albums qu’on y trouve, que cela bloque les ventes de disques de Darkenhöld ?
Cervantes : Ah, tu amorces là une discussion qui a tendance à nous occuper des heures, au sein du groupe ! Je serais donc concis en essayant de ne pas trop m’adonner à la polémique, étant moi-même assez nostalgique d’une autre époque… Concrètement, Internet nous permet d’échanger avec plus de monde et nous a ouvert à certains horizons. Il est probable que cela nous permet de toucher certaines personnes qui, sinon, n’auraient jamais entendu parler de nous, et nous avons d’ailleurs des auditeurs qui nous suivent un peu partout dans le monde ! Et c’est un moyen pratique de tisser des liens de manière plus immédiate, avec parfois de belles surprises à la clé. Mais la culture de l’écoute expéditive de mps3 vite foutus à la poubelle, cette tendance au zapping et à la consommation d’un objet musical devenu un peu banalisé et désincarné, l’hyper-sollicitation des auditeurs qui peuvent s’y perdre, les facilités d’accès permises par le téléchargement illégal au risque d’une distanciation à la réalité financière de ce qu’implique un groupe en terme de sacrifices… voilà autant de sujets non exhaustifs qu’on ne peut traiter en quelques lignes, ni sans dialogue, et qui me semblent pourtant au cœur de notre "vie" de groupe dans le monde internet.

La suite proche pour le groupe, c’est quoi ?
Cervantes : Des concerts ! Défendre "Castellum" sur scène, être à l’affut d’éventuelles propositions en festival (espoir !)… et des interviews bien sûr ! Pour la suite musicale en termes de composition, tout ce que nous pouvons prévoir, c’est que le prochain DARKENHÖLD ne sera pas un "Castellum Part II". Nous allons continuer à développer le son du groupe, avec une garantie : le refus absolu de se conformer à toute idée de mode ou de consensus et l’importance de rester authentique et naturel dans la sculpture sonore.

A toi la conclusion en me dévoilant tout ce qui n’a pas été dit sur "Castellum" et merci !
Cervantes : Oh, il y a encore des choses à dire sur "Castellum"… nous invitons donc les auditeurs à venir nous en faire part en live ou sur notre page ! Nous espérons que "Castellum" plaira à tous ceux qui nous suivent et qu’il saura convaincre de nouveaux auditeurs de s’intéresser à DARKENHÖLD ! Nous te remercions pour ton interview et les questions intéressantes que tu nous as réservées, qui contribuent à cet effort, en espérant que les lecteurs auront apprécié ces quelques mots ! Hail French Metal !


Le site officiel : www.darkenhold.bandcamp.com