Interview faite par mail par Boris

Formé en 2007, Dagara sort en cette fin d'année leur premier album "La Route Du Chaos". Ambiances tribales sur fond de thrash / hardcore, les Parisiens, à chaque prestations déchaînent les foules de France et de... Russie. L'occasion pour French Metal d'en savoir plus sur ce premier album et les ambitions de ces enragés du bocal.

Comment est né Dagara ?

Jim (chant) : Comme pour beaucoup de groupes je suppose… Au départ nous étions juste une petite bande de pote rencontrée par annonce Internet. Nous vivions nos premiers moments musicaux ensemble, en groupe. N’ayant aucune expérience, j’avais justement la volonté de monter un groupe pour vraiment apprendre les différentes ficelles "du métier" et surtout pour éviter de me faire recaler en me ridiculisant à des auditions ! Nous n’avions pas d’ambition particulière à l’époque, même si pour ma part il y avait quand même le désir de créer et d’exprimer quelque chose. Nous nous contentions de quelques compos assez basiques, des reprises de Lofofora, de Metallica… Une fois par semaine. Et puis les choses ont évolué petit à petit. Au fur et à mesure du départ des uns et des autres, l’arrivée de Gaël à la basse, puis de Vivien à la batterie pour compléter le duo que je formais avec Kévin (guitare) à ce moment-là, ont amorcé la naissance de DAGARA. En quatre mois, je crois que nous avions composé pas loin de cinq morceaux. Suffisant pour jouer une demi-heure. Nous nous étions donc inscrits à un tremplin bien connu. Il a fallu trouver un nom au bébé dans l’urgence. Nous avions toute une liste de noms tous plus mauvais les uns que les autres ! Nous avons choisi le moins pire. Dagahra avec un H. Quand on a appris que c’était en fait le nom d’un monstre japonais, nous avons très vite enlevé ce H qui ne servait de toutes façons à rien… C’était à la fin de l’année 2007, DAGARA venait de naître et faisait ses premiers pas dans la foulée comme on dit.

Quelles étaient vos motivations de départ ? Vos ambitions ? Vos références ?
Jim : La motivation de départ, dès lors que le groupe s’est vraiment formé, a été d’enregistrer quelque chose pour avoir un support, et ainsi commencer à se faire les pieds sur la scène francilienne. Même si nous avions la volonté d’avancer le plus loin possible, nos ambitions restaient à la hauteur de notre niveau. Il fallait apprendre, apprendre, apprendre, et encore apprendre…
Gaël (basse) : En ce qui concerne nos références au départ, elles étaient surtout axées sur la scène metal française avec des groupes comme Gojira, Black Bomb Ä, Psykup, Lofofora… Mais des groupes comme Soulfly, Ill Niño, Hatesphere, ou encore Slipknot faisaient aussi office de grosses références pour nous.

Les changements de line-up qu’il y a eu au sein de Dagara ont-ils modifié votre orientation musicale ?
Alex (guitare) : Oui tout à fait, avec mon arrivée à la guitare après le tout premier EP du groupe, puis celle de Gwenn quelque mois plus tard, l’orientation musicale de DAGARA a beaucoup évolué. Nous avons apporté nos propres influences, qui sont désormais à l’origine du "son" que nous proposons aujourd’hui. L’arrivée de Camille à la batterie a également beaucoup apporté et réorienté positivement une bonne partie de la section rythmique du groupe dans la composition de "La Route Du Chaos".
Jim : L’intégration des percussions avec Max a aussi beaucoup réorienté notre univers musical. Il n’y a encore jamais eu le même line-up sur la composition des trois CD2. Je pense que lorsqu’on écoute successivement les deux EPs puis notre nouvel album l’évolution musicale est assez palpable… Comme le dit Alex, chaque musicien apporte ses propres influences et expériences, sa propre perception de la musique, sa propre technique, sa propre façon de composer… Ça joue forcément sur l’orientation musicale d’un groupe.

Cet album est un tournant pour vous. Vous le voyez comme un aboutissement de vos efforts précédents ? Ou est-ce un nouveau chapitre en train de s’écrire ?
Gwen (guitare) : Comme pour n’importe quel groupe, c’est évidemment un aboutissement énorme que d’accoucher d’un bébé comme un album ! C’est le fruit d’un travail de longue haleine qui passe par différentes phases… La recherche de riffs évidemment, trouver une cohérence entre les morceaux, essayer ensuite d’en présenter un ou deux en live histoire de tester la réaction du public… Tout ce processus pour sortir le dit album demande beaucoup d’efforts. C’est un tournant pour nous en ce sens que tout ce travail tend à nous faire évoluer vers un stade plus "pro". Il va falloir ensuite défendre cet album aussi bien devant le public que devant des labels ou autres structures qui pourront épauler ce projet… C’est un chapitre qui est en train de s’écrire, et qui on l’espère donnera l’occasion d’en écrire beaucoup d’autres.

Comment avez-vous procédé à l’écriture, et ce, jusqu’à l’enregistrement de "La Route Du Chaos" ?
Alex : La composition s’effectue souvent au préalable par des parties de guitares crées par Gwen et moi-même ou par des sections rythmiques proposées par Camille et Max. Nous essayons la plupart du temps de travailler ensemble lors des répétitions de façon à ce que chacun puisse participer à cette phase importante de composition. Une fois qu’un morceau commence à être bien structuré, Jimmy se charge des placements des voix et d’écrire les textes.



Votre album est disponible sur toutes les plateformes du net. Il se dit souvent qu’aujourd’hui la sortie d’un album n’est en fait que le trailer d’une tournée. Qu’en pensez-vous ?
Alex : Effectivement, nous avons eu le souhait de mettre cet album sur l’ensemble des plateformes du Net, de façon à ce que cet album nous ouvre le plus de portes possible et nous donne l’opportunité de jouer dans des évènements toujours plus importants.
Camille : Notre volonté, derrière cette distribution digitale, c’est également que tout le monde puisse écouter notre album de chez lui, dans les transports (avec nos téléphones très intelligents) ou le dimanche chez Mémé. On ne peut pas jouer partout en France, en Europe, dans le monde, nous n’avons aucun contrat de distribution, donc comment apporter cet album à l’oreille de qui voudrait bien l’entendre ? Cet album, on l’a fait pour que le plus grand nombre de personnes puisse y accéder, et Internet est un outil formidable pour cela ! Ce mode de distribution offre aussi l’avantage d’être facile à partager sur la toile. Derrière, on espère comme tu le dis très justement que les gens nous auront entendus avant qu’on soit en concert dans leur ville, et qu’ils auront envie de venir nous voir jouer, et que des bookers nous écoutent et pensent à nous lorsqu’ils organiseront un évènement ! Ce qui est sûr, c’est qu’on ne fait pas ça pour les quelques cacahuètes que nous reversent les plateformes en question ! La sortie d’un album est l’occasion de jalonner la progression d’un groupe, de laisser sa petite trace dans l’infinie œuvre humaine, mais c’est effectivement le seul support promotionnel qui ait réellement du sens artistiquement parlant !

La thématique des textes est très engagée, parfois nihiliste mais avec toujours une volonté de transcendance. Qu’est-ce qui t’anime Jimmy lorsque tu écris ?
Jim : Je n’ai pas du tout l’impression que la thématique de mes textes soit engagée. Enragé oui. Engagé non. En tout cas, il n’y a aucun engagement dans le sens politique du terme. Je refuse de me placer dans une approche moralisatrice ou de donneur de leçon. Chacun est libre de penser. On peut avoir l’impression que les textes sont parfois nihilistes, mais je ne dis pas que l’existence humaine n’a aucun sens, aucun but, aucune valeur, ou que rien n’existe… J’essaie justement d’exprimer toute la difficulté qu’on peut rencontrer dans la recherche de ces différents aspects. Après les paroles sont volontairement très imagées et symboliques dans l’intérêt justement que chacun puisse y apporter sa propre interprétation. Ce qui m’anime quand j’écris pour Dagara c’est le désir de mettre sur papier ces choses qui traînent dans ma tête trop longtemps et qui m’empêchent d’avancer sereinement. C’est très introspectif. "La Route Du Chaos" représente ce chemin vers soi-même. C’est la recherche d’un idéal. Plus précisément la recherche du sens que peut avoir sa propre liberté, personnelle, individuelle. En évitant, comme je disais, de tomber dans le schéma trop simpliste du messager qui apporte la bonne parole. S’il y avait un message à transmettre, ce serait surtout l’importance du libre-choix. Peu importe où mène notre chemin, l’important c’est de se rendre compte que nous avons toujours le choix. Que la liberté, c’est choisir. Et non pas comme on peut souvent l’entendre, l’absence de barrière ou de limite. C’est comme ça que ce conclut cet album. La plupart des textes évoquent cette complexité à avancer sur sa propre route. La thématique s’inscrit dans le thème assez vaste de l’existentialisme. Sur cette "Route Du Chaos", l’individu est perçu comme un être unique, maître de ses actes, de son destin, mais également de ses valeurs. Les sujets principaux abordés sont la recherche de sa liberté, la peur, la difficulté de se retrouver face à soi-même, le néant, l’aliénation de soi par soi-même… etc. Mais aussi la difficulté à trouver sa place par rapport à l’autre, sans qui se définir une identité est impossible. En somme tout ce que ce chemin induit comme conflits intérieurs. Après effectivement, la volonté de transcendance est souvent présente, avec une volonté récurrente d’aller de l’avant malgré tout. De trouver la délivrance après le chaos.

A titre personnel, je verrais bien Dagara inclure des passages carrément slam tant les textes sont bien ficelés, qu’en penses-tu ?
Jim : Pourquoi pas ! Ça pourrait être une idée à creuser sur certains morceaux du prochain album. On s’est déjà laissé aller à quelques très courts passages un peu rapés sur "La Route Du Chaos" qui, je trouve, rendent vraiment bien… Donc pourquoi ne pas approfondir cet aspect par la suite. D’ailleurs, j’aimais beaucoup un groupe qui s’appelait Le Noyau Dur dans ce style-là…

On m’a laissé entendre que tu n’écoutes pas de metal ?
Jim : Qui m’a balancé ? Je suis démasqué… J’en écoute très peu c’est vrai. Ma culture metal est vraiment très limitée, pour ne pas dire nulle. Je connais des noms de groupes bien sûr, mais après si tu me demandes le nom d’une chanson, le titre d’un album, ou si tu me poses la question de savoir qui interprète tel ou tel titre, je serais bien incapable de te répondre. Après évidemment que j’en écoute un peu… En fait, je me concentre surtout sur la scène française que je trouve très riche et je m’intéresse sinon aux groupes avec lesquels on joue. Je n’écoute pas plus de metal qu’autre chose on va dire, parce que j’adore la musique dans sa généralité, mais je ne me vois pas jouer un autre style. Car il n’y a que dans le metal que je retrouve cette puissance et cette énergie que je recherche. C’est d’ailleurs en assistant à des concerts de metal que je prends le plus de plaisir.

Quel moment préférez-vous, la composition, l’enregistrement, ou les concerts ?
Max (djembe / chant) : La composition, l’enregistrement, et les concerts sont trois exercices complètements différents mais étroitement liés. S’il fallait en choisir un en particulier, nous pourrions dire que nous préférons les concerts car c’est à ce moment-là que nous partageons avec le public et que nous pouvons pleinement exprimer notre musique. Au-delà de ça, la compo est un moment crucial. C’est là qu’à lieu toute la recherche de riffs et de rythmiques, que nous souhaitons efficaces et énergiques en vue de nos futurs concerts. Quant à l’enregistrement, il me semble que c’est la partie la plus compliquée à partir du moment où nous nous fixons comme impératif d’exprimer l’énergie qui nous caractérise et nous anime sur un support tel que le CD… Nous pensons y être parvenu sur "La Route Du Chaos".
Jim : Après, je pense que chacun dans le groupe à ses petites préférences sur ces trois aspects… Je sais, par exemple, que Camille affectionne tout particulièrement la phase de composition. Alors que pour ma part, les concerts surpassent le reste, ils sont la source principale de mon plaisir dans le groupe… contrairement aux enregistrements que je rebute beaucoup plus.
Camille (batterie) : Effectivement, la phase de création me passionne. Les textes parlent d’eux-mêmes, mais l’harmonie et le rythme sont aussi de formidables moyens d’expression ! La colère, la haine, le mal-être, la misère, tout peut s’exprimer avec un instrument (il paraitrait aussi qu’on peut raconter des trucs plus positifs, ce n’est pas notre sujet). La composition, c’est le moment où on donne une signification et un sens à tout ce travail qu’on fait pour que vive le groupe ! C’est également ce qui permet de nous identifier, c’est dedans que réside notre identité musicale !



Pour avoir assisté à plusieurs de vos concerts, à chaque fois c’est le feu ! Le public réagit très vivement. Je n’ose même pas imaginer en Russie. Des anecdotes ?
Max : Oui, comme tu dis, le public réagit très vivement à nos concerts et nous en sommes à chaque fois très touchés. Nous mettons un véritable point d’honneur à donner le maximum de nous-même sur scène, c’est cette générosité qui nous caractérise sans doute le plus d’ailleurs. Des anecdotes sur le public russe nous en avons énormément… Les deux tournées que nous avons eues là-bas furent à chaque fois remplies de moments particuliers et exceptionnels. Le public des pays de l’Est est passionné. A Kazan par exemple, il y avait des gens qui se jetaient d’un balcon à trois mètre de hauteur pour slammer… C’était fou. Dans d’autres villes, rien que sur les balances des pogos éclataient dans la foule. Des russes criaient même quelques bouts de refrain en français…
Gaël : Après, il y a les filles qui se retrouvent complètement à poil sur scène, comme à Donetsk il y a deux ans, ça fait toujours son petit effet !
Camille : En effet, combien de fois sommes-nous descendus de la scène, convaincus d’avoir interprété à merveille 45 minutes d’une bouillie sonore innommable, et d’entendre, arrivés à la tireuse à bière de nombreux compliments sur notre prestation ? Il se passe, pour moi, quelque chose de mystérieux entre la fosse et la scène, totalement invisible et insoupçonnable depuis le siège de la batterie. Je pense que le charme, l’énergie et le charisme de nos deux frontmen n’est pas étranger à cela ! Le choix de notre style musical non plus, on pourrait donc se permettre de jouer crade sans entraver l’efficacité de l’ensemble (peut-être notre héritage punk) !? Le public russe est effectivement redoutable, et quelle surprise d’être accueillis comme des rock-stars que nous ne sommes pas ! Poitrines dénudées attendant un coup de crayon, petits bouts de papier pathétiques n’en attendant pas moins, vomi sur un coin de table ou dans un cendrier, larmes à l’occasion d’une accolade, propositions de mariage, guet-apens à proximité des stocks d’eau de vie (et de poissons fermentés), et surtout réactivité d’un public toujours survolté, ouvert, généreux et souriant, jamais rencontré auparavant et très loin des clichés concernant le peuple russe et le public metal en général…

D’ailleurs, pourquoi la Russie ?
Jim : La Russie c’est tout simplement une opportunité qui est tombée au bon moment. Nous venions de sortir notre EP "La Règle Du Je", de changer de batteur avec le départ de Richard et l’arrivée de Camille, le groupe était dans une période un peu creuse… On a récupéré le contact d’Andrii notre tourneur là-bas. On lui a proposé notre groupe, il était partant, et trois mois après on se retrouvait sur les routes russes et ukrainiennes, et le groupe repartait de bon pied. Comme l’expérience s’est très bien passée, qu’on a gardé de bons contacts avec Andrii et le public, nous y sommes retournés récemment, et nous y retournerons probablement plus tard. Le public continue de nous suivre là-bas, donc autant en profiter.

De quelle manière allez-vous défendre votre album à présent ?
Camille : Comme on l’a dit un peu plus haut, cet album a été réfléchi live, puis enregistré… Il s’agit donc de le présenter sur scène à un maximum de personnes, en espérant qu’ils adhèreront à nos choix et à notre esthétique musicale, car c’est ainsi que notre musique prend son sens. De plus, comme évoqué précédemment, on aimerait aussi avoir l’aide d’un tiers (booker, manager, label, …), qui nous aiderait à accéder à certaines scènes (soutien à des têtes d’affiches "connues", festivals,…), à dénicher des opportunités et également à communiquer sur le groupe, ce qui, au vu de l’offre toujours croissante et foisonnante du metal français, devient complètement indispensable lorsqu’on a la volonté de sortir du pur underground. Nous ne savons pas faire cela ou le faisons mal et de façon maladroite, c’est un vrai métier qui ne s’improvise pas !

Déjà des idées pour le second album ?
Camille : Concrètement, non. Nous n’avons pas encore repris cet exercice passionnant qu’est la composition. En revanche, nous réfléchissons déjà aux grandes lignes de ce que sera notre prochain album avant de se remettre en phase de création! Nous pensons varier d’avantage les tempos et les ambiances, nous intéresser de plus prêt au monument de la mesure composée (ou asymétrique ?) et aux innombrables possibilités qu’offrent l’étude du rythme, de proposer également de la lourdeur et de l’atmosphère malsaine. On aimerait aussi s’impliquer plus dans la maîtrise technique de notre musique, tout en restant accessibles et à l’aise sur scène. Il s’agira en outre de travailler encore davantage sur le mariage entre percussions et metal, sur la création d’interludes vraiment tribaux et sur le dialogue entre les éléments qui vont par pair dans le groupe : les vocalistes, les guitares… En bref : apporter encore plus de relief et d’émotion, tout en gardant la ligne directrice de DAGARA : une violence intense et rapide, sans compromis ! Tout un programme, donc… Rendez-vous dans deux ans !

Un mot pour French Metal et ses lecteurs ?
Le groupe : Un grand merci à French Metal pour tout son boulot sur la scène metal française, qui a bien besoin de gens comme vous. Merci à toi Boris de nous avoir donné l’opportunité d’en dire un peu plus sur nous, pour la qualité de tes questions et l’intérêt que tu portes à notre projet. Et merci à vous, chers lecteurs, de nous avoir lu jusqu’au bout ! On espère vous rencontrer très vite !


Le site officiel : www.facebook.com/dagaraofficial