Interview faite par Aurélie P. Lawless à Paris.

Débarquée à Paris pour la sortie de "In The Red", Mia "Coldheart" est la frontwoman de Crucified Barbara. Guitariste et chanteuse à la fois lorsqu'elle est sur scène, Mia est également une femme aussi touchante que drôle. Forte de son expérience musicale et de son vécu personnel, la leadeuse du groupe nous laisse ici apprécier deux facettes de sa plaisante personnalité, entre maturité et blagues à tout va. Rencontre dans les sous-sols glauques du Black Dog.

"The Midnight Chase", ton album précédent, est sorti deux ans plus tôt. On peut dès lors dire que vous avez été plutôt efficaces en termes de rapidité de composition pour le nouvel album "In The Red" tu ne trouves pas ?

Mia Coldheart (chant / guitare) : On avait quelques idées restantes provenant de "The Midnight Chase", donc c'était un bon début ! Ensuite, on s'est nous-mêmes données une deadline assez courte pour sortir ce nouvel album. On a beaucoup tourné, mais plus on avançait dans les compositions du futur album, plus on voulait les jouer sur scène, c'est pourquoi on s'est empressé de mettre en boîte tout ça. On écrivait des chansons du lundi au vendredi et on les jouait tout le week-end ! En gros pour te dire, on avait fini de composer toutes les chansons en six mois !

Quelle est celle qui compose le plus dans le groupe ?
On compose toutes les chansons ensemble. Je dirai que même les riffs, même les partitions un peu "groove" de la basse ou les lignes de batterie, on tente vraiment de les construire ensemble. On a vraiment essayé de fonctionner de cette façon sur cet album. On écrit toutes les paroles aussi on tente toutes de participer et de mettre chacune nos idées dans les compos que l'on fait. Cependant, si je dois vraiment déterminer quelqu'un, je suis celle qui compose le plus les paroles, notamment pour "In The Red".

Aujourd'hui, on peut voir beaucoup de groupes suédois fleurir dans l'univers rock / metal comme Crashdïet, Hardcore Superstar, H.E.A.T.… Dirais-tu que c'est une sorte de "New Swedish Wave" ? A la manière dont il y en a eu une "British" plusieurs années auparavant ?
(rires) Bonne question ! Je ne sais pas trop en fait ! Je ne pense pas qu'on soit aussi populaires (rires) ! Tout est si différent d'un pays à l'autre en plus de ça. Même il y a quelques années quand on a commencé à jouer et qu'on a sorti notre premier album, les gens nous ont demandé "Il se passe quoi en Suède en ce moment ?" (rires) J'ai été la première surprise en voyant que même ici en France on avait un public très réceptif à notre musique et à la scène suédoise ! On regardait les magazines au passage, et à chaque fois qu'on voyait les noms sur les couvertures on se disait "Oh, ce sont nos amis ! Là aussi ! Et là aussi, là aussi..." (rires) Je ne m'attendais vraiment pas à ça ! Ce qu'on fait doit être bien alors .(rires)



"To Kill A Man" est votre premier single sur ce nouvel album, c'est bien ça ? Est-ce une sorte de "girl power song" ?
Hmmmm.... Non, c'est plutôt comme... C'est plutôt une chanson triste en fait. Je sais que le titre est un petit peu "provocateur" (rires) mais ça n'a vraiment pas de rapport avec le fait qu'on veuille vraiment tuer un homme hein ! Rien à voir ! (rires) Non en vérité, la source d'inspiration de cette chanson est une histoire vraie à propos d'un homme qui s'était engagé dans la lutte pour le féminisme, l'égalité des droits, contre les viols, les abus et au final, six ou sept ans plus tard, il est lui-même devenu un violeur, se dégotant des prostituées à tout va. Il avait deux visages. La journée il oeuvrait pour le droit des femmes, et à la nuit tombée il violait des femmes. Il a commis des crimes monstrueux. Nous avons commencé à écrire les paroles de cette chanson après avoir entendu un documentaire à la radio d'une fille qui s'était faite défigurée de partout avec un couteau par cet homme, on a écouté son histoire, comment il a brisé sa vie de jeune fille. C'est vraiment la source d'inspiration principale de cette chanson mais bien sûr ça peut aussi fonctionner en tant qu'avertissement par exemple. C'est devenu tellement courant maintenant de trouver un fait divers relatant le viol d'une femme, on a tendance à tout normaliser, et ce n'est pas bien, c'est vraiment triste. Je sais que certaines personnes ont réagi de manière très offensive en voyons le titre de cette chanson, on a eu des remarques du type "Comment vous le prendriez si on écrivait une chanson "To Kill a Woman" ?" tu vois... Et j'ai personnellement répondu que je serais très curieuse de voir à quoi pourraient bien ressembler les paroles de cette chanson si elle venait à voir le jour. Tu peux être en colère à propos du titre, c'est ton droit. Mais le jour où ce qui est dit dans notre chanson touche ta mère, ta sœur ou ta copine alors tu penseras forcément à vouloir du mal à l'individu qui a causé du tort à la personne qui t'est chère. C'est humain de ressentir de la colère. Nous aimons les hommes... Mais les bons ! (rires)

Quel est le message principal de "In The Red" ?
Hum... Je ne pense pas qu'il y ait un message prédominant mais on a fait très attention à écrire des choses qui ont du sens, au côté sombre mais aussi positif des paroles. On a voulu développer aussi cette idée qu'ont les gens de vouloir te faire ressembler à ce que l'on peut voir dans les magazines de mode et qui entraîne de nombreux déboires de la part de jeunes filles qui ont accès à ce type de revues : le suicide, la façon dont elles détruisent leur corps pour ressembler à un bout de papier glacé, se sentant mieux sur le moment, mais pire sur la durée. Maintenant, filles comme garçons, dès l'âge de 7 ans il faut être déjà branché, fashion, mettre du maquillage, porter les bonnes fringues, c'est complètement fou ! Ca me brise vraiment le cœur de voir tout ça. Pour le côté positif on a "Lunatic #1" qui parle du fait d'être dans une bande et que cela t'aide à toujours te surpasser et à donner le meilleur de toi-même car tu te sens soutenu.

Quelles raisons t'ont poussée à créer un groupe de rock'n'roll ? Est-ce ton rêve d'enfant ?
La première raison pour laquelle j'ai pris la guitare et commencé à jouer c'est... Hum... Comment dire... Parce que je voulais être Courtney Love, en fait (rires) ! Je me rappelle avoir commencé à apprendre ses partitions de guitare, je voulais savoir jouer comme elle (rires). C'était teeeeellement dur, je me souviendrai toujours de la douleur que c'était de commencer à jouer ! (rires) Mais tu sais, je pense que j'ai toujours eu cette petite voix à l'intérieur de moi qui me disait qu'un jour... J'avais 14 ans quand j'ai débuté et jusqu'à mes 25 ans je me disais "Je suis trop vieille pour commencer à jouer", même quand j'avais 14 ans je pensais ça ! C'était trop pour débuter car j'avais des amis qui eux ont commencé bien avant ! Mais pour ma défense, j'ai commencé à écouter du rock quand j'avais treize ans ! Et ça ne m'empêchait pas de penser que c'était trop tard, c'est fou ! (rires) Pourtant je me suis accrochée, j'ai continué à jouer et à écouter ma petite voix intérieure mais quelque chose me rabaissait sans cesse et je finissais toujours par me dire "Je ne suis pas assez douée". Heureusement, j'ai surpassé ça ! (rires)



La première chanson s'intitule "I Sell My Kids For Rock'N'Roll", est-ce une véritable revendication ? (rires)
Eh bien, vu que je n'ai pas d'enfants, je suppose qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter ! (rires) Sinon tu devrais appeler la police ! (rires) Non en vrai c'est une chanson plutôt ironique sur l'industrie de la musique et les préjudices qui en découlent. C'est difficile pour nous parce qu'on essaye de faire oublier que nous sommes des femmes mais forcément, les gens qui sont dans le business eux le savent et ne peuvent pas faire l'impasse dessus. Ils nous disent continuellement qu'il faut vendre plus d'albums, toujours plus, mais nous ce n'est pas ce qui nous intéresse, nous voulons nous concentrer sur notre musique ! Il y avait un mec assez connu, qui appartient à notre label qui était intéressé pour faire signer notre groupe mais qui s'est ravisé en se disant qu'on était de jeunes filles, qu'on allait se marier, tomber enceintes, et donc qu'on allait arrêter de jouer forcément. Et maintenant, quand on le recroise pour diverses raisons professionnelles, il dit "Oh non c'est bon, maintenant elles sont trop vieilles !" (rires) et moi je suis là à chaque fois "Quoi ? Mais je viens à peine de commencer mon groupe... !" (rires) Je ne veux pas créer de problème à qui que ce soit en disant ça évidemment, mais franchement des fois... Arrêtez les mecs, lâchez-nous deux secondes ! (rires)

Comment avez-vous trouvé vos surnoms ? C'est très 80's selon moi ! Je pense à Mötley Crüe, W.A.S.P....
(rires) Oui je sais, c'est très "Rose Tattoo" aussi ! (rires) Non mais c'est cool d'en avoir car c'est plus sympa quand t'es sur scène tout ça, ça fait partie d'un certain jeu ! On a essayé de choisir des surnoms qui reflètent nos personnalités. Un jour quelqu'un m'a dit que ça faisait très "Marvel" aussi car ça renvoyait quelque chose d'assez fort, à la manière Captain America ! (rires) Quant à moi, je ne me sens plus vraiment "Coldheart" désormais mais quand j'étais plus jeune et que j'ai commencé le groupe, la seule chose dont je me préoccupais c'était ma guitare et pour moi les relations sociales étaient tout sauf simples. En résumé ça faisait "Moi et ma guitare et le reste rien à foutre !" dans ma jeune tête ! (rires) Donc c'était un super nom au début !

Il n'y a pas de ballades sur cet album alors que la plupart des groupes ont besoin d'en faire une ne serait-ce que pour casser le rythme parfois effréné et calmer un peu le jeu, notamment sur scène. Mais vous n'avez pas l'air de penser la même chose, je me trompe ?
Je pense que sur scène c'est une bonne idée d'en incorporer une en effet ! (rires) Il y en a eu sur le précédent album et je pense que c'est bien de passer un peu à autre chose, on en a assez joué pour le moment. Je ne ressens pas vraiment de "manque" par rapport aux ballades, mais je ne suis pas contre l'idée d'en intégrer dans un album. Le truc c'est qu'il y a tellement de morceaux qu'on aimerait mettre... Et on ne peut pas ! Mais on a en gardé quelques une de côté qu'on devrait ne pas tarder à enregistrer en studio, peut-être pour préparer le futur album déjà !

L'interview touche à sa fin, je te laisse le dernier mot !
D'abord merci pour cette interview, c'est super d'être ici en France, on espère revenir vite grâce à la tournée et aussi que les gens vont apprécier ce nouvel album car on en est très fières !


Le site officiel : www.crucifiedbarbara.com